Fiche du document numéro 34409

Num
34409
Date
Mercredi 13 septembre 2023
Amj
Auteur
Fichier
Taille
188057
Pages
12
Urlorg
Titre
Les actes humains remarquables faits par les individus Français pendant et après le génocide perpétré contre les Tutsi
Source
Type
Conférence
Langue
FR
Citation
Gérard Nyirimanzi

Après avoir démontré qu’il faut prévenir absolument un génocide avant qu’il ne se produise et l’arrêter à tout prix pendant sa commission , il me revient de répondre à la question de savoir ce qu’il faut faire après y avoir mis fin pour mieux reconstruire la société et réconcilier le peuple meurtri par un génocide. Me basant essentiellement sur l’expérience du Rwanda d’après le génocide, j’estime qu’il faut absolument punir les génocidaires et reconnaître les Justes qui font des actes humains individuellement ou à travers des actions humanitaires au moment où les autres commettent des atrocités. Il faut punir les perpétrateurs du génocide pour éviter essentiellement la culture de l’impunité qui est aussi un des facteurs du génocide ; il faut reconnaître les justes pour mieux rendre la justice (presque impossible après un génocide) ; il faut particulièrement éviter la généralisation abusive qui fait croire que tous les membres du groupe des perpétrateurs auraient trempé dans le crime. Ces deux actions sont nécessaires pour réconcilier le peuple déchiré par un génocide. Pour atteindre cet objectif noble de réconciliation nationale (et entre individus et familles), il faut éviter tout ce qui était à l’origine du génocide, notamment l’idéologie raciale nourrie par les préjugés raciaux et les généralisations abusives que les génocidaires utilisent souvent pour passer l’acte.

Pourquoi faut-il reconnaître les actes humains remarquables ?
Par « actes humains remarquables », je me réfère au concept des Justes qui font des « actes nobles » dans plusieurs génocides souvent au risque de leur vie ou celle des leurs. Cependant, en ce qui concerne les Français au cours du génocide des Tutsi, la définition des Justes est difficilement applicable car leur vie n’était pas en danger au Rwanda pendant le génocide, surtout que leur gouvernement œuvrait aux côtés des deux gouvernements rwandais qui ont mis en œuvre le génocide des Tutsi (celui de Juvénal Habyalimana et de Théodore Sindikubwabo). Je parle donc d’individus français qui ont fait le contraire de ce que le gouvernement mitterrandien faisait. En effet, les Français ne couraient aucun danger en sauvant les Tutsi pendant le génocide, à l’inverse, par exemple, des dix casques bleus belges massacrés alors qu’ils protégeaient la Première ministre Agathe Uwilingiyimana le 7 avril 1994, et surtout le capitaine sénégalais, Mbaye Diagne, tué le 31 mai sur une barrière des Forces Armées Rwandaises/Interahamwe après avoir effectué plusieurs missions de sauvetage à Kiyovu, dont la sécurisation et l’évacuation des deux enfants rescapés d’Agathe Uwilingiyimana .

Quant aux critères objectifs qui me guident pour choisir ces actes humains remarquables faits par des Français, je me réfère à ceux qui ont dénoncé ce génocide ainsi que ses auteurs (et complices) avant, pendant et après le génocide perpétré contre les Tutsi, et bien sûr à celles ou ceux qui ont aidé ses victimes à survivre par tous les moyens possibles.
La reconnaissance des actes humains et ceux des justes permet d’éviter des généralisations abusives qui sont aussi des facteurs du génocide comme l'a signalé le chercheur Jean-Pierre Chrétien : il a noté que la globalisation des préjugés ou plus précisément ce qu'on appelle chez nous la généralisation (abusive) est l'une des tactiques utilisées par les idéologues du génocide pour justifier leur entreprise .
Au Rwanda, cette généralisation abusive est justement à l‘origine de ce qu'on appelle communément « les blessures historiques des Hutu » (en anglais « Hutu historical wounds », qui, avant le génocide, constituaient le fondement même de la haine presque « atavique » entre les deux groupes socio-économiques des frères rwandais (Hutu/Tutsi). Une haine « raciale » non-justifiée, mais qui avait été entretenue par les deux Républiques après l’indépendance en 1962 jusqu’à l’aboutissement au génocide perpétré contre les Tutsi en 1994.

