Fiche du document numéro 34058

Num
34058
Date
Jeudi 4 avril 2024
Amj
Auteur
Fichier
Taille
1082529
Pages
9
Urlorg
Titre
[IV] Génocide des Tutsi du Rwanda : un maître-espion du régime Habyarimana devenu le traducteur assermenté du juge
Sous titre
Dans Le Cri du Falcon, un livre dévoilant par le menu les extravagantes méthodes du juge « antiterroriste » Jean-Louis Bruguière, l’avocat Bernard Maingain souligne les manipulations orchestrées par la famille Habyarimana, et notamment le rôle de Fabien Singaye, gendre de Félicien Kabuga « le financier du génocide ».
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Source
Type
Page web
Langue
FR
Citation
Au mémorial du génocide à Kigali © DR

AFRIKARABIA : – Impossible ici d’entrer dans tous les détails des effarantes anomalies de l’enquête Bruguière. Vous avez décrit les manigances de deux universitaires français, Claudine Vidal et André Guichaoua. Pouvez-vous citer d’autres anomalies importantes parmi les inspirateurs du juge d’instruction ?

Me Bernard Maingain : – Je découvre que le traducteur de l’un des « témoins directs » de l’attentat, Aloys Ruyenzi, s’appelle Fabien Singaye. Je n’en crois pas mes yeux. Il a acquis depuis 1994 une certaine notoriété…

Fabien Singaye est l’un des gendres de Félicien Kabuga, celui qu’on appelle « le financier du génocide ». Kabuga est alors l’un des personnages les plus recherchés de la planète par la justice internationale [1]. Il fut l’un des fondateurs de la RTLM, la radio de la haine qui « anima » le génocide des Tutsi. Il a été accusé de génocide, d’incitation directe et publique à commettre le génocide, d’entente en vue de commettre le génocide, et de persécutions pour des raisons politiques, d’extermination et d’assassinat constitutif de crimes contre l’humanité commis au Rwanda en 1994. Profitant de son passeport diplomatique, à l’été 1994 il a accueilli en Suisse Félicien Kabuga, alors en fuite.

La présence de Kabuga en Suisse a soulevé de nombreuses questions de démocrates helvétiques. Une enquête fut menée et l’intéressé dut finalement quitter les bords du lac Léman, tout comme Kabuga.

Singaye vient alors travailler avec Paul Barril en France ; en fait, ils se connaissent de longue date.

« Profitant de son passeport diplomatique, Fabien Singaye a accueilli en Suisse Félicien Kabuga, alors en fuite »



Le scandale c’est que l’instruction du juge Bruguière est menée par une équipe d’enquête qui s’appuie ainsi sur l’ex-espion du clan Habyarimana, beau-fils d’un des most wanted, recherché internationalement pour crimes de génocide.

Indépendamment de l’activité de traducteur de Ruyenzi, Singaye assura aussi pour Jean-Louis Bruguière la traduction du témoignage d’Évariste Musoni, un simple soldat qui se vante d’avoir entendu tout ce qui se tramait derrière les murs du bâtiment où siégeait l’état-major de l’APR à Mulindi. Un témoignage de politique-fiction, mais ici encore, un témoignage traduit par le gendre de Kabuga.

AFRIKARABIA : – Quel était l’agenda de Fabien Singaye dans l’équipe de Jean-Louis Bruguière ? Et pourquoi personne n’a signalé au juge les liens de Singaye avec la famille Habyarimana, partie civile et avec « le financier du génocide » ?

Me Bernard Maingain : – C’est l’un des incidents les plus révélateurs. Le 23 octobre 2008, le juge d’instruction Marc Trévidic réunit les parties civiles et leur notifie la teneur d’un rapport d’expert concernant l’enregistrement de la tour de contrôle dont les bandes avaient été conservées. Le procès-verbal mentionne expressément le nom de Monsieur Singaye cette fois en qualité d’expert. Toutes les parties civiles et leurs conseils respectifs sont présents devant les magistrats instructeurs.

« Silence radio » de la famille Habyarimana et de ses avocats sur la présence de Singaye dans l’enquête



La moindre des corrections face à une information aussi importante, c’est que l’une des parties civiles ou l’un des conseils de celles-ci fasse état de ce qui, dans toute instruction normale, justifierait un problème procédural majeur. À savoir le passé d’espion de l’expert, ses liens de famille avec la partie civile principale et ses liens avec l’une des personnes les plus recherchées pour son rôle durant le génocide, à savoir Félicien Kabuga. Ici rien. Silence radio.

