Fiche du document numéro 13515

Num
13515
Date
Dimanche 15 mai 1994
Amj
Hms
18:48:00
Taille
15970
Titre
Tuerie - "Ils les ont brulé vifs" dit un témoin
Cote
reutfr0020011106dq5f00z0q
Source
Fonds d'archives
Type
Dépêche d'agence
Langue
FR
Citation
BUTARE (RWANDA), 15 mai, Reuter - Claude Sonier serre son fils aîné
contre lui et parvient difficilement à réprimer un frisson d'horreur
lorsqu'il raconte qu'il a vu des hommes, des femmes et des enfants
jetés vivants dans une fosse remplie de pneus enflammés, dans la cité
de la mort
, au sud du Rwanda.

Membre de l'ethnie tutsie, la belle-mère de cet homme d'affaires suisse
fait partie des victimes du massacre tribal.

Il y a trois semaines, Butare était calme, raconte-t-il à Reuter,
près de la frontière entre le Rwanda et le Burundi.

Il n'y avait pas de problèmes entre Hutus et Tutsis, principalement
parce que les Tutsis représentaient un minorité de 30 à 50% suivant les
endroits. On avait un bon préfet - un colonel-, et un maire qui voulait
maintenir la paix malgré tout ce qui se passait ailleurs. Butare était
aussi un ville universitaire et la capitale du vieil empire (...),

explique Claude Sonier.

Et soudain, un jour, ils ont remplacé le préfet, un Tutsi, par un Hutu
du Nord. Le même jour, nous avons vu des avions atterrir et on a vite
découvert que l'abominable garde présidentielle était arrivée.


Claude Sonier ferme les yeux, réprime un sanglot et raconte: C'est au
cours de la même nuit que le massacre a commencé. Ils ont creusé des
fosses et les ont remplies de pneus enflammés. Et ils ont jeté des tas
de gens dedans. Ils étaient encore vivants quand ils les ont poussés
dans les fosses
.

Ce n'était pas seulement Hutus contre Tutsis. C'est devenu un conflit
entre voisins. S'il y avait une querelle sur la possession d'une terre
ou quelque jalousie, les gens se dénonçaient mutuellement
explique
Claude Sonier.

Après deux jours (...), il a beaucoup plu, ça a éteint les pneus. Les
corps sont alors restés là, gisant sur les pneus.


Nous avons vu de nombreux hélicoptères survoler le coin mais on ne
savait pas de qui il s'agissait. Le maire est venu dire aux gens:'Nous
devons enterrer (les corps) parce que la presse se sert des
hélicoptères pour chercher des massacres.


Alors on a tout nettoyé, poursuit Claude Sonier. On les a tous
enterré dans les collines mais comme il a recommencé à pleuvoir, les
corps ont été déterrés et on pouvait les voir.


C'est calme maintenant à Butare, parce que 40% de la population a été
tuée et que les Hutus fuient le FPR (Front patriotique Rwandais,
majoritairement tutsi). Dans mon quartier, la banlieue de Butare, il y
avait environ 1.000 Tutsis. Aujourd'hui, il n'en reste qu'un
quarantaine. Tous les autres sont morts. Butare est un ville morte

conclut Claude Sonier, évacué vers le Burundi avec sa femme et ses
trois enfants.

Interrogé sur l'identité des responsables du massacre, Claude explique
qu'ils s'agissait de soldats et de miliciens de la Coalition pour la
défense de la République (CDR) aidés par des habitants de Butare.

Tout en berçant leur petite fille, sa femme lance :Hutus et Tutsis ne
pourront plus jamais vivre ensemble. Il faut diviser le pays.
/CIC

(c) Reuters Limited 1994

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