Fiche du document numéro 776

Num
776
Date
Jeudi 10 juin 2010
Amj
Auteur
Auteur
Fichier
Taille
137598
Pages
18
Titre
Interview de Thomson Mubiligi
Nom cité
Type
Témoignage
Langue
FR
Citation
1

ITW THOMSON MUBIRIGI

Question Nous allons interroger THOMSON MUBIRIGI
THOMSON MUBIRIGI, je vous remercie d’avoir accepté de répondre à mes
questions concernant le rôle des français pendant le génocide.
Réponse
Q
R
Q
R

Quel âge aviez-vous en 1994 ?
J’avais 37 ans.
Êtes-vous bien le fils du bourgmestre de Cyangugu, de Kamembe.
Oui. C’est juste.
Et dans quelle organisation politique ou quel parti politique étiez-vous ?
A cette époque-là nous étions membres du parti unique MRND, le parti qui était au

Q
R

pouvoir.
Est-ce que vous faisiez partie de la CDR ?
Non je n’ai jamais été à la CDR. Cependant la CDR et le MRND, c’était du pareil au

Q
R

même.
Donc vous n’étiez pas dans un parti d’opposition au président Habyarimana ?
Non. nous n’étions pas dans un parti d’opposition au président Habyarimana, nous

Q
R

n’en connaissions même pas.
Où habitiez-vous ? A Cyangugu ? Kamembe ? Où exactement ?
J’habitais exactement à Kamembe, tout près de la frontière entre le Rwanda et le

Q
R

Congo.
Est-ce que vous avez fait des études et quelle était votre profession ?
J’ai fait mes études au Congo, mais je n’avais pas de métier, ma seule profession,

Q
R
Q
R
Q

était : footballeur.
Donc vous étiez chômeur vous ne travailliez pas en 1994 ?
Je n’avais pas de travail, j’étais chômeur.
Quelle est votre religion et est-ce que vous la pratiquiez ?
J’étais musulman et je le suis encore aujourd‘hui et je pratique toujours.
A propos des musulmans, on dit que les musulmans ont moins participé au génocide

R
Q

que d’autres. Que pensez-vous de cette affirmation ?
Cela, je suis tout à fait d’accord avec. C’est tout à fait vrai.
Vous nous avez dit que vous faisiez partie du MRND. Quelle était votre fonction dans
le MRND, de quelle organisation faisiez-vous partie ? Est-ce que vous faisiez partie

R

de l’organisation du mouvement de jeunesse du MRND ?
J’étais partisan du MRND. Mais les partisans du MRND avaient une organisation de

Q

jeunesse qui s’appelait Interahamwe à laquelle toute la jeunesse était affiliée.
Et toi donc ?

2

R
Q
R

Moi aussi j’étais interahamwe parce que je faisais partie de la jeunesse.
Quelles étaient les activités des Interahamwe avant le génocide ?
Avant le génocide, ils étaient là, tout simplement comme une organisation de jeunesse

Q

du MRND, mais par après, ils se sont transformés en milices.
Est-ce que les interahamwe de Cyangugu-Kamembe ont suivi un entraînement

R

militaire ?
Les interahamwe ont reçu des entraînements militaires, mais les entraînements les

Q
R
Q
R

plus intensifs ont été donnés à ceux d’un certain Youssouf de Bugarama.
Qui donnaient ces entraînements militaires ?
Avant la guerre ?
Oui.
Avant la guerre je n’étais pas vraiment engagé dedans, mais c’était au départ surtout
les soldats de la garde présidentielle de Habyarimana qui dispensaient ces

Q

entraînements ainsi que des militaires français qui vivaient ici au Rwanda.
Pouvez-vous donner des détails sur la participation des militaires français qui se
trouvaient ici avant le génocide pour entraîner militairement les interahamwe ? Vous
avez vu des militaires français à Cyangugu avant le génocide qui entrainaîent les

R

interahamwe ?
Avant la guerre, il n’y a pas eu de camps d’entraînement du côté de Cyangugu, c’était

Q
R

plutôt par ici à Kigali qu’il y en avait.
Où exactement dans Kigali ?
Les entraînements se passaient à Bigogwe et ici à Kigali, dans le quartier de Gikondo

Q
R
Q

et dans d’autres coins qui ne sont pas de Cyangugu.
Est-ce que vous, vous avez suivi un entraînement militaire ?
Je ne me suis jamais rendu à ces entraînements.
Est-ce que vous avez vu des militaires français à Cyangugu avant le génocide ? Et

R

que faisaient-ils ?
Ils n’étaient jamais venus à Cyangugu avant le génocide, ils y sont venus plus tard,

Q

pendant le génocide.
Que s’est-il passé à l’annonce de l’attentat contre l’avion de Habyarimana et de sa

R

mort, que s’est-il passé à Cyangugu, le 6 avril et les jours suivants ?
C’est ce jour-là durant la nuit que les nouvelles de sa mort ont été données, mais les

Q
R

massacres du génocide ont débuté le lendemain 7 avril.
Et comment le génocide a-t-il commencé à Cyangugu-Kamembe ?
Le génocide a débuté dès que l’on a entendu à la radio RTLM que l’avion du chef de
l’État avait été abattu par des inyenzi. Cette radio sensibilisait les citoyens à en tuer
d’autres, elle disait que l’ennemi c’était le tutsi et que c’était lui qui devait être

3

Q
R
Q
R
Q
R

recherché et tué parce que complice de l’ennemi.
Est-ce que vous avez vu des massacres ?
Oui, j’ai vu ça.
A quelle date en particulier ?
Le 7 avril, c’était un jeudi.
Ensuite ?
Et puis cela a continué le 8 et les jours qui ont suivi, jusqu’à la fin du génocide,
jusqu’à ce que les soldats du FPR arrivent dans la partie où nous nous trouvions,