Exemples de généralisations abusives à l’origine des préjugés raciaux entre les Rwandais
La généralisation abusive est l’une des tactiques utilisées par les génocidaires pour définir et désigner le bouc-émissaire. Elle consiste en une globalisation excessive d’un préjugé racial sur tout le groupe, sans chercher le bien-fondé de son assertion. Au Rwanda, elle stipulait, par exemple, pendant la période précoloniale, que « tous les Tutsis étaient au pouvoir » qu’ils monopolisaient pendant cette période monarchique, et qu'ils ont « tous malmené les Hutus ». Ce fut la thèse des ténors de la « Révolution sociale » des Hutu de 1959 que Ferdinand Nahimana et Léon Mugesera reprendront dans les années 1990-94. Ils ignoraient sciemment d'abord que tous les Tutsi n'étaient pas au pouvoir pendant cette période de la monarchie nyiginya, ensuite que cette monarchie absolue associait au pouvoir Tutsi et Hutu.
La deuxième généralisation abusive pendant cette période précoloniale exposait que « Tous les Tutsi ont malmené les Hutu au moyen du contrat de servage bovin (Ubuhake) ». C’était la thèse de Gitera dans ses « Dix Commandements des Hutu » (mentionnés dans ce colloque par les professeurs Charles Mulinda Kabwete et Jean-Pierre Chrétien ). Gitera conclut dans le préambule de ses 10 Commandements : « Baragatsindwa i Rwanda » (qu’ils [Tutsi] soient bannis du Rwanda). Pourtant, premièrement, tous les Hutu (et les Tutsi) n'étaient pas engagés dans ce contrat de servage bovin, car certains préféraient d’autres formes de contrat comme l’ubukonde . Ensuite, plusieurs vassaux ou serviteurs étaient à l'aise avec ce contrat de servage bovin qui n'était pas obligatoire et que l’on pouvait rompre quand on se sentait mal à l'aise ou lésé dans ses droits. La preuve de cette souplesse dans ce contrat de servage est que beaucoup de vassaux juraient au nom de leurs patrons, et transmettaient souvent cette bonne relation familiale à leurs enfants !

Au cours de la période coloniale et des deux premières Républiques, on a continué à recourir à cette tactique de généralisation abusive. Par exemple, on disait que « Tous les Tutsi sont des Inyenzi/Inkotanyi » ou « leurs complices » (qui se battent pour reconquérir à tout prix le pouvoir qu'ils ont perdu au moment de l'indépendance). C’était l'opinion du journal Kangura créé par un certain Ngeze Hassan qui prônait la solution finale pour ces agresseurs étrangers (Tutsi) : « Tubatsembatsembe ! » (« Exterminons-les »). Cette thèse était partagée par les journalistes et administrateurs de la Radio-Télévision des Mille Collines (RTLM), qui n’ignoraient certainement pas qu’il y avait des Hutu au sein du FPR-Inkotanyi (et même au sein des Inyenzi des années 1960) .
La quatrième généralisation abusive répandue après le génocide perpétré contre les Tutsi du Rwanda stipulait que : « Tous les Hutu sont des génocidaires » ou que « tous ont tué pendant le génocide » (c’est la thèse des extrémistes Tutsi). Et ils basent ces préjugés sur le fait que très peu de Hutu ont révélé aux Tutsi qu'ils seront exterminés afin de leur permettre de prendre la fuite bien avant ; ils se fondent aussi sur le fait que la grande majorité des Hutu ont participé au génocide des Tutsi de leur propre volonté ou du fait de la coercition. Mais la réalité historique est qu’il y eut des Hutu qui n’ont pas trempé dans le génocide et plusieurs d’entre eux ont même participé à la survie des Tutsi rescapés.
La dernière généralisation abusive que je mentionne prétend que « Tous les Français sont les mêmes », car ils ont aidé le régime hutu à perpétrer le génocide contre les Tutsi. Mais ils oublient que des Français, à titre individuel, ont aidé les Tutsi en danger de génocide à survivre. Mais ces Français, comme cela a été expliqué, n'étaient pas menacés au Rwanda et ne mettaient pas leur vie en danger de mort lorsqu'ils aidaient les Tutsi. C’est pourquoi l'appellation de « Juste » leur est difficilement applicable.

