Fiche du document numéro 4244

Num
4244
Date
Vendredi 26 avril 2013
Amj
Auteur
Fichier
Taille
129246
Pages
2
Urlorg
Titre
Rwanda : les introuvables révélations de Théogène Rudasingwa sur l'attentat du 6 avril 1994
Nom cité
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Mot-clé
Source
Type
Langue
FR
Citation
Alors qu'un nouveau témoignage censé incriminer Paul Kagamé dans
l'attentat du 6 avril 1994 apparaît fragile, « Jeune Afrique » dévoile
le contenu de l'audition de l'opposant rwandais Théogène Rudasingwa
par le juge Marc Trévidic, en avril 2012.

La réaction ne s'est pas fait attendre. Moins de quinze jours après la
diffusion par Canal+ d'une enquête qui déconstruit méthodiquement la
thèse du juge Jean-Louis Bruguière attribuant au Front patriotique
rwandais (FPR, à l'époque mouvement politico-militaire essentiellement
tutsi) la responsabilité de l'attentat du 6 avril 1994, un transfuge
de l'ex-rébellion sort du bois pour tenter de la ressusciter.

Selon l'hebdomadaire Marianne, Jean-Marie Micombero affirme que « ce
sont bien ses anciens compagnons du FPR qui sont à l'origine de
l'attentat » contre l'avion du président hutu Juvénal Habyarimana, «
mais aussi du meurtre de trois Français, deux jours plus tard [les
gendarmes Jean-Paul Maïer et Alain Didot et l'épouse du second, Gilda
Didot, NDLR] ». Micombero, écrit Marianne, appartenait à l'époque à «
une petite section chargée du renseignement et dépendant directement
du high command de Kagamé », ce qui lui aurait permis de disposer
d'informations de première main sur ces deux épisodes jamais élucidés.

L'hebdomadaire omet toutefois de préciser que le pedigree de ce
témoin-miracle incite à prendre son témoignage avec prudence. Condamné
en 2007 par une cour militaire rwandaise pour falsification de
documents - peine ramenée à un an de prison en appel, l'homme ayant
plaidé coupable -, il s'est installé en Belgique il y a deux ans et a
rejoint le Congrès national rwandais (CNR) de Théogène Rudasingwa,
l'un des principaux mouvements de l'opposition en exil. Selon des
sources au sein de l'armée rwandaise, Micombero, qui n'était qu'un
simple sergent en 1994, n'a jamais appartenu à une unité de
renseignement et ne pouvait, vu son grade, avoir accès aux
communications stratégiques du haut commandement.

Une audition vide de révélations



Son témoignage n'est pas sans rappeler celui de son camarade de parti,
Théogène Rudasingwa. Fin 2011, cet ancien secrétaire général du FPR
avait claironné sur sa page Facebook qu'il détenait des éléments
accablants démontrant la responsabilité dans l'attentat de Paul
Kagamé. Le 20 avril 2012, Rudasingwa était entendu à Paris par le juge
Marc Trévidic. Le procès-verbal de son audition, que Jeune Afrique a
pu consulter via l'un des Rwandais mis en examen, offre une
illustration saisissante des témoignages à géométrie variable qui se
sont accumulés dans ce dossier. Face au magistrat antiterroriste, loin
des révélations accablantes promises aux médias, Rudasingwa
n'apportait en effet aucun élément sérieux susceptible de faire
progresser l'enquête.


Lorsque Marc Trévidic lui demande de quelles informations il dispose
pour attribuer ce crime à son ancien mentor, Rudasingwa se borne à
évoquer une confidence que lui aurait faite l'actuel président
rwandais lors d'un tête-à-tête. « Paul Kagamé m'a dit [en juillet
1994] qu'il avait décidé l'attentat parce qu'il savait qu'Arusha [les
accords de paix signés en août 1993 dans cette ville tanzanienne,
NDLR] n'allait pas marcher. Il m'a dit qu'il avait pensé que si on
supprimait la tête du régime, le régime tomberait. » Pour le reste,
l'ancien cadre du FPR affirme avoir obtenu des informations par des
officiers qu'il se refuse à nommer, invoquant des craintes pour leur
sécurité.

``Je ne sais pas''



Quand le juge d'instruction cherche à savoir « quels éléments sur
l'attentat » ces personnes lui auraient confiées, Rudasingwa botte en
touche : « Je préfère que ces témoins donnent leur version ». Qui, à
part Paul Kagamé, était informé du projet d'attentat, l'interroge le
magistrat ? « Je ne sais pas. » Quant au fameux « commando network »
qui aurait été chargé des basses œuvres - dont l'attentat - au sein du
FPR, Rudasingwa indique à Marc Trévidic n'en avoir jamais « entendu
parler ». Connaît-il l'identité des membres du commando ? « Je n'ai
pas mémorisé ces noms », se justifie le témoin-miracle, de moins en
moins loquace. Que sait-il de la formation des tireurs ? « Cela n'est
pas une information qui m'a été donnée. » « Savez-vous comment ont été
choisis les tireurs ? », relance le juge. « Je ne sais pas », admet
Rudasingwa. Confirme-t-il la tenue de réunions préparatoires à
l'attentat ? « Je ne pense pas qu'une telle réunion ait eu lieu. »

Au passage, Théogène Rudasingwa décrédibilise implicitement le
témoignage des seuls transfuges du juge Bruguière à ne s'être pas
rétractés jusque-là, les qualifiant d'« officiers subalternes qui
n'auraient pas été en mesure de savoir les projets de Kagamé ». Et
lorsque le juge Trévidic déroule les noms des différents officiers du
FPR incriminés par les témoins à charge qui l'ont précédé dans la
procédure, Théogène Rudasingwa les exonère quasiment tous, avant de
conclure son audition par ces mots : « Mon intérêt principal, c'est de
commencer à dire la vérité. J'ai été l'un des principaux artisans du
mensonge consistant à accuser les Hutus extrémistes ».

Deux mois plus tard, apparemment peu convaincu par les révélations de
Théogène Rudasingwa, le juge Trévidic faisait procéder à une
perquisition chez l'ex-gendarme français Paul Barril, allié
indéfectible des « Hutus extrémistes » avant, pendant comme après le
génocide.
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fgtquery v.1.9, 9 février 2024