Q
R

lorsque la population avait commencé à fuir au Congo.
Et qui dirigeait les massacres dans Cyangugu ?
Les massacres dans Cyangugu étaient dirigés par le commandant du camp militaire de
Cyangugu Imanishimwe Samuel, il y avait également le chef des interahamwe dans
toute la préfecture de Cyangugu du nom de Youssuf Munyakazi, il y avait aussi un

Q
R

certain Nyandwi Christophe, le chef de la CDR du nom de Bantari Ripa…
Que faisait ce Nyandwi Christophe ?
Il était un des responsables des interahamwe et fonctionnaire de la préfecture. Il y
avait aussi leurs adjoints, responsables des interahamwe au niveau des secteurs et des
communes, et puis il y avait les radios qui diffusaient des messages de sensibilisation
suite auxquels les gens comprenaient bien qu’il fallait commettre le génocide contre

Q
R

les tutsi…Ainsi que les chansons de Bikindi.
Vous n’avez pas cité le préfet Bagambiki !
Ah ! Bagambiki. Je l’avais oublié. C’était lui le chef de la préfecture. C’est lui qui
dirigeait tous ces chefs interahamwe, les Nyandwi Christophe et autres, c’est lui qui

Q
R

convoquait et dirigeait les réunions avec eux.
Il a été acquitté par le tribunal d’Arusha, Bagambiki. Qu’en pensez-vous ?
Le tribunal d’Arusha à mon avis s’est beaucoup trompé, il me semble qu’ils ne sont
pas venus au Rwanda pour y faire une enquête approfondie. Et même aujourd’hui

Q
R

nous sommes toujours très peinés pour ça.
Le procureur Ncamihigo n’a pas joué aussi un rôle?
Ncamihigo n’était même pas procureur à cette époque, il n’était que premier substitut,
il n’y avait pas de procureur. Lui aussi a donc commis le génocide, ainsi que
Bandetse Édouard avec beaucoup d’autres personnes qui œuvraient avec lui et qui
étaient originaires de là-bas à Cyangugu et qui ont pu s’enfuir, Youssouf
Munyakazi…Il y en avait beaucoup d’autres que je ne me rappelle pas. Ils étaient

Q

tellement nombreux mais je ne me les rappelle pas à cause du long temps écoulé.
Édouard Bandetse avait-il une fonction politique ou il était uniquement un

4

R
Q

commerçant ?
Il était seulement commerçant.
Merci pour tous ces détails. Est-ce que avant l’arrivée des français lors de l’opération
Turquoise, est-ce que vous avez vu des français dans la région de Cyangugu, donc

R

avant le 23 juin.
Merci car j’avais l’intention de rectifier un peu car il vient de parler des français, or
tous les français n’étaient pas des militaires ; avant le génocide il n’y avait pas de

Q
R
Q

français militaires dans Cyangugu, mais ils sont arrivés pendant le génocide en 1994.
Avant Turquoise, tu n’as jamais vu de soldats français dans Cyangugu ?
Non. Ils sont venus seulement lors de Turquoise.
Vous avez dit qu’il y avait des civils français qui étaient à Cyangugu. Est-ce que vous

R

pouvez préciser leurs noms, quel était leur métier, où ils habitaient ?
Je ne les connais pas, c’était des touristes qui venaient en simple visite, je ne peux

Q

rien dire sur eux.
Donc vous n’avez jamais vu de militaires français avant Turquoise dans la région ?
Puisqu’il était plausible qu’ils soient venus par Bukavu, par le lac, ou par l’aéroport

R
Q

de Kamembe.
Pour ma part, ceux-là je ne les ai pas vus, à moins que d’autres les ai vus.
Est-ce que vous savez si la piste de l’aéroport de Kamembe a été réparée pendant le

R
Q
R
Q

génocide ?
Oui, c’est vrai, elle a été éparée.
Quand ?
Elle a été réparée par les soldats français, après leur arrivée.
Donc après le début de l’opération Turquoise. Puisque nous avons des informations

R

que les français avaient fait réparer la piste avant leur arrivée, avant le 23 juin.
Mais avant leur entrée au Rwanda, il venait des hélicoptères, en reconnaissance car tu
vois, leurs avions, leurs hélicoptères ne pouvaient pas venir se poser comme ça dans
un lieu qu’ils ne connaissaient pas. Ils venaient dans leurs hélicoptères et nous, nous
ne savions pas exactement ce que c’était, nous imaginions qu’il s’agissait de soldats

Q

rwandais, des FAR.
Ces hélicoptères, c’était des hélicoptères de l’armée française ou de l’armée

R

rwandaise ?
Ces hélicoptères étaient d’un genre que nous n’avions jamais vu à Cyangugu, il y
avait aussi un gros avion appelé Hercule, un très gros avion, et un hélicoptère qui

Q

portait une inscription « Armée de terre’’.
Est-ce que vous êtes en mesure de nous dire à quelle époque sont arrivés ces
hélicoptères et ces avions ? Est-ce que c’était après le début de l’opération

5

R
Q

Turquoise ou avant?
C’était environ une dizaine de jours avant leur arrivée.
Comment vous arrivez à dire une dizaine de jours ? Est-ce que vous avez des

R

événements qui vous permettent de vous repérer ?
Ce qui me fait dire cela, c’est que notre attention était attirée par la venue de ces
hélicoptères, et en ce moment-là nous, nous nous disions que c’était des militaires
rwandais qui venaient assurer la protection de l’aéroport. A cette époque l’aéroport
était très fortement gardé, personne ne pouvait s’en approcher. L’hélicoptère venait,
ainsi que ce très gros avion que nous y voyions pour la première fois… autre chose
qui attirait notre attention, on voyait cet hélicoptère et cet Hercule traverser le lac
pour se rendre au Congo, et pour nous c’était la première fois que nous voyions un