La lutte contre les généralisations abusives
Les mesures prises au Rwanda pour endiguer de telles généralisations abusives qui pourraient conduire à la répétition du génocide ou au sentiment de vengeance, sont les suivantes :
1. Enseigner la véritable histoire du Rwanda (et de l'unité séculaire entre les trois groupes socio-économiques rwandais (Tutsi, Hutu, Twa) ;
2. Faire des recherches approfondies pour démontrer cette unité et l'absence de « conflits inter-ethniques » pendant cette période précoloniale ;
3. Définir des catégories de génocidaires (planificateurs, organisateurs, simples tueurs, ceux qui ont seulement confisqué les biens des Tutsi) pour mieux rendre justice et éviter la culture de l'impunité.
4. Reconnaître les Justes (Indakemwa ou Abarinzi b'Igihango ) rwandais et étrangers, non seulement pour souligner ce qu'il fallait faire pendant le génocide, mais surtout pour éviter les généralisations abusives d’après génocide.
C’est dans ce cadre qu’il faut absolument reconnaître des actes humains remarquables pendant et après le génocide perpétré contre les Tutsi, afin qu’une certaine opinion cesse de proclamer que « Tous les Français sont les mêmes ». Il y aura évidemment ceux qui diraient « mais ils ont presque tous voté pour porter Mitterrand au pouvoir ! ». Cependant, tous les Français n’ont pas voté, et tous ceux qui ont voté ne l’ont pas fait en faveur de Mitterrand ! Il en est de même au Rwanda, tout le monde ne votait pas pour Juvénal Habyarimana, même du temps du parti unique.
Certains des Français ont fait des actes humains remarquables comparables à ceux des Justes des autres génocides. Certains ont été distingués par le chef de l'Etat rwandais, Paul Kagame, pour avoir agi contre le génocide perpétré contre les Tutsi, essentiellement en le dénonçant avant et après son exécution, et en aidant dans la mesure du possible les victimes de ce génocide .
Le premier Français à dénoncer le génocide perpétré contre les Tutsi avant même son exécution finale en 1994 est Jean Carbonare, membre de l'association Survie dont il fut président de 1988 à 1994. Il a dénoncé le génocide qui se perpétrait déjà avant 1994, notamment après avoir participé à la commission internationale d'enquête sur les violations des droits de l'homme au Rwanda de janvier 1993. Après le génocide, il a mis ses compétences au service du Rwanda pour aider les Rwandais à reconstruire leur pays . Il fut décoré de la médaille de la Campagne contre le génocide Umurinzi en 2010 par le président Paul Kagame.
Le deuxième Français á être reconnu par le Rwanda pour sa dénonciation de l'implication française dans le génocide des Tutsi fut Jean-Paul Gouteux, auteur en 2002 de l’ouvrage La Nuit rwandaise : l'implication française dans le dernier génocide du siècle, décédé en 2006. Jean-Paul Gouteux était un chercheur en entomologie médicale, à l’Institut de recherche pour le Développement (IRD). A partir de 1994, il a écrit dans des journaux engagés à gauche, et a tenté de faire la vérité sur le génocide des Tutsi. Dans la perspective d’Ibuka 2004, Gouteux a proposé un « Avant-projet à la discussion collective de ceux qui veulent réparer les conséquences de la complicité de génocide de la France au Rwanda ».

