Fiche du document numéro 33137

Num
33137
Date
Mai 1996
Amj
Auteur
Fichier
Taille
166778
Pages
16
Titre
Le Vatican, de l'antisémitisme des années trente au sauvetage-recyclage des bourreaux
Mot-clé
Mot-clé
Cote
Golias, n° 47, mai 1996, p. 72-89
Source
Type
Article de revue
Langue
FR
Citation
LE VATICAN, DE L'ANTISÉMITISME DES ANNÉES TRENTE AU SAUVETAGERECYCLAGE DES BOURREAUX
Publié dans Golias, n° 47, mai 1996, p. 72-89
Annie LACROIX-RIZ, professeur à l'Université de Toulouse-le-Mirail, puis
à Paris 7
On prête aujourd'hui grande attention à la remarque publique de Pie XI en septembre 1938
«l'antisémitisme est inadmissible; spirituellement nous sommes tous des sémites» ou on suppose
que Pacelli devenu Pie XII aurait en se contraignant au «silence» sur les misères des victimes,
notamment juives, du nazisme vécu un «drame intérieur d'une très rare acuité» 1. Les archives des
années trente et quarante rendent sur l'«antijudaïsme» de l'Église romaine un autre son, dont nous
résumerons ici certains éléments ou jalons éclairants 2. Leur contenu révèle la virulence de
l'antisémitisme clérical, dont témoignent, parmi bien d'autres, les cas allemand et autrichien (unifiés
de fait par une adhésion formelle du Vatican à l'Anschluss depuis 1918-1919 et Benoît XV): ses
manifestations d'avant, pendant et après-guerre, couvertes ou suscitées par la Curie, nous mènent
d'emblée aux questions:
1° de la participation aux massacres d'éléments cléricaux couverts et dirigés par leurs
supérieurs hiérarchiques, du refus d'aide aux victimes confirmé par circulaires ecclésiastiques, voire
de l'éventuel pillage de biens juifs;
2° de la négation vaticane directe du génocide des hitlériens et de leurs séides de diverses
nationalités;
3° du sauvetage-recyclage des bourreaux, opération de masse que des travaux étrangers
surtout ont commencé à saisir depuis 1969 3.
L'ANTISÉMITISME: DE QUELQUES PRÉLATS ET DE LA CURIE ROMAINE
AVANT GUERRE
Le nonce à Munich (depuis mai 1917) puis auprès du Reich (décembre 1919), «en fait seul
représentant du pape en Allemagne et en Autriche», puis, comme l'avaient dès 1920 prévu les
Français «cardinal secrétaire d'Etat» de «Berlin» 4 (respectivement en décembre 1929 et février
1930), continua à ce poste à s'occuper du Reich autant qu'auparavant. Pacelli était pangermaniste
jusque dans l'obsession antisémite de ce courant idéologique: sa correspondance sur la Bavière
d'après-guerre avec le Vatican fourmille de références haineuses au «juif» untel, d'Eisner à Lévine,
tout révolutionnaire étant par essence «juif galicien». Il nomma ou promut (à la pourpre) tout
l'épiscopat allemand et autrichien, et s'entoura de prélats dont la contribution à l'essor du nazisme et
à l'antisémitisme fut éminente. On dresserait le même tableau du secrétaire d'Etat (de 1914 à 1929)
Gasparri, toujours à l'affût des propos antisémites, par exemple des Hongrois ou de son cher
ambassadeur allemand (depuis 1920) von Bergen, dont la carrière se déploya entre IIè Reich,
Weimar et IIIè Reich. Rappelons à quel point les troubles de la restauration d'après-guerre
enracinèrent encore à Rome et dans l'ensemble du monde clérical la vieille équation juifs = rouges:
toute la presse ultramontaine soutint la Hongrie blanche dans la campagne antisémite qui suivit la
défaite de Belà Kun, partie intégrante de l'effroyable répression du calviniste Horthy (auquel la
Curie pardonnait son protestantisme). La Croix incluse qui, le 11 novembre 1920, assimila «à juste
titre» les deux ennemis vaincus, stigmatisa «la race conquérante» qui avait tenté d'imposer le
bolchevisme à la Hongrie catholique, et justifia la loi sur le numerus clausus universitaire
indispensable «pour sauver la jeunesse catholique-magyare», réduire le pouvoir de la presse juive,
assurer «la renaissance catholique»: la Hongrie était ainsi «guérie moralement (...) L'esprit
catholique est devenu le grand directeur de la vie économique et de la politique» 5. Nous ne citerons

de cet antisémitisme catholique romain ou national que les exemples significatifs de quelques
dignitaires germaniques dont le nonce Pacelli fit ou améliora la carrière:
Mgr Gröber, nommé archevêque de Fribourg en juin 1932, instrument essentiel des
concordats badois (12 octobre 1932) et du Reich (20 juillet 1933): passé du soutien net des nazis
avant leur accession au pouvoir au nazisme pur et dur, ce «"membre promoteur" de la SS»
(förnderndes Mitglied) payant ses cotisations mensuelles depuis 1933, vite surnommé «l'évêque
brun» (der braune Bischof), écrivit beaucoup. Ses oeuvres, conformes aux canons du Saint-Office,
éclairent la contribution du catholicisme allemand à la «Solution finale»: son «manuel des questions
religieuses du temps présent» (Handbuch der religiösen Gegenwartsfragen) publié en 1935 l'établit
en champion du sang et de la race, l'année des lois de Nuremberg, que l'article «race» justifiait ainsi:
«chaque peuple porte lui-même la responsabilité du maintien de son existence, et l'apport d'un sang
entièrement étranger représentera toujours un risque pour une nationalité qui a prouvé sa valeur
historique. On ne peut donc refuser à aucun peuple le droit de maintenir sans perturbation sa vieille
souche raciale et de décider des mesures de sauvegarde à cet effet. La religion chrétienne demande
simplement que les moyens utilisés n'offensent pas la loi morale et la justice naturelle». Le propos
était précisé par l'article «marxisme» du manuel, sur le «juif Karl Marx»; l'article «bolchevisme»,
«despotisme d'Etat asiatique, en vérité au service d'un groupe de terroristes conduit par les juifs»;
par l'article «art», sur le judaïsme athée et perverti responsable des «aspects anti-allemands de l'art
depuis le XIXè siècle» (et par sa lettre pastorale du 30 janvier 1939 contre les juifs assassins de
Jésus et animés d'une inexpiable «haine meurtrière») 6.
Mgr Hudal, recteur depuis 1923 de Santa Maria dell'Anima (Église nationale de l'Autriche et
de l'Allemagne, un des fiefs du pangermanisme à Rome), est aujourd'hui connu comme l'un des
principaux responsables vaticans de l'«exfiltration» des nazis depuis 1944. Hudal était le protégé
d'Innitzer, cardinal-archevêque de Vienne dont on connaît mieux les «Heil Hitler» depuis mars 1938
que le passé très pacellien: cet «Allemand des Sudètes» né en 1875 à Weipert, en «Bohême
allemande», fit l'essentiel de sa carrière à Vienne, après des études à Santa Maria dell'Anima,
«collège teutonique» dont Pacelli devint le «protecteur» le 31 mars 1930, après la mort de Merry del
Val (son titulaire depuis le 8 novembre 1907). Innitzer fut nommé à l'université dès 1911, et il gravit
tous les degrés de sa hiérarchie, jusqu'aux postes de doyen puis de recteur, en 1928-1929 - période
où il signait publiquement des proclamations «rattachistes» (en faveur de l'Anschluss) -, avant de
devenir ministre en septembre 1929. Pacelli l'affecta à la réalisation de deux grandes étapes de
l'expansion allemande, l'Anschluss et son corollaire, la liquidation de la Tchécoslovaquie: il
réorganisa entre 1929 et 1933, avant de la lui en confier, une «petite congrégation» allemande
installée en Tchécoslovaquie, «l'ordre teutonique», «organe de propagande» chargé de «prépar[er...]
les opérations allemandes tout à la fois en Autriche et en Tchécoslovaquie». Mission qui lui valut
une ascension vertigineuse: il fut en novembre 1932 nommé archevêque de Vienne, et reçut à la mifévrier 1933 le chapeau, un des dons de joyeux avènement d'Hitler, «tour de faveur» d'autant plus
remarqué qu'il s'agissait d'une maigre promotion (six élus pour dix-huit postes vacants) succédant à
plus de deux années sans nominations 7.
Protecteur de Hudal, de dix ans son cadet, et nazi aussi précoce, Innitzer trouva en lui un
porte-parole bruyant, qui eut également une carrière pacellienne sur laquelle coïncident les fonds
français des années trente, ceux de l'Office of Strategic Services (OSS) de la décennie suivante et les
enquêtes de Simon Wiesenthal. Son ascension romaine s'accéléra quand Pacelli devint secrétaire
d'Etat: Hudal, mandaté par le chancelier Schober, avait discuté d'un futur concordat autrichien avec
Pacelli dès 1929; «chef de la communauté catholique allemande de Rome», il fut en 1930 nommé
conseiller au Saint-Office, sanctuaire de la doctrine: c'est à ce titre qu'il multiplia les «tournées de
conférence[s]» en Italie et en Allemagne, prêchant à «d'énormes foules de catholiques
germanophones» la formule du 30 janvier 1933. Il exprimait régulièrement sa ferveur, ainsi en mai
1933, où il déclara «devant un parterre» de diplomates et dignitaires nazis réunis à l'Anima «qu'en
cette heure marquée au sceau du destin, tous les catholiques allemands vivant à l'étranger saluent
l'avènement du nouveau Reich, dont la philosophie s'accorde tant aux valeurs nationales qu'aux
valeurs chrétiennes». Il reçut en juin 1933 une récompense «plutôt rare» pour un recteur de collège,
le titre «d'évêque titulaire d'Ela», consacré par une messe célébrée à l'Anima par Pacelli. Hudal,
après avoir été associé au concordat autrichien, et sans doute à l'allemand, renforça son intimité avec
von Papen, dont il fut le conseiller quand les hitlériens, après l'échec du putsch de juillet 1934,