Q

hélicoptère rwandais traverser ainsi pour se rendre au Congo.
J’ai une autre question sur l’activité sur l’aéroport de Kamembe. L’aéroport de
Kanombe a été pris si je ne m’abuse le 21 mai et donc, selon moi, cet aéroport étant
contrôlé par le FPR, l’armée rwandaise ne disposait plus que d’un aéroport, c’était à
Kamembe. Donc je suppose qu’il y a eu de l’activité aérienne, des avions qui ont
atterri et qui ont décollé à l’aéroport de Kamembe, donc après le 21 mai, donc avant
l’opération Turquoise. Et ce serait des avions rwandais ou des avions français ou des

R

hélicoptères rwandais ou des hélicoptères français.
Ce que je me rappelle très bien, c’est qu’il n’y a pas eu d’avions en provenance de
Kanombe qui aient atterri à Kamembe mis à part un seul hélicoptère armé, un petit
qui tirait avec ses armes, c’est celui-là que nous voyions là-bas, il était de couleur
verte et c’était un hélicoptère qui tirait des balles. Il y avait également un gros avion
dont on disait que c’était une ambulance et il appartenait au Rwanda et celui-là je le
connaissais très bien, je ne pourrais pas le confondre avec ces autres gros

Q

hélicoptères, je les connaissais très bien.
Nous arrivons au début de l’opération Turquoise et à l’arrivée des français, le 23 juin
je crois. Est-ce que vous vous souvenez de cette journée de l’arrivée des militaires

R

français à Cyangugu ?
Ce jour je m’en souviens très bien, car je fus parmi ceux qui allèrent les accueillir sur
ordre des autorités ; la population était allée les accueillir car nous pensions qu’ils

Q
R

venaient combattre pour nous, combattre aux côtés des forces armées rwandaises.
Et qui vous a dit de venir accueillir les militaires français ?
Le préfet Bagambiki a donné un message à l’adresse des chefs interahamwe, surtout

6

les interahamwe, et de toute la population. Il y avait un véhicule de Siméon
Ncamihigo qui circulait avec un haut parleur et disait « Venez accueillir les
Français », et les gens écrivaient même au milieu de la route « Bienvenue aux
Q

militaires français au Rwanda, Vive la zone Turquoise », d’autres choses de ce genre.
Est-ce qu’il y a eu des autorités qui sont venus accueillir les militaires français, en

R

dehors du préfet Bagambiki ? Est-ce qu’il y a des ministres qui sont venus ?
A l’époque le ministre dont nous avons appris la venue pour les accueillir c’est
Ntagerura. Il est allé de l’autre côté de la frontière, il y a même un discours qu’il a
prononcé en disant qu’il cherchait à trouver des armes au Congo ; là il allait acheter
des armes au Congo. Sinon je ne connais aucune autre haute autorité qui soit venue,
mais ce que je voudrais préciser, c’est qu’à cette période, les autorités commençaient

Q

à fuir vers cette région.
Le ministre Ntagerura, le ministre des Transports est allé au Congo à quelle date
exactement ? Est-ce que c’est bien avant l’arrivée des français ou est-ce que c’est

R

juste la veille ?
C’était avant l’entrée des Français. Il y a d’ailleurs eu des gens qui sont allés les
négocier afin de les amener ici, et d’ailleurs ils y ont mis du temps à venir, les
Français. Autre chose est que le ministre des Affaires étrangères de l’époque s’était
lui aussi rendu au Congo pour négocier un droit de passage pour les militaires

Q

français.
Ces déplacements des ministres de transport et des affaires étrangères, vous en avez

R
Q
R
Q
R

été témoins ou ce sont des informations dont vous avez entendu parler?
Je les ai vus, car il est venu à Cyangugu, car il en est originaire.
Ntagerura ?
Oui.
Le ministre des affaires étrangères Bicamumpaka était aussi originaire de Cyangugu ?
Non, il n’était pas originaire de Cyangugu mais il venait aux réunions qu’y organisait

Q
R

le président de l’époque, Sindikubwabo.
Vous en avez été témoin, de ces réunions ?
J’ai été témoin de cette réunion et même j’ai apporté mon témoignage à ce propos au
Tribunal pénal international, et ce discours de Bagambiki, Ntagerura ainsi que du
premier ministre, ils se trouvaient tous là à Cyangugu, ce discours existe, s’il le veut,
il peut demander la cassette au tribunal international, ils lui donneraient tous les

Q

détails.
Vous avez témoigné à quel procès à Arusha et quel était votre pseudonyme ?

7

J’ai témoigné dans ce que l’on appelait « Goverment Two », quant à mon
pseudonyme je ne peux pas le lui donner car il s’agit d’un secret du tribunal. Et puis,
s’il le veut vraiment ce pseudonyme, il peut demander des informations sur le procès
Q
R

« Government Two », coté Bicamumpaka.
A quelle date avez-vous témoigné à Arusha ?
J’ai témoigné, mais la date je ne peux pas la lui dire, cependant s’il veut la connaitre,

Q
R

qu’il s’informe sur le procès « Government 2».
Même le mois tu ne peux pas le donner ?
Non plus le mois ; je ne peux pas le dire car il s’agit d’un secret du tribunal, mais lui

Q
R

il peut tenter de s’informer là-dessus.
Pour revenir aux militaires français, après leur arrivée qu’ont-ils fait ?
Mais moi je voudrais d’’abord lui dire comment ils sont arrivés et la manière dont ils

Q
R

ont été accueillis à la frontière.
Je vous écoute.
En ce moment-là tu vois, là-bas à la frontière du Rwanda exactement, il y avait alors
les soldats de Bagambiki. Environ cinquante militaires. Ils étaient alignés en deux
files, avec leurs fanfares, de telle sorte que les français sont passés au milieu de la

