Fiche du document numéro 13712

Num
13712
Date
Mercredi 1er juin 1994
Amj
Auteur
Taille
112626
Titre
Que veut le Front patriotique rwandais ?
Soustitre
Le FPR avait rendu public son projet politique en 1992 qui vise à réaliser l'unité nationale et la création d'une démocratie.
Page
13
Cote
no 15488
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
De notre envoyé spécial au Rwanda.

« C'EST une lutte entre les forces démocratiques et la dictature. » Pour Théogène Rudasingwa, secrétaire général du Front patriotique rwandais (FPR), les massacres du Rwanda ne peuvent être décrits en termes ethniques. « La guerre actuelle a éclaté au moment où l'ancien régime s'est vu menacé par une nouvelle alliance entre Tutsis et Hutus, qui formaient en commun des partis d'opposition », vient-il d'affirmer, en assurant que, « par bonheur, nous ne sommes plus une organisation uniquement tutsie. Nous sommes la seule force capable d'arrêter les massacres et cela, les Hutus qui sont des victimes exactement comme les Tutsis le savent aussi ».

Ces déclarations s'inspirent du programme du FPR, adopté en 1992. L'objectif annoncé est d'en finir avec le régime d'apartheid à la fois ethnique et géographique instauré par la dictature. Le double axe - créer les conditions de l'unité nationale et celles d'une véritable démocratie - est toujours valable aujourd'hui.

Le FPR fixe comme préalable à l'émergence d'un régime républicain le rejet de la corruption qui gangrène le système autocratique né du coup d'Etat de 1973 et lui donne sa « cohérence », celle d'un parasitisme institutionnalisé. La corruption de l'équipe au pouvoir explique aussi la dégradation d'une économie modelée selon les critères exclusifs du commerce international, aussi bien à l'importation qu'à l'exportation. Se fixant comme objectif, à terme, « de construire une économie autosuffisante », le FPR pose le principe d'une réforme foncière, condition et moyen d'une politique de développement rural (90% de la population rwandaise vivent de l'agriculture).

« L'administration belge nous a légué un pays déchiré par les dissensions intestines. A l'accession du pays à l'indépendance, les autorités de la première république ne se sont guère souciées de l'unité nationale mais ont plutôt développé les dissensions. (…) La politique d'équilibre régional et ethnique, pilier de la deuxième république, a favorisé l'émergence de rivalités interrégionales qui se sont ajoutées aux rivalités interethniques. »

A l'opposition entretenue entre les Hutus et la minorité tutsie, est venue s'ajouter une opposition entre le Nord, fief du gang gouvernemental mis en place par Habyarimana, et les autres régions du pays. Un exemple de « la systématisation de cette division » : les références d'origine ethnique et régionale que doivent comporter les documents administratifs de chaque Rwandais.

Cette obligation a du même coup créé les conditions du génocide en cours. Les milices gouvernementales n'ont qu'à s'adresser aux préfets et bourgmestres pour se faire remettre les listes exhaustives des familles tutsies. Le crime contre l'humanité n'a pu atteindre cette ampleur que dans la mesure où les pouvoirs publics eux-mêmes en avaient préparé le terrain.

Mettant l'accent sur l'unité de langue et de culture du peuple rwandais dans toutes ses composantes, le programme FPR appelle « à restaurer et à consolider l'unité du peuple rwandais ».

Passé d'un pouvoir féodal à l'oppression coloniale, puis au système raciste qui caractérise l'actuelle dictature, le Rwanda n'a jamais connu de démocratie. Parti unique jusqu'à la signature des accords d'Arusha, le MRND a pratiqué un embrigadement du peuple. Lorsque son pouvoir absolu lui a semblé être remis en cause, il a préparé l'extermination de ses adversaires politiques hutus et le génocide de la minorité tutsie. Sans doute comptait-il aussi alors sur ses soutiens internationaux (le gouvernement français, principalement) qui lui avaient déjà sauvé la mise en 1990 et en 1992.

« Il n'y a de véritable démocratie que lorsque le peuple peut élire lui-même ses représentants et les destituer chaque fois qu'il le juge nécessaire. Un pouvoir démocratique doit permettre à la population la libre participation à la gestion de la chose publique et lui donner la faculté d'influer sur le destin du pays. Il doit coller au respect des libertés individuelles et des droits de l'homme », propose le FPR.

JEAN CHATAIN

Haut

fgtquery v.1.9, 9 février 2024