Fiche du document numéro 852

Num
852
Date
Mercredi 17 juin 1998
Amj
Auteur
Fichier
Taille
54425
Pages
16
Titre
Audition du général Jean-Claude Lafourcade, COMFORCES-Turquoise (22 juin-21 août 1994), et du Colonel Patrice Satre, chef du groupement Nord-Turquoise (22 juin-21 août 1994)
Nom cité
Nom cité
Source
MIP
Fonds d'archives
MIP
Type
Audition
Langue
FR
Citation
Audition du Général Jean-Claude LAFOURCADE, COMFORCES-Turquoise (22
juin-21 août 1994), et du Colonel Patrice SARTRE, Chef du groupement
Nord-Turquoise (22 juin-21 août 1994)

(séance du 17 juin 1998)
Présidence de M. Paul Quilès, Président

Le Général Jean-Claude Lafourcade a d'abord présenté la situation au
Rwanda au début de l'opération Turquoise. Il a exposé que les forces
du FPR, qui s'étaient engagées au Rwanda depuis l'Ouganda à la suite
des événements dramatiques d'avril 1994, avaient envahi en deux mois
de combat toute la partie est du pays. Il a ajouté que le 18 juin
1994, au moment où la France décidait d'entreprendre une opération
humanitaire, les forces armées rwandaises tenaient encore une partie
de la capitale, Kigali, et l'axe reliant celle-ci à la ville de
Kayanza, au Burundi, par Butare. Il a précisé que, dans l'ouest du
pays, les bandes formées de civils ou de militaires hutus incontrôlés
continuaient à massacrer dans l'excitation leurs concitoyens, tutsis
et hutus autres qu'extrémistes. Des milliers de personnes hutues et
tutsies avaient été massacrées. Beaucoup d'entre elles fuyaient les
tueries comme elles pouvaient. Certains de ces survivants avaient
trouvé un asile précaire dans des camps placés sous la protection
symbolique d'organisations caritatives ou de congrégations
religieuses, d'autres se terraient dans les villes et les campagnes en
attendant la fin des combats. Tous souffraient de maladies, de
malnutrition et, parfois, de blessures nécessitant soins et
médicaments alors que toutes les organisations humanitaires avaient
quitté la zone à cause de l'insécurité qui y régnait.

Après avoir indiqué qu'à Kigali les 400 Casques bleus de la MINUAR
n'avaient pas la possibilité d'intervenir et ne pouvaient pas être
renforcés avant deux ou trois mois, et qu'un cessez-le-feu instauré le
15 juin après-midi avait été rompu le matin du 16 par le bombardement
du centre ville par le FPR depuis les collines environnantes, il a
rappelé que devant l'étendue de ces massacres, les lenteurs de la mise
en place de la force d'interposition renforcée de l'ONU et l'impact de
ce déchaînement de violence sur l'opinion publique, la France avait
proposé d'intervenir au Rwanda et saisi les Nations Unies le 19
juin. Le 22 juin, par la résolution 929, le Conseil de Sécurité
donnait mandat à la France d'intervenir au Rwanda. Les termes de ce
mandat étaient « de contribuer, de manière impartiale, à la sécurité
et à la protection » des populations menacées au Rwanda. L'opération
était placée sous commandement national français et régie par les
dispositions du chapitre VII de la charte des Nations Unies,
autorisant l'emploi de tous les moyens nécessaires, autrement dit de
la force. La durée de l'opération était limitée à deux mois,
c'est-à-dire au laps de temps estimé nécessaire par l'ONU pour mettre
sur pied sa force d'interposition de 5 500 hommes, la MINUAR II, qui
allait être placée sous les ordres du Général Romeo Dallaire.

Le Général Jean-Claude Lafourcade a fait deux observations sur ce mandat.
Il a d'abord estimé que la rédaction de cette résolution, dont la
diplomatie française avait eu l'initiative, répondait pour la première
fois aux voeux des militaires en matière d'interventions extérieures,
d'une part parce que la référence aux dispositions du chapitre VII de
la charte de l'ONU autorisant l'usage de la force leur permettait non
seulement de remplir leur mission en neutralisant ceux qui voulaient
s'y opposer, mais surtout d'assurer leur sécurité et d'autre part
parce que la limitation de la durée de l'opération à deux mois évitait
tout risque d'enlisement.

Ensuite, il a fait observer que si le mandat donnait au commandant de
la force une grande liberté d'action, puisqu'il ordonnait d'assurer la
sécurité et la protection des populations menacées au Rwanda, sans
autres précisions, il comportait aussi une gageure dans la mesure où,
sachant le soutien que la France avait apporté au gouvernement de ce
pays les années précédentes, il disposait que cette mission devait
être menée de manière impartiale.

