Fiche du document numéro 866

Num
866
Date
Samedi 18 juin 1994
Amj
Auteur
Fichier
Taille
447247
Pages
6
Titre
Note à l'attention de Monsieur le Président de la République. Objet : Intervention au Rwanda
Source
Fonds d'archives
FM
Type
Note
Langue
FR
Citation
PRÉSIDENCE

DE LA Paris, le 18 juin 1994
REPUBLIQUE

Le General
Chef de L'Etat-Major Particulier

=

à l'attention de Monsieur le Président de la République

OBJET : Intervention au Rwanda.



A la suite de plusieurs réunions interministérielles, la
note ci-jointe a été rédigée à Matignon en liaison avec la
Présidence, la Défense et le Quai d'Orsay.

1) _Elle présente deux options :
1.1) Des actions ponctuelles à partir de deux bases au Zaire (Goma et
Bukavu) sans présence permanente sur le terrain. Il s'agirait
d'opérations de va-et-vient impliquant des évacuations,
l'organisation de convois humanitaires et la protection ciblée de
populations dans le cas où des forces africaines seraient en
mesure de l'assurer.

1.2) Une action progressive de sécurisation et d'arrêt des massacres.
L'opération se déroulerait en plusieurs phases. La première
serait une intervention à Çyanqugu pour sauver immédiatement 8.
000 tutsis menacés (opération devant être fortement médiatisée).
Les phases suivantes pourraient permettre d'atteindre la région
de Kigali et s'étendre éventuellement à la zone F.P.R.

Le Premier Ministre qui craint l'enlisement privilégie la
première option.

Le Quai d'Orsay et l'état-major, de leur coté, estiment que
cette option ne permettrait ni l'arrêt immédiat des massacres ni
la sécurité minimum de nos forces. Nous partageons totalement çe
sentiment.


Paris, le 18 juin 1994

CAB,.VI 8M/mv

NOTE

Objet : Rwanda

Les différentes hypothèses d'intorvention au Rwanda sont les
suivantos :

A partir de deux bases établies au Zaïre, l'une au nord du lac KIVU
à GOMA et l’autre au Sud de ce lac, à BUKAVU, deux types d'opérations qui,
du fait de l'éloignement du théâtre et de l'ampleur des besoins, exigeront des
moyens lourds (2000 à 2500 hommes et une forte logistique} sont possibles:

1. DES ACTIONS PONCTUELLES QUI POURRAIENT CONSISTER EN:

a)}- Des évacuations de groupes de personnes particulièremont
menacées (blessés, enfants, religieux). De telles opérations sont aujourd’hui
exclues à Kigali, compte tenu des risques encourus à moins d'un accord du
FPR ot du FAR, Elle ne peuvent en tout état de cause porter que sur un
nombre limité de personnes.

b}- L'organisation do. seçours humanitairos sous forme de convois
pour transportor dos médicaments ou de l’aide alimentaire. Ce typa d'action
pourrait s'ajouter aux quelques opérations qui sont déjà manées par des
organisations humanitairos on négociation avec les parties au conflit.

c)- Des protections cibléos do populations menacées. De telles
opérations impliquont de laisser sur place des éléments permanents qui
pourraient être progressivement des forces africaines dans le cadre d'une
reprise globales de la mission par la MINUAR.

Dans toutes ces hypothèses, il apparaît souhaitable que toute
occupation du terrain à caractère permanent soit assurée par des troupos
africaines (sous résorvo dos conditions d'arrivée de ces éléments -cf.infra).

AVANTAGES :
Pas d'occupation permanente, donc pas de risque d'enlisement; pas de
“campagno du Rwanda”, sauf dans l'hypothèse do protection de sites éloignés
de la frontière.


INCONVENIENTS :

- Qui évacuer ? Comment le justifier ?

- Où évacuer ? Comment âvitor dos camps de réfugiés où des “zones de
regroupemont” ?

- Dès le départ des troupes, l'insécurité revient et leur propre sécurité risque
d'être remise en cause.

- Compatibilité avec le projet de résolution des Nations Unies.

Le CEMA indique qu'une telle formule répond difficilement aux
besoins de sécurisation du territoire et à la mission fixée (évacuation
ponctuelle et arrêt des massacres).

