Fiche du document numéro 34226

Num
34226
Date
Lundi 13 mai 2024
Amj
Auteur
Fichier
Taille
233824
Pages
2
Titre
Bernadette Trachte disparaît après trente années de courage face au génocide des Tutsis
Sous titre
Dès l’annonce du génocide au Rwanda, Bernadette Trachte s’est donnée pour objectif d’engager le combat pour la mémoire et la solidarité, contre l’impunité. Elle est décédée, non sans avoir tout fait pour débusquer les génocidaires jusqu’au bout.
Nom cité
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Lieu cité
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Le couple s’est engagé contre les génocidaires du Rwanda. - Photo News.Journaliste au
pôle International


C’est depuis la Belgique, où ils avaient fondé une famille, – un fils, Olivier et une fille, Barbara, qui deviendra députée Ecolo – que Pierre et Bernadette Trachte avaient suivi, d’heure en heure, le génocide des Tutsis au Rwanda. Travaillant au Soir, Pierre était particulièrement bien informé de la situation générale, tandis que son épouse Bernadette, née Mukagasana, guettait les nouvelles venues de Kibungo, d’où sa famille était originaire. Il ne fallut pas longtemps pour prendre la mesure de drame qui se noue en avril 1994 : à Kibungo, seulement le massacre des Tutsis avait fait 15.000 victimes, dont toute la famille de Bernadette.

Engager le combat



Le génocide n’avait pas pris les Trachte au dépourvu : depuis longtemps le couple était en relation avec Gasana Ndoba, militant rwandais des droits de l’homme qui dénonçait depuis la Belgique la dérive du régime Habyarimana. Pierre et Bernadette avaient suivi de près la mission d’information menée au Rwanda par une équipe de représentants d’ONG, dont le Français Jean Carbonare, l’un des fondateurs de « Survie », et l’avocat belge Eric Gillet. Rentrés bouleversés du Rwanda en 1993, les membres de la délégation craignaient déjà le pire, mais ni à Paris ni à Bruxelles on n’avait pris l’exacte mesure de la tragédie qu’ils annonçaient. Lorsque le génocide fut consommé, avec un million de morts en trois mois, Bernadette et Pierre comprirent très vite qu’au lieu de s’anéantir dans le chagrin, il fallait serrer les rangs. Resserrer les liens entre les rescapés arrivés en Belgique, les aider dans la mesure du possible et aussi, engager le combat : pour la mémoire et la solidarité, contre l’impunité.

Symbole de mémoire



En quelques semaines, le Collectif des parties civiles pour le Rwanda déjà initié par Gasana Ndoba, fut relancé. « Nous avons utilisé un concours de circonstances » se souvient l’avocat Philippe Lardinois : « La loi de compétence universelle venant d’être votée, les juges belges étaient habilités à juger des crimes contre l’humanité commis au Rwanda par des personnes ayant trouvé asile en Belgique. Le ministre de la Justice de l’époque, Melchior Wathelet, accepta de relever le défi et la machine judiciaire se mit en place. Et cela d’autant plus vite qu’un certain nombre d’acteurs du génocide se trouvaient dans le pays ». Le juge d’instruction Damien Van der Meersch se vit chargé d’instruire les premiers procès qui le menèrent sur le terrain, entre autres à Butare. Il en revint très touché et se souvient de la présence constante du couple que formaient Pierre et Bernadette Trachte : « Attentifs, silencieux, ils assistaient à toutes les séances, souvent émus, se soutenant l’un l’autre. »

Aux côtés des Trachte, un couple de Français assistait aux premières audiences : Alain et Daphrosa Gauthier. Attentifs à la démarche des Belges, ils allaient à leur tour débusquer les génocidaires, eux aussi accueillis sur le sol français, et les mener devant les tribunaux. Jusqu’à sa fin, trop tôt et trop vite survenue, Bernadette Trachte, aux côtés de son mari, n’a rien manqué de l’œuvre de justice, attentive aux témoignages et aux plaidoiries, secrètement minée peut-être par ces souffrances que le temps n’abolissait pas. Même lorsqu’au fil des ans les audiences se faisaient plus clairsemées, le couple tenait à demeurer présent, comme un symbole de mémoire et de solidarité.

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024