Q
R

haie.
La haie était sur le pont de la Rusizi ?
C’était à la Rusizi I, c’est par là qu’ils sont entrés. Les soldats français sont passés
dans des jeeps, devant les militaires rwandais qui faisaient le salut, Bagambiki était
présent, les Français étaient dans de petites jeeps dont certaines étaient munis de très
longues antennes sur lesquelles étaient accrochés des drapeaux français.
Ils sont donc arrivés et se sont arrêtés à la frontière, ils avaient sur eux leurs fusils et
étaient harnachés de grenades, ils portaient de petits fusils individuels, mais après leur
entrée en territoire rwandais sont venus d’autres véhicules sur lesquels étaient

Q
R

montées des canons et des mitrailleuses.
Après leur entrée au Rwanda ?
Oui, après leur entrée, après le dépassement de la barrière, arrivés là à Cyangugu, où
se trouvaient rassemblée la population.
Et puis il y a eu un véhicule de luxe à eux qui est également passé et lorsque nous
nous en sommes informés auprès de Bagambiki, il nous a dit que c’était le véhicule

Q
R

qui transportait leur chef, le lieutenant colonel Hoggard. C’est lui qui était leur chef.
Le lieutenant-colonel Hoggard était dans un véhicule de luxe ?
Oui, un très beau véhicule, mais un véhicule militaire. Il y avait d’autres militaires

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dont un lui ressemble particulièrement [à Jacques] bien que je sais que ce n’est pas
lui, et quand nous demandions qui c’était, on nous disait qu’il était commandant aux
Q

légions étrangères. Le commandant aux légions étrangères.
Quelle était la couleur du béret des premiers soldats français qui sont arrivés ? Est-ce

R
Q

que c’était rouge ou est-ce que c’était vert ?
Il y a rouge et vert. Béret Vert. Non, non c’était rouge. Des bérets rouges.
Écoute, réfléchis bien d’abord, afin de ne pas faire de confusion. Les premiers

R
Q

Français à entrer portaient des bérets de quelle couleur ?
C’était des bérets verts. Ça me revient.
Selon moi vous faites une confusion. Les premiers qui sont arrivés, c’était des
parachutistes avec bérets rouges et leur commandant, c’était le colonel Tauzin, enfin
on sait qu’il se faisait appeler Thibault. Et le lieutenant-colonel Hoggard est arrivé

R

quelques jours après et lui, il avait un béret vert.
Bon tu vois qu’il vient de s’écouler beaucoup d’années, de plus nous n’étions pas des
journalistes pour tout décrypter attentivement, nous étions là uniquement pour nous
réjouir de cette action de soutien qu’ils venaient nous apporter, il n’était donc pas
nécessaire de savoir que tel est arrivé à tel moment, qu’il portait tel béret. Ce que je
me rappelle est que ces soldats arrivés en premier, ce que j’ai bien vu, c’est qu’ils
portaient des bérets rouges…il y en avait qui portaient des bérets bleus et d’autres des
rouges,…mais je pense, si je me souviens bien, que c’était des verts. Et ils nous
donnaient aussi de la nourriture, leur nourriture sur laquelle était marqué « ration de

Q

combat individuelle, armée française».
Ils donnaient des rations de combat individuelles à tout le monde ou spécifiquement à

R

ceux qui les applaudissaient ?
Là où ils voyaient des interahamwe qui applaudissaient, ils nous balançaient ces

Q
R
Q

rations de combat.
Ils n’en donnaient pas à toute la population ?
Pas du tout.
Est-ce que les interahamwe de John Youssouf Munyakazi étaient là pour accueillir les

R

militaires français ?
Oui, ils sont venus dans un grand véhicule qui ressemblait à une Daihatsu, de couleur

Q
R

blanche de la CIMERWA.
Une camionnette ?
Oui, tout a fait, une camionnette. Lorsqu’ils sont venus, ils avaient en plus l’intention

Q

d’aller massacrer les gens réfugiés à Nyarushishi.
Ils voulaient tuer les gens de Nyarushishi quand ?

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R

C’est le même jour où les Français sont arrivés. Ils avaient dit : « Attendons l’arrivée

Q
R

des soldats français et puis éliminons ce camp-là.
Ils voulaient attendre l’arrivée des Français pour faire ça ?
Oui. Ils étaient en train de s’y rendre mais ils ont dit « puisque les Français eux ont

Q
R

des armes plus puissantes, attendons-les et nous nous pourrons y aller tout de suite ».
Qui a empêché que les personnes du camp de Nyarushishi soient tuées ?
La personne qui a interdit que l’on tuât les gens de Nyarushishi,…en ce moment-là il
faisait jour, et eux ils attendaient les Français pour bien tard dans la soirée, pour
s’introduire dans le camp, sans la présence de beaucoup de citoyens qui l’aurait
remarqué, mais là, les français sont arrivés en pleine journée. Alors Youssouf a dit à
ses interahamwe : « Les Français nous ont dit qu’étant donné que des journalistes sont
déjà allés au camp de Nyarushishi, nous devions différer cette tuerie ». Ne pas la faire

Q

surtout pendant la journée.
Est-ce que Youssouf était là pour accueillir les soldats français le 23 juin ? Est-ce

R

qu’il était là au pont de la Rusizi ?
Il y était vraiment, en train de danser ; c’et lui qui dansait le plus.
Dites-lui que je jure devant mon Dieu que cela est la vérité et que je suis prêt à en

Q
R
Q
R

répondre devant Lui.
Youssouf dansait bien ?
Oh lala ! Il dansait extraordinairement bien, avec ses interahamwe.
Il y avait de la musique pour accueillir les militaires français ?
Tout à fait. Beaucoup. Il y avait même des postes de radios qui diffusaient de la
musique, des interahamwe qui faisaient de l’animation avec beaucoup de cris, il y
avait également un très grand nombre de motards qui les escortaient dans un concert
de klaxons, de très nombreux véhicules. En ce moment-là, toute autre vie en ville
s’était arrêté, rien d’autre n’a pu se faire.
Et c’est cela qui a fait avorter l’objectif d’élimination des gens de Nyarushishi, car ils
se sont rendus compte que la population avait afflué en très grande masse et se sont
dits que cette opération, qui devait être une opération commune des interahamwe et
des militaires français ne devait pas être vue par la population. Ils n’ont pas souhaité
que la population voie cette opération, alors que celle-ci était une opération des

