Fiche du document numéro 10157

Num
10157
Date
Mardi 19 mai 1998
Amj
Auteur
Taille
56948
Titre
Audition du général Quesnot, chef d’état-major particulier du Président de la République (avril 1991-septembre 1995)
Nom cité
Source
MIP
Fonds d'archives
MIP
Extrait de
MIP, Auditions
Type
Audition
Langue
FR
Citation
Audition du Général Christian QUESNOT
Chef d’Etat-major particulier du Président de la République
(avril 1991-septembre 1995)
(séance du 19 mai 1998)
Présidence de M. Paul Quilès, Président
Le Président Paul Quilès a accueilli le Général Christian Quesnot,
chef de l’état-major particulier de la présidence de la République d’avril 1991
à septembre 1995. Il a souligné que son témoignage revêtait, pour les
travaux de la mission, une importance toute particulière, le Général Christian
Quesnot ayant eu directement à connaître des trois opérations qui faisaient
l’objet des investigations qu’elle avait entreprises : l’opération Noroît,
l’opération Amaryllis et l’opération Turquoise.
Après avoir remercié le Président Paul Quilès d’avoir accédé à sa
demande d’être entendu en séance publique, le Général Christian Quesnot
a souhaité aborder deux points : le rôle de l’état-major particulier du
Président de la République et les mécanismes de l’élaboration et de la prise
de décision dans les crises africaines entre 1991 et 1995, mis en œ uvre, entre
autres, pour le Rwanda.
Le Général Christian Quesnot a tout d’abord indiqué qu’outre une
fonction spécifique dans le domaine des forces nucléaires, le chef de
l’état-major particulier (EMP) avait essentiellement un rôle de liaison et de
relais entre le Président de la République, chef des Armées, le ministre de la
Défense et son cabinet, le chef d’état-major des Armées et le secrétaire
général de la Défense nationale.
Il est assisté d’un état-major de trois officiers, un par armée, qui,
outre le suivi des domaines intéressant leur armée respective, ont des
attributions particulières confiées par le chef de l’état-major particulier. Par
exemple, de mai 1991 à mai 1993, le Général Jean-Pierre Huchon, outre
l’Armée de terre, suivait les dossiers africains, le budget des Armées, la
préparation des projets de loi de programmation militaire et la préparation
des conseils de Défense.
Le seul responsable devant le Président de la République, chef des
Armées, est le chef de l’état-major particulier. Le Général Christian Quesnot
a déclaré qu’à ce titre il assumait tout naturellement et totalement ce qu’avait
fait ou n’avait pas fait le Général Jean-Pierre Huchon sous son autorité

directe de mai 1991 à mai 1993, dans le suivi des dossiers rwandais, puis ce
qu’avait fait ou n’avait pas fait le Colonel Bentegeat, son successeur à ses
côtés jusqu’en septembre 1995.
Il a indiqué que l’état-major particulier, du fait de ses attributions et
de ses effectifs, n’avait ni l’autorité ni les moyens de gérer en direct une crise
quelconque, et a déclaré qu’il n’avait jamais eu une telle intention et que,
l’eût-il eu, cela n’aurait pas duré très longtemps. Il a rappelé que M. Pierre
Joxe, Ministre de la Défense de mai 1991 à mai 1993, n’était pas le genre
d’homme d’Etat à se laisser dépouiller de ses attributions, pas plus que
l’Amiral Lanxade, chef d’état-major des Armées, de 1991 à septembre 1995,
qui avait légitimement et parfaitement contrôlé son état-major et les forces
engagées sur les théâtres extérieurs. A partir de mai 1993, le Gouvernement
était sous la direction de M. Edouard Balladur.
Le Général Christian Quesnot a ensuite présenté les mécanismes de
l’élaboration des décisions dans les crises africaines, appliqués notamment au
Rwanda.
Le lundi après-midi se tenait une réunion, généralement en cellule de
crise, au Quai d’Orsay, coprésidée par le directeur du cabinet du ministre et
le secrétaire général du ministère des Affaires étrangères. Y participaient :
pour la Présidence de la République, le chef de l’état-major particulier ou son
adjoint et le chef de la cellule africaine ; pour Matignon, le conseiller
diplomatique et le chef du cabinet militaire ; pour la Défense, le directeur de
cabinet du ministre ou son représentant, le chef du cabinet militaire ou son
adjoint, le chef d’état-major des Armées ou son sous-chef des opérations ;
pour la Coopération, le directeur de cabinet et le chef de la mission militaire
de coopération.
Après un point de situation couvrant tous les aspects internationaux,
diplomatiques, militaires et humanitaires, et un tour de table où chacun
donnait des explications complémentaires et exprimait sa position, une série
de propositions couvrant les divers aspects de la situation étaient arrêtées
pour être soumises aux ministres concernés.
Le mardi, dans l’après-midi, se tenait à Matignon un comité restreint
présidé par le Premier ministre, auquel participaient : pour la Présidence de la
République, le secrétaire général, le chef de l’EMP et le chef de la cellule
africaine ; pour Matignon, le directeur de cabinet, le conseiller diplomatique,
le chef de cabinet militaire ainsi que le secrétaire général de la Défense
nationale ; pour les Affaires étrangères, le ministre et le secrétaire général ;
pour la Coopération, le ministre. Après un tour de table, le Premier Ministre