II - UNE ACTION PROGRESSIVE D’ARRET DES MASSACRES ET DE
SÉCURISATION DU RWANDA :

1). Une première phase de sécurisation pourrait intervenir en zone
Hutu au nord et en zone Tutsi au sud, à proximité de la frontière du Zaïre et
dans de bonnes conditions de sécurité pour nos troupes. À CYANGUGU,
localité proche de la frontière, l’on nous indique que 8.000 Tutsis menacés
pourraient être protégés.

2)- Des étapes ultériquros permettraient d’étendre vers l'est le
contrôle des sites menacés, y compris jusqu'à Kigali.

Cette opération pourrait inclure des actions diversifiées :

- évacuation des blessés et des personnes menacées ;

- contrôle temporaire d'un nombre plus important de sites dont la
responsabilité pourrait être progressivement confiée à des forces africaines
pour lui donner un caractère permanent dans le cadre de la repriso globale da
la mission par la MINUAR.

Dans une phase ultérieure, et en fonction des contacts engagés avec
le FPR, il pourrait être envisagé d'étendre ces actions à certains sites de la
zone FPR.

AVANTAGES :

- pour los troupes françaisos, sécurité pour elles-mêmes ot seule
méthode pour sécuriser la zone avec une certaine pérennité.

- cohérence de l'organisation de l'opération et de sa logistique.

RISQUES :

- risquo d’une qualification de "campagne du Rwanda”.

D'autres risques sont en réalité inhérents aux deux types d'opération :
- accélération des massacres avant l'arrivée des troupes ;

- risques qu'une "prime à la sécurité" n'entraîne des mouvements do
population ;

Ces deux approches de l'opération doivont être soumises à quelques
conditions précises :

1)- Délai et mandat

Tout doit être fait pour fixer un délai. Il s’agit d'une action de
soudure avant l'arrivée de la MINUAR et ceci doit être consigné dans le projet
de résolution du Conseil de Sécurité afin notamment d'assurer uns pression
maximum pour que la force internationale arrive dans les meilleurs délais (6
semaines).

- Le mandat est celui du Conseil de Sécurité des Nations Unies dans
le cadre du chapitre 7 (emploi de la force). Un projet de résolution est d'ores
et déjà soumis à titre exploratoire aux membres permanonts du Conseil de
Sécurité.

2)- Avec qui intervenir ?

A ce jour, aucun pays occidental ne s'est engagé fermement sur une
contribution en troupes, Seuls les Etats-Unis, les Belges, les Espagnols et les
Italiens ont indiqué leur disponibilité à fournir un soutien logistique. Il paraît
indispensable d'obtenir des troupes, ne serait-ce que de façon symboliquo,
d'au moins un pays européen. Il semble que les Belges (malgré leur réticence
actuelle) et les Italiens soient les seuls susceptibles de le faire. La question
d'une intervention politique à plus haut niveau est posée.

S'agissant d'une participation africaine, il est vraisemblable que seuls
les Sénégalais et les Ghanéens s'engageront à hauteur de 150 ou 200
hommes, en exigeant que ceux-ci soient totalement équipés. De ce fait, il est
exclu qu'ils arrivent dans un délai rapido et participent au début des
opérations.


Dans ces conditions, l’on voit mal comment éviter une action de
départ autonome. Tout au plus, pourrons-nous obtenir que des officiers de
liaison africains et européens participent à l'état-major de l'opération. Il
conviendra en même temps de procéder à un affichage politique des
engagements logistiques des différents pays.

L'hypothèse envisagée d'un transfert des troupes de l'ONUSOM de
Somalie au Rwanda paraît s’avérer techniquomont très difficile.

3) Des contacts étroits et permanents doivent être noués avec les
parties au conflit (FPR et FAR) pour leur expliquor le sens de notre action et
éviter autant que faire se peut tout incident.

4) Arrivée de la MINUAR :

Une action diplomatique constante doit être menée dans les
prochaines semaines pour accélérer l'arrivée de la MINUAR dans les meilleurs
délais (on tout cas inférieurs à 6 semaines).
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