Q

interahamwe planifiée en collaboration avec les militaires français.
Je n’ai pas bien compris. Vous dites que cette tuerie avait été planifiée entre les
interahamwe et l’armée française ? Vous voulez dire que l’armée française était

10

R

d’accord pour que les tutsi de Nyarushishi soient exterminés ?
Selon Youssouf Munyakazi ainsi que ses gens qui étaient venus harnachés de
grenades et d’autres genres d’armes et qui étaient prêts pour cette extermination. Et
comme Youssouf disait que les Français venaient pour l’y aider, en ce moment-là

Q

nous on l’a cru.
Vous dites que pour accueillir les militaires français, les miliciens de Youssouf

R

portaient des armes ?
Oui ils avaient de très nombreuses armes sur eux. Et d’ailleurs tous les autres
interahamwe présents en ce moment-là étaient eux aussi très armés. Des machettes et

Q
R

autres.
Les militaires français ont vu ces miliciens armés et ils n’ont rien fait ?
Ils ont très bien vu cela, sont même passés sur les barrières qui se trouvaient par là-

Q

bas et n’ont rien fait.
Ils n’ont rien fait ! Cela veut dire qu’ils ont laissé ces barrières, ils ne les ont pas

R

démantelées, ils n’ont pas retiré les armes des miliciens qui gardaient les barrières ?
Nullement. Ils ont continué leur route come si de rien n’était, avec la foule derrière

Q

eux et des motards qui les accompagnaient.
Dans les jours qui ont suivi, est-ce que les militaires français ont désarmé les

R

miliciens et démantelé leurs barrières ?
Non. Car pour les barrières je peux donner un exemple de celle de Gatandara, là où

Q
R

les gens continuaient à être tué durant la présence des Français.
Et ils n’ont désarmé personne ?
Ils n’ont désarmé personne. De telle manière que certains des interahamwe ont
traversé la frontière avec leurs armes. Ce qui démontre bien que les interahamwe
n’ont pas été désarmés, c’est que lors de la fuite, les interahamwe qui sont partis avec
leurs armes les ont conservées au Congo. Je crois que même aujourd’hui ils ont

Q
R

encore ces armes.
Pouvez-vous me situer la barrière de Gatandara ?
Gatandara, c’était une barrière qui contrôlait la route vers Bugarama et Mururu, vers
chez les Masudi et d’autres ; là se déroulaient de terribles massacres. Une autre
grande barrière se trouvait près de l’aéroport de Kamembe et là, un blanc y a même

Q
R

été tué, un Belge.
Vous savez à peu près à quelle date il a été tué ce Belge ?
Non je ne me rappelle pas mais dans les Gacaca ils ont ces informations, ceux qui ont

Q

trempé dans son assassinat ont été jugé pour ça et ils sont là.
C’était avant Turquoise ou pendant Turquoise ?

11

R

Non c’était avant Turquoise mais je voulais simplement vous aider à localiser ces

Q

lieux de barrière.
Est-ce que les militaires français entretenaient des relations avec les responsables des

R

milices ? Est-ce qu’ils se causaient ?
Parce que les responsables des interahamwe étaient des gens capables de s’exprimer
en français, parmi lesquels Nyandwi Christophe, Bantari Ripa, Bagambiki,
Imanishimwe, il y avait une collaboration entre eux et les Français. Car c’était eux
qui gouvernaient Cyangugu. Il y avait aussi le commandant de l’aéroport de
Kamembe- je ne me souviens pas de son nom mais si jamais je me le rappelle je vous
le communiquerai- lui aussi a exterminé beaucoup de gens dont ses collègues de

Q
R

l’aéroport.
Lui aussi avait des relations avec les militaires français ?
Très, très. Et lui c’était le plus grand tueur de ce lieu. Il est resté là-bas avec les

Q
R

Français, jusqu’au bout.
Il s’appelait comment ?
Je ne me rappelle pas mais si vous m’autorisiez à le faire, je pourrais appeler

Q

quelqu’un qui travaillait à la même époque à cet aéroport qui pourrait me le dire.
Les militaires français ont-ils simplement laissé les miliciens faire ce qu’ils voulaient

R

ou est-ce qu’il y a eu une collaboration organisée ?
Ils les laissaient faire tout ce qu’ils voulaient, ils n’ont tenté d’interdire à qui que ce
soit parmi eux de commettre telle ou telle action ou de le mettre en prison alors qu’il

Q
R
Q
R

y en avait une à Cyangugu.
Est-ce qu’ils collaboraient ?
Collaborer, ils collaboraient oui. Mais pas pour aller massacrer des gens.
Ils collaboraient alors comment ?
Bon ! ils collaboraient, seulement un Français n’attrapait pas quelqu’un pour le tuer,

Q

mais ils les soutenaient bien pour ce qu’ils faisaient.
Mais les militaires français ont-ils demandé aux miliciens par exemple de garder
l’aéroport de Kamembe ? Est-ce qu’il y en avait encore autant de protection de

R

l’aéroport.
Les interahamwe se trouvaient juste à côté de l’aéroport, tu vois par exemple cette
barrière qui était juste à côté, et un peu plus loin ; et si vous pouviez venir avec moi
je vous emmènerais vous montrer à quels endroits les gens étaient tués alors que les

Q
R

Français se trouvaient à côté.
Les français n’ont jamais condamné ces tueries ?
En ce temps-là ils ne les ont pas condamnées, et ils n’ont pas arrêté et emprisonné une