Le Général Jean-Claude Lafourcade a alors présenté le dispositif de
l'opération Turquoise. Il a indiqué qu'en tant que commandant de
l'opération, il disposait d'un poste de commandement interarmées de
théâtre (PCIAT), directement relié au centre opérationnel interarmées
(COIA) de Paris, c'est-à-dire au Chef d'Etat-major des Armées,
l'Amiral Jacques Lanxade. Ce PCIAT devait être implanté à proximité
immédiate du théâtre rwandais pour des raisons opérationnelles et, en
même temps, bénéficier des facilités d'accès indispensables à son
fonctionnement, notamment d'une plate-forme aérienne. Après accord des
autorités zaïroises, le site de Goma au Zaïre avait donc été choisi
pour son implantation.

Il a ajouté que le dispositif multinational Turquoise, placé sous
commandement français, avait regroupé 3 060 hommes dont 508 étrangers,
exclusivement des Africains du Sénégal, de la Guinée Bissau, du Tchad,
de la Mauritanie, d'Egypte, du Niger et du Congo. Il a estimé que
c'était l'honneur de ces pays de s'être joints à la France à ce
moment-là.

Il a expliqué que le déploiement de la force s'était effectué
exclusivement par voie aérienne et souligné que la mise en place en
une dizaine de jours de plus de 3 000 hommes, de 700 véhicules et de 8
000 tonnes de matériels avait démontré un savoir-faire militaire que
peu de pays possédaient. La majorité des moyens de combat avait été
envoyée depuis des unités prépositionnées en Afrique - en Centrafrique,
au Gabon, à Djibouti - ainsi qu'à La Réunion ; cette solution avait
permis de gagner du temps et de disposer de troupes professionnelles
immédiatement entraînées et surtout acclimatées.

Il a ensuite précisé l'articulation du dispositif déployé au Rwanda.
Le dispositif avait d'abord compris trois groupements, le groupement
des opérations spéciales, commandé par le Colonel Jacques Rosier, dans
la région de Gikongoro, c'est-à-dire à l'est, le groupement nord,
commandé par le Colonel Patrice Sartre, dans la région de Kibuye et le
groupement sud, commandé par le Lieutenant-Colonel Jacques Hogard,
dans la région de Cyangugu.

Fin juillet, un cessez-le-feu étant intervenu et la situation s'étant
stabilisée, le groupement des opérations spéciales a été rapatrié et
remplacé par le bataillon africain. Plus précisément, le groupement du
Colonel Jacques Rosier a été remplacé par des unités provenant du
groupement nord du Colonel Patrice Sartre et placées sous le
commandement d'un colonel, le Colonel Patrice Sartre intégrant à son
dispositif le bataillon africain et le Lieutenant-Colonel Jacques
Hogard conservant le groupement sud.

Le Général Jean-Claude Lafourcade a alors décrit le déroulement de
l'opération. Il a souligné que la période du 22 juin au 22 août avait
été marquée par l'évolution rapide de la situation politico-militaire
qui avait imposé au commandement de l'opération de procéder à des
adaptations permanentes des postures, du dispositif et des modes
d'action. Il a fait observer que la définition du concept de zone
humanitaire sûre en était une illustration, les ministères des
Affaires étrangères et de la Défense ayant mis au point ce concept
face aux événements, lorsque l'opération s'est trouvée confrontée au
FPR.

Dans cette période, il a distingué une première phase, du 22 au 28
juin correspondant à la mise en place, par voie aérienne, au Zaïre du
premier échelon de la force, en même temps qu'étaient conduites au
Rwanda des opérations limitées, de façon à marquer au plus vite la
détermination et le sens humanitaire de l'intervention, et arrêter
immédiatement les massacres. Il a précisé que c'est ainsi que le
groupement des opérations spéciales avait assuré, dès le 23 juin, la
protection du camp de réfugiés de Nyarushishi, regroupant 10 000
Tutsis, à une dizaine de kilomètres de la frontière zaïroise, près de
Cyangugu. Il a ajouté que cette phase avait été particulièrement
délicate, compte tenu du faible volume des moyens alors engagés au
Rwanda et de la nécessité d'organiser, au même moment, l'acheminement
du gros de la force au Zaïre. Il a fait observer que les forces
engagées allaient vraiment dans l'inconnu, puisqu'on ne disposait
d'aucun renseignement précis sur la situation à l'intérieur du Rwanda
et, notamment, sur l'évolution des combats entre les forces armées
rwandaises et le FPR, et ce, alors même qu'il fallait éviter que
l'opération aille au contact du FPR. Il a précisé qu'une autre
difficulté résidait dans la forte suspicion internationale dont
l'opération Turquoise faisait alors l'objet ainsi que dans la grande
hostilité que le FPR exprimait à son égard, tandis qu'au contraire le
Gouvernement intérimaire rwandais et les forces armées rwandaises
étaient convaincues que la France venait à leur secours ; il a
expliqué que, de ce fait, il avait fallu adopter des modes d'action
s'affranchissant de toute collusion avec ce Gouvernement intérimaire.