déléguèrent ce «serpent» - selon l'expression de Göbbels - à Vienne. Après le Te Deum saluant à
l'Anima le plébiscite sarrois, on le remarqua souvent en 1935, où il fut le truchement de la tentative
romaine de conciliation doctrinale dont l'anticléricalisme nazi se moquait comme d'une guigne: il
édita à Innsbruck et fit publier sous forme d'«étude» par la Bayerische Volkszeitung l'ouvrage
«Rome, le christianisme et le peuple allemand» (Rom, Christentum und deutsches Volk) prônant une
alliance intime entre «germanisme» et «christianisme».
Il «se révéla surtout après l'accord austro-allemand» du 11 juillet 1936, «l'enfant de M. von
Papen» (et de Schacht), par lequel Schuschnigg livra l'Autriche à l'«Allemagne de Hitler»: il
accueillit «cet acte pacificateur» par des «articles louangeurs (...) appelant de tous ses voeux une
étroite collaboration entre le catholicisme autrichien et le national-socialisme allemand pour le
progrès et la gloire de la race et de l'idéal germaniques». Il théorisait alors sur les merveilles du futur
règlement de la question juive (Schönere Zukunft. Gedanken zur Judenfrage, juin 1936) et sur les
aspects généraux de la collaboration catholico-nazie. En novembre 1936, son livre exaltant le
nazisme et son oeuvre antisémite, Les bases du national-socialisme, parut escorté d'une note de
l'Osservatore selon lequel il «n'avait été inspiré par aucune autorité romaine». Postdaté de 1937, il
fut publié à Leipzig et à Vienne, avec l'imprimatur d'Innitzer qui «souscriv[ai]t chaleureusement à
cette "précieuse tentative d'apaisement de la situation religieuse des Allemands"». Il frappait sur le
double clou rituel, «la lutte contre le bolchevisme» et les juifs, exaltant les lois de Nuremberg, «une
mesure nécessaire d'auto-défense contre l'invasion d'éléments étrangers»: le droit canon avait exclu
les juifs «jusqu'à ce que les murs du ghetto eussent été abattus au XIXè siècle par l'Etat libéral
d'abord et non par l'Église»; «les principes de l'Etat moderne» fondés sur la règle de l'égalité de
traitement devant la loi «ont été crées par la Révolution française et ne sont pas ce qu'il y a de mieux
du point de vue du christianisme et de la nationalité». Il subit officiellement dans le Reich le sort
commun à tous les «théoriciens» cléricaux qui souhaitaient que le NSDAP, «pour collaborer avec le
catholicisme, (...) s'expurgeât au préalable de ses préjugés anti-chrétiens[:] les nazis rejetèrent cette
proposition. Les journaux attaquèrent vivement le prélat, et son livre», d'abord «autorisé sur
l'intervention personnelle de M. von Papen», fut mis à l'index national-socialiste». Ce conflit servit
la thèse vaticane des divergences catholico-nazies, mais l'ouvrage fut massivement diffusé en
Autriche - seul endroit où il fût utile -, et Hudal reçut «l'insigne d'or de membre du parti». Le lecteur
curieux lira ailleurs le détail des opérations germano-austro-vaticanes qui aboutirent à l'Anschluss,
aussi funeste aux juifs autrichiens qu'aux «rouges», dont les épiscopats fusionnés fêtèrent dans le
délire le triomphe plébiscitaire. Hudal le célébra à l'Anima, avec un Te Deum suivi du «Deutschland
über Alles», et reçut les louanges de von Bergen pour sa longue action en faveur d'«une Grande
Allemagne» et son empressement auprès de «nous» (les nazis) 8.
De von Faulhaber, cardinal-archevêque de Munich (respectivement en 1921 et 1917), intime
entre les intimes de l'ancien nonce, la diplomatie de la «décadence» française 9 s'obstina dans les
années trente à faire un «résistant» au nazisme: les archives allemandes et françaises font litière de
ce vernis badigeonnant un pro-nazi bon teint, manié à nouveau après-guerre par les Alliés
américains d'abord - français et anglais ensuite -, jusque dans la prétendue exception que le prélat
aurait instituée en matière d'antisémitisme catholique allemand. Cet «aumônier général des Armées
du royaume de Bavière» pendant la Ière Guerre mondiale, aussi pangermaniste que l'exigeait sa
fonction, s'était publiquement livré à des débordements antisémites au début des années vingt: ainsi
au «congrès catholique» des 27-30 août 1922 à Munich, où, auprès de Pacelli comme de coutume, il
maudit la «révolution» judéo-bolchevique de 1918-1919, «un parjure et une haute trahison (...),
marquée dans l'histoire du crime de Caïn», et tonna contre les juifs et «la presse sémite»,
«profession de foi antirépublicaine et antisémite» qui lui valut les «applaudissements frénétiques»
de l'assistance. Dans ses sermons de l'Avent 1933 sur les «valeurs morales de l'Ancien Testament»
l'Occident chrétien, Paris inclus, reconnut «en quelque sorte le procès de l'antisémitisme». Le 14
décembre, l'Osservatore loua sa «courageuse affirmation doctrinale» sur la validité de l'Ancien
Testament pour faire oublier, commenta l'ambassadeur de France Charles-Roux, le mutisme des
«autorités supérieures de l'Église, gardiennes de l'orthodoxie catholique» sur la politique antisémite
d'Hitler. Le philosémitisme de Faulhaber ne résiste pas aux archives: «la presse américaine» a,
câbla-t-il le 30 mars 1933 à Mundelein, archevêque (allemand) de Chicago, «grandement exagéré
les violences faites aux juifs»; son sermon de décembre 1933, expliqua-t-il définitivement en 1934,
ne prenait pas «la défense des juifs persécutés par le régime hitlérien»: «il n'a pas pris position à

l'égard de la question juive telle qu'elle se pose aujourd'hui», fit-il notifier le 31 août au secrétaire de
la conférence israélite mondiale de Genève; en novembre, il rendit publique, par écrit et «en chaire
(...) sa protestation» contre la réputation de philosémite que lui forgeaient depuis la fin de 1933 «des
émigrés et des publicistes étrangers (...) dans certains journaux de Prague, de Bâle et de
Sarrebruck», qu'il «flétri[t]» nommément 10.
Couvrant ou promouvant des prélats qui comptaient parmi ses personae gratissimae, la
Curie ne fit pas que se retrancher derrière ceux qui, en dernière analyse, exprimaient sa position
profonde sur la «juiverie arrogante» - expression en 1936 du très féal Mgr Baudrillart. La Curie
poussait Baudrillart, défenseur d'un des porte-parole de l'antisémitisme de l'Église et de l'alliance
(précaire) de la Pologne avec le Reich hitlérien, le Polonais Hlond 11, primat-archevêque de Poznan
et Gniezno puis cardinal (en 1926 et 1927), contre le «national» Verdier (on y revient plus loin).
Cette opposition n'épargna pas la sphère de la «question juive», et ce très tôt: le Saint-Siège ne
trouva rien à redire à la persécution officialisée par le boycott des magasins juifs du 1er avril 1933 et
les violences des SA et SS. Pacelli mit, selon Charles-Roux, la main à ces «ménagements» envers
Berlin: alors que «les persécutions contre les juifs» avaient provoqué «l'indignation du monde», il
censura Mgr Verdier, auteur d'une lettre de solidarité au grand rabbin de France, «dont la
publication fut annoncée [en avril?] : elle ne fut pas publiée».
Les dossiers allemands montrent que la prétendue intervention prescrite au nonce successeur
de Pacelli (et intime de ce dernier et du pape), Orsenigo, n'alla pas au-delà du souci de laisser
quelque fallacieuse trace écrite. En témoigne un épisode du long mais vide feuilleton des
«négociations» et «notes de Pacelli» sur le concordat de juillet 1933 - exemple-type des courriersparavents dont la correspondance officielle du Saint-Siège regorge. Le 12 septembre, Pacelli remit
au chargé d'affaires d'Allemagne au Vatican Klee un «mémorandum en trois points», dont le 3ème
concernait notamment «les catholiques d'origine juive»: il le restreignit aux deux premiers quand
Klee argua que le point 3 n'avait «rien à voir avec le concordat», «objection qu'il reconnut justifiée».
Klee revenant sur ce problème «non pas religieux mais de race», Pacelli rappela que ce texte «était
remis à la demande du pape, qui n'était guidé que par des points de vue religieux et humains»; puis
Klee «insista» sur l'engagement du Vatican «depuis le début» à ne «pas se mêler des affaires
politiques intérieures de l'Allemagne», sur la nécessité de rayer la partie juive du point 3 et de
«baisser le ton sur le reste»: Pacelli «décid[a alors] de ne pas remettre le mémorandum». Il adressa à
Klee, le soir même, une note conforme à ses voeux et antidatée du 9 (donc d'avant la ratification du
concordat du Reich, du 10, tactique laissant croire qu'on continuait à négocier sur ce texte): elle
consacrait 5 lignes et demi «pour ajouter un mot pour les catholiques allemands d'origine juive»
récente ou lointaine, «et qui pour des raisons connues du gouvernement allemand souffrent
également de difficultés économiques et sociales» 12.
Reste le cas personnel de Pie XI, germanophile endurci servi par un nonce puis secrétaire
d'Etat pangermaniste. A supposer qu'il n'ait pas été antisémite autant que son subordonné, demeure
le fait qu'il le protégea et le promut; qu'il géra l'ensemble de la politique allemande du Saint-Siège
jusqu'à son trépas - en particulier encouragea et soutint l'expansionnisme germanique aux dépens de
l'Europe haïe de Versailles; que la fameuse encyclique de mars 1937 Mit brennender Sorge rédigée dans le cadre d'une campagne d'opinion internationale à destination de l'ancienne Entente ne fut pas plus prosémite qu'antinazie: elle se partageait entre litanie de la «patrie» et du Reich et
références religieuses, notamment à l'Ancien Testament, sans mot dire du sort des juifs allemands;
et que le pape, enfin, vexé au plus profond du refus d'Hitler de lui rendre en mai 1938 la visite qu'il
n'avait cessé de solliciter, «lâch[a]» au cours de l'été «les juifs au gouvernement italien, en échange
des concessions qu'[il venait] d'obtenir» sur l'Action catholique après un nouveau frottement avec le
Quirinal sur la question. Devant un religieux français, le 8 septembre, «le pape a jugé très
sévèrement les mesures antisémites du gouvernement italien». Mais, à la mi-novembre, son journal
fut «muet» sur «la combinaison» négociée fin août sur l'interdiction des mariages mixtes: la
«solution (...) trouvée» via l'article 6 du décret-loi permettrait à l'Église de bénir une union qui, en
violation de l'article 34 du concordat italien de 1929 donnant valeur civile au mariage religieux,
n'aurait «aucun effet civil (...) Le droit canon est sauf et la législation fasciste est satisfaite».
L'Osservatore revendiqua «le caractère universel de l'Église» et son attachement à «l'égalité des
races», et prétendit que cette rupture du concordat avait été décidée «sans l'accord du Saint-Siège»,
d'où sa «douloureuse surprise»; mais il avoua presque en ajoutant: «le catholicisme est défavorable