Les troisièmes à être reconnus par le gouvernement rwandais sont Dafroza et Alain Gauthier. Alain Gauthier est président du Collectif des Parties Civiles pour le Rwanda (CPCR) dont le but est de rechercher les génocidaires réfugiés en France et en Europe, pour les faire traduire en justice. « La justice nous paraît un chemin obligatoire pour reconstruire le Rwanda », affirme Alain Gauthier.
La liste des Français qui ont fait et continue de faire des actes humains remarquables à l’encontre du génocide perpétré contre les Tutsi du Rwanda est longue, car nombreux sont celles et ceux qui continuent à dénoncer ce génocide, ses auteurs et leurs sympathisants en France, et qui recherchent la vérité. Cette liste peut inclure aussi les personnes suivantes :

1. Le docteur Annie Faure, médecin pneumologue, présente au Rwanda pour l’ONG Médecins du Monde à l’époque du génocide perpétré contre les Tutsi. Elle a pu sauver 32 enfants gravement blessés qu’elle a ensuite évacués en Europe pour un meilleur traitement médical. Non seulement le docteur Faure leur a cherché des familles d’accueil pendant et après leur traitement, mais elle a fait tout ce qu’elle pouvait pour qu’ils étudient en Europe. « C’était principalement pour mieux suivre le traitement médical de pas mal d’entre eux, et ils étaient orphelins du génocide, n’ayant donc plus de familles à eux pour la prise en charge », rappelle-t-elle . Uwera Didacienne, l’une de ces enfants qui ont bénéficié du traitement médical et d’une bourse d’étude en Europe grâce à l’intervention et le suivi d’Annie Faure, affirme qu’elle « n’oubliera jamais ce que le Dr Annie Faure a fait pour elle » !
Depuis des années, le docteur Annie Faure cherche à faire la lumière sur les violences sur des femmes commises par les militaires français de l’Opération Turquoise. Elle a recueilli les plaintes de plusieurs femmes tutsi violées. « Je me suis dit qu’il fallait absolument recueillir ces plaintes », se souvient-elle . Les plaintes ont été recueillies en 2004 mais c’est en 2010 après des heures d’audition au Tribunal des Armées qu’elles sont considérées recevables malgré un appel du Parquet. Les militaires mis en examen sont accusés de « crime contre l’humanité » et de « participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un crime contre l’humanité ». L’instruction est toujours en cours au Pôle Génocide et Crimes contre l’Humanité du Tribunal de Grande Instance de Paris . En dehors des témoignages des victimes de viol, seul celui d’Annie Faure peut leur rendre justice. Six plaintes maintenant sont déposées et reçues par la justice française pour statuer sur ces cas très délicats.
2. L’écrivain et journaliste Jean-François Dupaquier. Il a écrit de nombreux ouvrages sur le génocide des Tutsi au Rwanda, notamment L'agenda du génocide : le témoignage de Richard Mugenzi, ex-espion rwandais (2010), La Justice internationale face au drame rwandais (1996), et Politiques, militaires et mercenaires français au Rwanda : Chronique d’une désinformation (2014). Fin connaisseur du Rwanda et du Burundi, il a été appelé à plusieurs reprises par les juges du TPIR requérant sa haute expertise juridique, principalement dans le procès des militaires rwandais accusés de crime de génocide. Utilisant le témoignage précieux de Richard Mugenzi, ex-espion des Forces armées rwandaises (FAR), Jean-François Dupaquier a révélé une grave manipulation de preuves dans l’affaire du juge français Jean-Louis Bruguière (1998), impliquant les hauts responsables du Front patriotique Rwandais (FPR) dans l’attentat contre l’avion du président Juvénal Habyarimana.
3. L’écrivain et journaliste Patrick de Saint-Exupéry qui a récemment écrit La Traversée (2021) pour montrer la réalité de ce qui s’est passé dans les guerres du Congo où les négationnistes prétendent qu’il y eut un autre génocide contre les réfugiés hutu. La Traversée est d’abord « une déconstruction solide de la théorie du double génocide qui prévaut dans certains milieux. Au génocide perpétré contre les Tutsi par les Hutu extrémistes en 1994 au Rwanda, n’a pas répondu celui des Hutu par les Tutsi en RDC-Congo (ex-Zaïre), deux ans plus tard » . Patrick de Saint-Exupéry a écrit aussi La Fantaisie des Dieux, Rwanda 1994, une bande dessinée publiée en 2014 consacrée au génocide perpétré contre les Tutsi du Rwanda qui se fonde sur ses, propres souvenirs du génocide. Comme dans ses autres ouvrages, il y critique le rôle joué par la présidence et le gouvernement français.