AFRIKARABIA : – Vous voulez dire qu’aucune des personnes présentes ne pipe mot de cette anomalie ?

Me Bernard Maingain : – Personne, dans ce beau groupe de prétendues victimes et leurs conseils, ne pipe mot. Aucun d’eux ne peut ignorer qui est Singaye. Personne ne va informer le magistrat instructeur de ce problème procédural majeur.

On comprend les états d’âme du juge Trévidic lorsqu’il découvrira ultérieurement cette tromperie. Huit parties civiles qui ne disent rien sur Singaye aux magistrats instructeurs, dont tous les beaux-frères de Singaye et deux avocats chevronnés… et tout le monde se tait. Les professionnels du droit comprennent que cela pose un problème majeur. Et je ne parle pas de l’impact dans la communauté rwandaise d’apprendre que ce personnage participe au travail de justice. Si l’on veut signifier une orientation précise du travail d’enquête, on ne ferait pas mieux.

AFRIKARABIA : – Même si vos révélations sur le « scandale Bruguière » sont souvent ahurissantes, vous vous montrez très prudent dans Le Cri du Falcon sur les leçons qu’on peut tirer de cette gigantesque manipulation où certaines hauts gradés français et rwandais semblent se donner la main pour tromper le juge.

Me Bernard Maingain : – Que voulez-vous dire ?

AFRIKARABIA : – Prenons un exemple : le 25 avril 1994, l’ambassadeur de France Marlaud, rentré à Paris, rédige une note de cinq pages sur les responsables de l’attentat. Il écrit : « L’attentat qui a coûté la vie au Président HABYARIMANA et qui est la cause immédiate des événements que connaît aujourd’hui le Rwanda est probablement l’œuvre du FPR. (…) La thèse d’une responsabilité de proches du Président HABYARIMANA est cependant d’une grande fragilité. Elle repose sur le fait que les tirs provenaient de Kanombe, où se trouve le camp de la garde présidentielle. Mais rien ne prouve qu’ils venaient de l’intérieur de ce camp. » A l’époque, les autorités françaises savent que les tirs de missiles provenaient du camp ou de ses abords les plus immédiats. L’ambassadeur écarte cette hypothèse pour une seule raison : la fausse revendication de l’attentat par le FPR, rédigée par l’espion radio des FAR, Richard Mugenzi. Pourquoi Marlaud ne parle-t-il jamais de cette soi-disant revendication de l’attentat ?

Me Bernard Maingain : – C’est à M. Marlaud lui-même que vous devriez poser cette question effectivement importante. D’autant plus importante que les fausses « interceptions radio du FPR » n’apparaissent pas dans les quelques 2 000 pages du rapport et des annexes de la « Mission Quilès » de 1998, alors qu’elles sont cruciales pour comprendre l’analyse sur le terrain des hauts gradés français envoyés au Rwanda…

« Les fausses "interceptions radio du FPR" n’apparaissent pas dans les quelques 2 000 pages du rapport de la "Mission Quilès" de 1998 »



Pour rappel, Monsieur Grégoire de Saint-Quentin confirmera au magistrat instructeur qu’il fut convaincu de la responsabilité du FPR dans l’attentat après que le responsable du camp Kanombe lui ait évoqué ces faux messages. Et lors du procès Péan, Monsieur Védrine, encore lui, évoquera cette « preuve » qui est en réalité une manipulation.

AFRIKARABIA : – Aujourd’hui, notamment à la suite des travaux de la Commission Duclert, il crève les yeux que les deux ambassadeurs de France qui se succèdent au Rwanda, Georges Martres et Jean-Michel Marlaud, ne font souvent que reprendre les dires de l’attaché de Défense. Leurs télégrammes sont pertinents lorsque ce dernier est le colonel René Galinié, beaucoup plus troubles lorsque celui-ci est remplacé en juillet 1991 par le colonel Bernard Cussac.

Me Bernard Maingain : – Où voulez-vous en venir ? Dans Le Cri du Falcon, j’évite toute supputation. Je me contente de travailler sur la question de la responsabilité de l’attentat contre l’avion.

