Fiche du document numéro 13723

Num
13723
Date
Jeudi 2 juin 1994
Amj
Taille
110277
Titre
Témoignages sur l'attitude française
Page
13
Nom cité
Cote
no 15489
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
PIERRE GALIGNER, militant d'une organisation non gouvernementale, vivait au Rwanda depuis trois ans quand ont débuté les massacres le 7 avril dernier. De Butare, il était venu à Kigali passer quelques jours avec son amie tutsie. La maison dans laquelle il habitait a été encerclée par des milices gouvernementales. « Je suis allé chercher des militaires de l'ONU. Quand nous sommes revenus, les miliciens étaient sur le point de pénétrer dans le jardin pour tuer mon amie », raconte-t-il. Le couple prend la direction de l'hôtel Méridien le dimanche 10 avril. Pierre constate que « des toilettes sont réservées aux Blancs, d'autres aux Rwandais. Il y avait un climat raciste ».

A l'hôtel, on le convie à une réunion de Français et on lui demande d'inscrire son nom sur une liste. Il s'exécute. « Quand j'ai demandé à partir avec mon amie, ils ont refusé de l'inscrire. Je leur ai dit : si elle ne part pas, barrez mon nom. C'est ce qu'ils ont aussitôt fait. » Le convoi part sans eux. Ils n'auront pas plus de chance avec le convoi suivant : celui de personnels de l'ONU. « Pourtant, précise Pierre, le lieutenant belge qui nous avait sauvés nous a dit de partir. Mais le représentant de la Caisse de développement et de coopération française a refusé prétextant que la présence de mon amie tutsie mettait en danger tout le convoi. »

Ils passent une nuit supplémentaire sous les bombardements et, le lundi 11 avril, tous les départs sont annulés car un convoi vient de se faire attaquer. Le soir même, Pierre est devant sa télé. Il regarde les informations d'une chaîne française captée au Rwanda. Le présentateur du journal dit : «« Il n'y a pas de problèmes. Tous les Français ont été rapatriés » »

Pierre détaille la suite : « Par hasard, le mardi, l'ONU organise un départ avec des militaires belges. Nous partons avec eux. Mon amie est cachée sous des couvertures. A l'aéroport, un avion hollandais nous emmène à Nairobi, où le consul nous donne les billets pour retourner en France. »

Autre témoignage, celui d'une Rwandaise prénommée Yvonne. « En février 1993, je rentrais chez moi à la campagne à 15 kilomètres de Kigali. A l'époque, dans la capitale rwandaise, les drapeaux rwandais et français flottaient ensemble sur les mâts. Des militaires français ont dressé un barrage sur la route et nous arrêtent. Ils nous demandent nos cartes d'identité », relate-t-elle. « Pourquoi des Français s'occupent-ils de cela ? » demande Yvonne. Un militaire lui répond : « On nous l'a demandé pour voir votre ethnie et votre région d'origine. Comme ça, on peut voir qui est l'ennemi. »

Propos recueillis par CHRISTOPHE DEROUBAIX.

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