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Q
R

seule personne.
Y a-t-il eu des massacres au camp de Nyarushishi alors que les Français étaient la ?
Oui. Il y avait des gens qui venaient chercher des personnes à aller tuer et les sortaient

Q

du camp et les Français ne réagissaient pas.
Y a-t-il eu une collaboration entre les Français et John Youssouf Munyakazi et ses

R

miliciens ?
Youssouf Munyakazi avait une collaboration avec les militaires français, néanmoins
ses miliciens n’opéraient pas de concert avec les militaires français. Ils collaboraient
de telle sorte que c’était bien visible que les Français les soutenaient, ils ne leur ont

Q

jamais empêché de faire ce qu’ils faisaient.
Comment pouvez-vous dire que John Youssouf Munyakazi collaborait avec les
Français ? Est-ce que vous l’avez vu discuter avec les Français, participer à des

R

réunions avec les Français ?
Parce que vois-tu, le préfet Bagambiki, Imanishimwe, Youssouf le chef des
interahamwe et Nyandwi, ainsi que plusieurs autres que je ne me rappelle pas,
tenaient des réunions avec des militaires français ; mais ce dont ils discutaient, nous
ne l’apprenions

pas, nous constations tout simplement que les tueries se

Q

poursuivaient.
Est-ce que vous avez été témoin de livraison d’armes par les Français à Bagambiki,

R

aux miliciens ou à John Munyakazi ?
Oui. Chez Youssouf ils ont donné des armes. Particulièrement, à un des groupes de
Youssouf Munyakazi dont les membres portaient un brassard rouge. C’était des
Français qui leur avaient donné des armes.
Moi-même ils m’en ont donné une. Non pas un fusil français, mais du genre de ceux

Q
R

que l’on trouvait au Rwanda.
Qui te l’a donné ?
Ce sont eux qui nous les ont données. Nous aussi nous portions des brassards rouges.
Je me rappelle qu’au moment de le recevoir, je me trouvais avec un certain Anaclet

Q
R
Q
R
Q

qui en a également reçu.
Anaclet était un ami à toi ?
Oui.
Quel était son autre nom ?
Je ne me rappelle pas mais si vous voulez je pourrais chercher et le trouver.
C’était quel genre de fusil ? C’était un fusil à un coup ou était-ce une arme à

R

répétition ou un pistolet-mitrailleur ?
Ce fusil s’appelait, s’appelait…, je ne trouve pas c’était un fusil qui se pliait, mais je

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me souviens qu’on nous disait que c’était une arme qui venait d’Afrique du Sud. Si je
Q
R

me souviens je vous le dis immédiatement. Ce n’était pas une kalachnikov.
Était-ce une arme à répétition ou à un seul coup ?
On pouvait le poser sur pied. C’était une petite arme, elle n’était pas grande. Je peux

Q
R

en faire un croquis….
Vous avez dit que c’était une arme d’Afrique du Sud ?
Oui. NATO. On l’appelait NATO. J’ignore comment on l’appelait au Rwanda, ce
n’était ni une Kalachnikov ni un FAL ni un FAL Para commando. Je ne me souviens

Q
R

pas comment ils l’appelaient.
Il y avait des militaires rwandais qui avaient cette arme ?
Oui. C’était surtout l’arme des militaires rwandais.

Q
R

A l’époque, il y avait là-bas un nommé Cyiza, le major Cyiza ; il est décédé.
Le major Cyiza était votre chef ?
Le major Cyiza était un militaire. Un militaire ne peut pas être chef des civils alors

Q
R

qu’il est militaire. Un colonel ne peut pas être chef des civils..plutôt un major.
Et pourquoi ?
Il ne pouvait pas devenir chef des civils parce que lui il se disait chef de la sécurité

Q

civile, quelque chose comme ça. Mais il n’était pas notre chef.
Quand les Français vous ont donné une arme, vous faisiez partie de quelle

R

organisation ?
En ce temps-là, ils sont venus et nous ont demandé lesquels parmi nous savaient se
servir d’un fusil. Alors tous nous avons dit que nous le savions ; tu sais lorsque tu as
un fusil, c’est quelque chose qui te rend fier. Alors ils nous les ont donnés et nous ont
dit : « Comme ça vous allez veiller à la sécurité d’ici, contre les voleurs et
d’autres… ». Certaines personnes leur ont dit : « Ces gens à qui vous venez de donner
des armes sont des interahamwe », et eux ils ont répondu qu’ils s’en fichaient. Ils ont
dit à celles-ci : « De quel côté êtes-vous ? Êtes-vous ici ou là-bas ? Vous vous n’êtes
pas des tutsi ! Alors si les tutsi viennent, éliminez-les [il montre le geste que les

Q
R

Français ont fait à cette occasion : celui de couper la gorge] »
Ils vous ont donné ces armes pour quoi faire ?
Ils avaient leurs propres armes, ils n’avaient pas besoin de celles-ci, mais ils avaient
vu que la plupart parmi nous n’avaient que des machettes et des choses de ce genre,

Q
R

et ils ont dit « C’est quoi ça, vous ne savez pas vous servir d’armes à feu ? »
Est-ce qu’ils vous ont donné des entrainements militaires ?
Non parce que lorsqu’ils ont demandé qui savait se servir d’une arme à feu, tout le
monde s’est bousculé pour en avoir et alors ils ont imaginé que tous nous avions

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Q

certainement reçu un entrainement et ils ont alors dit « Allez, prenez ! »
Est-ce que vous vous souvenez qui vous a donné cette arme ? Est-ce que vous pouvez
décrire les militaires qui vous ont donné les armes, quelle était la couleur de leur béret