aux mariages mixtes et les déconseille», car «il se méfie du métissage». En janvier 1939 dans
l'Avvenire d'Italia (journal résolument pronazi fondé par l'Action Catholique en septembre 1933, à
la suite du concordat du Reich, organe favori de Pacelli), le père Gemelli, recteur de l'Université du
Sacré-Coeur de Milan, le «plus important Institut catholique», «personnage le plus en vue du monde
universitaire confessionnel d'Italie, connu (...) pour jouir de la confiance et de l'estime du pape» - et
philofasciste convaincu - précisa l'aveu: «les cardinaux et les évêques ont toujours et partout
combattu le racisme exotique, mais (...) celui-ci n'a rien à voir avec la politique raciale de l'Italie» 13.
DE LA GUERRE À L'APRÈS-GUERRE
Les archives de guerre donnent aux «silences» de Pie XII sur l'extermination de juifs une
signification infirmant la thèse de ses terribles tortures morales.
L'ÉGLISE ET LES JUIFS PENDANT LA GUERRE
Des dignitaires...
Si le nouveau pape (depuis mars 1939) ne parla guère, les dignitaires soumis à la férule
pontificale parlèrent et agirent beaucoup. On sait au total encore peu de chose sur l'Europe
occidentale parce que les développements d'après-guerre n'ont pas conduit les Etats à faire la clarté
sur le rôle de l'Église. Au fil des découvertes des chercheurs, le bilan s'alourdit cependant et tend à
contrebalancer par des découvertes accablantes l'intervention courageuse mais tardive de certains
prélats en faveur des juifs déportés - telle l'initiative apparente de Saliège, le 23 août 1942, contre
«les persécutions actuelles», en réalité concertée avec Gerlier après un entretien de ce dernier avec le
grand rabbin de France 14 (discours charitable et réticences antiallemandes qui valurent à Saliège
comme au courageux de Solages une haine vaticane post bellum qui trancha avec la gloire des
prélats collaborateurs jusqu'au bout: le dossier, en France et dans toute l'Europe centrale et orientale,
constitue un critère comparatif sûr des options romaines). Il en ressort que, à l'Ouest de l'Europe, il y
eut aussi, parfois même avant guerre, participation cléricale à la curée économique antisémite: après
l'Anschluss, en juin (?) 1938, Eugen Haisler, secrétaire d'Innitzer, venu préparer en France «un
comité catholique d'amitié franco-allemand», rencontra notamment Rossé, chef des autonomistes
alsaciens financés par le Reich, «qui l'a chargé d'acquérir pour lui à Vienne une imprimerie juive à
un prix avantageux». On dispose désormais d'informations substantielles sur les chefs cléricaux
français de la collaboration, de Suhard, successeur au printemps 1940 de Verdier, à Baudrillart en
passant par Beaussart, évêque auxiliaire de Paris: entre autres, Suhard «montr[a] le plus grand esprit
de conciliation» lors des perquisitions de la Gestapo du 26 juillet 1940 visant à «établir la collusion
de feu le cardinal Verdier avec les juifs» et le «complot ourdi contre le Reich par des émigrés
politiques et par l'archevêché de Paris»: «au siège même de l'archevêché de Paris, la Cinquième
colonne avait ses indicateurs», comme le prouva la descente allemande qui permit de saisir
l'exemplaire qui s'y trouvait du «compte rendu de[s] conversations» de Mgr Verdier et Benès vraisemblablement sur les alliances franco- et tchéco-soviétiques - à l'occasion du congrès
catholique de Prague (du 27 juin au 1er juillet 1935): les nazis étaient si bien informés que leur
police fit «ouvrir tel tiroir dans tel meuble, situé dans telle pièce, parce qu'ils savaient que ce tiroir
contenait le dossier de la mission du cardinal Verdier et le compte rendu» en question. 15.
L'information est beaucoup plus riche sur l'Europe orientale. Car les Etats confrontés à une
furieuse opposition de la Curie (comme leur prédécesseurs dans l'entre-deux-guerres, et pour des
raisons territoriales similaires, celles d'avoir saisi des terres estimées définitivement allemandes)
sortirent massivement des rayonnages, au tournant des années quarante et cinquante dans le cadre de
grands procès, les archives d'Etat ou ecclésiastiques (saisies après réquisition). Selon les diplomates
français, et ce en pleine guerre froide, où ils taxaient volontiers de «propagande» toute initiative des
gouvernants communistes de l'Est, il s'agit de documents originaux, non tronqués et fiables. Ils
orientent sur des pistes accablantes pour l'Église catholique la remarque de Saul Friedlander sur «la

liberté d'action laissée aux évêques» qui aboutit à des attitudes confessionnelles très différentes
envers l'extermination des juifs: tandis que le patriarche orthodoxe de Constantinople ordonnait à
ses évêques de tout faire pour sauver les juifs, rien de semblable ne vint de Rome 16.
L'Église assuma dans la Russie occupée des responsabilités identiques à ce qu'elles furent
dans la Croatie de Pavelic ou la Slovaquie de Tiso, sans que le Vatican pût invoquer son ignorance
des faits: agence de renseignements la plus remarquable du globe (une des puissantes motivations
de l'intérêt américain, depuis la fin de la Ière Guerre mondiale, pour une active présence à Rome), le
Vatican fut, pape en tête, informé dans ses plus menus détails des événements de la guerre. Falconi
a naguère montré que dès septembre 1939, Pie XII n'ignorait rien des méthodes de guerre
allemandes, et les archives françaises corroborent ses sources polonaises et yougoslaves 17 On ne
peut distinguer de leurs tuteurs cléricaux, clercs ou laïcs, les organisations terroristes, «l'armée
catholique d'Ukraine» issue de l'«Organisation des Ukrainiens nationalistes» (OUN) du nazi
ukrainien Stefan Bandera. Au terrorisme de l'avant-guerre sous la houlette du Reich succéda celui
de la guerre pour cette «police supplétive» des occupants massacrant combattants de l'Armée rouge,
juifs et partisans: avec un enthousiasme qui faisait parfois défaut aux Allemands soucieux de
liquidation «rationnelle» et organisée, Raul Hilberg l'a remarqué à propos de tous les supplétifs des
nazis, des Ukrainiens aux Slovaques, des Croates aux Baltes, des Roumains aux Hongrois, et pas
seulement des «Allemands ethniques» trouvés sur place; il a également relevé le veto contre tout
secours aux juifs pourchassés par les Einsatzgruppen signifié à leurs curés par les évêques, tel le
Lithuanien Brizgys. C'est dans les rangs de la police balte, biélorusse et ukrainienne que furent
recrutés les éléments de la division SS Galicia formée en 1942-1943 (avec 20 000 Ukrainiens
sélectionnés sur un nombre double de volontaires). Les bourreaux furent escortés de leurs clercs,
ainsi après le massacre de 6 000 juifs «qui a duré trois jours et trois nuits», dont fut témoin le jeune
Simon Wiesenthal: perpétré à l'été 1941 par l'OUN pour «célébrer [son] retour à Lvov» (siège de
Mgr Szepticky), il fut interrompu à la sonnerie des cloches de l'église, «une voix ukrainienne
hurl[ant]: "Suffit pour ce soir! C'est l'heure de la messe!"». Exemple banal de la caution apportée
par le clergé, du bas en haut de la hiérarchie, aux croisés catholiques contre Russes et juifs. Car, en
dépit d'une légende de réticences, d'ailleurs postérieures à Stalingrad, de l'Église à l'égard des
atrocités allemandes ou assimilées, les prélats contrôlèrent étroitement cette alliance entre laïcs et
clercs, tel le vieil évêque uniate de Lemberg (Lvov), Mgr Szepticky, véritable symbole de la poussée
germanique en terre slave: son combat antirusse (et antipolonais) au service de l'Autriche (avant
1914) puis du Reich (depuis 1917) fut relancé par la Guerre depuis juin 1941; sa croisade et les
oeuvres de ses subordonnés ne distinguèrent de fait jamais l'impératif de «vaincre une fois pour
toutes la communisme athée et militant» et celui de se débarrasser des juifs du lieu. Comme ses
pairs, il bénit la division SS Galicia, «guidée par ses aumôniers uniates» à l'assaut des «bolcheviques
impies» 18.
Ce qui vaut pour la Russie vaut pour toute l'Europe centrale et orientale, où la hiérarchie non
seulement ne protégea pas les victimes mais interdit leur protection. On ne voit pas par quel miracle
les prélats antisémites patentés de Pologne, Hongrie, Slovaquie, Roumanie, qui avaient, dans les
pays pogromistes dotés d'une sévère législation antijuive avant-guerre, activement participé à
l'élaboration et à l'adoption de ces lois (et qui montrèrent en 1945 leur inclination à recommencer),
auraient soudain pris en pitié les pourchassés. «Il est particulièrement significatif de noter que les
Lithuaniens non-juifs sont chargés d'aller chercher les candidats» à l'extermination, observa Taylor
dans son mémoire du 26 septembre 1942 pour le secrétaire d'Etat Maglione, «dans le Ghetto de la
mort de Varsovie (...) C'est une tragédie que la population polonaise soit montée par les Allemands
contre les juifs et que les relations entre les Polonais et les juifs aient été aggravées au dernier degré.
C'est particulièrement vrai à Lemberg» - fief de Szepticky. Raul Hilberg a, pays par pays, dressé le
tableau impitoyable d'une attitude en parfaite continuité avec un long passé; or, les circulaires des
évêques aux curés, comme celle citée plus haut en Lithuanie, et toutes autres démarches
impliquaient l'aval d'un nonce.
On sait l'éminente contribution de la Slovaquie de Mgr Tiso, ancien archevêque de
Bratislava, classée par Hilberg parmi «les satellites par excellence», aux déportations juives. Les
archives d'alors exhumées après-guerre prouvèrent que l'«attitude [des évêques] à l'égard du
massacre des Juifs de Slovaquie a[vait] été pour le moins suspecte» et qu'ils ne s'étaient pas montrés
«fort désintéressés des biens de ce monde». Litote du consul de France à Bratislava, lors du procès