arrêtait la position du Gouvernement et les points qu’il souhaitait voir
aborder lors du conseil restreint du lendemain.
Ce conseil se tenait à l’Elysée le mercredi, en fin de matinée, après
le conseil des ministres, il était présidé par le Président de la République.
Assistaient les participants du comité restreint de la veille, plus le secrétaire
général du Gouvernement. A l’issue de ce conseil, le Président, après s’être
informé auprès des ministres et leur avoir posé un certain nombre de
questions ainsi qu’au chef d’état-major des Armées, et après avoir recueilli in
fine l’avis et l’accord du Premier ministre, arrêtait les mesures à mettre en
œ uvre par les différents ministres et le chef d’état-major des Armées.
Le Général Christian Quesnot a précisé que la crise du Rwanda
n’avait pas fait l’objet d’un traitement différent des autres crises africaines et
que, si elle avait été gérée discrètement, elle n’avait pas pour autant été gérée
secrètement. Les principes de politique africaine retenus par le Président de
la République ont été appliqués à la crise rwandaise, dans la continuité de la
politique menée par tous les présidents de la Vème République, visant à
assurer le développement et la sécurité à l’intérieur des pays d’Afrique. Il a
estimé qu’il n’y avait pas de possibilité de développement, et il n’y en a
toujours pas, sans sécurité.
Dans ce domaine de la sécurité, il a été fait appel aux forces armées
dans un cadre strictement défini. Il s’agissait d’une stratégie indirecte qui
excluait l’engagement direct des troupes, mais qui apportait une assistance à
l’armée d’un Gouvernement légal et légitime, avec la formation des cadres
officiers et sous-officiers, et l’octroi d’une aide en équipement. Cette
assistance aux forces armées rwandaises n’avait pour but que de gagner du
temps afin de permettre l’élaboration d’une solution politique qui, dans le cas
du Rwanda, était le partage du pouvoir entre le Front patriotique
révolutionnaire (FPR) et le Gouvernement de M. Habyarimana.
L’évolution du volume de troupes sur le terrain était variable en
fonction de l’appréciation faite par le ministère de la Défense et le ministère
des Affaires étrangères des risques que courait la communauté française sur
place, d’une part, et des signaux politiques qui pouvaient être lancés en
direction du FPR, d’autre part.
Le Président Paul Quilès a d’abord interrogé le Général Christian
Quesnot sur les accords d’Arusha. Il a rappelé que le volet militaire de ces
accords était un des aspects les plus délicats des négociations, puisqu’il
s’agissait d’intégrer des forces du FPR dans les Forces armées rwandaises
(FAR) et de les fusionner sous commandement unique à un niveau assez
élevé par rapport à ce qui semblait pouvoir être accepté par le Gouvernement

rwandais. Il y avait aussi le problème de la démobilisation d’une partie
importante des effectifs, et de leur indemnisation. Il a voulu savoir si, dans
ces conditions, la France avait apporté suffisamment d’attention à cet aspect
des accords, qui apparaît aujourd’hui comme une de leurs faiblesses
majeures.
La deuxième question du Président Paul Quilès a porté sur l’activité
d’assistance militaire technique dont il a estimé qu’elle pouvait présenter
parfois des ambiguïtés lorsqu’elle s’exerce auprès d’unités en opération : des
règles avaient-elles été fixées pour dissiper les ambiguïtés ou au moins les
risques d’ambiguïté concernant la distinction entre assistance technique et
participation à des combats ?
Le Président Paul Quilès a également souhaité connaître le
sentiment du Général Christian Quesnot sur la qualité de la coordination
entre l’activité de renseignement d’origine militaire et celle des diplomates
sur le terrain, demandant si les décideurs politiques avaient été informés de
manière satisfaisante sur la réalité de la situation rwandaise entre 1991 et
1994.
Il a enfin abordé le problème crucial de l’attentat contre l’avion des
deux présidents, le 6 avril 1994, rappelant que la mission d’information avait
engagé plusieurs recherches sur le sujet. Il a demandé au Général Christian
Quesnot pourquoi il n’y avait pas eu d’enquête sur cet attentat qui avait
coûté la vie à plusieurs ressortissants français, indépendamment de toutes les
conséquences tragiques qu’il avait pu avoir par ailleurs.
S’agissant du volet militaire des accords d’Arusha, le Général
Christian Quesnot a estimé que ces accords faisaient une part assez
exorbitante au FPR, en lui attribuant 50 % des postes d’officiers et 40 % de
la troupe, pour une armée qui devait être ramenée à environ 15 000 hommes.
Quand on connaît l’état d’esprit et la mentalité des militaires, à la fois des
FAR et du FPR, on pouvait penser que ce serait extrêmement difficile à
mettre en œ uvre, sinon impossible. De très fortes pressions avaient été
exercées sur le Président Habyarimana pour qu’il signe les accords d’Arusha.
Il n’est pas impossible qu’il n’y ait pas eu le même niveau de pression sur le
FPR de la part de ceux qui pouvaient l’amener à avoir une attitude plus
raisonnable. Le Général Christian Quesnot a indiqué que, dès l’attaque du
FPR de février 1993, il avait personnellement douté de l’intention de ce
dernier d’arriver véritablement à un accord de partage du pouvoir et avait le
sentiment -les faits l’ont démontré après- que ses représentants avaient déjà
en tête la possibilité d’une victoire militaire sur le terrain. Le Général
Christian Quesnot a estimé qu’il aurait fallu réellement exercer une très forte
pression sur le FPR pour l’amener à jouer le jeu. Il a ajouté que, pour

