Fiche du document numéro 103

Num
103
Date
Jeudi 26 mai 1994
Amj
Auteur
Taille
395652
Titre
Audition de Jean Birara
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Fonds d'archives
VdM
Type
Audition judiciaire
Langue
FR
Citation
PV n° 734

En_cause :
-X

Du_chef de :
- assassinats

Objet :
- audition Birara Jean

Suite au dossier n° 02. 02545
N94 C8 - apostille dd
18.05.94 de Monsieur
l'auditeur Militaire
à Bruxelles

Ver Elst-Reul

Ce jourd'hui . vingt-six mai mil neuf cent
nonante-quatre à 1000 heures

Nous soussigné(s) Artiges Guy, adjudant - OPJ
de gendarmerie.

en résidence à Bruxelles - Aud.Mil.
en tenue civile, (1

rapportons avoir rencontré et entendu, au n° 103 Bd

à Bruxelles, aux date et heures du présent. :

Birara Jean

né à Mutura - Gisenyi le 21.07.37
dlié à Rubavu ( Gisenyi ) Rmanda

Président de la société Rwandex à Kigali
et ancien Président de la Banque Nationale
du Rwanda durant 21 ans.

qui nous déclare :
"Je désire m'exprimer en français.

Je vous remets 3 feuillets qui comportent tout ce que
j'ai à dire sur les affaires Rwandaises.
(après lecture, persiste et signe dans notre carnet de
renseignements)


Renseignements

- Monsieur Birara nous a signalé que le renvoi au bas
du 3ème feuillet n'est pas correct; Il avait été à tort
informé de la mort des casques bleus Ghanéens

- Mr Birara nous précise qu'il a vu en compagnie de 6
personnes, le 20.02.94 la liste des personnes qui devaient
être massacrées. Le Général Nsabimena qu'il nous présente
conne un "modéré" est parvenu à faire posposer trois
fois le début des massacres mais il s'agissait d'un dés...
Présidentiel. C'était le Président Habyarimana qui
devait donner le signal.

- Mr Birara nous a expliqué que le Président Habyarimana était originaire
de l'Ouganda et que son clan n'était pas très puissant au Rwanda. Par
contre celui de sa femme l'est et c'est ainsi que les véritables
dirigeants du Rwanda sont les cousins de l'épouse, Agathe. IL s'agit

- Protée Zigiranyirazo ( appelé Mr "Z")

- Séraphin Rwabukumba

- Elie Sagatwa



- Séraphin Rwabukumba est l'home qui tient toutes les finances du Rwanda
dans ses mains et qui dispose de toutes les signatures.

- Elie Sagatwa est le secrétaire particulier dù Président et chef de
la sécurité.

- nous apprenons aussi que le capitaine Simbikangwa ( infirne ) est
le chef des Escadrons de la mort...

Renseignements complémentaires

- de plusieurs sources sérieuses, nous apprenons que Mr Birara est
un homme sérieux, honnête et correct, avec qui il faudra conpter dans
l'avenir au Rwanda. Il faut noter aussi que dans le livre de
Shyirambere J. Barahinyura "Habyariauna & 15 ans de tyranie ot de
tartuferie au Rwanda" nous relevons que Mr Birara avait déjà accusé
trois officiers de Kigali de corruption et de vol des biens de l'Etat

Il s'agissait de : (cela se passe en 1980 )

- colonel BUREGEYA
- colonel SERUBUGA
- major RWAGAFILITA

- selon la déclaration de Mr Birara, ces trois mênes personnes font
partie du conplot dirigé contre le chef de l'Etat, sous la direction
du colonel Bagosora qui lui est à la fois apparenté au Président et
à son épouse ( cousin des deux ).

Dont acte,

I

A la fin du mois de mars (30 ou 31), le Président MOBUTU a téléphoné
à la résidence de HABYALIMANA absent ; il a parlé avec Agathe H. et
lui a dit qu'un attentat se préparait et serait perpétré au retour du
Président HABYALIMANA de Dar-Es-Salaam.

De même, le service des renseignements militaires du BURUNDI qui
avait beaucoup de correspondants au camp de Kanombe, a demandé au
Président du BURUNDI de se garder de voyager avec HABYALIMANA parce
que à la première occasion au début d'avril, il y aurait un attentat
contre lui.