«pour haute trahison» de janvier 1951 de trois évêques slovaques, champions du parti Hlinka puis
de Tiso (Mgrs Vojtassak, de Spis, Buzalka, auxiliaire de Bratislava, et Godjic, uniate de Presov),
pour présenter leurs aveux authentifiés par les archives de l'Etat slovaque: ainsi Vojtassak avait-il
approuvé, entre autres décisions de Tiso, la déportation des juifs (sténographie de la séance du 3
février 1943), et participé au pillage des biens juifs, «notamment à Baldovce et à Betlanova»,
arrondissant son patrimoine dont il tirait un revenu annuel de 3 à 4 millions de couronnes.
La catholique Hongrie, rangée parmi «les satellites opportunistes», se montra également
fidèle à ses traditions pogromistes: même en 1944, alors que tous ses dirigeants, clercs inclus,
s'efforçaient pour échapper au sort des satellites de se disculper aux yeux des Anglo-Saxons, le
primat Seredi ne put, dans sa lettre pastorale du 29 juin, censurer la violence de son antisémitisme
sous l'apparent regret de son impuissance totale à empêcher quoique ce fût. Son successeur, nommé
en 1944, l'ancien évêque de Veszprem, Mindszenty, de son vrai nom Joseph Pehm, Allemand
«d'origine souabe», n'eut rien à lui envier: obscur jusqu'à sa gloire d'après-guerre (et deux volumes
des archives Hongrie 1944... ont disparu du Quai d'Orsay), il suggéra son passé par l'audace de ses
déclarations antisémites, notamment en 1948 devant Bertha Gaster, correspondante à Vienne du
News chronicle: cette fille du rabbin de Whitechapel (ce qu'il ignorait) lui fit une certaine publicité.
En Croatie, la «purification ethnique» frappa les Serbes orthodoxes autant que les juifs: les
persécutions sont connues depuis longtemps, grâce aux recherches de Falconi dans les fonds d'Etat
yougoslaves, parfaitement fiables, bien que Rhodes reproche à cet auteur catholique d'avoir
«invalidé certaines de [ses] conclusions anticatholiques» par sa non-maîtrise du serbo-croate et par
son recours aux «documents officiels communistes» habilement sélectionnés 19. L'argument paraît
aussi sérieux que celui qui interdirait aux juifs de s'intéresser à la Shoah, et Belgrade n'eut pas
besoin de «sélectionner». Le dossier catholico-croate est d'une noirceur telle qu'elle résista chez les
diplomates français aux tentations révisionnistes de guerre froide. Ce n'est pas Tito qui inventa les
chiffres énormes des massacres de Serbes et de juifs par «l'Etat libre de Croatie» de Pavelic, mais
les fonds de guerre qui établirent ces évaluations: à la fin de l'été 1942, un peu plus d'un an après
l'invasion de la Yougoslavie, le diplomate américain Biddle, ministre auprès du gouvernement
yougoslave en exil, y évalua les seuls «atroces massacres de Serbes» aux chiffre «confirmé» de
«600 000 hommes, femmes et enfants», massacres qui se poursuivaient alors avec frénésie» et
s'accompagnaient de «la destruction de tout ce qui était serbe en Bosnie». La question ne se pose
plus, après les travaux de Falconi et d'Aarons et Loftus, de savoir si Rome ignora les oeuvres de
l'Etat de Pavelic et l'éminente contribution qu'y apporta un «clergé (...) dans l'ensemble composé de
fanatiques ou d'hommes pétrifiés par la peur», du bas en haut de la hiérarchie. Le Vatican, Pie XII
au premier chef, soutint jusqu'à sa chute le régime oustachi. Il couvrit les crimes des clercs, de la
participation personnelle ou de l'adhésion aux massacres (en camps de concentration et tous autres
lieux, dont les bâtiments religieux orthodoxes) aux pillages de biens juifs et orthodoxes, avérés par
des documents écrits pour Saric (évêque de Sarajevo, l'un des chefs de longue date du camp
antiserbe) et Rozman (évêque de Ljubljana). Il n'en ignora rien, comme plusieurs chefs de la Curie.
Le Lorrain Tisserant, secrétaire de l'Orientale directement concerné par le dossier, s'en prit devant le
délégué de Pavelic au Vatican Rusinovic à la barbarie des Croates notoire depuis «la Guerre de
Trente Ans», où ils avaient ravagé sa région natale. Tardini vit dans leurs exactions (sans les
désigner clairement) des «erreurs» de jeunesse. Pie XII préféra parler des risques d'échec de la
«croisade militaire en commun contre le bolchevisme».
La «résistance» de Stepinac - candidat pro-allemand qui avait en 1937 succédé à l'Allemand
Bauer à Zagreb et aujourd'hui promis à la canonisation - relève de la légende. Stella Alexander, dans
ses deux livres apologétiques, ne trouve dans sa seule source originale, Katolicki List, journal de
l'archevêché, que des signes d'adhésion au régime: tous les documents contradictoires sont de
seconde main. Les fonds français, double du livre de Falconi, y ajoutent des précisions. Les archives
oustachas ayant été symboliquement regroupées dans le palais archiépiscopal de Zagreb, les titistes
les y découvrirent en 1945: s'y trouvaient, entre autres, mainte photo de Stepinac faisant le salut
oustachi (bras levé) auprès des hauts fonctionnaires; et des textes, telle sa circulaire aux évêques
publiée dans son journal le 29 avril 1941, glorifiant «l'Etat croate ressuscité» et «le chef de l'Etat
croate», et ordonnant un «Te Deum solennel dans toutes les églises paroissiales». Mais «il n'existe
de lui aucun document protestant contre les crimes commis en Croatie par les Oustachis et les
Allemands». Les horreurs accumulées par «l'occupant et (...) les Oustachis [, avec lesquels]

beaucoup de (...) chefs [musulmans] ont collaboré», encore découvertes en 1945, confirment la
fusion de l'Église et de l'Etat sous Pavelic. Pullulaient les monastères-arsenaux, comme celui de
Siroki Brijeg (en Herzégovine) où des franciscains criminels de guerre furent arrêtés en 1945. Le
trésor oustachi, trouvé début 1946 dans le couvent du Kaptol des franciscains de Zagreb, contenait
bijoux, or, dents en or scellées à des mâchoires entières, bagues sur des doigts coupés, etc.,
provenant du pillage d'orthodoxes et de juifs assassinés en masse; un PV d'emballage rédigé pour
chaque caisse prouvait la présence de fonctionnaires oustachis à chaque opération. Ce ne furent pas
seulement «certains prêtres exaltés qui sont allés, par haine et par peur du communisme, jusqu'à
prêter main-forte aux oustachis et à la Wehrmacht (...) durant l'occupation», mais l'ensemble d'un
corps dominé par les franciscains: l'Église yougoslave s'était «compromise à tel point qu'il serait
possible de dresser contre elle un réquisitoire en n'invoquant que des témoignages religieux». Guy
Radenac, consul à Zagreb, en entendait encore de nouveaux plus de deux ans après la guerre,
significatifs de ce que Falconi a appelé «hideux mélange de boucheries et de fêtes»: sur les
massacres d'orthodoxes, tel celui de Glina en (mai) 1941, confirmé par le récit du père Thomas,
trappiste français réfugié pendant la guerre à Banja-Luka: 2 000 morts dans la nuit, hommes,
femmes et enfants, tués et pillés; sur les festivités avec l'occupant, les «grands dîners en l'honneur
des officiers allemands» organisés par un couvent où l'on servait «des gâteaux (sic) (sic dans le
texte) ornés de croix gammées», décrits par le père Loewenbrück, bénédictin français de Pleterje
(selon lequel «seuls, parmi les ordres non cloîtrés, les dominicains furent irréprochables» mais
furent tous tués sous une bombe britannique à la fin de la guerre). Parce qu'il est impossible de
dissocier le martyre des Serbes orthodoxes de celui des juifs yougoslaves, évoquons la «conversion
forcée» des orthodoxes, intelligentsia strictement exclue dans la mesure où elle était considérée
comme irrécupérable: ce retour à «l'Inquisition espagnole» obligeait les victimes quand elles
n'avaient pas été massacrées d'emblée à «choisir» entre l'adhésion au catholicisme et la mort. Le
décret oustachi du 3 mai (complété par mainte autre mesure) qui en fixait les règles ne fut pas
seulement un ordre oustachi, mais aussi un texte vatican contresigné par Tisserant. Belgrade attendit
1952 pour le révéler dans un Livre Blanc sur les relations Vatican-«Etat indépendant de Croatie»
puisé à la fois au «journal personnel» de Stepinac et aux archives oustachies: il disculpait le
secrétaire français de l'Orientale, seul prélat «romain» hostile à l'«acte de conversion, qui ne l'avait
signé que «contre son gré», en reproduisant les procès-verbaux de ses entretiens orageux avec
Rusinovic (sources de Falconi). Les Français, alarmés de l'énormité de ces révélations, consultèrent
Tisserant: tout en invoquant «le rôle modérateur» de Stepinac, il confirma tout, ajoutant «que la
secrétairerie d'Etat avait été "assez molle"» 20.
...à la Curie
On connaît depuis les années soixante les silences de Pie XII sur «l'anti-christianisme du
régime hitlérien, les persécutions, les déportations, les abominables méthodes de guerre et
d'occupation» allemandes (de Blesson). Le dossier a été définitivement traité par Saul Friedlander
sur la base de documents allemands et des volumes III et II des FRUS de 1942 et de 1943 (que
complètent les fonds français). Il en ressort que la Curie fut informée au plus menu détail par des
sources juives, américaines (l'Américain Myron Taylor, «représentant personnel» de Roosevelt
«auprès du pape Pie XII», lui fournit un état précis des exterminations en Pologne le 26 septembre
1942) et allemandes; qu'elle ne les dénonça pas, même quand, de juillet à octobre 1942, «les EtatsUnis et d'autres gouvernements», dont celui de Grande-Bretagne, unirent leur «efforts (...) pour
obtenir du pape une protestation publique contre les atrocités nazies dans les territoires occupés par
l'Allemagne». Les divers motifs invoqués anticipent à la fois sur la négation des crimes et sur la
thèse de l'innocence allemande:
«le pape dans ses discours a déjà condamné les offenses contre la moralité en temps de
guerre et qu'être précis actuellement ne servirait qu'à aggraver les choses»;
«le peuple allemand, dans l'amertume de sa défaite, lui reprochera plus tard d'avoir
contribué, ne serait-ce qu'indirectement, à cette défaite (...) c'est précisément une telle accusation qui
a été portée contre le Saint-Siège par les Allemands après la dernière guerre, en raison de certains
phrases prononcées et de certaines attitudes adoptées par Benoît XV [pendant] les hostilités»
(Montini à Tittmann);