4. Jacques Morel qui a publié en 2010 La France au cœur du génocide des Tutsi, un livre qui montre le plus exhaustivement possible l'implication de la France dans le perpétré contre les Tutsi du Rwanda. Jacques Morel continue de faire des recherches sur le génocide qu’il communique à d’autres chercheurs et au public grâce à son site internet.

4. Bernard Kouchner qui pendant le génocide même a pu négocier l'échange de 200 personnes menacées car elles étaient prises en étau entre le gouvernement génocidaire et le FPR ; l'échange a été considéré comme une mission de sauvetage diplomatique de l'Hôtel des Mille Collines en juin 1994. Aujourd’hui, pour Bernard Kouchner, la France a « commis une très lourde faute, une faute politique » au Rwanda. « Les décideurs n’ont pas voulu voir […] qu’ils étaient amis des génocidaires » .

6. Enfin dans cette liste, mentionnons François-Xavier Verschave, disparu en 2005, membre fondateur de la Survie (dont il fut président en 1995). François-Xavier Verschave est l’auteur ou le co-auteur d’une vingtaine d’ouvrages dont plusieurs sur l’Afrique, le Rwanda et le génocide des Tutsi :
L’Horreur qui nous prend au visage : L'Etat français et le génocide, Rapport de la Commission d’enquête citoyenne sur le rôle de la France dans le génocide des Tutsi au Rwanda, avec Laure Coret, 2005, Karthala, 586 p.
Complicité de génocide ? La politique de la France au Rwanda, 1994, La Découverte, 178 p.
La Françafrique : Le plus long scandale de la République, 1999, Stock, 380 p.
Noir silence, 2000, Les Arènes, 595 p.
De la Françafrique à la Mafiafrique, 2004, Tribord, 70 p.
Au mépris des peuples : Le néocolonialisme franco-africain, entretien avec Philippe Hauser, 2004, La Fabrique, 120 p.

Pour cette « liste d'attente », pourquoi ne pas évoquer aussi les personnalités suivantes ?
1. Antoine Anfré, aujourd’hui ambassadeur de France au Rwanda, numéro 2 à Kampala en 1990, auteur au ministère des Affaires étrangères à Paris, en 1991 de notes diplomatiques qui dénonçaient déjà le soutien de la France au régime génocidaire rwandais . Comme il l’a dit lui-même au cours de ce colloque, ce qui le préoccupe toujours c'est de savoir « comment un gouvernement démocratique républicain a pu soutenir un régime dictatorial génocidaire ». C’est la question soumise à tous les participants du colloque.
2. Jean-Pierre Chrétien, historien et spécialiste de la région des Grands Lacs, qui a dénoncé le racisme et l’idéologie hamitique qui sont à l’origine du génocide des Tutsi, comme il l’a étudié très précisément dans de nombreux ouvrages .
3. Guillaume Ancel, lieutenant-colonel à la retraite qui se bat pour que la vérité historique soit connue sur le soutien des militaires français au gouvernement génocidaire rwandais. Dans son livre, Rwanda, la fin du silence témoignage d'un officier français, Paris, Les Belles Lettres, 2018 : la vérité sur les opérations militaires françaises au Rwanda y est détaillée avec précision.
A vrai dire, la liste des individus français qu’il faut reconnaître parce qu'ils ont fait du bien pendant le génocide des Tutsi et après est très longue et le travail continue pour recenser et reconnaître leurs actes humanitaires. Pour clore mon propos, j’estime que si on avait eu plusieurs Français pour dénoncer ce projet génocidaire de longue durée, peut-être qu'il y aurait eu moins de dégâts matériels et surtout humains.