l’ensemble des FAR, le compromis était aussi difficilement acceptable,
surtout compte tenu de ce qui venait de se passer en octobre, à savoir
l’assassinat au Burundi du Président hutu Ndadaye par une partie de l’armée,
entièrement aux mains des Tutsis. L’ambiance n’apparaissait donc pas
pacifiée : il y avait un véritable climat de méfiance de part et d’autre. Le
Général Christian Quesnot a déclaré avoir été fasciné par le spectacle de la
haine et de la peur de l’autre au Rwanda et a réinsisté sur la nécessité qu’il y
aurait eu d’exercer de fermes pressions et de maintenir une forte cohésion
internationale, qui, malheureusement, a fait défaut, pour amener les parties à
un compromis politique dans la ligne des accords d’Arusha.
Concernant l’assistance militaire technique, il a rappelé que le
Président de la République avait donné comme directive de recourir à la
stratégie indirecte, c’est-à-dire d’aider un gouvernement légal, qui
représentait 80 % de la population. A l’époque, M. Habyarimana avait la
considération de ses pairs et des Africains et n’était pas contesté. Il n’était
pas question d’engagement direct contre le FPR ou l’armée ougandaise. Les
modalités pratiques de l’aide étaient définies par l’état-major des Armées,
soumises au Chef d’Etat-major des Armées et au Ministre de la Défense
avant d’être exécutées.
L’assistance militaire technique comportait différents volets.
D’abord, une formation technique pour l’emploi des équipements fournis par
la France et d’autres pays, en particulier, une formation technique à l’emploi
de blindés légers, de matériels d’artillerie, etc., ainsi qu’une formation
tactique au niveau des commandants d’unités élémentaires, c’est-à-dire des
capitaines, pour l’emploi combiné de l’infanterie et des appuis, soit de
mortiers, soit d’artillerie.
Il a rappelé qu’en 1987-1988, l’armée rwandaise comprenait
environ 5 000 hommes et que, du fait de l’attaque du FPR soutenu par
l’Ouganda, elle était montée, en 1991-1992, à 24 000 hommes. Il y avait
donc un vrai problème de formation de jeunes cadres et de sous-officiers, une
armée ne valant d’abord que par la qualité sur le terrain de son corps de
sous-officiers. Outre la formation technique, la France assurait aussi la
formation tactique des commandants d’unités élémentaires. La formation des
échelons plus élevés ne posait pas véritablement de problème, l’armée
rwandaise disposant de quelques officiers de bonne qualité pour les
commandements de bataillon.
Le Général Christian Quesnot a souligné le caractère crucial de ce
problème de formation. Cette guerre était une vraie guerre, totale et très
cruelle. Le FPR comme les FAR ne faisant que très peu de prisonniers, il y
avait beaucoup de pertes humaines. Lors de la première attaque du FPR, en

