Fiche du document numéro 3554

Num
3554
Date
Samedi 23 juillet 1994
Amj
Hms
13:00:00
Auteur
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Fichier
Taille
27653103
Pages
0
Surtitre
Journal de 13 heures [6:59]
Titre
Les images dramatiques du Rwanda diffusées sur toutes les télévisions du monde semblent enfin provoquer une réaction de l'opinion internationale
Soustitre
Bill Clinton débloque 76 millions de dollars. La France envoie de nouveaux médecins et du matériel.
Nom cité
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Lieu cité
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Mot-clé
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Résumé
- The dramatic images of Rwanda broadcast on televisions around the world finally seem to provoke a reaction from international opinion. The belated aid to Rwandan refugees may well end up being massive. It is a real race against time. Bill Clinton releases $ 76 million. France is sending new doctors and equipment. But there, cholera continues its deadly work.

- This morning, in the streets of Goma, the macabre broom of the evacuation of corpses continued. 300 people died during the night, all of cholera. But there is a big surprise: at the border post with Rwanda, littered with arms and ammunition, a few Rwandans are waiting. They want to go home. A refugee: "I would like to go home because I did not commit anything as a massacre. And I think that those who do not want to return are those who committed massacres. So I am innocent, I must return in my country".

- The movement is still tiny. The fear vis-à-vis the new Kigali regime has not disappeared. But a little trickle of energy seems to regain these people, who have understood that in Goma death has become a certainty.

- Around 2 p.m., an American jumbo jet, a Galaxy plane, is expected to transport about 40 tonnes of material to Goma.

- The French Minister of Health, Mr. Douste-Blazy, arrived in Goma about an hour ago with two planes of 40 tonnes each comprising water treatment systems, pumping units, 20,000 bottles of glucose, infusion sets, anti-cholera antibiotics. These figures may seem impressive, but it must be recognized that, for the moment, it is insufficient. The important thing is to notice that for the first time we are giving ourselves the means to treat the water which is the cause of this cholera epidemic. These means, which are arriving today, will not make it possible to resolve the difficulties, the misery of the refugees, but at least they will be able to stop the epidemic.

- The best thing that can happen is for the refugees to flee the disease and return home. It would be the ideal complement to this large-scale humanitarian action. Here again what must be emphasized is that humanitarian and political issues are closely linked. Because if the RPF, that is to say the new power in Kigali, has the assurance that the international community will finally tackle the problems of the refugees, perhaps this government will now multiply invitations to return because he will simply feel supported in his attempt to restore a normal state and country.

- The situation, the work of the doctors here on site is still carried out in appalling conditions: lack of personnel, lack of drugs. But also difficulties of access to the camps, difficulties of access to the sick. One of the priorities is to provide water and make it drinkable. Several French companies have just answered the call of humanitarian organizations: Lyonnaise des Eaux but also Saur, which sent a Toyota all-terrain vehicle to supply drinking water to 25,000 people per day.

- Thanks to ultrafiltration water treatment plants, even the water from the most polluted rivers becomes drinkable. Half an hour is enough to connect the pump and the pipes. The water passes through very fine membranes, formed of pores so microscopic that they retain all kinds of impurities, including the finest such as amoebae and viruses. These water treatment plants provide an average of 5,000 liters of water per person per day. They have already proven their effectiveness in Kurdistan and they also have the advantage of being easily transportable.
Source
TF1
Fonds d'archives
INA
Type
Journal télévisé
Langue
FR
Citation
[Jean-Claude Narcy :] Madame, Monsieur, bonjour. Les images dramatiques du Rwanda diffusées sur toutes les télévisions du monde semblent enfin provoquer une réaction de l'opinion internationale. L'aide tardive aux réfugiés rwandais pourrait bien, en fin de compte, être massive. Il s'agit d'une véritable course contre la montre. Bill Clinton débloque 76 millions de dollars. La France envoie de nouveaux médecins et du matériel. Mais sur place, le choléra continue son œuvre mortelle. Le reportage de nos envoyés spéciaux Gauthier Rybinski et Manuel Joachim.