Conclusion
Le génocide perpétré contre les Tutsi, comme l’a souligné notre aîné Jean-Pierre Chrétien, est le résultat de l’idéologie raciale nourrie par des préjugés raciaux. Pour passer de l’idéologie à l’action (d’extermination du groupe visé), cette idéologie utilise les préjugées et les généralisations abusives qui usent de tactiques pour des accusations en miroir , ainsi que la recherche du bouc émissaire. Reconnaître les actes humains remarquables faits par les personnes comparables aux justes pendant la période de l’animalité humaine (le génocide), c’est éviter la généralisation abusive qui est l’une des tactiques des génocidaires. C’est aussi désigner ce qu’il fallait faire au moment où les génocidaires faisaient ce qu’il ne fallait pas faire ! Cela est nécessaire pour la recherche de la vérité historique et pour mieux tourner la page après le rapprochement des deux pays compromis par le génocide perpétré contre les Tutsi.

© Gérard Nyirimanzi

Abstract
Having demonstrated that genocide must be prevented at all costs before it happens and stopped at all costs when it occurs, it is now up to me to answer the question of what must be done after the genocide has ended in order to better rebuild a society and reconcile the people devastated by genocide. Basing on the experience of Rwanda after the genocide against Tutsi, I believe that it is essential to punish the genocide perpetrators and to recognize the ‘Just’ or Righteous who carry out human acts or humanitarian actions at a time when others are bent on committing atrocities. To punish the genocidaires in order to avoid the culture of impunity that is also one of the factors of genocide, and to recognize the righteous in order to better render justice (almost impossible after a genocide), and especially to avoid abusive generalization that makes people believe that all members of the group of perpetrators have been involved in the crime. Both actions are necessary to reconcile a people torn apart by genocide; and to achieve this noble goal of national (and individual-family) reconciliation, it is necessary to avoid everything that was at the root of the genocide, including the racial ideology fuelled by racial prejudices and abusive generalizations that genocidaires often use to act. Therefore, to recognize remarkable human actions done by French people during the genocide against Tutsi is to avoid the overgeneralization which is one of the tactics of the genocidaires. It is also to point out what should’ve been done at a time when the genocidaires were doing what they shouldn’t have done! This is necessary for the search for historical truth about the genocide in Rwanda and to better turn the page after the rapprochement of the two countries compromised by the genocide perpetrated against the Tutsi.

[Notes :]