1990, les effectifs ougando-FPR étaient évalués à environ 2 à 3 000 hommes
et plus de 600 morts avaient été laissés sur le terrain. Les FAR avaient, pour
leur part, perdu environ 5 000 tués et 10 000 blessés, jusqu’en 1992. Le
problème du renouvellement et de la formation des effectifs était plus difficile
du côté des FAR que du côté du FPR. Le Général Christian Quesnot a
regretté la cacophonie qui s’était fait entendre sur le plan international
lorsqu’il s’est agi de contribuer au règlement du conflit rwandais. Le FMI et
différents Etats avaient versé des sommes importantes -de l’ordre de
15 millions de dollars- pour démobiliser 50 000 hommes aguerris de l’armée
ougandaise, par tranches de 10 000. Habituellement, dans un tel cas, les gens
prennent l’argent de la démobilisation et deviennent plus ou moins bandits de
grands chemins pendant un certain temps, or rien de tout cela ne s’était passé
en Ouganda. En revanche, les troupes de Paul Kagame, qui initialement
étaient de 2 000 à 3 000 hommes, ont été évaluées, lors de l’attaque de juin
1992, à 10 000 hommes, avec des lance-roquettes multiples, des bitubes de
37 mm et des mortiers de 120 mM. Il y avait donc plus qu’une corrélation
entre ces deux évolutions. M. Paul Kagame avait en outre l’avantage de ne
pas avoir à former de jeunes recrues, puisqu’il disposait de troupes aguerries.
S’agissant du renseignement, les informations dont disposait
l’état-major particulier provenaient à 90 % de la direction du renseignement
militaire (DRM), la DGSE ne lui fournissant pas de données strictement
militaires, sauf demande ponctuelle, relatives à des analyses de personnalité.
Le Général Christian Quesnot a essayé de sensibiliser les deux présidents
qu’il avait servis successivement, M. François Mitterrand et M. Jacques
Chirac, au problème du renseignement. Il a estimé que le système français
n’était manifestement pas satisfaisant et, en tout cas, moins satisfaisant que
d’autres systèmes étrangers, comme celui des Britanniques. Il a jugé qu’il
s’agissait d’un problème politique et qu’il serait nécessaire de faire quelque
chose dans ce domaine. Dans le cas du Rwanda, il a estimé qu’une véritable
approche synthétique et globale n’était pas assurée, du moins par écrit.
S’agissant de l’attentat contre les deux présidents, il a indiqué avoir
examiné deux hypothèses, une troisième ayant été développée, dans Le Soir,
par Mme Colette Braeckman, qui s’était appuyée sur des services de
renseignements étrangers pour affirmer que les Français avaient abattu
l’avion du Président Habyarimana. Le Général Christian Quesnot a déclaré
qu’il ne croyait pas un instant à cette hypothèse et qu’il la rejetait
complètement, la France ne pouvant à la fois être accusée de soutenir le
Président Habyarimana et de l’avoir tué. Il a rappelé qu’en outre, il y avait
dans l’avion un deuxième président, celui du Burundi, et que les trois
membres d’équipage étaient français.

Il a estimé qu’il restait dès lors deux hypothèses plausibles, la
première étant l’action d’extrémistes hutus opposés à la politique du
Président Habyarimana et aux accords d’Arusha. Le Général Christian
Quesnot a indiqué qu’il avait très attentivement examiné cette hypothèse,
mais qu’elle n’avait pas sa préférence. En effet, en raisonnant de manière
totalement objective, on devait tenir compte du fait qu’étaient présents, à
bord de l’appareil, outre les deux présidents, le chef d’état-major des FAR et
un des dirigeants de la garde présidentielle, donc de la mouvance la plus
extrémiste. Si les extrémistes avaient voulu se débarrasser du Président
Habyarimana, ils auraient parfaitement pu le faire à terre, à un autre moment,
sans tuer l’un des leurs.
Le Général Christian Quesnot a ensuite examiné l’autre possibilité
selon laquelle l’attentat aurait été commandité par le FPR. Il a rappelé que
l’avion se posant de nuit, avec une certaine vitesse, il n’avait pu être abattu
que par un missile sol-air, en l’occurrence un SAM 16, d’une portée d’à peu
près cinq kilomètres. Il a évoqué une note qu’il avait adressée au Président
de la République en mai 1991, lorsque des déchets de tirs de missiles Sam 16
avaient été trouvés pour la première fois sur le sol rwandais. Le Général
Christian Quesnot a expliqué avoir fait cette note au Président, non en raison
de l’incidence de cette découverte sur l’appréciation de la situation militaire
au Rwanda, mais parce qu’il l’avait jugée très inquiétante en termes de
prolifération, la France s’étant interdit de vendre ou d’exporter en Afrique ce
genre de missiles, qui avait pour équivalent plus perfectionné le Mistral de
Matra. Le Général Christian Quesnot avait donc, à l’époque, appelé
l’attention du Président de la République sur le danger que représentait la
prolifération en Afrique de missiles capables d’abattre des avions civils ou
militaires. Le Général Christian Quesnot a estimé qu’en démentant être
dotées de ce genre de missiles, les autorités ougandaises avaient eu la
mémoire courte puisqu’il avait été prouvé qu’en 1991, le FPR en disposait.
De plus, à l’époque de l’attentat, un bataillon FPR d’environ
600 hommes était cantonné entre la ville et l’aéroport en application des
accords d’Arusha. Pour leur sécurité, les hommes du FPR avaient exigé et
obtenu que certains avions rwandais -deux avions militaires et le Falcon
présidentiel- ne se posent que sur un seul axe d’approche, que chacun
connaissait pertinemment. En outre, tout le monde connaissait, le FPR en
particulier, l’heure de décollage de l’avion des deux présidents à partir
d’Arusha ou de Dar es-SalaM. Le Général Christian Quesnot a déclaré qu’il
avait été également surpris du fait, qu’alors que rien n’était encore annoncé,
l’attentat ayant eu lieu vers 20 heures 30, des éléments du bataillon FPR de
Kigali étaient déjà en position de combat entre 20 heures 20 et 20 heures 40.