«des rapports sur les mesures sévères (severe measures) prises contre des non-aryens étaient
également parvenus au Saint-Siège d'autres sources mais que jusqu'à présent il n'avait pas été
possible d'en vérifier l'exactitude» (Maglione, le 16 octobre 1942, trois semaines après le rapport
Taylor sur la Pologne);
«le Saint-Siège ne pouvait dénoncer des atrocités particulières (specific), mais (...) avait
souvent condamné les atrocités en général» et «ne pouvait pas vérifier les rapports des Alliés
concernant le nombre de juifs exterminés, et caetera» (Maglione, le 26 décembre, après la
condamnation solennelle, le 17, par les nations unies de «cette politique bestiale d'extermination
accomplie de sang-froid»).
Pie XII usa d'un double argument le 30 décembre 1942, peu après le message de Noël qu'il
présenta à Tittmann, «chargé d'affaires des Etats-Unis», comme répondant aux souhaits de tous ceux
qui le pressaient d'«exprimer une parole (some word) de condamnation des atrocités nazies». Ce
long texte insignifiant, divisé en «cinq points fondamentaux de la pacification et de la Société
humaine», comportait, au cinquième, une allusion «à des centaines de milliers de personnes qui,
sans aucune faute de leur part, par le seul fait de leur nationalité ou de leur origine ethnique, ont été
vouées à la mort ou à une progressive extinction»: quatre lignes et 3 mots sur 13 pages de traduction
française, que personne ne remarqua, pas même Berlin:
il invoqua «une certaine exagération pour des buts de propagande» dans «les rapports des
Alliés sur les atrocités»;
«il expliqua que lorsqu'il parlait des atrocités il ne pouvait nommer les nazis sans mentionner
en même temps les bolcheviks ce qui (...) pourrait ne pas vraiment plaire aux Alliés» 21.
Pas toujours muets, Pie XII et L'Osservatore «flétrirent les bombardements de Rome» avec
passion jusqu'à l'été 1944 (après avoir tenté de les éviter depuis 1940), et ceux, depuis 1942, lancés
contre les villes du Reich. Ces cris furent d'autant plus remarqués que le pape était resté coi sur les
déportations de masse des juifs, comme celles qui eurent lieu «sous [s]es fenêtres», dans Rome
occupée par les Allemands, depuis la mi-octobre 1943. Il avait confié à Hudal la tâche de discuter
avec le général Stahel, commandant général de Rome, cette «question délicate [et] désagréable pour
les relations germano-vaticanes», mais qui fut «liquidée», selon von Weiszäcker - nouvel
ambassadeur du Reich venu depuis le début juillet 1943 préparer avec la Curie et les Anglo-Saxons
le meilleur avenir allemand possible -, en moins de deux semaines: cette mission à elle seule
constituait un aveu, compte tenu de l'antisémitisme du nazi autrichien Hudal et de son contact à
Rome avec Walter Rauff, «chef des services de renseignements SS», «responsable du programme
des chambres à gaz mobiles» de 1941 à l'Est (envoyé au printemps 1943 à Rome pour six mois par
Martin Bormann, Rauff fut affecté en septembre «dans une unité SS opérant dans la région GênesMilan-Turin» dans le même but). On n'entendit pas davantage Pie XII sur les déportations de 1944,
notamment celles des juifs hongrois, massives depuis mai 22.
LE SAUVETAGE-RECYCLAGE DES BOURREAUX
Dès ce moment et dans la perspective d'un «renversement des alliances» qui s'avéra
impossible du point de vue militaire général mais progressa à marches forcées sur le plan politique,
Washington et le Vatican avaient commencé le sauvetage-recyclage des bourreaux: le premier,
notamment via Taylor et le symbole ecclésiastique du «pactole» américain à Rome depuis 1925,
Mgr Spellman, finança en large part cette opération de masse, réalisée pour l'essentiel grâce au
maillage ecclésiastique du continent, qui achève de donner sens aux «silences» pacelliens 23.
De la guerre...
Walter Rauff, chef de «la section anticommuniste», fut pendant les négociations de
reddition» séparée de l'Armée allemande d'Italie révélées en mars-avril 1945 «le principal
interlocuteur» d'Alan Dulles, l'un des deux frères (avec Foster) de la célèbre firme d'avocats
d'affaires Dulles, Sullivan and Cromwell, liés à la banque Schroeder, étai d'Hitler, et acteurs depuis
1919 de la liquidation douce de Versailles. Les tractations échouèrent en apparence - la capitulation
en Italie ne précéda que de peu (le 2 mai) la générale -, mais sauvèrent «les officiers nazis qui y

0
avaient été mêlés», tel Karl Wolff, «chef de l'état-major personnel de Himmler» et d'un «groupe
d'intervention SS» en URSS, «personnellement compromis dans les meurtres de 300 000
personnes», condamné en 1949 à quatre ans d'emprisonnement, dont il ne fit «qu'une semaine». Ces
pourparlers avaient eu pour médiateur le Vatican, où entre 1943 et 1944 Rauff et Hudal créèrent le
«réseau d'évasion» des criminels de guerre couvert par les Anglo-Américains (et les Français),
opérationnel bien avant mai 1945 24.
Ce que nous savons des rapports entre Hudal et Pie XII infirme la thèse des historiens
officiels de la Curie, tel le P. Graham, selon lequel «"Mgr Hudal n'a joué aucun rôle" au sein de la
Commission pontificale d'assistance»; et oriente vers celle de Ladislas Farago, qui affirme que le
pape hissa Hudal «au niveau le plus haut de la hiérarchie du Saint-Siège» et en fit le principal
adjoint de Montini (futur Paul VI) dans l'«opération d'exfiltration des nazis». Hudal apparaît dans
les recherches des dernières décennies comme le pivot, avec Mgrs Montini, Riberi et Siri,
archevêque de Gênes, du dispositif mis en place à Rome et dans toute l'Europe occupée, financé par
des trésors nazis et assimilés, «blanchis» et enflés par le marché noir et les fonds alliés. Le 23 août
1944, sous couvert d'«action caritative en faveur des prisonniers de guerre», le Saint-Siège sollicita
des autorités alliées l'envoi d'un «représentant» flanqué d'un secrétaire, pour apporter «aux
prisonniers catholiques une assistance religieuse normale». Après l'acquiescement américain, il
réclama le 2 décembre pour «le directeur spirituel des Allemands résidant en Italie» - Hudal - le
droit de «visiter en Italie les internés civils de langue allemande». Hudal entama ainsi sa mission
dans les Rat Lines (nom de code anglo-saxon des filières d'évasion), avec Rauff et Riberi, également
chargé en novembre 1944 «de s'occuper officiellement, au nom du Saint-Père, des Allemands
détenus en Italie par les Alliés»: «la commission pontificale d'Assistance» ainsi créée, «instrument
efficace de la politique américano-vaticane», soustrairait en masse au châtiment les criminels
allemands, croates, hongrois, slovaques, ukrainiens, baltes, français, etc., avec le soutien permanent,
entre autres, de Taylor et du RP Carroll, second successeur depuis la fin de 1940 (après Mgr Hurley)
de Spellman à Rome.
Travaux allemands, anglo-saxons, courriers du Quai d'Orsay de toute provenance infirment
les conclusions de l'équipe d'historiens français auxquels Mgr Decourtray confia l'examen des
archives ecclésiastiques pour étudier le rôle de l'Église dans le sauvetage de l'ex-milicien Touvier,
exemple-type des criminels de guerre ripolinés en réfugiés accablés par le sort: des prélats français
inconscients ou mal informés auraient par charité secouru un bourreau qu'ils avaient pris pour une
victime, sans être mandatés ou couverts. Une partie de l'Église française se compromit en réalité
comme toutes ses homologues dans une opération romaine. Dès novembre 1944, Tardini, de la
Secrétairerie d'Etat, motiva devant le diplomate français, Guérin l'appel de «quatre prêtres
américains» à la secrétairerie d'Etat «par l'importance croissante des affaires» communes, les
besoins de la correspondance en anglais «en particulier, de l'organisation des secours», qui
impliquaient coopération. En février 1945, «les divers organismes», les deux commissions
pontificales d'Assistance aux réfugiés et aux rapatriés, furent groupés «en une seule oeuvre, la
commission pontificale d'Assistance», financée par «l'UNRRA» - les Etats-Unis - «par
l'intermédiaire du Vatican». Au tournant de 1944, elle fonctionnait à Rome, dans toute l'Italie via
«les centres diocésains paroissiens» et à l'étranger, par ses diverses missions, «dont certaines se sont
rendues en Allemagne, en Autriche et en Hongrie». Les «réfugiés politiques» arrivés en Italie «sont
dirigés sur le père Faller», résidant Piazza Cairoli, «religieux allemand qui s'occupe d'un centre
d'accueil destiné à tous les réfugiés se trouvant en Italie. Ce centre, qui a connu une activité
particulière en 1944 et 1945, a reçu indistinctement les réfugiés de toutes nationalités venues
d'Europe Centrale et particulièrement d'Allemagne». Faller «les met en contact avec le père
[français] Blondeau», de l'hôpital Fato Bene Fratelli, sur l'île du fleuve Tevere. Blondeau, pivot d'un
réseau de «couvents dont le personnel est en partie français», leur «communique l'adresse d'un
couvent à Rome susceptible de les héberger». Faller les adresse aussi à Riberi, via Po, qui «leur
délivre une carte donnant accès à un mess pontifical». «La commission», qui travaillait «en accord
avec les autorités italiennes ou alliées et avec l'UNRRA», servit dès 1944 «trois millions de repas»
dans le réfectoire pontifical de la Via Po. Blondeau «remet enfin à chacun, suivant sa situation, une
somme d'argent» pour l'achat de vêtements et objets de première nécessité. Dernière étape, «certains
réfugiés ont obtenu des passeports pour se rendre en Amérique du Sud»: la Croix-Rouge
internationale, à la demande des Anglo-Saxons très influents en Suisse, envoya à Hudal, à l'Anima,