Lieutenant-Colonel en retraite, Maîtrise en Genocide Studies and Prevention, doctorant en Anthropologie socio-culturelle, University of Illinois at Chicago (UIC).
Voir ma communication intitulée « A l’assaut des génocidaires » dans Le genre humain : Le Génocide des Tutsi au Rwanda, Éditions du Seuil, mars 2023, p.79-86.
La vraie punition des génocidaires est difficile à trouver pour mieux rendre justice. C’est pour cela qu’il faut opter pour une justice plus restaurative que punitive.
Le qualificatif de « Juste parmi les Nations » désigne dans le Talmud « toute personne non juive ayant manifesté une relation positive et amicale envers les juifs » pendant la Shoah. Pour être Juste il faut donc ne pas être Juif et avoir apporté une aide dans des situations où les juifs étaient impuissants et menacés de mort, « au risque de sa propre vie ou celle de ses proches », Encyclopaedia Universalis.
Anyidoho, Henry Kwami, Guns over Kigali (reprinted ed.) Woeli Publishing Services, 1997, p. 56.
Pour plus d’informations, voir les deux livres de Jean-Pierre Chrétien : Jean-Pierre Chrétien, Marcel Kabanda, Rwanda. Racisme et génocide. L'idéologie hamitique, Paris, Belin, 2013. Jean-Pierre Chrétien, L’Invention de l’Afrique des Grands Lacs : une histoire du XXe siècle, Éditions Karthala, 2010.
La généralisation abusive, selon Aurélia Kalisky, utilise aussi la technique des accusations en miroir ! Par exemple : « Le FPR extermine les Hutu qui se trouvent sur son territoire ». Alors il faut aussi tuer les Tutsi (se trouvant sur notre territoire).
Voir leur contribution sur ce site.
Ubukonde était une autre forme de contrat généralement au nord du Rwanda dans lequel le patron donnait à son serviteur un lopin de terre à cultiver pour sa famille (au lieu d’une vache comme c’était le cas dans le contrat de servage bovin).
Les deux mouvements rebelles de réfugiés rwandais qui se battaient pour rentrer dans leur pays natal étaient constitués de Tutsi et de Hutu, mais ce fait historique a été toujours nié par les extrémistes et négationnistes même quand ces mouvements politico-militaires étaient présidés par des Hutu (Rukeba et Kanyarengwe) !
Indakemwa (les hommes intègres) ou Abarinzi b’Igihango (Gardiens du pacte de sang) sont ceux qui ont réussi à sauver la vie d’un ou plusieurs Tutsi. Ils ont été identifiés par IBUKA et reconnus par le gouvernement rwandais. Voir Jean-Philippe Rémy, « Récit des Justes du Rwanda », hommage à ceux qui ont sauvé des Tutsi durant le génocide, Le Monde, 1er octobre 2017.
Ces Français ont été distingués Umurinzi, Médaille de Campagne contre le génocide, et ce travail continue.
fr.wikipedia.org/wiki/Jean Carbonare
Rwanda - Réparations pour les victimes du génocide - Jean-Paul Gouteux - 2003 (free.fr)
Génocide rwandais : il y a « sans aucun doute » encore plusieurs génocidaires qui « se cachent » en France (francetvinfo.fr)
Le travail de recherche pour la reconnaissance des Justes (Indakemwa) et des hommes intègres (Abarinzi b’Igihango) continue au Rwanda avec la Commission nationale chargée de choisir les héros nationaux et d’octroyer les médailles (CHENO), et au niveau de l’Imbuto Foundation.
Entretien téléphonique avec le docteure Annie Faure à Paris le 12 septembre 2023.
Interview avec Uwera Didacienne à Kigali, le 22 août 2023.
« Femmes violées au Rwanda par des soldats français : une médecin humanitaire avait leurs premiers témoignages », Le Parisien, 22 avril 2022.
Intervention d’Annie Faure sur le génocide au Rwanda, in Vimeo.
« French Journalist exposes manipulations in Bruguière case », New York Times
« La Traversée de Patrick Saint-Exupéry : en finir avec le double génocide au Rwanda » La-Croix.com
Patrick de Saint-Exupéry et Hippolyte, La Fantaisie des dieux : Rwanda 1994, les Arènes, 2004. P. 1-2.
https://francegenocidetutsi.org
« Génocide rwandais. Bernard Kouchner pointe l’aveuglement de François Mitterrand », Letelegramme.fr
Notes révélées dans le rapport Duclert.
Pour les travaux de Jean-Pierre Chrétien sur le sujet, voir note 6.
L’exemple d’une accusation en miroir par les génocidaires Rwandais : « le FPR tue tous les Hutu qui se trouvent sur son territoire ». Alors il faut aussi tuer tous les Tutsi se trouvant sur notre territoire.
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fgtquery v.1.9, 9 février 2024