Le Général Christian Quesnot a indiqué qu’il exprimait là un
sentiment personnel et ne faisait le procès de personne. Il a estimé qu’il
s’agissait de répondre à une seule question : à qui profite le crime ? Il a jugé
qu’assassiner le Président Habyarimana présentait plus d’avantages pour le
FPR que pour les autres protagonistes, tout en rappelant que, faute
d’enquête, il ne s’agissait pas d’une certitude. Il a par ailleurs rappelé
qu’avait été évoquée l’existence d’une boîte noire, récupérée et présentée
comme telle par l’ex-capitaine de gendarmerie Barril à la télévision. Les
experts aéronautiques n’ont pas reconnu la pièce montrée. La société
Dassault a indiqué que l’avion du Président Habyarimana n’était pas équipé
de boîte noire.
Abordant plus particulièrement le problème de l’absence d’enquête,
il a indiqué que le niveau de l’assistance militaire technique française était à
l’époque réduit à celui d’avant 1990, soit une vingtaine de personnes. La
France ne disposait donc pas des moyens de faire une enquête. Les autorités
françaises estimaient en outre que c’était le rôle de l’ONU et, en particulier,
des représentants de la MINUAR qui étaient sur place et du Général Romeo
Dallaire. Il a souligné que, du moins pour l’état-major particulier, la question
rwandaise n’était plus un sujet d’intérêt quotidien, à partir de décembre
1993, moment où Noroît avait été retiré, mais qu’elle l’était redevenue
lorsque le Président Habyarimana avait été assassiné, les politiques comme
les militaires ayant tout de suite compris qu’on allait vers des massacres sans
commune mesure avec ce qui s’était passé auparavant.
M. François Lamy, évoquant la question de l’assistance militaire
technique, a voulu savoir si, préalablement à leur départ, nos coopérants
militaires recevaient une formation, par écrit ou par oral, notamment une
formation sur la situation politique du pays. Il a estimé à ce propos qu’une
analyse de la situation en termes de confrontation entre, d’un côté, le FPR
qui représentait 10 à 20 % de la population et, de l’autre côté, le Président
Habyarimana qui en représentait 80 % pouvait refléter une interprétation
ethnique des événements. Il a également demandé au Général Christian
Quesnot comment il expliquait l’effondrement des forces armées rwandaises
et leur faible fiabilité, alors qu’elles étaient encadrées par l’armée française
depuis au moins trois ou quatre ans.
Concernant l’attentat, M. François Lamy a interrogé le Général
Christian Quesnot sur la nature des sources d’information qui lui avaient
permis d’avancer que le FPR s’était mis en position de combat au moment
même de l’attentat. S’agissant de l’opération Turquoise, il a voulu savoir qui,
au sein des pouvoirs publics, souhaitait une intervention directe à Kigali,

l’Amiral Jacques Lanxade ayant précisé aux membres de la mission qu’il s’y
était opposé.
M. François Lamy a enfin évoqué une accusation formulée dans
plusieurs articles de journaux ou livres, selon laquelle des téléphones
sécurisés auraient été remis par le Général Jean-Pierre Huchon, à l’époque
chef de la Mission militaire de coopération, en mai 1994 -donc après
l’attentat et le début du génocide- à des responsables de l’état-major des
forces armées rwandaises, ce qui aurait permis d’établir des relations directes
avec ce dernier. Si ces téléphones avaient effectivement été remis,
l’état-major particulier du Président en avait-il été informé par une note ?
Le Général Christian Quesnot a répété qu’il n’avait pas exercé de
responsabilité directe dans la formation et la définition du rôle et des missions
des unités, tâches qui relèvent du Chef d’Etat-major des Armées. Il a
toutefois estimé, pour avoir lui-même participé, auparavant, en tant
qu’exécutant sur le terrain, à un certain nombre d’interventions qu’il était
évident que le commandement donnait une information aussi large que
possible sur la situation politique et ethnique du pays, ainsi que sur ses
traditions. Il s’est dit absolument certain que les hommes qui partaient
comme assistants militaires techniques recevaient cette information, tout en
indiquant que, pour de plus amples détails, il vaudrait mieux poser la
question à des membres de l’état-major des armées ou à l’Amiral Jacques
Lanxade.
Concernant le niveau des FAR, le Général Christian Quesnot a
considéré qu’il n’était pas très bon. Il a indiqué que l’effort de formation de
cette armée, qui était montée jusqu’à environ 35 000 hommes soldés, avait
concerné 5 000 à 6 000 hommes. Quant à la motivation des FAR, elle était
inégale. Les FAR étaient certes mono-ethniques, mais il y avait cependant
des nuances entre les Hutus du nord, les Hutus du centre et les Hutus du sud.
Ceux qui avaient le véritable pouvoir à l’époque étaient les Hutus du nord,
qui étaient de la mouvance du Président Habyarimana. Toutefois, avant le
coup d’Etat du Président Habyarimana, le pouvoir avait été détenu par les
Hutus du centre et du sud. Les bataillons constitués de Hutus du nord étaient
par conséquent très motivés, mais ils ne représentaient pas la totalité des
FAR. Le Général Christian Quesnot a en outre indiqué que c’était toujours
ces bataillons très motivés qui étaient déplacés en cas d’alerte, d’où des
pertes élevées dans leur rang. Les limites du renouvellement des cadres de
qualité avaient donc, petit à petit, conduit à un déséquilibre et à un rapport
de forces de plus en plus favorable au FPR, du fait que ce dernier avait, en
Ouganda, un vivier de recrutement de soldats à la fois disciplinés et
expérimentés dans le combat de guérilla. Il y avait donc eu petit à petit une

