Fiche du document numéro 3558

Num
3558
Date
Lundi 25 juillet 1994
Amj
Hms
13:00:00
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Taille
26222766
Pages
0
Surtitre
Journal de 13 heures [5:52]
Titre
Le retour des réfugiés s'amorce lentement mais sûrement. Toute la question est de savoir si ces gens ne vont pas maintenant devenir des réfugiés dans leur propre pays
Soustitre
L'afflux de vivres et d'équipements n'est pas sans poser de nouveaux problèmes aux organisations humanitaires présentes sur place.
Nom cité
Lieu cité
Lieu cité
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FPR
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Résumé
- In Zaire and Rwanda, every day brings an increase in the number of mortality among refugees. According to Médecins sans frontières, 3,000 people are now dying a day in Goma. Under these conditions, a still limited return movement is confirmed among the refugees.

- Despite the war, cholera and death, the first refugees to return to Rwanda are not exempt from administrative formalities. The Rwandan Patriotic Front registers them as soon as they cross the border. New power requires.

- And the road continues. In Gisenyi, Rwanda, a big surprise: a new refugee camp, a new census. But for the first time, in the modern history of Rwanda, there is no distinction between ethnic groups.

- But despite everything, there is something uneasy in the air. Propaganda or counter-propaganda, fear or relief, who to believe, what to believe? Rwandans have not finished their Stations of the Cross. The return of the refugees is beginning, slowly but surely. The whole question is whether these people will not now become refugees, in their own country.

- Clashes have pitted French soldiers and Hutu militiamen over the last three nights. These militiamen are responsible for the massacres of the Tutsi minority. In addition, hundreds of Rwandan soldiers, still armed, loot what the refugees have managed to keep.

- International aid begins to organize. Australia has announced the dispatch of 300 soldiers to Rwanda. As for the Americans, they have just announced the temporary suspension of their food parachuting. A method that had been widely criticized by humanitarian organizations.

- We had to see images of children dying for the cargo planes to load food. They had to be repeated over the days for the pace to accelerate. Five other American jumbo jets took off from Frankfurt. Australia, Spain have announced that they are joining the operation. And Israel has already left a field hospital and several thousand tons of medicine.

- But this influx of food and equipment is not without posing new problems for humanitarian organizations present there. This aid should be organized and coordinated. The food drops by the Americans yesterday [July 24] have been heavily criticized. The parachuting would have taken place in the wrong place. He would have mobilized too many arms for the recovery. And its objective, the Katale camp north of Goma, was not a priority. There was enough food for the 300,000 refugees. Several NGOs did not hesitate to talk about pranks.

- At the end of the morning, today, the American staff announced that it was temporarily suspending the airdrop operation. At this time, donor countries and volunteers on the ground are working together and working to put order in the flow of aid.

- Richard Virenque, mountain grand prix and fifth in the Tour de France, announced last night that he was donating his Tour winnings to the Médecins sans frontières organization to help refugees from Rwanda. The best climber of the Tour also offers to auction his white jersey with red polka dots and his bike.

- He could have been content to have an obsessive thought for his own suffering. He could also have pocketed the 250,000 francs of nest egg that his talent allowed him to accumulate during the three weeks of the Tour 94. But there were these images, these terrible images, which he discovered every evening and which spoiled him so much. his pleasure as a winner than his serenity as a geographically well-born human being. So yesterday [July 24] after arriving on the Champs, Richard Virenque donated all of his earnings to Doctors Without Borders.
Source
TF1
Fonds d'archives
INA
Type
Journal télévisé
Langue
FR
Citation
[Dominique Bromberger :] Au Zaïre et au Rwanda, chaque jour apporte une augmentation du chiffre de mortalité parmi les réfugiés. Selon Médecins sans frontières, il meurt maintenant 3 000 personnes par jour à Goma.

Dans ces conditions un mouvement encore limité de retour se confirme chez les réfugiés. Nos envoyés spéciaux Gauthier Rybinski et Manuel Joachim ont suivi certains de ceux qui, malgré la peur des représailles, rentrent chez eux.

[Gauthier Rybinski :] Malgré la guerre, le choléra et la mort [une incrustation "Frontière Zaïro-Rwandaise" s'affiche à l'écran], les premiers réfugiés qui rentrent au Rwanda ne sont pas dispensés de formalités administratives. Le Front patriotique rwandais les enregistre dès le passage de la frontière. Nouveau pouvoir oblige.

Et la route continue. On marche comme on peut et l'on puise dans ses dernières ressources. Premier sourire depuis de longues semaines, cette femme exulte à l'idée de rentrer chez elle. Rien ne peut être pire, dit-elle, que ce qu'elle a connu à Goma [on voit la femme souriante mais aussi un homme très affaibli se faire porter à bout de bras par un autre homme et une femme].

Image presque idyllique du lac Kivu dont l'eau ne paraît plus menaçante. Mais à Gisenyi, au Rwanda, une surprise de taille : un nouveau campement de réfugiés, un nouveau recensement. Mais pour la première fois, dans l'histoire moderne du Rwanda, il n'y est pas fait de distinction entre les ethnies [gros plan sur une feuille de recensement].

[Un soldat du FPR : "On inscrit les noms, là où il vient, euh…, la préfecture. Et puis… seulement…, pas d'autre chose".]

Mais il y a malgré tout comme un malaise dans l'air.

