Fiche du document numéro 13909

Num
13909
Date
Vendredi 17 juin 1994
Amj
Auteur
Taille
84443
Titre
Paris reconnaît enfin le génocide
Page
16
Cote
no 15502
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
« GENOCIDE »… L'ampleur des pogroms perpétrés par les milices et l'armée gouvernementales rwandaises est telle que la tuerie ne peut plus être niée ou minimisée. Le ministre Alain Juppé utilise désormais ce terme, quitte à noyer les responsabilités du carnage, une façon de renvoyer dos à dos les deux camps qui s'affrontent : celui de la dictature ; celui de ses adversaires. A la limite, les victimes des massacres pourraient devenir suspectes d'avoir ambitionné de massacrer. Il suffit de brandir l'expression « extrémistes des deux côtés » pour brouiller les cartes et estomper les responsabilités.

Quitte, pour cela, à feindre une capacité d'amnésie supérieure à la moyenne. Mais quoi ! les citoyens français sont tellement tenus dans l'ignorance des réalités rwandaises. Un pays qu'ils ont d'ailleurs du mal à localiser géographiquement. Alors, même si les positions de Paris varient du jour au lendemain, il suffit aujourd'hui de parler fort pour faire oublier ce que l'on disait hier. Le sort du peuple rwandais importe peu en l'occurrence, ce qui compte c'est de sauver la face…

Fin avril dernier. Les massacres durent depuis plus de trois semaines. Le Conseil de sécurité de l'ONU entend son secrétaire général Boutros Boutros-Ghali sur les tueries au Rwanda. Neuf heures de délibérations qui se cristallisent sur l'adoption ou non du mot « génocide » pour qualifier la boucherie. La résolution finale rejette ce qualificatif, qui aurait impliqué une accusation de « crime contre l'humanité », au sens où cette notion avait été définie lors des procès de Nuremberg. Au premier rang des opposants, le représentant de la France, mandaté pour préserver l'image de marque d'une dictature défendue et armée par Paris.

A l'époque, on parlait de 200.000 morts. Combien aujourd'hui ? 500.000, peut-être plus… Le génocide ne peut plus être nié. Le gouvernement français en prend acte, mais ne remet pas en cause son veto qui en avait interdit la reconnaissance par le Conseil de sécurité. Ce qui, accessoirement, avait permis d'esquiver la question de la présence du « gouvernement intérimaire » rwandais autoproclamé dans cette instance internationale. Au fait, cette scandaleuse participation se poursuit encore actuellement. Jusqu'à quand ?

JEAN CHATAIN.

Haut

fgtquery v.1.9, 9 février 2024