Le Général Jean-Claude Lafourcade a distingué une deuxième phase, du
28 juin au 7 juillet, caractérisée par l'extension de l'action de la
force Turquoise à l'intérieur du Rwanda. Il a précisé que cette
extension ne faisait pas initialement partie de l'ordre d'opération,
qui se limitait à l'installation de la force et à l'envoi
d'observateurs à Cyangugu et à Kibuye, mais que, sous l'effet d'une
énorme pression internationale, politique, médiatique, humanitaire,
religieuse, du monde entier, la mission turquoise avait été engagée
plus à l'est, à l'intérieur de la zone gouvernementale, afin
d'extraire les personnes menacées, d'arrêter les massacres en cours et
de protéger les populations. Il a précisé que, dans ce cadre, les
unités avaient été engagées, au nord en direction de Kibuye et au sud,
à partir de Bukavu, dans le secteur de la forêt de Nyungwe jusqu'à
Gikongoro puis, jusqu'à Butare, d'où le 3 juillet, à la demande des
instances internationales, 1000 personnes dont 700 enfants avaient été
évacuées vers le Burundi et Bukavu. Il a fait observer que la
rencontre avec le FPR était alors inéluctable et qu'il y avait
d'ailleurs eu un accrochage entre les forces de ce dernier et le
groupement des opérations spéciales au cours de l'opération de Butare.

Il a souligné que pendant cette phase, la protection presque exclusive
des Tutsis, les opérations de désarmement des milices Interahamwe
ainsi que le refus de soutenir les FAR avaient entraîné une grande
désillusion dans le camp du gouvernement intérimaire et parmi la
population hutue. Dès lors la force Turquoise avait dû faire en sorte
d'éviter une réaction armée hostile de leur part.

Il a estimé qu'après l'accrochage avec le FPR à Butare, l'impartialité
de l'intervention et le refus de lui attribuer un rôle d'interposition
avaient été remarquablement concrétisées par la création de la zone
humanitaire sûre. Cette zone s'inscrivant parfaitement dans le cadre
juridique de la résolution 929, permettait d'assurer la protection
d'environ trois millions de personnes, dont plus d'un million de
réfugiés qui fuyaient l'avance du FPR. Il a ajouté qu'elle s'étendait
sur 4 500 kilomètres carrés et épousait les limites géographiques des
districts de Cyangugu, Gikongoro et Kibuye. Son statut juridique
impliquait l'interdiction de présence, de circulation ou de
pénétration d'éléments armés et imposait de désarmer l'ensemble des
populations.

Le Général Jean-Claude Lafourcade a alors présenté la troisième phase
de l'opération qui avait duré jusqu'à la fin du mois juillet et avait
été caractérisée par le déploiement des différentes composantes de la
force dans le secteur de la zone de sécurité qui lui avait été
assigné, par la prise de contrôle de la zone et par l'évacuation
d'encore 1 300 personnes en danger immédiat. Il a ajouté que cette
troisième phase avait été marquée par une succession d'actions
d'interdiction armée face aux tentatives de pénétration du FPR dans la
zone et par la poursuite des opérations de désarmement des milices et
des forces armées rwandaises qui s'y trouvaient.

Il a estimé que la détermination à consolider la zone de sécurité et
la fermeté face au FPR, marquée un temps par l'engagement à titre
dissuasif de la composante aérienne, avaient contribué à rassurer les
populations et à faciliter finalement le désarmement des FAR et des
milices et que la force avait ainsi créé rapidement les conditions de
sécurité permettant le travail des organisations humanitaires, comme
c'était sa mission.

Il a ajouté que, pendant cette période, le FPR avait continué sa
progression au nord de la zone humanitaire en direction de Goma et
Gisenyi, bousculant les FAR en déroute et poussant devant lui des
populations terrorisées. Rappelant que les FAR avaient alors proposé
au FPR un cessez-le-feu, avec le soutien de la communauté
internationale en la personne du représentant spécial du Secrétaire
général de l'ONU à Kigali, il a souligné qu'il avait appuyé lui aussi
cette initiative par un message au Général Kagame où il lui indiquait
les risques humanitaires importants d'une arrivée massive de réfugiés
au Zaïre, mais que le chef du FPR n'en avait pas tenu compte et avait
poursuivi sa progression jusqu'à la frontière, ce qui avait provoqué
l'exode d'un million de réfugiés dans la région de Goma et la
catastrophe humanitaire qui s'en était suivie.

Il a précisé que la population zaïroise en avait ressenti un vif
ressentiment envers la France, qu'elle rendait responsable de cet
afflux de réfugiés. Son ressentiment avait cependant été vite dissipé
grâce à la participation exemplaire du personnel militaire de
Turquoise à l'action humanitaire entreprise face à ce drame et à
l'épidémie de choléra qui l'avait suivi.

Il a fait remarquer qu'au cours de cette troisième phase, il avait été
difficile de mobiliser les organisations humanitaires internationales
et certaines grandes ONG, par ailleurs aisément moralisatrices, pour
qu'elles interviennent dans la zone de sécurité.

