Fiche du document numéro 33453

Num
33453
Date
Mardi 13 mars 2001
Amj
Auteur
Fichier
Taille
29780
Pages
3
Urlorg
Surtitre
Interview
Titre
Paul Kagame : « La France persiste à suivre une ligne ancienne vis-à-vis du Rwanda »
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Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Kigali envoyée spéciale.

On l'a surnommée «la première guerre mondiale africaine» : depuis 1998, une guerre régionale se déroule en République démocratique du Congo (RDC), contribuant à la partition et au pillage du pays. Le petit Rwanda, théâtre d'un génocide en 1994, est au cœur de ce vaste imbroglio régional. C'est pour traquer les miliciens hutus responsables du génocide, les célèbres Interahamwé, que les troupes rwandaises, épaulées par les Ougandais, ont pris position en territoire congolais dès 1997. Depuis, l'Angola, le Zimbabwe et la Namibie se sont également engagés sur le champ de bataille. En janvier, l'assassinat du président Laurent-Désiré Kabila à Kinshasa et son remplacement par son fils Joseph, conduit à la relance du processus de paix. Fin février, les Rwandais ont procédé à un premier retrait de leurs troupes de Pweto (au sud-est de la RDC). Fin mars, 500 observateurs de l'ONU protégés par 1500 Casques bleus se déploieront sur plusieurs points de la ligne de front. Dans ce jeu complexe de grandes manœuvres politiques et militaires, le Rwanda continue à jouer un rôle pivot. Car, si la guerre au Congo est une conséquence indirecte du génocide rwandais, la paix ne se fera qu'avec le retrait des troupes rwandaises. Arrivé au pouvoir par les armes au lendemain du génocide, le président Paul Kagamé est plus que jamais l'un des acteurs clés des négociations en cours.

Peut-on espérer une issue à cette guerre ?

L'engagement des Nations unies doit être encouragé. Dans le passé, les Casques bleus n'ont pas toujours fait preuve d'efficacité dans la région. Mais on peut espérer qu'ils en ont tiré les leçons et que nous pourrons réellement bénéficier de leur présence. De notre côté, nous avons constaté avec satisfaction que nos préoccupations concernant la sécurité du Rwanda sont enfin reconnues. Le règlement du conflit suppose deux préalables : un dialogue intercongolais et la prise en compte des préoccupations sécuritaires des pays voisins.

Pensez-vous que l'arrivée au pouvoir de Joseph Kabila à Kinshasa a joué un rôle positif ?

Ses premiers gestes semblent montrer qu'il y a bien plus de chances d'avoir la paix aujourd'hui que pendant le règne de son père. Il a tenu des propos favorables à la paix. Mais ce qu'il faut voir maintenant, au-delà des discours, c'est ce qui sera fait sur le terrain, notamment pour désarmer les Interahamwé.

La population congolaise accuse souvent le Rwanda d'avoir évacué ses propres problèmes chez son grand voisin : que répondez-vous ?

C'est une perception complètement fausse. Les Congolais feraient mieux de demander à leurs leaders pourquoi ils ont soutenu les Interahamwé qui ont fui de l'autre côté de la frontière au Congo. Le maréchal Mobutu les a soutenus. Et, après lui, Laurent-Désiré Kabila a lui aussi choisi de les aider. C'est une situation malheureuse et je sais bien que les gens souffrent là-bas. Mais ce ne serait pas arrivé si les gouvernements congolais n'avaient pas choisi cette politique hostile à notre égard en s'associant avec ces groupes armés. Nous ne pouvions pas rester à attendre les bras croisés d'être à nouveau la cible de leur agression. Dans cette histoire, au fond ce sont les Rwandais et non les Congolais qui sont les vraies victimes.

Selon vous, combien d'Interahamwé restent actifs au Congo ?

Environ 10 000. Mais ce n'est pas tant un problème de nombre. Ils constituent toujours une force capable de nuire, un reliquat du génocide de 1994, activement soutenu par le gouvernement congolais.

Les Nations unies préparent un rapport sur le pillage des ressources minières du Congo. Craignez-vous de vous retrouver accusé ?

Si on nous accusait, nous serions préoccupés... Mais ce ne serait qu'une manière de masquer les vrais problèmes. Ce n'est pas à cause des richesses minières qu'il y a eu une guerre au Congo, mais parce qu'il y a eu un génocide et des problèmes de sécurité dans la région.

La France s'est engagée récemment dans les négociations sur le conflit au Congo. Les relations difficiles avec Paris depuis le génocide se sont-elles améliorées ?

Je n'ai pas vu de changements significatifs. Nous aimerions avoir de bonnes relations avec la France et nous avons récemment annoncé la réouverture de notre ambassade à Paris. Mais pour l'instant, on ne peut pas dire que nous avons réussi à réchauffer nos relations. La France joue un rôle actif aux Nations unies en faisant des propositions pour le règlement du conflit au Congo. Mais au même moment, devant le Club de Paris, elle a été le seul pays à utiliser son veto pour bloquer l'allégement de la dette du Rwanda. Pourquoi ? Sept ans après le génocide, le gouvernement français a changé. Mais ce qui est difficile à comprendre, c'est la persistance d'une ligne politique, comme si les nouveaux venus se sentaient obligés de défendre des choix faits avant eux au Rwanda.

Sept ans après le génocide, le Rwanda est-il réconcilié avec lui-même ?

Nous avons fait des progrès énormes sur la voie de la réconciliation, et cela sans aucune aide. Aujourd'hui le Rwanda est en paix, c'est même le pays le plus stable de la région. Mais comment parler de réconciliation sans répondre à l'immense pauvreté qui règne dans le pays ? Parler de droits de l'homme et de démocratie à des gens qui n'ont pas de quoi manger, c'est comme jouer de la musique à un cadavre.

Quelle sera l'évolution politique du Rwanda ?

Nous avons organisé la semaine dernière des élections communales. C'est une étape importante pour la démocratisation. Nous avançons à un rythme peut-être lent, il nous faut encore du temps pour achever le processus constitutionnel. La transition politique doit prendre fin en 2003. Juste après, il y aura des élections législatives et présidentielle.
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