inversion du rapport de forces, ce qui avait logiquement conduit M. Paul
Kagame à choisir l’option militaire.
Le Général Christian Quesnot a rappelé que le FPR était un
mouvement original par rapport à d’autres mouvements africains, puisqu’il
avait d’abord été un mouvement militaire avant d’être un mouvement
politique. Les initiateurs de ce mouvement, MM. Fred Rwigyema et Paul
Kagame, faisaient partie des vingt-six compagnons de départ du président
Museveni, quand il avait déposé Obote. D’ailleurs, MM. Fred Rwigyema et
Paul Kagame faisaient partie de la hiérarchie militaire ougandaise : M. Fred
Rwigyema était le chef d’état-major de l’armée ougandaise et M. Paul
Kagame était le directeur des services de renseignement et de sécurité de
l’Ouganda. M. Paul Kagame avait reçu une formation très complète d’abord
en Tanzanie, puis à Cuba pour le combat de guérilla, et enfin, ce qui est assez
exceptionnel, aux Etats-Unis à trois reprises, les Américains voyant en lui
une étoile montante. Le premier séjour qu’il avait fait aux Etats-Unis avait eu
lieu en 1989, à Fort Leavenworth, qui est à la fois une école d’état-major et
une école de guerre. En 1990, il avait effectué un nouveau stage à Fort
Bragg, en Caroline du Nord, où se trouve le commandement des forces
spéciales. Les Etats-Unis s’étaient donc beaucoup intéressés à M. Paul
Kagame, ce qui ne veut pas dire qu’ils ont été les inspirateurs de son
offensive au Rwanda.
Le Général Christian Quesnot a fait observer qu’il ne paraissait
guère étonnant qu’à un moment, abstraction faite de sa volonté de sauver la
minorité tutsie dont il était originaire, M. Paul Kagame eût choisi une option
purement militaire pour prendre le pouvoir au Rwanda.
Concernant ses informations sur l’attentat et les mouvements du
bataillon FPR, le Général Christian Quesnot a déclaré les avoir reçues par la
voie normale, c’est-à-dire par l’Etat-major des Armées.
Le Général Christian Quesnot est ensuite revenu sur le rôle de
l’opération Turquoise. Il a répété ce qu’il avait dit à l’époque, à savoir qu’il
avait le sentiment que, si la communauté internationale avait fait preuve de
moins de lâcheté − pour employer un mot fort− , elle aurait été en mesure
d’arrêter les massacres que tout le monde sentait venir à Kigali. Sur place, il
y avait la MINUAR de M. Romeo Dallaire, forte de 2 500 hommes, de
valeur inégale, il est vrai. Sans doute, le Général Romeo Dallaire n’avait-il
pas de mandat, mais le Général Christian Quesnot a estimé que, dans certains
cas, l’honneur d’un militaire était de savoir désobéir et que, dans ce cas
particulier, le Général Romeo Dallaire aurait peut-être réussi en désobéissant.
Il a déclaré qu’avec 2 000 ou 2 500 hommes − l’ordre de grandeur est

variable− décidés, on pouvait arrêter les massacres, qu’il y avait eu des
conversations avec les Belges et avec les Italiens à l’époque, mais qu’après
un espoir du côté italien, aucune intervention d’interposition n’a pu être
décidée. Il a jugé qu’il s’agissait là d’une décision politique et que la France
ne pouvait pas à nouveau s’interposer seule. Que n’aurait-on pas dit ? Il a
enfin fait observer qu’il y avait à l’époque 300 marines américains à
Bujumbura.
Le Général Christian Quesnot a indiqué que, par intime conviction,
il aurait souhaité que la communauté internationale intervienne au début des
massacres parce que, techniquement, ils auraient pu être arrêtés à ce
moment-là, étant donné qu’au départ, les exactions étaient l’oeuvre des
milices et de la garde présidentielle qui se comportaient de façon ignoble. Si
la communauté internationale, pas la France seule, avait fait preuve de moins
de cécité, techniquement, les massacres déclenchés à Kigali pouvaient être
arrêtés.
En ce qui concerne l’opération Turquoise, il a rappelé qu’il n’avait
pas été aisé de l’engager. Au Président de la République qui hésitait, le
Général Christian Quesnot avait dit qu’on ne pouvait pas laisser commettre
de tels massacres. Les ONG ont également joué un rôle important pour
emporter la conviction du Président de la République. Le Général Christian
Quesnot a indiqué que le ministère des Affaires étrangères et la présidence de
la République étaient sur la même ligne, contrairement au ministère de la
Défense et à M. Edouard Balladur, qui étaient au début un peu plus réticents.
Par la suite cependant, il y avait eu un accord total du Premier Ministre et
l’opération Turquoise a été lancée.
Il a déclaré que la France et les armées françaises s’étaient honorées
en réalisant l’opération Turquoise, seules contre tous, parce que le silence de
la communauté internationale avait été assourdissant. Ce furent les Français
qui parlèrent les premiers de génocide, le 15 mai, les Américains ne voulant
pas entendre ce qualificatif, comme ils le reconnurent plus tard. Le Général
Christian Quesnot a fait observer que, si ces derniers avaient anticipé les
conséquences de leur attitude, ils seraient intervenus.
Quant au but de l’opération Turquoise, le Général Christian
Quesnot a estimé qu’il était dénué de toute ambiguïté et qu’il était
strictement humanitaire. Il a souligné avec émotion que, pas plus les
journalistes que les ONG ou les intellectuels, n’avaient le monopole de la
compassion. Il y eut des discussions sur les modalités de l’opération, qui
impliquait l’envoi de 2 500 hommes dans une zone de combat où l’on
ignorait quelle serait l’attitude du FPR, malgré les contacts qui avaient pu
être établis auparavant. L’Amiral Jacques Lanxade avait donc proposé un