Le Général Jean-Claude Lafourcade a alors exposé qu'une quatrième
phase, jusqu'au 22 août, avait consisté à stabiliser la zone de
sécurité, à participer à l'action humanitaire et à préparer la relève
par la MINUAR II, comme le mandat le précisait. Des structures
administratives provisoires ont alors été mises en place pour remédier
à la défection de la plupart des anciens responsables impliqués dans
les massacres, qui s'étaient en fait enfuis, pour l'essentiel, dès
avant l'arrivée de la force Turquoise, et la sécurisation de la zone a
été poursuivie, favorisant l'arrivée des organisations
humanitaires. Il a précisé que la force avait participé activement au
développement de l'action humanitaire avec ses moyens militaires.

Au cours de cette dernière phase, la population avait exprimé une
reconnaissance évidente à l'égard de la force et lui avait témoigné
une confiance croissante. Il a noté cependant qu'en revanche, la
méfiance des Hutus à l'encontre de la MINUAR, et même du Général Romeo
Dallaire, et leur peur que le FPR ne procède, en entrant dans la zone
après le départ de Turquoise, à des exécutions et à des massacres,
laissaient envisager un exode massif vers le Zaïre et le
Burundi. Faisant valoir qu'un exode vers Bukavu au Zaïre aurait abouti
à la reproduction du drame de Goma, il a précisé que de nouveaux modes
d'action avaient dû être mis en oeuvre à l'échelon des commandants de
groupements pour l'éviter. Il avait donc fallu convaincre les Hutus
que la communauté internationale empêcherait le FPR de procéder à des
représailles à leur encontre. Ils sont finalement restés dans la zone
et l'exode n'a pas eu lieu.

Le Général Jean-Claude Lafourcade a ajouté que la planification du
désengagement avait été rendue particulièrement difficile du fait des
incertitudes qui régnaient sur les délais de déploiement de la MINUAR
II et que c'est seulement grâce au maintien sur zone du bataillon
francophone africain, intégré alors à la MINUAR II malgré les
réticences du FPR, que ce problème avait pu être réglé. Finalement, le
22 août, le dernier soldat français quittait le Rwanda, conformément
au mandat donné par la résolution 929 de l'ONU.

Présentant alors le bilan de l'opération, le Général Jean-Claude
Lafourcade a estimé que même si elle avait fait l'objet d'une forte
suspicion internationale lors de son engagement, elle s'était terminée
avec succès. Il s'est félicité que l'action de la force Turquoise ait
permis d'atteindre, dans un environnement particulièrement difficile,
les objectifs fixés par le mandat de l'ONU. Il a ajouté qu'elle avait
été placée sous le regard permanent de plus de 200 journalistes
internationaux, omniprésents pendant toute la durée de l'opération. Il
a rappelé qu'elle avait mis fin aux massacres perpétrés au Rwanda, et
souligné qu'elle avait sauvé, par ses interventions directes, 20 000 à
30 000 personnes, qu'elle avait protégé la population réfugiée dans la
zone humanitaire sûre, enfin et surtout qu'elle avait empêché l'exode
de plus de deux millions de personnes qui autrement auraient fui au
Zaïre devant l'avance du FPR, et ce dans les conditions dramatiques
que l'on peut imaginer eu égard à ce qui s'est passé à Goma.

Il a ajouté que la présence de la force Turquoise avait permis le
développement de l'action humanitaire internationale, gouvernementale
et non gouvernementale, aucun organisme humanitaire n'ayant pu
s'implanter dans la zone avant l'arrivée du contingent français en
raison de l'insécurité qui y régnait, et précisé que la force s'était
elle-même impliquée directement dans l'action humanitaire.

Le Général Jean-Claude Lafourcade s'est ensuite inscrit en faux contre
l'idée selon laquelle la zone humanitaire sûre aurait servi de refuge
aux FAR et aux Interahamwe et leur aurait permis de rejoindre en armes
et en sécurité le territoire zaïrois. Il a précisé qu'au contraire
ceux qui traversaient la zone de sécurité étaient désarmés par les
Français et que c'est pour cette raison que les FAR, qui l'avaient
bien compris, avaient fait passer le gros de leurs troupes et leur
armement lourd par le nord du pays, en contournant la zone humanitaire
sûre et en évitant de traverser le dispositif Turquoise - et ce
d'ailleurs en pure perte puisque tout leur armement avait été saisi
par les Zaïrois à la frontière du Zaïre. Il a ajouté qu'il en avait
été de même pour les miliciens qui, découvrant qu'ils étaient en
terrain hostile dans la zone de sécurité, l'avaient quittée
rapidement, la grande majorité d'entre eux ayant pu être désarmée
préalablement.

Il a également fait remarquer que l'opération Turquoise avait été
soumise au contrôle de la représentation nationale, deux missions
parlementaires de l'Assemblée nationale et du Sénat étant venues sur
place vérifier l'action des forces et lui-même ayant été entendu après
son retour par la Commission des Affaires étrangères de l'Assemblée
nationale.

Le Général Jean-Claude Lafourcade a alors récapitulé les éléments
essentiels du succès de l'opération. Il a d'abord rappelé que la
résolution 929 du conseil de sécurité avait autorisé l'usage de la
force pour atteindre les objectifs qui lui étaient assignés. Il a
associé à cet élément la large initiative donnée au commandement de
théâtre dans l'usage de la force et rendu hommage aux fonctionnaires
et militaires des ministères de la Défense et des Affaires étrangères
qui avaient conçu ce dispositif.