[Un agent de recensement : - "Et puis nous allons continuer avec le…, avec d'autres précisions !". Gauthier Rybinski : - "Comment vous allez faire après pour les…, les nourrir, pour les faire boire, pour les faire manger. Est-ce qu'il ne va pas y avoir des problèmes là-dessus ?". L'agent : - "Non [silence ; l'agent semble agacé, il s'occupe d'un autre réfugié]. OK. Donc il n'y a pas de problème. Il n'y aura pas de problème".]

[Un réfugié [il s'exprime en kinyarwanda mais ses propos sont traduits] : "Moi, dit cet homme, j'ai compris que l'ancien gouvernement nous avait trompé en nous conseillant de fuir le Rwanda. C'est pourquoi je rentre. Les gens du FPR sont très gentils".]

Propagande ou contre-propagande, peur ou soulagement, qui croire, que croire ? Les Rwandais n'ont pas fini leur Chemin de croix [on voit des soldats du FPR encadrer la foule de réfugiés].

[Gauthier Rybinski, face caméra, devant une foule de réfugiés : "Nous sommes ici à Gisenyi [une incrustation "Goma, Zaïre" s'affiche pourtant à l'écran], première ville rwandaise de l'autre côté de la frontière avec le Zaïre. Vous le voyez le retour des réfugiés s'amorce, lentement mais sûrement. Toute la question est de savoir si ces gens ne vont pas maintenant devenir des réfugiés dans leur propre pays".]

[Dominique Bromberger :] Des accrochages ont mis aux prises au cours des trois dernières nuits des militaires français et des miliciens hutu. Ces miliciens sont responsables des massacres de la minorité tutsi. Par ailleurs des centaines de soldats rwandais, toujours armés, pillent ce que les réfugiés ont réussi à conserver.

L'aide internationale commence à s'organiser. L'Australie a annoncé l'envoi de 300 militaires au Rwanda. Quant aux Américains, eux, ils viennent d'annoncer la suspension momentanée de leurs parachutages de vivres. Une méthode qui avait été très critiquée par les organisations humanitaires. Patricia Allémonière.

[Patricia Allémonière :] Il aura fallu voir des images d'enfants qui meurent pour que ces avions-cargos se chargent de vivres. Il aura fallu qu'elles se répètent au fil des jours pour que la cadence s'accélère. Cinq autres avions gros-porteurs américains ont décollé de Francfort [gros plans sur une palette de cartons de "Protein biscuit"]. L'Australie, l'Espagne ont annoncé qu'elles se joignaient à l'opération. Et Israël a déjà fait partir un hôpital de campagne et plusieurs milliers de tonnes de médicaments.

Mais cet afflux de vivres et d'équipements n'est pas sans poser de nouveaux problèmes aux organisations humanitaires présentes sur place [gros plan sur un homme très affaibli qui se fait aider pour boire à une bouteille d'eau]. Il faudrait organiser, coordonner cette aide. Les largages de vivres effectués par les Américains hier [24 juillet] ont été vivement critiqués. Le parachutage se serait fait au mauvais endroit. Il aurait mobilisé trop de bras pour la récupération. Et son objectif, le camp de Katale au nord de Goma, n'était pas prioritaire. Il y avait assez de vivres pour les 300 000 réfugiés. Plusieurs ONG n'ont pas hésité à parler de farce.

En fin de matinée, aujourd'hui, l'état-major américain annonçait qu'il suspendait temporairement l'opération de largage. À cette heure, les pays donateurs et les volontaires sur place se concertent et s'efforcent de mettre de l'ordre dans l'acheminement de l'aide.

[Dominique Bromberger :] Richard Virenque, grand prix de la montagne et cinquième du Tour de France, a annoncé hier soir [24 juillet] qu'il faisait don de ses gains du Tour à l'organisation Médecins sans frontières pour qu'elle aide les réfugiés du Rwanda. Le meilleur grimpeur du Tour propose également de mettre aux enchères son maillot blanc à pois rouges et son vélo. Jean-Michel Bellot a rencontré ce matin Richard Virenque.

[Jean-Michel Bellot :] Il aurait pu se contenter d'avoir une pensée obsessionnelle pour sa propre souffrance. Il aurait pu aussi empocher les 250 000 francs de magot que son talent lui a permis d'accumuler durant les trois semaines du Tour 94. Mais il y a eu ces images, ces images terribles, que chaque soir il découvrait et qui lui gâchait autant son plaisir de vainqueur que sa sérénité d'être humain géographiquement bien né [gros plan sur des réfugiés, dont des enfants, qui sont à l'agonie]. Alors hier [24 juillet] après l'arrivée sur les Champs, Richard Virenque a fait don de la totalité de ses gains à Médecins sans frontières.

[Richard Virenque : "À chaque fois qu'on rentre de…, d'étape, tout ça, on essaie un peu de décompresser, de regarder la télé. Bon, on se fait masser. Mais on regarde la télé, on essaie de…, d'être informé un peu de ce qui se passe dans le monde. Et… dès fois comme…, comme là, eh ben, le Rwanda, ça…, ça marque. De voir des personnes par terre, mortes comme des chiffons, euh, que le…, les autres y passent à côté comme si c'était normal. Et bon, je trouve ça vraiment scandaleux. Et… je fais ce geste de…, du cœur".]

Ce geste ne mérite aucun commentaire. Il se suffit à lui-même. Mais ce matin à Paris, Richard Virenque avait le cœur léger, comme soulagé d'avoir pu relativiser sa souffrance individuelle en regard d'une agonie collective [on voit le cycliste marcher dans la rue aux bras de sa compagne].
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fgtquery v.1.9, 9 février 2024