AFRIKARABIA : – Nous y venons. Interrogés par le juge Bruguière, le colonel Jean-Jacques Maurin, adjoint de l’attaché de Défense, et le colonel Bernard Cussac, attaché de Défense, ne font jamais allusion au fait que les tirs de missiles sont partis du camp Kanombe ou de ses abords, ce qu’ils savent pour l’avoir communiqué à l’ambassadeur aussitôt après l’attentat. Ils insinuent perfidement que le FPR pouvait avoir infiltré un commando de tireur sur la colline de Masaka, la fausse piste du juge. En un mot, ils auraient pu remettre le juge dans le droit chemin. Pourquoi ne le font-ils pas ?

Me Bernard Maingain : – Dès le départ, les officiels français soutiennent la thèse de la responsabilité du Front patriotique rwandais dans l’attentat. Cette ligne Maginot de l’armée française tombera après la publication du résultat des expertises. Naît alors la théorie du doute qui revient à renvoyer dos à dos les protagonistes, comme la théorie du double génocide ou celle plus lâche des « massacres interethniques ».

« Dès le départ, les officiels français soutiennent la thèse de la responsabilité du Front patriotique rwandais dans l’attentat »



Cussac fait partie du clan le plus extrême du quarteron d’officiers supérieurs qui ne se sont jamais remis en question. Quant aux ambassadeurs, je n’ai même pas envie d’en parler quand l’on sait ce qu’il est advenu du personnel tutsi de l’ambassade. Les messages des ambassadeurs ont rassuré ceux qui suivaient les événements à l’Elysée mais, sur terrain, je ne vois que mensonge et lâcheté. A ce jour, tout ce beau monde dort tranquillement. Heureusement, il y a de belles personnes en France qui ont repris la route de la vérité factuelle. Pourquoi voudriez-vous que ces ambassadeurs aient cette sensibilité ?

AFRIKARABIA : – En résumé, ces hauts-gradés, et un ou deux autres colonels français présents à Kigali, savent la vérité et laissent le juge s’enferrer. N’est-ce pas un des nombreux signes de la collusion entre des militaires français et leurs homologues rwandais ? En d’autres termes, l’attentat du 6 avril 1994 qui donne le signal du génocide n’est-il pas une production franco-rwandaise ?

Me Bernard Maingain : – Au terme de ce dossier, je suis convaincu que la responsabilité du crash du Falcon et du génocide est d’abord le fait des extrémistes génocidaires qui n’ont pas supporté les négociations d’Arusha, négociations qui ne sont pas le fruit des efforts de l’Elysée, contrairement à la thèse Védrine répétée à l’envi, mais d’un rapport de force politique construit entre le clan présidentiel du MRND d’un côté et la coalition réunissant le FPR et l’opposition intérieure de l’autre. Que l’on ne me dise pas le contraire puisque j’ai été témoin privilégié de la construction de ce rapport de forces.

La haine du FPR et la conviction de vaincre son armée très facilement – encore une terrible erreur d’analyse – ont amené la diplomatie française, la direction de l’armée et quelques politiques français à garder une confiance dépassant toutes les bornes dans le clan génocidaire.

« La haine du FPR et la conviction de vaincre son armée très facilement ont amené la diplomatie à garder une confiance dépassant toutes les bornes dans le clan génocidaire »



Je maintiens qu’il reste à élucider la question de savoir quelles officines et quelles personnes ont trempé dans l’attentat. En Belgique, l’élucidation du dossier de l’assassinat de Lumumba a nécessité des années ; jusqu’à ce qu’à l’article de la mort, certaines langues se délient. En attendant cet hypothétique dénouement, le trio Bruguière-Payebien-Barril a créé toutes les conditions pour rendre cette recherche beaucoup plus compliquée. Il y a des militaires, des diplomates, des politiques qui doivent s’en frotter les mains. Mais mon mandat à moi reste de chercher la vérité tant et plus.

AFRIKARABIA : – Dans votre livre Le Cri du Falcon, soulignez-vous suffisamment un aspect essentiel du naufrage de l’enquête Bruguière, comme de la politique de l’Elysée au Rwanda sous François Mitterrand : le poids du racisme. Un racisme qui pollue le jugement des acteurs, politiques, militaires, mercenaires, magistrats, etc., de toutes nationalités. On ne peut comprendre le génocide des Tutsi, pas plus du côté des génocidaires que des « accompagnateurs » français, sans désigner clairement ce que le général Dallaire appelait « la force obscure ». Appelons-là par son nom : le racisme, une passion qui rend fou. Or dans votre livre, le mot « racisme » n’apparaît que 16 fois, notamment dans votre chapitre intitulé « l’antitutsisme, un antisémitisme ? » Est-ce que ce mot vous fait peur ?