Il a ajouté que la présence d'une forte composante aérienne avait
également été un facteur de succès déterminant en raison de la
sécurité qu'elle avait apportée aux unités et de la menace dissuasive
qu'elle avait représentée. Il a précisé que, pour le commandant de
l'opération, le fait de pouvoir disposer d'une telle force dissuasive
et de pouvoir ainsi bloquer net toute initiative intempestive en la
mettant simplement en mouvement avait représenté un confort
extraordinaire.

Il a estimé que la prise en compte, dès la planification, du facteur
humanitaire, avait donné d'emblée à l'opération une forte
crédibilité. Il a indiqué que cette prise en compte s'était traduite
par la mise en place d'une cellule chargée des affaires civiles
humanitaires au sein du PC à Goma. La présence d'officiers
expérimentés et de représentants des ministères des Affaires
étrangères, de l'action humanitaire et de la coopération dans cette
cellule, ainsi que la localisation de son lieu de travail à
l'extérieur du PC militaire, lui avaient permis de jouer un rôle
déterminant dans la coordination des actions de tous les acteurs
humanitaires et de nouer un dialogue confiant avec les organisations
humanitaires et les ONG. Se réjouissant que cette organisation ait
ainsi montré son efficacité, il a néanmoins regretté que les résultats
n'aient pas été à la hauteur des ambitions affichées.

Il a jugé cependant que c'était surtout la qualité des personnels
engagés dans l'opération Turquoise qui constituait la raison majeure
du succès.

Insistant sur le fait que la condition indispensable pour répondre aux
objectifs politiques et humanitaires de l'intervention et pour
permettre, dans de bonnes conditions, son suivi par les médias était
de maîtriser et de contrôler en permanence, et à tous les niveaux,
jusqu'au soldat de base, l'emploi de la force, il a souligné qu'une
armée, des soldats et des chefs de qualité en étaient seuls capables.

Il a précisé que les conditions d'engagement avaient été
particulièrement complexes, qu'elles avaient demandé, à tous les
niveaux, de la compétence, du sang-froid, une grande intelligence de
la mission et des situations, une capacité d'adaptation permanente,
ainsi que de la rigueur dans l'exécution, mais aussi de l'aisance dans
l'expression, eu égard à la présence permanente de la presse et des
médias.

Il a tenu à rendre hommage devant la mission d'information à
l'exemplarité du comportement de tous les acteurs de cette opération,
du soldat aux commandants de groupement. Il a ajouté que, pour cette
raison, la campagne de presse qui insinuait que l'armée française
aurait pu avoir un comportement douteux, voire condamnable au Rwanda,
affectait profondément tous ceux qui avaient participé à l'opération,
et ce d'autant plus qu'ils devaient se défendre de ces insinuations,
non seulement sur le plan professionnel, mais aussi sur le plan
personnel ou familial, certains militaires s'entendant demander par
leur famille la plus proche quelles horreurs ils avaient pu commettre
au Rwanda.

Il a conclu qu'en tant que commandant de l'opération Turquoise, il se
portait garant devant la mission d'information du comportement
remarquable de ses hommes, soulignant qu'ils étaient la fierté de leur
chef et qu'ils avaient fait honneur à la France.

Le Président Paul Quilès a remarqué que si l'opération Turquoise
obéissait à un principe de stricte neutralité des forces vis-à-vis des
deux camps en présence, elle intervenait bien dans un pays en
guerre. Il a alors demandé comment s'étaient passées concrètement les
relations sur le terrain avec les FAR et avec le FPR.

Le Général Jean-Claude Lafourcade a d'abord répondu que la situation
vis-à-vis des deux camps était différente puisque, s'agissant du FPR,
la difficulté était de le convaincre que les soldats français venaient
bien dans le cadre d'un mandat de l'ONU pour arrêter les massacres et
qu'il n'y avait donc dans cette opération aucune ambition cachée de
reconquête du Rwanda, tandis que, s'agissant des FAR, elle était de
leur faire comprendre que Turquoise n'avait pas pour but de les
aider. Il a ajouté que c'est cette dernière action qui avait été la
plus ardue et que convaincre les FAR de se laisser désarmer avait été
une tâche très difficile pour les commandants de groupement.

Le Général Jean-Claude Lafourcade a précisé que, parallèlement aux
émissaires envoyés par Paris, il avait eu des contacts avec le FPR
pour lui expliquer le mandat de l'opération. Il a expliqué qu'une
cellule de liaison avait été mise en place à Kigali au sein de la
MINUAR, avec l'accord du Général Romeo Dallaire, pour établir et
garder le contact avec le FPR et éviter les méprises, par exemple sur
les limites de la zone humanitaire sûre. Il a ajouté qu'en fait de
contacts, cette cellule avait dû se borner à transmettre quelques
messages écrits de sa part au Général Paul Kagame. Il a toutefois fait
observer que le Général Kagame avait assez rapidement compris que
l'opération avait vraiment pour seul but d'arrêter les massacres et
que, de ce fait, ce système de liaison avait évité de prolonger la
suspicion.