La femme de HABYALIMANA en aurait parlé à SAGATWA Elie, le colonel
chargé de la sécurité du Président et cousin d'Agathe H., que
celle-ci voulait voir remplacer HABYALIMANA. Mais SAGATWA,
sollicité, aurait refusé, sans pourtant parler à son chef (le
Président). Tout ceci, Agathe H. l'a téléphoné à Mitterrand quand ce
dernier a téléphoné vers 21 h 30, le 6 avril, pour présenter ses
condoléances.

II

A l'origine du coup d'état se trouvent:

1) le colonel SERUBUGA Laurent, ancien chef d'état-major, mis à la
retraite contre son gré, et sans le grade de général qu'il
réclamait.

2) le colonel BUREGEYA, ancien Secrétaire Général à la Présidence
(auparavant chef de la SÛRETÉ), qui, avant sa mise à la retraite,
était directeur de l'École Militaire ; il n'a pas eu non plus le
grade de général qu'il exigeait.

3) le colonel RWAGAFILITA, ancien Chef d'État Major de la
Gendarmerie, mis à la retraite sans le grade de général convoité.

Les deux premiers sont de la région du Président (le Bushiru) ; le
second (BUREGEYA) est cousin d'Agathe H. Ils se sont estimés trahis
et humiliés. Les deux derniers endettés, étaient tombés dans le
dénuement.

III


Les accords d'ARUSHA prévoyaient la fusion des deux armées ; donc le départ
d'un grand nombre de soldats de l'armée gouvernementale (surtout
originaires de la région du Président). Par ailleurs, des officiers
nordiques, surtout de Gisenyi, voyaient, impuissants, la
réintégration dans l'armée, des officiers d'autres régions qu'ils
avaient fait chasser injustement de l'Armée. Ceux-ci sortis tous de
l'E.R.M. (Bruxelles), allaient rester en service dans l'Armée
fusionnée, alors que leurs adversaires rentreraient chez eux. Parmi
ces officiers du Nord, se trouvait le colonel BAGOSORA, cousin à la
fois de HABYALIMANA et d'Agathe H.

Enfin, vient la belle-famille du Président. Avec les accords
d'ARUSHA la réduction drastique des pouvoirs de HABYALIMANA
signifiait pour elle, la perte de la source des richesses, honneur
et protection contre leurs crimes et délits. C'est elle, en
complicité avec Agathe HABYALIMANA qui prit la décision en Octobre
1992, de réunir les officiers mécontents et imposa le principe
d'écarter HABYALIMANA du pouvoir pendant 12 mois ou 2 ans et le
remplacer par un membre de la famille qui céderait de nouveau la
place à HABYALIMANA après la liquidation de l'opposition suivie de la
victoire militaire empêchée, prétendaient-ils, par les TUTSIS de
l'intérieur et leurs complices hutus (opposants). Des listes furent
dressées, on en connaît surtout pour Kigali, avec l'approbation du
Président. De 60 personnes au début, la liste s'allongeait à 1.500
personnes le 20/02/1994. A trois reprises, les massacres furent
annulés ou reportés à cause de l'opposition de NSABIMANA Chef d'État
Major qui m'en a parlé le 20/02/1994 et montré la liste définitive.

L'exécution confiée aux chefs de milices (donc l'armée ne devait pas
être mêlée à ça), devait commencer le 23 mars à minuit et se
terminer le dimanche 27 mars à 6 heures du matin ; l'ordre ne fut pas
donné par le Président qui recevait des délégations étrangères
jusqu'à 1 h 30 du matin (24/03/1994). Tout fut postposé.

IV

En tout état de cause, avec le report des massacres, le Président
semblait décidé à appliquer cette fois-ci, les Accords d'ARUSHA ;
convaincu définitivement par le ministre DELCROIX.

Le 4/04/1994, le
lundi de Pâques, le colonel RUSATIRA, Secrétaire au Ministère de la
Défense pendant 15 ans, puis Directeur de l'École des Officiers, en
remplacement de BUREGEYA, est venu chez moi à midi. Il m'a dit que
le Président venait de charger son chef de cabinet, RUHIGIRA Enoch,
de tout préparer pour la prestation de serment des députés et du
gouvernement, à son retour d'ARUSHA. La belle-famille et les
officiers mis au courant firent revenir BAGOSORA qui était en
vacances à Gisenyi ; il rejoignit Kigali le 5/04/1994 au
soir. C'est lui qui a pris la décision d'abattre
l'avion du Président et de rappeler SERUBUGA, BUREGEYA, et
RWAGAFILITA (les trois officiers mécontents).