dispositif. Mais, si la France était arrivée avec des missiles et des
lance-roquettes, ce n’était pas pour tirer sur les gens, mais pour dissuader les
combattants afin de pouvoir aller sauver les populations. Le Général
Christian Quesnot a indiqué qu’après la décision d’installer le centre
opérationnel de l’opération Turquoise au Zaïre, il y avait eu débat sur la
méthode d’intervention des soldats français : les armées faisaient-elles des
coups de sonde, en allant chercher des gens et en les ramenant, ou bien
délimitaient-elles, en accord avec le FPR et après discussions, une zone
humanitaire sûre où les personnes menacées pourraient se regrouper ? Après
divers avis techniques, il avait été choisi de déterminer une zone humanitaire
sûre. La solution d’une intervention à Kigali avait été envisagée parce qu’elle
aurait permis de disposer d’un aéroport au coeur du Rwanda, mais elle avait
été rapidement rejetée, compte tenu de l’incertitude sur l’attitude du FPR. Le
Général Christian Quesnot a fermement affirmé que, ni à la présidence ni
dans les forces armées, il n’y avait eu d’intention, par le biais de l’opération
Turquoise, de procéder à une reconquête du Rwanda et de « voler » la
victoire militaire au FPR. Turquoise n’a été qu’une opération humanitaire, à
la demande très insistante de certaines ONG.
Sur la question des contacts directs entre l’état-major des forces
armées rwandaises et le Général Jean-Pierre Huchon pendant le génocide, le
Général Christian Quesnot a rappelé que le Général Jean-Pierre Huchon
dépendait alors du ministre de la Coopération et qu’il serait de ce fait plus à
même de fournir une réponse. Il a cependant ajouté qu’à cette époque, tout
le monde parlait avec tout le monde, certains, y compris les politiques, ayant
encore le sentiment que l’on pourrait peut-être arriver à un cessez-le-feu et
qu’il n’était pas impossible de ramener les différents protagonistes autour de
la table de négociation à Arusha, en distinguant peut-être les forces armées
régulières de la garde présidentielle, et en soutenant en particulier les Hutus
modérés qui auraient pu établir un gouvernement provisoire.
Le Général Christian Quesnot a toutefois indiqué qu’il doutait
fortement, pour sa part, des chances de réussite d’une telle solution et a
rappelé une note qu’il avait faite au Président de la République, à cette
époque, où il écrivait : « le processus est désormais irréversible ; M. Paul
Kagame veut avoir la victoire militaire totale ». Il a estimé que c’était bien
ce qui était arrivé, par la suite, et que l’on retombait ici sur le vrai problème
de fond, la cause fondamentale de cet éclatement de la zone des Grands
Lacs : la surpopulation et le partage des terres. L’évolution démographique
était telle que le partage des terres était difficile : les lopins étaient de plus en
plus petits et la population, chassée par le FPR, d’un côté, était manipulée
par les FAR et le Président Habyarimana, d’un autre côté.