R

en particulier et à quelle date ils vous ont donné cette arme ?
Je ne me rappelle pas le nom du militaire qui nous les a données, mais je sais que son
véhicule portait l’inscription « Armée de terre ». Nous avons demandé son nom et on
nous a dit que c’était un commandant. Commandant aux légions étrangères.
Seulement ça. Nous avons insisté pour qu’il nous dise son nom mais il a répliqué :
« Non. Moi je suis commandant aux légions étrangères, tout simplement. Moi j’étais
à Bangui, c’est là où j’étais. Il ne faut pas connaitre mon nom, moi je suis
commandant aux légions étrangères, c’est tout ».
Et puis, il était un militaire du lieutenant-colonel Hoggard, à partir de cette indication,

Q
R

on peut savoir quel était la couleur de son béret.
A quelle date vous ont-ils donné cette arme ?
C’était à peu près une semaine après leur arrivée. Et à cette époque-là, les FAR

Q
R

étaient en train de fuir.
Est-ce que c’était avant ou après la chute de Kigali, qui a eu lieu le 4 oui 5 juillet?
Ce n’est pas beaucoup avant. C’était aux alentours de cette date. Car en ce momentlà, la chute de Kigali, lorsqu’elle a eu lieu, ils étaient très nombreux à s’être déjà
enfuis dans Cyangugu. Peu après l’arrivée des Français, le gouvernement intérimaire

Q

dans sa totalité est passé par là pour aller de l’autre côté de la frontière.
Les Français vous ont donné ces armes pour quoi ? Est-ce que c’est, premièrement
pour maintenir l’ordre, deuxièmement, pour combattre le FPR, troisièmement, pour

R

tuer les tutsi ? Ou pour faire la chasse aux infiltrés ?
Là moi aussi je voudrais vous retourner la question : « Quand un militaire donne un

Q
R

fusil à un civil, il s’imagine que celui-ci va en faire quoi ? »
Essaye tout de même de donner une réponse.
Oui, je vais lui donner une réponse. Tu vois, lorsqu’ils nous ont donné ces fusils, ils
savaient qu’on pouvait s’en servir pour n’importe quoi, soit pour voler ou tuer des
gens, sauf que moi je ne l’ai pas fait. Mais la plupart de ceux à qui ils les ont donnés
ne les ont pas utilisés pour ce à quoi ils étaient destinés. Ils les ont utilisés pour tuer
les gens du côté de Bugarama, ils s’en servaient pour voler ou les vendaient…

Q
R

Ah oui, je me rappelle maintenant la marque de cette arme, c’était une R4 [L4 ?}.
Est-ce que les français vous ont dit de faire la chasse au FPR infiltrés ?
Ils nous ont dit : « Vous avez maintenant des fusils, c’est pour vous défendre, et alors

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si vous voyez des inyenzi et autres, allez-y réagissez, qu’ils ne vous attaquent pas
comme ça alors que vous avez de quoi faire ». Et à cette époque, au Rwanda, pendant
Q
R

le génocide, l’inyenzi, c’était tout tutsi.
Ils ont donné selon vous combien d’armes ?
Bon. Pour tous les interahamwe de Bugarama, de Youssouf, ils ont tous reçus des

Q
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Q
R

fusils.
Ils étaient combien ?
Youssouf avait plus de cent interahamwe.
Et les autres ?
Les autres, il y a des lieux où je n’ai pas pu aller, mais là-bas aussi, des armes ils en

Q

ont donné beaucoup. D’ailleurs les gens les ont emportées au Congo.
Les militaires français ont-ils chargé les miliciens de Youssouf ou d’autres d’une
mission particulière, par exemple aller défendre Butare ou Gikongoro ou aller sur

R

Bisesero ?
Oui, les miliciens de Youssouf se sont rendus à Bisesero, ils allaient aussi faire des
entrainements militaires dans la forêt de Nyungwe, on ne sait pas qui les entrainaient

Q

là-bas.
Mais la question était : « Est-ce que les militaires français ont chargé les miliciens de
Youssouf ou d’autres d’une mission particulière par exemple aller défendre Butare ou

R

Gikongoro ou aller sur Bisesero ? »
Les endroits où je sais qu’ils sont allés c’est Kibuye et Bisesero, mais j’ignore s’il y
avait des soldats français avec eux ou si c’était des Français qui les y avaient envoyés.
Cette information là je ne la connais pas. Ce que je sais avec certitude c’est que les

Q

interahamwe de Youssouf sont allés massacres des gens à Bisesero
Connaissez-vous des membres de la milice de Youssouf qui sont allés à Bisesero et y

R

a t-il de ces membres qui sont actuellement au Rwanda qui peuvent être interrogés ?
Bon, j’en connais, mais la plupart je ne suis pas certain qu’ils accepteraient de donner
ce genre d’informations. Il y un nommé Ndutiye alias Tarak, c’était lui le chef de
l’opération de Bisesero, il y a un certain Mugunda, Nkusi Boudoin, Masumbuko
Saïdi, un autre que j’oublie qui a été récemment emprisonné justement pour le cas de
Bisesero. Ce Ndutiye alias Tarak était le garde de corps de Youssuf et c’est lui qui
était le chef de l’opération Bisesero. Nkusi Baudoin est aussi en prison à Cyangugu.

Q
R

Masumbuko Saïdi lui aussi, il parait qu’il est en prison à Cyangugu, et…
Tarak où est-il ?
Tarak est probablement dans la prison de Cyangugu mais il est originaire de

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Q
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Bugarama.
Il est en prison ?
Il paraît. Et puis, il ya ceux qui les accusent pour toutes ces actions de massacres
dans lesquelles ils se sont investis. Parmi eux il y a un certain Bizimana Obed, il est
témoin, il les a vus prendre le départ pour Bisesero. Beaucoup d’autres les ont

Q
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Q
R

également vus mais je ne me souviens pas de leurs noms.
Obed il est d’où ?
Il est de Bugarama.
Ils sont partis de Cyangugu avec quels véhicules et combien étaient-ils ?
Ceux de Youssouf partaient dans de nombreux véhicules de la CIMERWA et des
camionnettes Daihatsu, précisément moi j’ai vu passer un véhicule Daihatsu bleu
avec environ une cinquantaine de miliciens munis de leurs fusils et d’autres armes, les

Q
R

autres véhicules je ne les ai pas vus.
Ils étaient au nombre de combien approximativement ?
Approximativement, les gens de Youssouf qui se sont rendus là-bas étaient au
nombre de 200 à peu près. Il y a d’ailleurs un vieux monsieur mis en prison
récemment à Cyangugu qui les avait accompagnés à Bisesero, - je ne me rappelle pas
son nom, il y a près de cinq mois qu’il est en prison- lorsqu’il lui a été posé la
question de savoir ce qu’il était allé faire à Bisesero en compagnie de ces
interahamwe, il a répondu qu’il y était allé pour soigner les gens, je ne sais pas ce que
cela veut dire, si lui on peut le voir, il pourrait nous aider à retrouver ceux-là qui y
sont allés avec lui.