Me Bernard Maingain : – Relisez la conclusion de mon ouvrage. Je fais référence au fondement de la haine du Tutsi. Ce n’est pas à Nyanza qu’on le trouve mais dans l’émergence des doctrines racistes portées par une prétention de savoir scientifique en Europe. Le racisme est présent à chaque ligne de notre récit. Ce sont des démocrates chrétiens qui prétendent mieux connaître l’histoire du Rwanda que les historiens rwandais. Ce sont des juges et enquêteurs qui prétendent être les mieux disant concernant les événements de 1994, sans la moindre humilité à l’égard des récits des événements, sans enquête sur terrain et sans écoute des victimes. Ce sont des journalistes d’investigation et des défenseurs des droits de l’homme qui prétendent mieux tout connaître que ceux qui vivent cette tragédie. Ces imposteurs, ces faussaires vont jusqu’à traiter les Tutsi de race de menteur tout en bénéficiant d’une immunité conférée par leur appareil judiciaire. Incroyable !

« Que dire de ces Occidentaux qui ont sauvé les Blancs mais abandonné les Noirs tutsi à leur tragédie ? »



Et je ne parlerai pas des personnages qui à l’Elysée vivaient dans un univers fantasmé d’apartheid, comme Hubert Védrine préconisant un Hutuland et un Tutsiland alors que le dirigeant du Rwanda incitait son peuple au vivre ensemble, comme ils ont vécu ensemble pendant des siècles… Que dire de ces Occidentaux qui ont sauvé les Blancs mais abandonné les Noirs tutsi à leur tragédie, la vie à deux vitesses celle du Noir ou celle du Blanc ?

En 1994, il n’y avait pas photo. Les Blancs ont sauvé leur peau et ont laissé les humains à peau plus noire dans la solitude du face à face avec leurs tueurs. Et que dire du silence actuel des membres de la communauté internationale concernant l’extermination à petit feu des Hémas, des Tutsi et des Banyamulenge au Congo ? C’est tellement plus confortable de faire du Tutsi, du Rwanda, du Président du Rwanda les boucs émissaires de la crise de l’Est de la RDC. Les Tutsi, la « race hamitique » prétendument perverse de la région des Grands Lacs.
Tout cela n’est qu’un racisme odieux qui me dégoûte profondément. C’est l’indignité majeure de cette crise judiciaire. Le projet seul et unique, c’est le vivre ensemble dans le respect mutuel et la construction du bien-être économique et social pour tous les membres de la communauté résidente sans discrimination ni haine.

AFRIKARABIA : – Ce mot « racisme » qui est si important semble aussi faire peur aux membres de la « Commission Duclert ». Dans leur rapport concluant à « la responsabilité lourde et accablante » de l’Elysée au Rwanda, le mot « racisme » ne figure nulle part. Et « raciste », 21 fois seulement. Dans un rapport d’un millier de pages. C’est un peu comme si, dans un livre sur l’Affaire Dreyfus, les mots « antisémite » ou « antisémitisme » étaient presque absents !

Me Bernard Maingain : – Il est temps de reprendre la route de la lutte contre le racisme dans les sociétés européennes. Il est difficile de reconnaître la place du racisme dans toute cette affaire mais c’est incontournable. En France, le discours de bonne conscience tourne autour de la Françafrique mais la vraie question est bien plus profonde : c’est le racisme.

« En France, le discours de bonne conscience tourne autour de la Françafrique mais la vraie question est bien plus profonde : c’est le racisme »



Le racisme immonde subsiste dans la société européenne. Alors, face à cette réalité et aux compromissions de certains politiques africains qui appuient leur persistance au pouvoir sur des contrats juteux avec des groupes économiques qui n’ont que faire des travailleurs africains alors qu’ils exploitent des terres ancestrales d’Afrique, je ne cesse de me réjouir de l’émergence d’une autre Afrique qui se prend en main. C’est le projet porté aujourd’hui par la jeunesse africaine. Face à cela, Monsieur Duclert et bien d’autres devraient appeler un chat un chat, et oser parler de racisme et de complicité de génocide.

AFRIKARABIA : – A l’issue de ce combat judiciaire si difficile pour faire prévaloir la vérité, c’est à dire l’innocence des officiers rwandais accusés par le juge Bruguière d’avoir sciemment abattu le Falcon du président Habyarimana pour provoquer le génocide des Tutsi du Rwanda, quelles leçons tirez-vous ?