Il a précisé que le même système avait été de nouveau utilisé lorsque
le FPR avait voulu entrer dans la zone Turquoise ; il avait alors
lui-même fait passer au FPR un message qui rappelait la détermination
de la force à faire respecter le mandat qui lui avait été donné et
prévenait que la zone était interdite à tout élément armé. Dans le
même temps, la force répondait aux quelques petits accrochages
déclenchés par le FPR. Le Général Jean-Claude Lafourcade organisait un
survol dissuasif de la ligne de contact par des avions de combat.

Il a ajouté qu'ensuite il y avait eu d'autres échanges entre les
forces françaises et le FPR pour préparer l'arrivée de la MINUAR II et
organiser l'administration du territoire mais que c'est le groupement
du Colonel Patrice Sartre qui avait alors été en première ligne.

Le Colonel Patrice Sartre a exposé qu'il avait eu des contacts avec
chacune des deux branches du FPR, la branche armée et la branche
politique. Il a indiqué que, lorsque la limite de la zone humanitaire
sûre s'était stabilisée, après les accrochages évoqués, son groupement
avait établi des contacts de liaison quotidiens avec la branche armée
du FPR, qui s'appelait l'APR.

Il a précisé que ces relations avaient été très vite cordiales, même
si elles n'avaient pas duré assez longtemps pour devenir confiantes,
et qu'elles avaient permis de préparer la visite de la zone
humanitaire sûre par les autorités politiques du FPR, dans la
perspective de leur installation administrative lors du départ de la
force. Il a ajouté qu'au moins le Ministre de l'Intérieur et celui de
la Reconstruction du Gouvernement provisoire du FPR étaient venus
visiter la zone, sous la triple protection de Turquoise, d'une garde
appartenant à leurs propres forces qui les accompagnait et de quelques
Casques bleus.

Il a fait observer qu'en revanche, autant les relations avec la
branche armée étaient extrêmement cordiales, autant celles avec la
branche politique étaient relativement réservées et distantes. Il a
ajouté que les politiques étaient extrêmement tendus et avaient très
peur que leur arrivée et l'annonce qu'ils allaient administrer la zone
sèment la panique dans les populations hutues, et estimé pour sa part
qu'ils n'arrivaient en effet pas très bien à les rassurer.

Le Président Paul Quilès a alors demandé pour quelles raisons on avait
finalement décidé de créer une zone humanitaire sûre, sur quelles
bases elle avait été délimitée et jusqu'où les forces Turquoise
avaient pénétré en territoire rwandais.

Le Général Jean-Claude Lafourcade a expliqué que la force, malgré sa
prudence, avait fini par arriver au contact du FPR -notamment lors de
l'accrochage d'un groupement des opérations spéciales avec le FPR au
moment de l'évacuation des orphelins de Butare-, et qu'à ce moment là,
Paris avait eu recours à ce concept juridique que l'on connaissait
déjà, puisqu'il avait déjà été mis en oeuvre en Yougoslavie.

Le Général Jean-Claude Lafourcade a exposé qu'on lui avait alors
demandé de faire des propositions de délimitation d'une zone
humanitaire sûre. Il a précisé qu'une première proposition, qui
correspondait pratiquement à la limite de la progression de la force
et qui barrait le Rwanda en deux du nord au sud, avait été refusée par
Paris et qu'il avait alors décidé de délimiter plutôt une zone centrée
sur l'espace où la population était la plus nombreuse, dans le
sud-ouest. Il a ajouté que, sur ces bases, la force avait précisé les
limites de la zone de sécurité, en liaison avec le Général Romeo
Dallaire et le Colonel Kagame et qu'elles avaient finalement fait
l'objet d'échanges de documents faxés, après quoi elles avaient été
reconnues par le FPR. Il a indiqué que si quelques incidents avaient
pu avoir lieu ensuite entre le FPR et Turquoise, ils étaient dus à des
manques de précision dans la délimitation de la zone et que cela
restait anecdotique.

A une question du Président Paul Quilès sur la façon dont Turquoise
avait pu assurer l'administration de la zone ainsi que la sécurité et
la protection des personnes, le Général Jean-Claude Lafourcade a
répondu que c'était les commandants de groupement qui avaient été
directement confrontés au problème et qu'il leur laissait la parole.

Le Colonel Patrice Sartre a indiqué que, dans les grandes lignes, il
avait eu à procéder de la même façon que le Lieutenant-Colonel Jacques
Hogard, sachant que la zone dont il avait la responsabilité avait
connu moins de défections parmi les fonctionnaires dans la mesure où
elle était séparée du Zaïre par le lac Kivu et que les infrastructures
avaient pu y être maintenues en fonctionnement beaucoup plus
facilement.

