Fiche du document numéro 3837

Num
3837
Date
Vendredi 24 juin 1994
Amj
Auteur
Fichier
Taille
87990
Pages
2
Titre
Les réfugiés tutsis font la fête aux Français
Nom cité
Lieu cité
Cote
reutfr0020011106dq6o00x2d
Source
Type
Dépêche d'agence
Langue
FR
Citation
CYANGUGU (Rwanda), 24 juin, Reuter - Des milliers de Tutsis ont accueilli en sauveurs les premiers soldats français arrivés vendredi dans le camp de réfugiés de Nyarushishi avec un message simple pour les autorités rwandaises: plus de tuerie.

Nyarushishi est situé en bordure de la ville rwandaise de Cyangugu, à l'extrémité méridionale du lac Kivu, face à Bukavu (Zaïre). Huit mille Tutsis y sont réfugiés depuis deux mois, dans la hantise d'un nouveau massacre.

Nous sommes maintenant en sécurité et c'est au tour de nos ennemis d'avoir peur, s'exclame Florentine, une enseignante réfugiée dans ce camp érigé de bric et de broc au beau milieu de la végétation luxuriante d'une plantation de thé.

Les refugiés ont accueilli avec un énorme soulagement l'arrivée des Francais. Depuis le début de la semaine, ils s'attendaient à un assaut des Hutus qui avaient encerclé le campement d'abris de fortune faits de bâches de plastic vertes et bleues.

Ils avaient des lances, des pieux, des gourdins et des fusils, précise Jean-Baptise, un paysan. Ils disaient qu'ils voulaient qu'il n'y ait plus un seul Tutsi vivant au Rwanda.

Les assaillants hutus ont finalement été dispersés par la gendarmerie rwandaise qui, depuis, garde le campement.

Le colonel Didier Thibaut qui, à la tête d'une trentaine de parachutistes, a franchi la frontière zaïroise pour gagner Nyarushishi jeudi après-midi, raconte avoir convoqué sur le champ le préfet, le chef de la gendarmerie et celui de l'armée gouvernementale pour leur dire sans ménagement que les massacres devaient cesser.

Notre objectif est de faire sentir notre présence et de faire savoir aux autorités locales que les civils de quelque ethnie qu'ils soient sont sous notre protection, même si nous ne sommes pas physiquement sur place.

A mesure que les bérets rouges français se déploient dans la région, ils sont informés de la présence de petits groupes de vulnérables réfugiés tutsis qui ont besoin de leur protection.

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"Vive les Français!"
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On nous parle d'un orphelinat ici, d'un groupe d'étudiants là. Il s'agit de rassembler les informations, souligne le colonel.

De source militaire française, on précise que les éléments avancés se déploient dans trois directions - au nord vers Kibuye, à l'est vers la forêt de Nyumgwe et au sud vers Bugarama.

Nombre de réfugiés de Nyarushishi ont perdu les membres de leurs familles dans les massacres perpétrés par leurs voisins hutus et quelquefois par des amis qui se sont retournés contre eux.

Des milliers d'entre eux s'étaient réfugiés dans le stade de Cyangugu avant que le préfet de la région ne décide de les transférer dans ce camp sans aucune protection, si ce n'est la présence symbolique de délégués de la Croix-Rouge internationale (CICR) qui l'administrent.

S'aventurer hors du camp est dangereux. Ceux qui vont chercher du bois ne reviennent jamais. Ils sont tués par les Hutus, assure un réfugié.

Bien que le Front patriotique rwandais (FPR), à dominante Tutsie, ait condamné l'intervention française, les réfugiés débordent de gratitude.

Il y a bien eu un moment de tension lors de notre arrivée, parce que quelqu'un leur avait dit qu'on venait pour les tuer, raconte Didier Thibaut. Mais nous avons aussitôt expliqué pourquoi nous étions ici et en 10 minutes la glace était rompue.

Même les Hutus semblent avoir bien accueilli la présence française. Vice les Français, pouvait-on lire sur une pile de vieux pneus dressée devant un des nombreux barrages de la milice hutue le long de la route principale. /LE

(c) Reuters Limited 1994
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