1
ces passeports dont le flot gonflerait à partir de mai 1945. D'énormes poissons avaient déjà échappé
au filet: Bormann, considéré par Hilberg comme mort en 1945 pendant «la bataille de Berlin»,
«aurait quitté l'Allemagne dès le 10 mai 1945 par le Tyrol et pour l'Argentine après quelques mois
de secret romain sous la sauvegarde de Mgr Hudal», selon Jean-Pierre Blancpain, et de Rauff
(Werner Brockdorff); le transfert de ce protégé de la Curie eut lieu selon Paul Manning en 1948, et
on lui remit une grosse part de «la réserve financière de la Deutsche Bank» 25.
... à l'après-guerre
L'idéologie de l'innocence allemande, qui avait dans les discours du pape cheminé depuis
l'ère de la défaite assurée, fut au fil des ans de guerre froide officielle délestée de toute auto-censure.
Partie visible de l'iceberg de la pratique, puisque le sauvetage des criminels de guerre se poursuivit
longtemps sous la houlette d'Hudal, dont l'ouvrage posthume de 1976 (Römische Tagebücher.
Lebensbeichte eines alten Bischofs) revendique un nazisme intact et «la grâce d'avoir pu rendre
visite dans leurs geôles et dans les camps à tant de victimes de l'après-guerre, pour les consoler, les
aider et les pourvoir de faux papiers leur permettant de fuir vers un pays plus heureux». Parmi eux
figurait Franz Stangl, ancien commandant des camps de Sobibor puis de Treblinka, qu'il accueillit
ainsi: «Vous devez être Franz Stangl. Je vous attendais»; il l'hébergea au Germanicum avant de lui
remettre son «nouveau passeport (...) de la Croix-Rouge».
L'entreprise mobilisant tous les épiscopats impliqua la Suisse, siège du Comité international
de la Croix-Rouge contrôlé de fait par Washington, soumise à une pression à laquelle la rendaient
sensible son statut de havre des intérêts mêlés de capitaux et ses liens directs avec les capitaux
allemands. La France fut à l'automne 1945 la première cible de la campagne, ensuite inlassable, du
CICR en faveur de la protection des «prisonniers allemands [que] les Français affam[ai]ent». En
août, le nonce à Paris Roncalli (futur Jean XXIII) reçut du Quai d'Orsay libre accès à tous les camps.
Il les visita assidûment, sous couvert de dispenser «des paroles de réconfort et d'encouragement
d'ordre spirituel» aux PG en général et aux séminaristes en particulier, de Chartres à Montpellier en
passant par Noisy-le-Sec. Au tournant de 1945, les camps français sous autorité américaine, tels
ceux de Normandie, de Brienne-le-Château et Mailly, étaient des passoires à Allemands et
«Yougoslaves»: les PG revêtaient sur leur treillis portant le macaron POW (prisoner of war) «un
uniforme américain sans aucune marque particulière»; «aucune mesure de précaution particulière»
n'était prise envers les «criminels de guerre (...) reconnus», pourvus par des Français de «la Main
Rouge» (organisation clandestine d'extrême droite) de faux papiers 26.
La mission pontificale de Secours
En octobre 1945, Montini, interlocuteur privilégié des Américains (principal agent vatican et
chef des Rat Lines, selon Aaarons et Loftus), fit à Maritain des semi-aveux sur la filière d'évasion
sud-américaine, «la mission pontificale de Secours» pour «l'Autriche et l'Allemagne», dirigée par
Mgr Chiarlo, ancien nonce en Amérique du Sud, et siégeant à Francfort (en zone américaine): «ses
collaborateurs appartiennent à toutes les nationalités d'Europe centrale, ils apporteront aux diverses
populations, spécialement aux réfugiés et aux fugitifs, des secours spirituels aussi bien qu'une aide
matérielle». Mgrs Chiarlo et Gawlina (aumônier de l'armée polonaise) sillonnaient depuis novembre
1945 les zones américaine et britannique (les Français leur fermaient encore la leur) pour «visiter le
plus grand nombre possible d'anciens prisonniers de guerre, détenus politiques et surtout réfugiés de
toutes les nationalités» - germanique surtout. En décembre, le dispositif était au point, et les 5 et 6 se
réunirent à Berlin cinq prélats chargés de l'Est, avec des délégués des organisations de secours et
d'accueil des réfugiés allemands. Lot représentatif du nazisme épiscopal, malgré la légende de
«résistant» de leur président, von Preysing, archevêque de Berlin (et un des trois cardinaux de la
première promotion allemande d'après-guerre, avec von Galen et Frings) - légende par défaut, son
dossier de guerre auxquels s'intéressaient des chercheurs des années soixante ayant disparu. A la
réunion qu'il convoqua le 21 mai 1947 à son siège de Trèves, l'évêque Bornewasser fut clair sur le
rôle des siens dans la fuite des nazis: «c'est actuellement le devoir absolu et aussi l'intérêt de l'Église
de conduire le peuple allemand pour qu'il se souvienne encore avec fierté de sa noble qualité
d'Allemand. C'est la jeunesse qui aura toute notre sollicitude, nous organiserons des cours du soir où

2
nos jeunes auront la possibilité de se perfectionner dans la connaissance des langues étrangères de
préférence l'espagnol et l'anglais, afin que ceux qui désireront ou devront émigrer en Amérique du
Sud puissent montrer là-bas le visage du "vrai Deutschtum". Vous devez éduquer la jeunesse dans le
sens d'une Allemagne "totale et nationale"».
L'organisme «pontifical» prit forme définitive en mai 1946, où Mgr Munch, évêque
germano-américain de Fargo, devint «représentant du Saint-Siège» en Allemagne et chef de la
«mission vaticane d'Assistance aux réfugiés» - à la place de Chiarlo, nommé nonce au Brésil (gros
centre d'accueil). Né dans le Wisconsin «de souche allemande», dépêché par «le département de la
Guerre», Munch arriva en août 1946 à Berlin «dans un avion militaire américain». «Aumônier des
forces américaines d'occupation», il succédait à Spellman, qui gardait la haute main sur «toutes les
affaires importantes», et rejoignit aussitôt le clan des favoris «de Pie XII et de Mgr Tardini». En
mars 1947, quand Pie XII, devant le directeur pour l'Italie de l'Associated Press, Guptill,
«revendiqu[a] la liberté du Saint-Siège, des évêques et des associations catholiques du monde
entier» de fournir de l'«aide à ceux qui sont dans le besoin», surtout «les émigrés et les réfugiés»,
l'ouvrage était très avancé. Le nombre des «soupes populaires» servies via Po était passé de trois
millions en 1944 à 28 771 150 en 1945 et à 40 731 750 en 1946. Des mouvements financiers étaient
dirigés vers les zones de fuite, en accord avec les Pie Opere di Religione. Après d'autres, les
courriers français confirment l'aspect tentaculaire d'une action que Blondeau imputa en mars 1947
aux «devoirs de la charité» sans convaincre Maritain, informé que «des personnes gravement
suspectes ou condamnées par contumace ont réussi à passer à l'étranger» 27.
Du havre suisse aux associations catholiques
De l'Ouest à l'Est l'Église participa au processus. La Suisse, soumise au second semestre de
1945 à «intervention américaine» permanente, supplanta au tournant de 1945 l'UNRRA dans «l'aide
aux populations» d'Allemagne et d'Autriche, et aux Allemands expulsés, sous couvert «de lutter
contre la propagande soviétique». De «Don suisse» en «Secours aux enfants», de Caritas ou de
«Centrale sanitaire suisse» en Croix-Rouge, aides et secours à «l'Europe» réunis par les milieux
financiers de Zurich et Bâle (chimie liée à l'IG Farben en tête) se bornèrent de plus en plus
strictement aux Germains. Sollicitée pour réhabiliter le clergé protestant allemand, aspect majeur du
blanchiment des cadres, la Suisse fut aussi mobilisée dans son fief germanophile catholique. Le
Vatican trouva des exécutants en maint diocèse: à Fribourg, celui de Mgr Besson (mort en 1944 et
remplacé par le chanoine Charrière) où «les idées et le niveau intellectuel [d']une importante
fraction d[u] clergé et des] fidèles (...) sont demeurés ce que pouvaient être ceux d'un diocèse breton
sous l'Ordre moral»; dans l'abbaye bénédictine d'Einsiedeln, «poste d'écoute ouvert à beaucoup de
messages»; dans le gallophobe Tessin, dont l'évêque Jelmini transforma «de notoriété publique» le
«sanatorium» d'Agra, près de Lugano, en «gare régulatrice pour l'évasion de nazis vers l'Amérique
du Sud» (fonction banale des sanatoria suisses, comme Davos, après 1945). Jelmini y sauvait les
Allemands et leurs alliés, tel l'abbé Jassédé, «excellent Français», dit-il, auquel il confia en 1947 «la
cure d'Agra» et le poste d'«aumônier» du «sanatorium» comportant «l'éducation morale et
religieuse» des «enfants sarrois» accueillis: cet «ancien agent de la Gestapo (...) condamné pour
collaboration» était recherché en 1946 par la police d'Orléans 28.
De ces Touvier l'Europe orientale fournit le groupe le mieux connu, avec son gigantesque
réseau animé du côté ukrainien par Mgr Bucko, un des chefs de la croisade anti-russe. La Croatie s'y
illustra, puisque la filière du père Draganovic, secrétaire de Saric, familier de guerre de Maglione,
Montini et Pie XII, aurait soustrait au châtiment environ 30 000 criminels croates, dont Pavelic,
Saric et Rozman: la «plaque tournante [romaine] de l'opération», «l'institut San Girolamo» (SaintJérôme), recueillait avant leur départ (de Gênes) ces hommes regroupés par l'archevêché de Zagreb,
les couvents et autres institutions croates (dont la Croix-Rouge) placés sous la tutelle de Stepinac
resté sur place à la débâcle; puis par le haut-clergé d'Autriche et la «mission pontificale» de
Salzburg; enfin par la Curie, l'archevêque de Gênes, «la police italienne», et maint chef de la
Démocratie chrétienne (dont de Gasperi). Ce n'est «qu'avec la complicité des autorités occupantes»
que d'«anciens ministres» et responsables du régime de Tiso filèrent de zone américaine
d'Allemagne à Rome. Le Saint-Siège les y traitait avec tous les égards au début de 1946: Karel
Sidor, ancien délégué de Tiso et législateur de la persécution des juifs par la Slovaquie «encore