Il a précisé que la particularité la plus notable de sa zone avait été
la personnalité du préfet de Kibuye, Clément Kayishema, qui après lui
être d'abord apparu comme un personnage antipathique s'était avéré
très rapidement être gravement responsable de ce qui s'était passé
auparavant, et s'était enfui très vite au Zaïre, au contraire d'une
partie de son administration, qui était restée. Il a ajouté que cet
individu était actuellement jugé par le tribunal d'Arusha.

A une question du Président Paul Quilès lui demandant si l'opération
ayant reçu l'approbation du Conseil de sécurité, il rendait compte à
l'ONU, le Général Jean-Claude Lafourcade a répondu que non, et que,
s'il avait tenu informé M. Khan, le représentant spécial du Secrétaire
général de l'ONU à Kigali lorsqu'il venait le voir, la France avait un
mandat, l'opération était sous commandement national et que c'est donc
à l'état-major des armées qu'il rendait compte.

Citant le rapport de fin de mission du Général Jean-Claude Lafourcade,
M. Bernard Cazeneuve a évoqué plusieurs points.

Il a d'abord noté que si le Général Jean-Claude Lafourcade écrivait
que « certaines des ONG qui avaient été critiques vis-à-vis de notre
action, reconnaissent volontiers publiquement l'efficacité et la
diversité de l'aide apportée par les forces armées », il poursuivait
ainsi : « cette notoriété reste fragile, vraisemblablement temporaire,
et ne doit pas faire oublier le faible succès des efforts déployés
pour engager des ONG dans le cadre espace-temps de la manoeuvre
Turquoise. La cellule affaires civiles de Turquoise a manqué dans ce
domaine d'informations sur l'état et la nature des tractations menées
à l'échelon central. Dans un souci d'efficacité, quelques synthèses
épisodiques fournies par la cellule spécialisée du COIA auraient été
bienvenues. » M. Bernard Cazeneuve s'est alors interrogé sur cette
contradiction.

Il a également remarqué que le rapport faisait état de la difficulté
d'établir, en quantité et en qualité, les liaisons nécessaires avec
les groupements des forces, la cellule COIA et les correspondants
civils à contacter pour les évacuations.

Enfin, relevant que sur les conditions offertes par le milieu, le
Général écrivait qu'« une monographie complète aurait dû être mise à
la disposition du commandant de la force dès le début de la
planification, car les indications fournies de manière informelle par
les prétendus connaisseurs de la zone se sont avérées inexactes -état
des pistes, durée des trajets- ou incomplètes -climatologie, réseau
hydrographique, approvisionnement en eau potable, etc.- », il s'est
demandé pourquoi, alors que les forces françaises avaient été si
longtemps présentes au Rwanda entre 1990 et 1993 au titre de
l'opération Noroît, l'opération Turquoise avait dû être engagée dans
des conditions de renseignement et de communication aussi
approximatives.

Le Général Jean-Claude Lafourcade a d'abord répondu qu'avant
l'opération Turquoise, dans les années 1990 à 1994, la région qui
préoccupait les coopérants militaires français était évidemment la
zone nord, où avaient lieu les tentatives de pénétration du FPR tandis
que le sud-ouest du Rwanda n'était un enjeu ni tactique, ni
opérationnel, ni stratégique.

Sur la prise en compte des questions humanitaires, il a expliqué que
c'est avec l'opération Turquoise que les armées avaient commencé à
mettre en place des cellules de coordination avec les organisations
humanitaires internationales et les ONG, tant à Paris, au COIA, qu'au
siège du commandement de l'opération et qu'il n'était donc pas
étonnant qu'à l'époque le commandement de l'opération n'ait pas eu
d'informations venant de la cellule humanitaire du COIA sur la
coordination des actions humanitaires.

Il a ajouté que cette cellule du COIA était beaucoup plus structurée
aujourd'hui et qu'elle travaillait notamment avec les Affaires
étrangères, ce qui la mettait en contact avec les réseaux adéquats.

A propos des difficultés de liaison, il a précisé qu'il n'avait pas
voulu dire que les liaisons étaient lentes à établir, surtout
lorsqu'il s'agissait d'évacuations sanitaires, ni non plus
insuffisantes, mais qu'en raison de l'étendue de la zone, il avait
fallu mettre en place un système de transmission nouveau, qui
comportait notamment des liaisons par satellite. Un tel système de
liaison par satellite présentait cependant deux inconvénients, d'abord
qu'il peut être saturé rapidement, notamment lors de la transmission
de fax, et que, s'il n'est pas protégé, il peut être écouté.

M. Bernard Cazeneuve a alors demandé au Général Jean-Claude Lafourcade
si, pour la préparation de l'opération Turquoise, les attachés de
défense, les chefs de Mission d'assistance militaire, qui avaient été
en poste au Rwanda entre 1993 et le départ de la représentation
diplomatique française en 1994 avaient été contactés et si des
réunions préalables de travail avaient été tenues avec eux.

Le Général Jean-Claude Lafourcade a répondu que, non seulement lors de
la préparation de l'opération, le COIA avait eu recours aux anciens du
Rwanda, mais qu'on avait inclus dans la force des officiers qui
connaissaient le Rwanda et qui y avaient travaillé, et que cela
s'était avéré très utile.