[Gauthier Rybinski :] Ce matin, dans les rues de Goma, le balai macabre de l'évacuation des cadavres s'est poursuivi [on voit des hommes ramasser des cadavres et les mettre dans un véhicule]. 300 personnes sont mortes dans la nuit, toutes de choléra. Mais il y a une surprise, de taille : au poste-frontière avec le Rwanda, jonché d'armes et de munitions [on voit un bâtiment jaune avec écrit sur son fronton "Office des douanes et accises" et, juste devant, des quantités d'armes et de munitions qui jonchent le sol], quelques Rwandais attendent. Ils veulent rentrer.

[Un réfugié : "On n'a pas de quoi manger. On n'a…, on n'a pas de soins. Au lieu de mourir ici, si vous êtes…, si vous avez, euh…, circulé ici, toute la ville est vraiment encombré de…, de morts. En tout cas on veut aller chez nous ! Si on va nous tuer, que l'on nous tue en étant dans notre pays".

Un autre réfugié : "Oui, oui, je voudrais rentrer chez moi… parce que je n'ai rien commis comme massacre. Et je pense que ceux qui ne veulent pas rentrer, c'est ceux qui ont commis des massacres. Alors moi je suis innocent, je dois retourner dans mon pays".]

Le mouvement est encore infime. La peur vis-à-vis du nouveau régime de Kigali n'a pas disparu. Mais un petit filet d'énergie semble regagner ces gens, qui ont compris qu'à Goma la mort est devenue une certitude.

[Jean-Claude Narcy interviewe à présent Gauthier Rybinski, en duplex de Goma.]

Jean-Claude Narcy : Gauthier Rybinski, bonjour. Vous êtes sur place à Goma et en direct. Est-ce que l'on voit concrètement le début de cette aide promise par les Français comme par les Américains ?

Gauthier Rybinski : Alors écoutez, pour l'instant non. C'est encore un peu trop tôt. On attend vers 14 heures un gros-porteur américain, un avion Galaxy, qui doit acheminer vers Goma à peu près 40 tonnes de matériel. Et puis vous le savez certainement, le ministre français de la Santé, Monsieur Douste-Blazy, est arrivé à Goma il y a à peu près une heure. Et là, il est arrivé avec à peu près -- je vous donne ça in extenso -- deux avions de 40 tonnes chacun et avec des trai…, des systèmes de traitement d'eau, des unités de pompage, 20 000 flacons de glucose, des sets de perfusion, des antibiotiques anti-choléra. Alors ces chiffres peuvent paraître impressionnants mais il faut bien reconnaître que, pour l'instant, c'est insuffisant. L'important c'est de remarquer que pour la première fois on se donne les moyens de traiter l'eau. Vous savez que l'eau est la cause de cette épidémie de choléra. Ces moyens qui arrivent aujourd'hui ne permettront pas de résoudre les…, les difficultés, la misère des réfugiés. Mais au moins elle pourra…, ils pourront stopper l'épidémie, ils pourront stopper l'hécatombe et c'est déjà ça.

Jean-Claude Narcy : Gauthier, on…, on indique tout de même qu'il va y avoir l'arrivée d'une unité de pompage de purification de l'eau capable d'assurer pendant un mois la distribution de l'eau à un million de réfugiés. C'est quand même important !

Gauthier Rybinski : C'est quand même important et je vous le disais à l'instant, c'est centré sur l'eau qui est le problème clé aujourd'hui, euh…, ici à Goma pour les réfugiés rwandais. Ce n'est pas tellement l'alimentation, ce n'est pas tellement la nourriture, c'est de pouvoir réhydrater les gens sans qu'ils tombent malades, sans qu'ils contractent le choléra.

Jean-Claude Narcy : Alors la meilleure chose qui puisse arriver, c'est que les réfugiés fuient la maladie et rentrent chez eux ? Vous venez de nous dire qu'il y a une amorce de retour.

Gauthier Rybinski : Oui. Vous…, vous l'avez vu. Alors c'est…, c'est…, c'est infime, ce mouvement est très minoritaire. Mais nous avons tenu à vous le montrer parce que, effectivement, s'il se confirme dans les jours à venir, ça serait le complément idéal à cette action humanitaire d'envergure. Là encore ce qu'il faut souligner, c'est que humanitaire et politique sont étroitement liés. Car si le FPR -- c'est-à-dire le nouveau pouvoir à Kigali -- a l'assurance que la communauté internationale va enfin prendre à bras-le-corps les problèmes des réfugiés, eh bien, peut-être que ce gouvernement va maintenant multiplier les invitations au retour parce qu'il se sentira tout simplement soutenu dans sa tentative de restaurer un État et un pays normal.