3
autonome», entre janvier et mars 1939, abritait une trentaine d'émigrés dans son palais romain, tels
Durcansky, le père Polakovic, sous-directeur de la Propagande, et le professeur Miskovic, ancien
président de «Prol» (Sokols catholiques) qui avait avant son départ laissé à la «Jeunesse Hlinka» son
«exposé des consignes» contre le nouveau régime.
Au printemps de 1946, l'Unità mena campagne contre Pax Romana, ancienne «confédération
des associations catholiques» siégeant avant-guerre à Fribourg, qui avait «élargi ses cadres et étendu
ses buts». Pilier de la reconstruction des «Internationales catholiques» menée entre Salamanque,
Fribourg et Rome (où les jésuites «joueraient un rôle important»), elle dispensait fausses «bourses
d'études» et vrais faux passeports aux «criminels de guerre notoires». Madrid avait délégué en Italie
le journaliste Ruiz, «homme de confiance du ministre des Affaires étrangères Artajo [en vue] de
regrouper et d'organiser les (...) fascistes fugitifs» de Hongrie, Bulgarie, Roumanie, Yougoslavie et
Pologne pour leur transfert en Espagne. Cet afflux financé par les Etats-Unis entraîna la création à
Madrid, dans les années cinquante, d'une foule d'organismes «catholiques» pour «réfugiés
politiques».
Le rôle de Pax Romana, démenti par le Popolo, fut confirmé par les Français, qui,
catholiques inclus, se méfiaient d'une organisation dont les congrès accueillaient dès 1946 des
«délégations de Croatie, Slovaquie, Lithuanie, Bohême, Hongrie, et Pologne» composées «de jeunes
réfugiés de l'Europe centrale». Selon Radenac, «les milieux oustachis de Zagreb» diffusaient encore
en 1947 les adresses connues des couvents accueillant les fugitifs, pris en charge par des bourses de
«Pax romana». Lui-même savait «de source directe» que le plus jeune fils de Radic, hébergé plus de
six semaines à Rome au «couvent Saint-Jeronimo», venait de donner «cette adresse à un ami».
Caritas jouait le même rôle, assurant les secours aux familles d'émigrés et d'oustachis terroristes sur
place. Les procès yougoslaves précisèrent l'ampleur de la filière: le régime, appuyé «sur des faits
réels», prouva que les inculpés, tels, en 1952, les franciscains de Mostar, notamment accusés de
«recel d'or et d'objets précieux pillés par les oustaches et découverts dans une de leurs églises à
Zagreb (...) et de complicité dans la fuite d'ex-oustaches poursuivis pour leurs crimes pendant la
guerre», avaient agi «sur les directives du Vatican» 29.
Les rescapés subirent un sort plus sévère que les bourreaux: parti de Rome le 13 juillet 1945,
Hlond, à peine rentré dans son diocèse de Poznan, anima avec ses pairs les pogroms déclenchés au
Sud, dans celui de Sapieha, Cracovie (notamment le 11 août). A l'instar du «gouvernement» de
Londres que Papée continuait à représenter au Vatican, la «résistance» d'extrême droite (NSZ) était
chargée de liquider les rares survivants juifs (80 000), qui avaient fui la Pologne en 1939 pour se
réfugier en URSS et étaient considérés comme le symbole de l'ennemi russe (au point que dès avril
1946, 50 000 avaient à nouveau fui et continuaient). Promu archevêque de Varsovie en avril 1946,
Hlond, comme Sapieha, couronna l'entreprise en couvrant le 12 juillet par une conférence de presse
le pogrom de Kielce du 4, le plus important (80 morts, une centaine de blessés, «la plupart
grièvement»), organisé avec la complicité de l'évêque du lieu Kaczmarek: ce «malheur monstrueux»
ne devait rien au «racisme», «le clergé de Kielce a rempli son devoir», les Polonais ont sauvé la vie
des juifs pendant la guerre, etc.; «la faute en est imputée aux juifs qui occupent en Pologne des
postes dirigeants et tentent d'imposer au pays un régime dont la majeure partie de la population ne
désire pas»; il ne pouvait donner un avis sur le NSZ, car «il s'interdit d'aborder» les problèmes
relatifs à «la Pologne intérieure»; à une question sur le motif de non-condamnation publique par le
clergé de l'antisémitisme depuis la libération, il répondit qu'une enquête avait montré l'inutilité de la
première en raison de la disparition du second: un autre pogrom tua alors trente juifs sur la voie
ferrée Kielce-Czestochowa. Dans cette atmosphère cultivée par le «Mikolajczik en soutane»
(surnom de Hlond) la gauche dénonça «la main du Vatican "protecteur des Allemands"». Lequel ne
dit mot du pogrom de Kielce, pas plus que la grande presse américaine, assez obsédée par
l'anticommunisme pour lâcher ce terrain - alors que les diplomates français sur place bouillaient
d'indignation.
Autre indice du sens des «silences» pacelliens, les prélats les plus collaborateurs - parfois
non dissociables des criminels de guerre - connurent à dater de 1945 une gloire qui contrasta avec
les rigueurs réservées aux audacieux de la guerre: devenu cardinal parce que Pie XII fut en 1945
contraint à le nommer - Paris avait averti qu'il refuserait dans le cas contraire toute nomination
française -, Saliège, soumis, comme de Solages, à mainte humiliation, en témoigne éloquemment 30.

4
Les Actes et Documents du Saint-Siège relatifs à la Seconde Guerre mondiale (ADSS),
documents officiels dont le scandale né de la pièce de Rolf Hochhuth, Le vicaire, a suscité les
premières publications, ont mis l'accent mis sur l'envie profonde, mais toujours autocensurée ou
demeurée officieuse, du Vatican de s'opposer à «la destruction des juifs d'Europe». La tentation est
grande, face aux «silences», de rechercher les traces de ce qui aurait pu se passer si... Le récent
ouvrage, par ailleurs scrupuleux, de Georges Passelecq et Bernard Suchecky, L'encyclique cachée
de Pie XI. Une occasion manquée de l'Église face à l'antisémitisme (Paris, La Découverte, 1995),
révèle une fois de plus les limites méthodologiques d'une recherche de présomption d'innocence
fondée sur une documentation pour l'essentiel non originale: la consultation des dossiers originaux
met plutôt l'accent sur le refus d'aide de l'Église romaine, précocement accompagné de la négation
ou de la minoration vaticane des massacres, et sur les terrains nationaux, de pratiques de persécution
que la Curie, hypothèse minimale, ne réprouva pas. Les archives originales nous placent davantage
dans la logique de l'antisémitisme particulièrement profond diffusé avant guerre - et depuis si
longtemps - par l'institution catholique.
NOTES
1

. Gérard Cholvy et Yves-Marie Hilaire et alii, Histoire religieuse de la France, Toulouse, Privat, 1984-1986,
t. 3, p. 57, et Xavier de Montclos, Les chrétiens face au nazisme et au stalinisme. L'épreuve totalitaire, 1939-1945,
Bruxelles, Ed. Complexe, 1991, p. 278 et 34, etc.
2
. Ce qui reste ici allusif est longuement exposé dans les divers chapitres (onze, surtout 4 et de 7 à 11) de notre
ouvrage Le Vatican, l'Europe et le Reich de la Première Guerre mondiale à la Guerre froide, à paraître, Armand Colin,
septembre 1996: toutes les références y figurent, avec leurs cotes précises.
3
. Werner Brockdorff, Flucht vor Nürnberg. Pläne und Organisation der Fluchtwege der N-S Prominenz im
"Römischen Weg", Verlag Welsermühl, Munich-Wels, 1969; voir aussi Mark Aarons et John Loftus, Des nazis au
Vatican, Paris, O. Orban, 1992.
4
. Notes, 10 février, 10 avril 1920 (souligné dans le texte), Saint-Siège 1918-1940 (plus loin nom de pays + ...),
vol. 13 et 2 et lettre n° 6470 de Tirard, Coblence, 20 août 1920, Allemagne..., vol. 370, archives du MAE, Quai d'Orsay
(source de tous les fonds originaux cités ici).
5
. Emma Fattorini, Germania e Santa Sede: le nunziature di Pacelli tra la grande guerra e la Reppubblica di
Weimar, Laterza, 1992, p. 105-106, et passim, Hongrie..., vol. 42-43, et Le Vatican..., chap. 4.
6
. Gunther Lewy, The Catholic Church and Nazi Germany, London, Weidenfeld et Nicolson, 1964, p. 45-46,
275, 277, Gordon Zahn, German Catholics and Hitler's wars, New York, Sheed and Ward, 1962, p. 123 sq., et fonds du
MAE cités, Le Vatican..., chap. 7.
7
. Courriers de 1928 à 1938, Saint-Siège..., vol. 47, Canet, vol. 33, 40, 41, Autriche..., vol. 82, 83, 190.
8
. Courriers de 1935 à 1938, Autriche..., vol. 190, 191, 198, 199, 200, Allemagne..., vol. 692, Italie..., vol. 264;
fiche OSS, septembre 1944, Mark Aarons et John Loftus, Des nazis..., p. 49; Gunther Lewy, The Catholic..., p. 165, 281,
211-218, von Bergen, 25 mai 1938, Documents on German Policy (Documents...), series D, vol. I, p. 1039 et 1042 et
chap. 7 et 8 de Le Vatican....
9
. Jean-Baptiste Duroselle, Politique étrangère de la France, la décadence 1932-1939, Paris, Le Seuil, 1983.
10
. Septembre 1922, Allemagne..., vol. 367, Canet, vol. 56, et Jacques Nobécourt, "Le Vicaire" et l'histoire,
Paris, Le Seuil, 1964, p. 138-140. 1933, Allemagne..., vol. 700 et 689, Canet, vol. 36; Gunther Lewy, p. 275, et chap. 910, 1934, Allemagne..., vol. 691. Documents... et fonds du MAE.
11
. Expression de Baudrillart dans son commentaire des plans d'alliance anti-russe de Hlond publiés in extenso
(entretien, 19 décembre 1936) dans le bulletin de son «comité catholique des Amitiés françaises à l'étranger»,
Pologne..., vol. 328 (et le jeu contre Verdier, Le Vatican..., chap. 9).
12
. Charles-Roux n° 233, 19 juin 1933, Allemagne..., vol. 689, septembre-octobre 1933, Documents..., C, vol. I,
p. 782-786, 789-790, 793-794 (souligné par nous), p. 927-928. Courriers-paravents, Le Vatican..., passim.
13
. 1938, Allemagne..., vol. 697-698, 700, Canet, vol. 40; Gitta Sereny, Au fond des ténèbres. De l'euthanasie à
l'assassinat de masse: un examen de conscience, Genève, Ed. Famot, 1977 (trad. de Into that Darkness, London, 1974),
p. 374; février, mars, mai, Documents..., D, vol. I, p. 1022, 1023, 1036-1039; Italie..., vol. 264, 267, Saint-Siège..., vol.
38, Canet, vol. 42 (et Le Vatican..., chap. 7 à 9).

