Fiche du document numéro 33463

Num
33463
Date
Jeudi 11 janvier 2024
Amj
Auteur
Fichier
Taille
720482
Pages
1
Titre
La résilience à marche forcée
Nom cité
Mot-clé
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
En 1994, Paul Kagame était déjà incontournable.
Propulsé à la tête du Front
patriotique rwandais (FPR) en 1990, alors
qu’il a à peine 30 ans, il mène la guérilla
depuis l’Ouganda voisin, où sa mère
s’était réfugiée en 1960. À l’été 1994, ses
troupes sortent victorieuses de la guerre
civile contre le régime hutu et mettent
fin au génocide des Tutsis. Nommé
vice-président et ministre de la Défense,
Kagame est élu chef de l’État rwandais
en 2000, un poste qu’il n’a plus quitté
ensuite, reconduit en 2003, en 2010 et
encore en 2017 avec des scores qui ne
souffrent aucune contestation. Depuis
trente ans, le président rwandais dirige
son pays d’une main de fer. En avril, c’est
encore lui qui présidera les 30es commémorations
du génocide. Ses partisans estiment
que c’est son autorité incontestée
qui a permis au Rwanda de ne pas s’effondrer
après la tragédie.
À son crédit, le chemin parcouru est
spectaculaire. Le Rwanda possède aujourd’hui
l’une des économies les plus
dynamiques du continent africain, avec
une croissance annuelle moyenne de
7 % au cours de la dernière décennie.
L’armée nationale, dissoute après le génocide,
a été reconstruite, professionnalisée,
modernisée. La corruption a été
éradiquée. La justice, saisie de plusieurs
millions de dossiers, a fait son oeuvre réparatrice.
Les criminels ont été poursuivis
et punis, la plupart ayant été
aujourd’hui remis en liberté après avoir
purgé leur peine. Des génocidaires ont
retrouvé leur village, où les survivants
côtoient parfois d’anciens tortionnaires
sans que cela provoque de chaos. Après
trente ans, les velléités des victimes de
se venger de leurs bourreaux ont quasiment
disparu. Les Tutsis qui ont survécu
évoquent souvent la « nécessité » de reconstruire
un pays stable. Pour rebâtir
une nation, le gouvernement rwandais
a aboli les distinctions ethniques favorisées
par la colonisation et mentionnées
sur les cartes d’identité. Depuis le
génocide, la population a quasiment
doublé. Officiellement, il n’y a plus de
Tutsis ni de Hutus, uniquement des
Rwandais. Officieusement, la tête de
l’État et le haut commandement militaire
restent aux mains d’une élite tutsie,
composée en majorité
d’anciens compagnons de
route de Paul Kagame qui
ont fait leurs armes en Ouganda.
Mais l’administration
et la société civile se
sont aussi appuyées sur
une nouvelle génération
de Rwandais de la diaspora,
revenus d’Europe ou
des États-Unis pour participer
à cette nouvelle ère.
Dans un pays où deux tiers
de la population sont nés
après le génocide, la mémoire
joue un rôle crucial.
La mise en place, immédiatement
après 1994, de
tribunaux populaires « gacaca » pour juger
les crimes et de commissions citoyennes
pour trancher les litiges a
impliqué la population dans le processus
de réparation. Le récit mémoriel du
génocide a été le ciment de ce Rwanda
nouveau. Très vite, Kagame et son entourage
ont compris l’importance de
produire un récit clair et pédagogique,
de conserver les preuves des crimes et
d’ériger des mémoriaux sur les principaux
lieux de massacres. Chaque année,
les écoliers et les familles de tout le pays
défilent dans ces lieux de mémoire. Les
commémorations durent trois mois,
d’avril à juillet, avec un mot d’ordre :
« Ibuka », « Souviens-toi ! ». G. P.
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fgtquery v.1.9, 9 février 2024