Le Président Habyarimana avait d’ailleurs lancé une campagne de
limitation des naissances, en 1975. Le Général Christian Quesnot a ajouté
que, sans mettre en cause la responsabilité de l’Eglise catholique, il fallait
reconnaître que son influence et le taux de croissance démographique
n’étaient pas sans lien.
Appuyant les propos du Général Christian Quesnot sur le laxisme de
la communauté internationale, M. Michel Voisin a cité l’exemple du
Burundi, indiquant qu’il avait lui-même été, avec un de ses collègues,
observateur des élections qui s’étaient tenues dans ce pays à la Pentecôte
1993, que lorsque M. Ndadaye avait été déclaré élu, il y avait eu
immédiatement un couvre-feu, et que les populations locales avaient alors
affirmé : « il se fera assassiner ! » Elles avaient même désigné aux
observateurs américains, belges, suisses, japonais et français l’unité militaire
qui allait commettre cet assassinat, qui s’était effectivement produit en
octobre 1993. Les populations locales ajoutaient : « nous craignons pour
notre vie parce que les massacres vont se déclencher à nouveau ».
M. Michel Voisin s’est interrogé sur le rôle de la communauté internationale,
qui, bien que connaissant ces éléments, n’avait pas pris de dispositions pour
essayer d’enrayer la violence.
Concernant l’opération Amaryllis, M. Michel Voisin a évoqué les
déclarations d’une personne entendue par la mission, qui avait pratiquement
reproché aux forces françaises, envoyées pour l’évacuation de nos
ressortissants, de ne pas avoir joué le rôle de forces d’interposition, et
demandé au Général Christian Quesnot son sentiment sur ce point.
Le Général Christian Quesnot a approuvé l’analyse de M. Michel
Voisin sur le Burundi : tous ceux qui devaient connaître la situation la
connaissaient, mais il n’y avait pas de véritable volonté d’intervenir de la part
de la communauté internationale. Il a rappelé que pour beaucoup de gens, il
ne s’agissait que de « Noirs qui se tuaient entre eux », dans un endroit dont
CNN était absente, et estimé également qu’il n’y avait pas de volonté parce
qu’au niveau international, il n’y avait pas non plus de réelle analyse globale
de la zone.
M. Michel Voisin a exprimé sa surprise, rappelant que la
communauté internationale s’était félicitée de la tenue des élections au
Burundi qui s’étaient d’ailleurs déroulées dans un cadre tout à fait
démocratique. A l’époque, ces événements n’avaient eu absolument aucun
écho dans les médias. On savait ce qui allait arriver, mais personne n’en avait
parlé.

Le Général Christian Quesnot a approuvé ces propos et ajouté
que, dans l’armée burundaise tutsie, il y avait les mêmes nuances que dans
l’armée rwandaise. Au sein de l’armée burundaise, des Tutsis de certaines
collines constituaient ainsi un corps de sous-officiers très actifs. Les militaires
qui avaient assassiné Ndadaye avaient d’ailleurs été désavoués par d’autres
Tutsis et s’étaient réfugiés en Ouganda.
Concernant Amaryllis, il a rappelé que le volume des forces mises en
oeuvre -environ 500 hommes et 8 Transals- correspondait à l’opération type
d’évacuation de ressortissants : contrôler l’aéroport, aller chercher les gens
et les ramener le plus vite possible, rester le moins longtemps possible sur le
terrain afin d’éviter au maximum les pertes. Il a tenu à souligner que la
coopération franco-belge avait été parfaitement exemplaire au cours de cette
opération. Pour avoir été lieutenant et commandant sur le terrain, le Général
Christian Quesnot a déclaré comprendre la frustration de certains militaires.
Il a reconnu qu’effectivement, on aurait pu faire quelque chose, mais que la
France n’aurait pas pu agir seule ; or, les Belges voulaient partir le
surlendemain. Il a estimé qu’avec le volume des forces françaises et belges,
en récupérant le meilleur des forces de la MINUAR et en ajoutant les
Américains de Bujumbura, on aurait pu arrêter les massacres, mais qu’il n’y
avait pas eu la volonté internationale de le faire. Les Américains venaient de
quitter la Somalie où s’étaient fait tuer un certain nombre de soldats et la
théorie de « zéro mort » primait.
Le Président Paul Quilès a demandé au Général Christian Quesnot
de confirmer son propos, à savoir que la force Amaryllis était une force
militaire spécialement dimensionnée, avec des missions de stricte évacuation
des ressortissants français et que, dans une opération militaire
d’interposition, il n’est pas concevable que des forces telles que celles
prévues pour Amaryllis puissent intervenir.
Le Général Christian Quesnot a confirmé ce propos, indiquant
que les forces engagées dans l’opération Amaryllis n’étaient pas d’un volume
suffisant. Elles étaient dimensionnées pour évacuer près de 1 250 personnes
en deux ou trois jours.
M. Michel Voisin, revenant sur sa question, a évoqué des propos
tenus devant la mission selon lesquels les 500 hommes engagés dans
l’opération Amaryllis auraient permis d’arrêter les massacres.
Le Général Christian Quesnot a souligné qu’il s’exprimait en se
fondant sur une expérience de 37 ans d’armée, dont beaucoup outre-mer, à
Beyrouth, au Tchad, etc. Il a affirmé que, dans une ville comme Kigali et
compte tenu de la peur et de la haine de l’autre qui y régnait, il ne suffisait

pas de 500 hommes pour arrêter les massacres, d’autant qu’on ne savait pas
comment réagirait le FPR, qui était à une quinzaine de kilomètres avec un
certain nombre de bataillons. Compte tenu de la qualité opérationnelle de ses
troupes, la France aurait pu intervenir techniquement seule avec 2 500 ou
3 000 hommes. Mais, psychologiquement et politiquement, elle ne pouvait
pas le faire.

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024