5
14

. Octobre 1943, août 1944, Guerre 1939-1945 Londres-Alger (Alger...), vol. 1373 et 1374; Jean-Louis
Clément, Mgr Saliège, archevêque de Toulouse, 1929-1956, Paris, Beauchesne, 1994, chap. 9et 12; Jean-Marie Mayeur,
«Les églises devant la persécution des juifs en France», Georges Wellers et al., éd., La France et la question juive
1940-1944, Paris, Ed. Sylvie Messinger, 1981, p. 156-170, et Christian Terras, «La véritable histoire des évêques sous
l'Occupation», Golias, n° 29, printemps 1992, p. 35-154.
15
. Août-septembre 1940, Vichy Europe..., vol. 559; sur Suhard après 1940 et Baudrillart, mort en mai 1942,
Rita Thalmann, La mise au pas. Idéologie et stratégie sécuritaire dans la France occupée, Paris, Fayard, 1991, p. 8695, 155-156, 237, C. Klein, «Le clergé et les chrétiens de France tels que les voyaient certains dirigeants nazis sous
l'occupation», Eglises et chrétiens dans la IIè Guerre mondiale, la France, Lyon, PUL, 1982 (colloque de Grenoble), p.
383-399, Philippe Burrin, La France à l'heure allemande 1940-1944, Paris, Le Seuil, 1995, p. 30, 80, 224, 226-232,
411-413; 1943, Vichy Europe... vol. 553, juillet 1952, Pologne 1944-1960 (plus loin nom de pays + 1944...)..., vol. 135,
Le Vatican..., chap. 10; et note (allemande), services d'Alsace-Lorraine, 19 juillet 1938, Canet, vol. 40.
16
. Saul Friedlander, Pie XII et le IIIè Reich, Paris, Ed. du Seuil, 1964, p. 138.
17
. Carlo Falconi, Le silence de Pie XII 1939-1945, essai fondé sur des documents d'archives recueillis par
l'auteur en Pologne et en Yougoslavie, Monaco, Ed. du Rocher, 1965, Saint-Siège..., vol. 40, depuis septembre-octobre
1939, et Pologne..., vol. 329, Léon Papeleux, Les silences de Pie XII, Bruxelles, Vokaer, 1980, 3è partie, et Le
Vatican..., chap. 10.
18
. Raul Hilberg, La destruction des juifs d'Europe, Paris, Gallimard, 1991, 2 vol. (rééd.), passim depuis le
chap. VII (exemple, vol. 1, p. 266); Wiesenthal, Mark Aarons et John Loftus, Des nazis..., chap. 8; Hansjakob Stehle,
Eastern Politics of the Vatican 1917-1979, Athens, Ohio, 1981, p. 219-220 (sur la base des ADSS, vol. 3), et Le
Vatican..., passim.
19
. Foreign Relations of the United States (FRUS) 1942, vol. III, p. 776: Raul Hilberg, La destruction...,
passim depuis le chap. VII, janvier 1951, Tchécoslovaquie 1944..., vol. 154, et juillet 1948, Hongrie 1944..., vol. 18.
Anthony Rhodes, The Vatican in the Age of Dictators 1922-1945, London, Hodder and Stoughton, 1973, p. 327, dont
l'exposé infirme en partie la méfiance, p. 323-336.
20
. 9 septembre, FRUS 1942, vol. III, p. 812-813, mai 1949, Yougoslavie 1944..., vol. 36, et n° 5 du Service de
Presse, 10 juin 1941, Guerre 1939-1945, Vichy-Europe (Vichy-Europe...), vol. 548, Le Vatican..., chap. 8, 10, 11, Stella
Alexander, The triple myth: a life of Archbishop Alojzije Stepinac, New York, Columbia University Press, 1987, chap.
VI-VIII, Church and State in Yugoslavia since 1945, Cambridge, Cambridge University Press, 1979, chap. 1; Carlo
Falconi, Le silence..., passim; décembre 1945, septembre 1946, Yougoslavie 1944..., vol. 34, septembre 1948,
septembre 1954, ibid., vol. 36 et 107, janvier, février 1946, ibid., vol. 34, août 1947, ibid., vol. 36; août 1952, ibid., vol.
105.
21
. Blesson, octobre 1943, Alger..., vol. 1373; FRUS 1942, vol. III, p. 772, 777, FRUS 1942, vol. I, p. 70,
FRUS 1943, vol. II, p. 911-912; décembre 1942, Vichy-Europe..., vol. 551; FRIEDLANDER S., Pie XII..., passim.
22
. Bombardements, voir surtout FRUS 1942, vol. III, p. 800, FRUS 1943, vol. II, p. 910-953, FRUS 1944, vol.
IV, p. 1274-1314; 2, 4, Vichy-Europe..., vol. 551, et Le Vatican..., chap. 10; sur les juifs, Saul Friedlander, Pie XII..., p.
190-205 (dont 193-194), Gunther Lewy, The Catholic..., p. 301-302 (et 269-308), Werner Brockdorff, Flucht..., p. 71
sq. et passim, Mark Aarons et John Loftus, Des nazis..., p. 52-53, 273, et Raul Hilberg, La destruction..., p. 577.
23
. Tenants et aboutissants de la stratégie américaine, Le Vatican..., surtout chap. 2, 3, 5 et 9 à 11.
24
. Septembre 1944, Saint-Siège 1944..., vol. 8, juillet 1945, Etats-Unis 1944..., vol. 171, Mark Aarons et John
Loftus Des nazis.., p. 57-60, 275, 343, p. 958 (et index, Wolff); Mark Aarons et John Loftus, p. 317-329 (sur les
Français, chap. 11 et p. 316), Werner Brockdorff, Flucht..., loc. cit.
25
. L. Farago, Aftermath, Londres, Pan, 1976, p. 210 sq., Mark Aarons et John Loftus, Des nazis.., p. 50-69;
Léon Papeleux, L'action caritative du Saint-Siège en faveur des prisonniers de guerre (1939-1945), Bruxelles, Institut
historique belge de Rome, 1991, p. 170 et 268-269, novembre 1944, Etats-Unis 1944..., vol. 200, août, février, mars,
Saint-Siège 1944..., vol. 9; René Rémond (dir.) et alii, Paul Touvier et l'Eglise, Paris, Fayard, 1992, passim, Raul
Hilberg, La destruction..., p. 942 (et index), Jean-Pierre Blancpain, «Amérique latine et nazisme. De l'immigration juive
au mythe du IVè Reich (1933-1945)», L'information historique, n° 5, vol. 53, 1991, p. 176, Mark Aarons et John
Loftus, p. 326 (Manning), Werner Brockdorff, Flucht..., loc. cit., 83, et passim.
26
. Le Vatican..., chap. 10-11; J.-P. Blancpain , «Amérique (...)», p. 174-175, Gitta Sereny, Au fond..., p. 17,
320, 323, 336-337; juillet, octobre, août 1945; visites, novembre, décembre 1945, février, avril-juin; note DU n° 763, 15
mars 1946, Allemagne 1944..., vol. 22.
27
. Mark Aarons et John Loftus, Des nazis..., passim; octobre 1945, Saint-Siège 1944..., vol. 8, septembre,
décembre 1945, Allemagne 1944..., vol. 67, octobre 1946, mai 1947, ibid., vol. 68; Gordon Zahn, German..., p. 119-

6

120, Gunther Lewy, The Catholic..., p. 219 et 227, Annie Lacroix-Riz, «Politique scolaire et universitaire en Allemagne
occupée», Gabriele Clemens, éd., Kultur im besetzten Deutschland 1945-1949, Franz Steiner Verlag, Stuttgart, 1994, p.
133-136; mai, août 1946, janvier 1947, Allemagne 1944..., vol. 68, août 1946, Uruguay 1944..., vol. 6, août, mars 1947,
janvier 1948, Saint-Siège 1944..., vol. 9.
28
. Janvier, février 1946, décembre 1945, février, juillet 1946 (et 1946-1949), Suisse 1944..., vol. 30; mars
1946, octobre 1945, juillet, novembre 1948, ibid., vol. 17, décembre 1948, ibid., vol. 30, et novembre 1946, Etats-Unis
1944..., vol. 173.
29
. Mark Aarons et John Loftus, Des nazis..., Iè et IIè parties, Werner Brockdorff, Flucht..., passim; mars, mai
1946, Tchécoslovaquie 1944..., vol. 47, avril 1946, Espagne 1944..., vol. 63, octobre 1946, Suisse 1944..., vol. 21, août
1947, Saint-Siège 1944..., vol. 9, mars 1952, Roumanie 1944..., vol. 88; juin 1946, août 1948, Saint-Siège 1944..., vol.
11 et 7; août, novembre 1947, janvier 1948, Yougoslavie 1944..., vol. 36, et juillet 1952, ibid., vol. 105.
30
. Juillet 1945, litanie des pogroms de septembre 1945 à juillet 1946, Pologne 1944..., vol. 52, Marc Hillel, Le
massacre des survivants en Pologne, 1945-1947, Paris, Plon, 1985, p. 287 et passim; Le Vatican..., chap. 11 et notre
communication, «Le Vatican, la France et l'Allemagne après les deux guerres mondiales», Georges-Henri Soutou et
Rainer Hudemann, Le rôle des tiers dans les relations franco-allemandes, Actes du colloque de Paray-le-Monial, 6-8
octobre 1994, à paraître, 1996.
Haut

fgtquery v.1.9, 9 février 2024