V


Les tirs sont venus du camp de Kanombe (près de la résidence du
Président et de l'aéroport) ; après la chute de l'avion, du même
camp, on a tiré sur la résidence du Président pour être sûr que les
soldats de la garde qui s'y trouvaient (en général: 200 soldats avec
3 autos blindés) n'allaient pas contre attaquer. (La Garde
Présidentielle comprend 1~200 soldats ; pendant la guerre, 200
gardaient la Résidence).

1) Après la mort du Président, Agathe H. a donné personnellement
(aidée des deux soeurs du Président qui sont religieuses) l'ordre
d'exécuter:

- NDASINGWA Landward, un tutsi ministre du Travail.

- RUCOGOSA, ministre de l'Information.

- KAVARUGANDA, président de la Cour Suprême.

- UWILINGIYIMANA Agathe, Premier ministre.

Les soldats qui arrivaient chez UWILINGIYIMANA Agathe ont
téléphoné à Madame HABYALIMANA pour demander des instructions ; il
leur a été répondu de forcer les domestiques de la Première
Ministre à la violer, puis la massacrer. ``Et les
Casques Bleus belges ? '', ont demandé les soldats rwandais.

Réponse: ``S'ils ont tout vu, il faut donc les supprimer
discrètement !... D'ailleurs, c'est la Belgique qui a assassiné mon
mari''.

2) Agathe HABYALIMANA et ses belles-soeurs ont été loin, parce
que chaque fois qu'on annonçait l'exécution d'un opposant, elles
s'exclamaient de joie et buvaient du champagne et de la bière
St-Pauli. C'est alors que l'Archevêque (Vincent NSENGIYUMVA) de
Kigali a décidé de dire la Messe recommandant qu'on devait
pardonner à tout le monde, parce qu'Agathe H. venait de réclamer
le massacre de TOUS les Tutsis.


3) Alors le petit groupe a exigé la proclamation du docteur
BARARENGANA, frère puîné du Président comme nouveau Chef d'État.
Les soldats qui l'entendaient ont averti BAGOSORA. Un petit comité
décida d'aller forcer SINDIKUBWABO qui se trouvait à Butare, à
prendre la tête du gouvernement et nommer KAMBANDA Premier
Ministre. Le cortège qui revint de Butare avait à sa tête
SINDIKUBWABO (dans la voiture du Chef de l'État) suivi de
BAGOSORA, suivi de MUSABE, frère de BAGOSORA et directeur de la
B.A.C.A.R, suivi de HIGANIRO, directeur de l'usine d'allumettes et
gendre du médecin du Président, et de Gardes Présidentiels ; des
soldats du F.P.R tirèrent sur HIGANIRO sans l'atteindre, ni
insister. BARARENGANA fut écarté sous prétexte de le protéger --
on l'emmena à Gitarama.

Les soldats de la Garde Présidentielle non originaires du Bushiru
-- région du Président -- se rangèrent du côté du nouveau Président ;
les autres étaient désemparés et commencèrent à pilonner le camp
militaire de la ville qu'on suspectait de vouloir appuyer ARUSHA ;
c'est le vendredi soir que tous acceptaient en grognant de
combattre le F.P.R.

Entre temps, Marie-Rose, la seconde fille de HABYALIMANA téléphona
de l'étranger réclamant l'exécution des ``maîtresses tutsis'' de
ZIGIRANYIRAZO (frère d'Agathe H.) ; sa mère ajouta qu'il fallait
massacrer les prêtres et les religieuses parce que tous F.P.R. ou
tutsis.

Maintenant, malgré la défaite militaire en vue, on demande au
``C.N.D.'' -- le Conseil National du Développement --, d'élire un
vrai Chef d'État à la place de SINDIKUBWABO. On doit choisir
entre NZIRORERA et NGIRABATWARE.

(1) Les Casques Bleus Ghanéens gardant NDASINGWA Landward ont été
tués aussi.

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024