Jean-Claude Narcy : Une dernière question : les conditions de travail des médecins, des infirmières, euh, sont toujours les mêmes. On attend des médecins venant des États-Unis également, je pense ?

Gauthier Rybinski : Oui tout à fait. Dans l'avion dont je vous parlais à l'instant -- le…, le…, le…, le Galaxy américain --, il doit y avoir à peu près une cinquantaine de médecins qui doivent arriver à Goma. Pour l'instant je dois vous dire que la situation, le travail de…, de…, des médecins ici sur place est toujours…, s'effectue toujours dans des conditions épouvantables : manque de personnel, manque de médicaments, ça nous l'avons dit. Mais aussi difficultés d'accès, euh, aux camps, difficultés d'accès aux malades. Hier [22 juillet] nous avons vu des malades qui étaient en train de mourir et qui ont dû attendre jusqu'à un quart d'heure, 20 minutes pour avoir un semblant de traitement. Et tout ça évidemment ne facilite pas le travail des équipes médicales.

Jean-Claude Narcy : Gauthier, merci. Nous vous retrouverons bien entendu ce soir, euh, dans notre édition de 20 heures.

Hier soir [22 juillet] dans cette même édition, en direct d'un des camps de Goma, un jeune médecin, le docteur Florence Parent, nous disait les difficultés rencontrées pour soigner le choléra et exprimait les besoins en médicaments et en logistique. Écoutez Florence Parent.

[Florence Parent, "Médecins sans Frontières" [une incrustation indique en haut de l'écran : "Goma - Zaïre, hier soir [22 juillet]"] : "C'est des gens qui n'ont pas à boire. Sur tout le chemin qui va en fait de Goma à Katale, où c'est le dernier camp de réfugiés, il n'y a pas d'eau. Ou il y a éventuellement de l'eau mais c'est de l'eau contaminée. Donc nos principaux besoins, c'est la réhydratation. C'est donc envoyer, euh, des cargos de, euh…, de kits choléra, du Ringer, du FRO. C'est réhydrater les gens et mettre des points d'eau. Donc les points…, principaux besoins, c'est la réhydratation".]

[Jean-Claude Narcy :] Voilà, vous l'avez compris, l'une des priorités c'est bien d'apporter de l'eau et de la rendre potable. Plusieurs sociétés françaises viennent de répondre à l'appel des organisations humanitaires : la Lyonnaise des Eaux mais aussi la Saur, qui a envoyé un véhicule Toyota tout terrain permettant d'approvisionner en eau potable 25 000 personnes par jour. Anne-Marie Blanchet nous explique comment fonctionnent les pompes à eau qui vont arriver dans les camps de réfugiés.

[Anne-Marie Blanchet :] Quand pour étancher leur soif les hommes n'ont d'autres recours que des cours d'eau pollués ou des flaques d'eau saumâtres, ils se résignent à boire ce qu'ils trouvent sans se poser de question [on voit notamment un enfant remplir son bidon avec de l'eau boueuse]. C'est ce qui se passe au Rwanda. D'où l'épidémie de choléra, des dysenteries, voire même des typhoïdes [vue aérienne sur des camps de réfugiés].

Une seule parade : des stations de traitement d'eau par ultrafiltration, semblables à celle-ci [on voit une station de traitement d'eau sur laquelle se trouve inscrit "Aquachoc"]. Grâce à celle, même l'eau des rivières les plus polluées devient potable [une incrustation "Images d'archives" s'affiche à l'écran]. Une demi-heure suffit pour brancher la pompe et les tuyaux. L'eau passe à travers des membranes très fines, formées de pores si microscopiques qu'elles retiennent toutes sortes d'impuretés, y compris les plus fines comme les amibes, les virus.

[Joël Mallevialle, "Directeur Centre Recherche 'Lyonnaise des Eaux'" : "On arrête absolument tout ce qui est parasites, tout ce qui est bactéries et tout ce qui est virus. Autrement dit tout ce qui est…, qui a une taille supérieure à…, au centième de micron. Le choléra est absolument, euh…, éliminé à 100 %".]

Ces stations de traitement d'eau fournissent en moyenne cinq litres d'eau par personne et par jour. Elles ont déjà prouvé leur efficacité au Kurdistan et elles présentent en outre l'avantage d'être facilement transportables.
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