Fiche du document numéro 33516

Num
33516
Date
Mercredi 22 août 2001
Amj
Auteur
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Fichier
Taille
29610
Pages
2
Urlorg
Titre
Génocide au Rwanda : Washington savait
Soustitre
Les Etats-Unis n'ont rien fait pour éviter le bain de sang.
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Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Les Etats-Unis savaient très précisément ce qui allait se passer au Rwanda au printemps 1994 : un génocide de plusieurs centaines de milliers de personnes. C'est ce qui ressort de 15 documents «déclassifiés» à la suite des efforts d'un chercheur, William Ferroggiaro, qui a bataillé pendant cinq ans pour cela, en s'appuyant sur la loi américaine sur la liberté de l'information. Rendus publics par National Security Archive, une organisation qui se bat pour la levée de la confidentialité sur les documents diplomatiques et militaires, ces 15 documents sont accessibles sur l'Internet (1).

Un texte du Pentagone, daté du 11 avril, c'est-à-dire quatre jours après le début des massacres des Tutsis, évoque le risque d'un «bain de sang» de «plusieurs centaines de milliers de personnes». On comptera environ 800 000 morts, en majorité des Tutsis mais aussi des opposants hutus, en moins de cent jours au Rwanda. Un autre document, un télégramme diplomatique du 29 avril, cite une conversation téléphonique entre l'une des spécialistes de l'Afrique du département d'Etat, Prudence Bushnell (aujourd'hui ambassadrice au Guatemala), et l'un des organisateurs du génocide, le colonel Theoneste Bagosora (en attente de procès devant le Tribunal pénal international). Bushnell lui explique qu'elle sait que l'armée est derrière ces massacres et exige qu'il les fasse cesser. «Les autorités qui voulaient savoir ce qui se passait le pouvaient. Elles ont choisi de ne pas savoir, car elles voulaient éviter à tout prix une intervention militaire», explique Ferrogiarro. A ce moment-là, la désastreuse équipée américaine en Somalie reste fraîche dans les mémoires. Début mai, un autre document du Pentagone met en garde contre l'utilisation du mot génocide, car cela obligerait l'ONU à agir, pour se conformer à la convention du 9 décembre 1948.

Excuses



«Le ton de ces documents est frappant : les différentes administrations traitent le Rwanda comme n'importe quel autre sujet : la routine, quoi. Comme si ce qui se passait n'était pas exceptionnel», commente Samantha Power, une chercheuse de Harvard qui vient de publier une enquête sur ce sujet dans la revue Atlantic Monthly. «Le plus scandaleux, c'est qu'il n'y a alors jamais eu de réunion autour du Président sur le Rwanda», ajoute la chercheuse. Clinton a cherché par la suite à réparer cette indifférence en présentant ses excuses lors d'une escale, en mars 1998 à Kigali. Pour Samantha Power, si les Américains savaient ce qui se passait dans ce pays peu familier («le secrétaire d'Etat Warren Christopher avait dû le localiser sur un atlas»), Français et Belges devaient en être bien plus informés. Mais si Bruxelles a fait un réel effort de transparence sur son rôle dans le génocide, c'est loin d'être le cas de Paris.

Dès 1997, la Belgique a mis sur pied une commission d'enquête de 18 sénateurs. Au terme de plus de dix mois de travail, elle avait remis, en décembre 1997, un rapport d'un millier de pages reprochant au gouvernement de l'époque, et particulièrement au chef de la diplomatie, Willy Claes, de n'avoir rien fait pour éviter un génocide largement prévisible. Devenu entre-temps Premier ministre, le rapporteur de la commission, Guy Verhofstadt, s'est rendu le 7 avril 2000 à Kigali, à l'occasion du 6e anniversaire du génocide, pour demander pardon aux Rwandais sur le site même du futur mémorial. En Belgique, le travail de mémoire ne s'est pas limité aux diplomates. Au printemps dernier, le procès de quatre génocidaires rwandais a été suivi avec passion par l'opinion.

Ni remords ni regrets : lors de sa visite à Kigali la semaine dernière, le chef de la diplomatie Hubert Védrine n'a pas jugé nécessaire de présenter des «excuses». Pourtant, la France est de loin le pays qui a le plus soutenu le régime hutu qui a planifié et perpétré les massacres. Face à la montée des critiques, Paris avait dû se résoudre, en 1998, à mettre sur pied une commission d'information ­ et non d'enquête ­ sur son rôle au Rwanda.

Trafic d'armes



Le rapport final critiquait certes l'aveuglement de la France mais rejetait toute responsabilité dans le génocide, tant à l'Elysée qu'à Matignon, au Quai d'Orsay ou chez les militaires. Il n'a pas fait la lumière sur le trafic d'armes entre les deux pays, ni sur les connexions françaises de l'Akazu, le clan extrémiste hutu au pouvoir. Surtout, les parlementaires français rejetaient la faute de l'inaction de l'ONU sur les Etats-Unis.

(1) http://www.gwu.edu/~nsarchiv
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fgtquery v.1.9, 9 février 2024