Me Bernard Maingain : – Il a fallu plus de vingt années de combat pour que la Chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Paris confirme le non-lieu. Nos clients sont relaxés de toutes les accusations portées contre eux. Cet interminable combat se termine par un K.-O technique de la partie civile, qui avait tellement misé sur l’appareil judiciaire français.

Il nous reste à nous reposer de ce combat interminable qui témoignera sans aucun doute pour l’Histoire, de la haine à l’égard de ces réfugiés tutsi. Réfugiés, enfants de réfugiés et patriotes rwandais revenus dans leur pays et ayant réussi, seuls, à arrêter le génocide des leurs, alors que la « communauté internationale » abandonnait les victimes à leurs bourreaux. Et qu’un juge français s’apprêtait à réécrire l’histoire du Rwanda avec pour références des écrits négationnistes. Dans ce dossier il n’y a plus place au moindre doute.

« Cet interminable combat se termine par un K.-O technique de la partie civile, qui avait tellement misé sur l’appareil judiciaire français »



Tout indique que le Falcon a été abattu par le clan des génocidaires avec l’aide de quelques complices qui, par la suite, ont tout fait pour maquiller la vérité. Nous avons décidé de rendre compte de ce récit judiciaire pour stopper ceux qui continuent à falsifier les faits incontournables et à poursuivre leur négationnisme. On ne discute pas avec les négationnistes. On les combat. C’est le sens de ce livre.

Me Lef Forster : – Rien n’est terminé tant que les responsables et leurs complices, y compris des Français, n’auront pas été démasqués et jugés. Le travail de mémoire pourra se déployer quand les noms des concepteurs, des facilitateurs, auteurs, complices et manipulateurs auront été révélés. La tâche est difficile tant les collusions sont puissantes, mais le travail d’élucidation de mon confrère permet de dégager des pistes vers la vérité.

AFRIKARABIA : Vous connaissez cette célèbre formule de Clausewitz, le théoricien de la guerre moderne : « La guerre n’est que la poursuite de la politique par d’autres moyens ». Peut-on résumer de même que l’enquête Bruguière a été la poursuite du génocide des Tutsi du Rwanda par d’autres moyens ? Au-delà du « simple » discours négationniste, par des moyens judiciaires, c’est-à-dire des moyens d’Etat ? Des moyens de coercition ?

Me Bernard Maingain : – Cette procédure n’était en rien conforme au droit. C’était une tentative de falsification de l’Histoire et de création d’un narratif négationniste appuyé par un appareil d’Etat et plus particulièrement le bras armé judiciaire de ce dernier qui porte la violence d’Etat, et ce pour persévérer dans la haine du Tutsi et de ceux qui les défendent. Malheureusement pour les Védrine et autres falsificateurs du récit du peuple des Grands Lacs, la résistance de l’Afrique soutenue par des juges français intègres a permis de déjouer ce plan machiavélique.

« Rien n’est gagné. La situation à l’Est du Congo démontre que la lutte se poursuit »



Cependant, rien n’est gagné. La situation à l’Est du Congo démontre que la lutte se poursuit. Plus largement, c’est toute l’Afrique qui est concernée par cette lutte. Il faut retrouver le vivre ensemble dans le respect mutuel, en s’inspirant des traditions de la civilisation africaine. Mais nous restons confiants. De génération en génération, nous espérons que la jeunesse africaine reprendra le flambeau qui lui est transmis par ses pères et mères engagés dans le vrai mouvement panafricain, et rendra dignité à ce continent sans la moindre concession pour les usurpateurs suprémacistes qui leur pourrissent la vie depuis des décennies. C’est au cœur de ce combat que s’entend le cri du Falcon.

Propos recueillis par Jean-François DUPAQUIER

Fin

Pour consulter les trois premiers volets de l’interview :

I – Génocide des Tutsi du Rwanda : révélations sur le « scandale Bruguière »

II – Génocide des Tutsi du Rwanda : une « Bible » de la haine raciale, livre de chevet du juge français ?

III – Génocide des Tutsi du Rwanda : Ruzibiza, un mythomane dont deux universitaires français tiraient les ficelles

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[1] Félicien Kabuga sera arrêté en mai 2020 par la police française à Asnières-sur-Seine où il se cachait depuis douze ans, et transféré en prison à La Haye. Son procès sera interrompu par la constatation médicale de son état de démence sénile.

[2] Roméo Dallaire, J’ai serré la main du diable, Edition Libre Expression, Montréal,2004.
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