M. Bernard Cazeneuve a pris acte de cette réponse. Il a toutefois
rappelé que la France avait été très impliquée au Rwanda au titre de
sa coopération militaire pour la formation des forces armées
rwandaises en application de l'accord de 1975, et ce, d'une façon bien
spécifique puisque, de la lecture des télégrammes diplomatiques et des
différents témoignages qui ont été portés à la connaissance de la
mission d'information, il ressortait que, pendant toute l'opération
Noroît, le FPR avait été désigné aux militaires français comme un
ennemi face auquel il fallait sinon résister, en tout cas, maintenir
un équilibre pour faciliter la négociation des accords d'Arusha. Il
s'est alors demandé si, compte tenu du fait que des militaires
impliqués dans l'opération Noroît étaient présents aussi dans
l'opération Turquoise, la conception générale qui avait inspiré
l'opération Noroît n'avait pas été de nature à altérer, à certains
moments précis, l'obligation de neutralité à l'égard des forces
belligérantes, qui constituait l'un des points forts des règles qui
avaient été assignées à l'opération Turquoise.

Le Général Jean-Claude Lafourcade a répondu qu'en effet, le
Gouvernement a successivement demandé aux mêmes officiers, dans un
premier temps de contribuer à la formation des militaires rwandais
contre le FPR, puis, brutalement, d'engager l'opération Turquoise sur
des bases d'impartialité totale, dans un contexte où il n'y avait plus
d'ennemi et où il fallait éventuellement discuter avec le FPR.

Précisant que ce changement n'avait pas été facile mais qu'il n'avait
eu aucun impact sur les opérations, il a insisté sur le caractère
exceptionnel de la discipline intellectuelle que cela supposait chez
les officiers et les militaires français, alors même que certains,
après deux ou trois ans de séjour aux côtés des FAR, devaient sûrement
avoir des opinions personnelles sur la situation du Rwanda. Il a de
nouveau affirmé que si certains, à l'échelon individuel, avaient eu
des états d'âme, cela n'était absolument pas apparu dans l'exécution
de la mission.

Il a précisé par ailleurs que les personnels qui connaissaient le
Rwanda avaient été constitués en une sorte de groupement, de petit
conseil des connaisseurs et que cela avait été extrêmement utile dans
la mesure où il fallait réellement connaître le terrain et les
mentalités pour ne pas commettre d'impair dans une mission aussi
délicate.

Le Général Jean-Claude Lafourcade a souhaité également insister sur
les circonstances et le contexte de l'époque : c'était les premiers
jours ; la situation était extrêmement tendue ; très peu de moyens
étaient encore déployés au Rwanda ; les véhicules du groupement
spécial étaient arrivés la veille, le 27 ou le 28 ; on ne savait pas
ce qu'on allait trouver au Rwanda ; surtout, l'analyse de
renseignement dont disposait le commandement à l'époque était que le
FPR, qui tenait une poche allant de la frontière près de Gitarama
jusqu'au col d'Endaba, voulait foncer sur Kibuye. Si cette analyse
était bonne, le groupement était au beau milieu de la zone. Il a
précisé la situation : dans ce contexte, un groupe entend des
explosions. Il ne peut distinguer s'il s'agit de grenades ou d'autres
armes et on lui dit que c'est le FPR. Les directives étant qu'il était
exclu d'aller au contact du FPR, la consigne a été d'affiner le
renseignement en attendant un peu que le dispositif se complète. Mais
le renseignement lui-même était délicat à obtenir puisqu'il était
exclu, politiquement, d'aller au contact du FPR.

Le Président Paul Quilès, remarquant que l'un des rapports de fin de
mission comportait des remarques dubitatives sur l'articulation entre
l'action humanitaire privée et l'action humanitaire menée dans le
cadre de l'opération Turquoise, s'est interrogé sur les progrès qui
pourraient être réalisés dans ce domaine.

Le Colonel Patrice Sartre a répondu qu'à l'époque il pouvait être
difficile pour des militaires de bien apprécier ce qui pouvait être
demandé aux ONG, compte tenu de leurs contraintes de financement des
personnels et de bénévolat. Il a ajouté cependant qu'après bien des
tâtonnements, auxquels avait fait allusion le Général Jean-Claude
Lafourcade, et parce que la connaissance réciproque des ONG et des
militaires s'était beaucoup améliorée, les militaires disposaient
désormais, dans la partie militaire du mécanisme de gestion des
crises, d'une meilleure compréhension, et donc d'une meilleure
aptitude, à distinguer ce qu'ils auraient toujours à faire eux-mêmes
dans l'urgence, notamment lorsque les conditions de sécurité étaient
mauvaises, ce qu'ils pouvaient faire en cas de carence momentanée et
locale des ONG, et ce qui ne relèvera jamais de leur compétence, ainsi
que d'une meilleure maîtrise des mécanismes qui permettent de coopérer
avec les ONG.
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fgtquery v.1.9, 9 février 2024