Q
R
Q

Si jamais son nom me revient, je vous appelle et je vous le transmets.
Est-ce que vous vous souvenez de la date à laquelle ils se sont rendus à Bisesero ?
La date je ne m’en souviens pas, mais je sais que c’était durant le génocide.
Pendant le génocide, mais au mois d’avril, au mois de juin ou au mois de juin quand

R

les Français étaient là ?
Moi je sais que c’était pendant le génocide ; après l’arrivée des Français, ça je ne

Q

m’en souviens pas bien. Sauf qu’ils y sont allés deux fois.
Ce que tu ne te rappelles pas bien c’est quoi ? La date ou si les Français étaient déjà

R

venus ?
Je ne me rappelle pas bien. Autre chose que je me rappelle par contre, c’est que les
Français se sont battus avec le FPR là-bas à Bisesero, et c’est à cette période même

Q
R

que ces interahamwe de Youssuf y sont allés massacrer les gens.
Comment t pouvez-vous dire que les Français se sont battus avec le FPR à Bisesero ?
Cela vraiment j’en suis sur et certain, ils se sont battus avec le FPR à Bisesero ainsi

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Q
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qu’à Butare.
Est-ce que le FPR était arrivé à Bisesero ?
Les soldats du FPR étaient en train de conquérir toutes les parties du Rwanda, donc tu
comprends qu’ils étaient en train d’avancer et de conquérir le pays, alors ils ont dit
qu’ils les avaient stoppés pour les empêcher de se répandre partout dans tout le pays.
Cela je le sais sûrement car parmi les militaires du FPR qui se sont affrontés aux

Q
R

militaires français figurait un certain Ibingira. Celui-ci était là.
C’était un Français ?
[VENUSTE] : Non non, c’était un militaire du FPR qui s’est battu contre l’armée

Q
R
Q
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française.
A Butare ? A Gikongoro ?
Ils se sont affrontés à Kibuye et vers Bisesero en tentant d’avancer vers Cyangugu.
Cet Alfred Ibingira, il est toujours militaire et il est présent au Rwanda1 ?
Il est toujours militaire et il peut témoigner de la manière dont les militaires français

Q
R

les ont combattus.
Avez-vous vu le gouvernement intérimaire arriver à Cyangugu ?
Nous l’avons vu vraiment, et c’était la première fois que l’on voyait le cortège du
président traverser la frontière du Rwanda en se rendant de l’autre côté. Nous l’avons
également vu là [le président] où il a couché la première fois qu’il était venu à
Cyangugu, avant de revenir pour traverser la frontière et partir en exil. Tout cela on
l’a vu.
Sa première visite, c’était pour sensibiliser la population aux massacres, et la

Q

deuxième fois c’était lors de la fuite du gouvernement.
Le président Sindikubwabo est venu pendant le génocide pour sensibiliser les gens

R
Q
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Q
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Q

aux massacres, avez-vous dit ?
Oui, oui.
A quelle date ?
Bon, c’est durant cette période dont je vous ai parlé du Government 2.
C’est quand cette période ?
C’est cette période Government 2 sur laquelle j’ai témoigné à Arusha
Quand le président Sindikubwabo est venu et qu’il a fui au Congo, y a-t-il eu des
émissions de Radio Rwanda ou de Radio Mille collines à Cyangugu ? En avez-vous
entendu ?

1

Il s’agit de Fred Ibingira aujourd’hui Général dans les Forces Rwandaises de Défense. En 1994, pendant le
génocide, il était lieutenant-colonel de l’APR et commandant de l’unité mobile qui a conquis tout l’Est du Rwanda
et a participé à la prise de Butare. C’est là qu’il s’est battu avec les soldats français de Turquoise.

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R

Radio Rwanda émettait de Cyangugu en ce temps-là, quant à la RTLM, je n’ai pas le

Q

souvenir de l’endroit d’où elle émettait.
Est-ce que vous l’entendiez la RTLM ? Vers le 15 juillet quand le gouvernement

R

intérimaire a fui.
Tout à fait. On l’entendait très bien. Et à la Radio Rwanda, le journaliste qui a lu le
communiqué appelant la population à la fuite, c’était Kagina Jules Maurice, de radio
Rwanda.
La RTLM également on l’entendait, on entendait Kantano, Valérie BEMERIKI, il y
avait un journaliste congolais du nom de Mulunda Jean-Pierre, il parlait en français
sur la RTLM et commentait l’exode des rwandais, un autre appelé Georges Ruggiu de

Q

nationalité peut-être belge ou française je ne sais pas très bien…
Quand il y a eu la fuite de ce gouvernement intérimaire, il y a eu des pillages de la
ville de Cyangugu. Quel a été le rôle des militaires français devant ces pillages et ces

R

destructions ?
Lorsque le gouvernement intérimaire s’est exilé, tout Cyangugu a été pillée en
présence des militaires français qui n’ont nullement réagi. Et cela a continué même
quand les gens revenaient du Congo pour poursuivre les pillages toujours en présence
des français qui ne réagissaient pas.

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024