Fiche du document numéro 32991

Num
32991
Date
Jeudi 28 septembre 2023
Amj
Auteur
Auteur
Fichier
Taille
278756
Pages
5
Urlorg
Sur titre
Défense et diplomatie
Titre
Secret-défense : le grand détournement
Sous titre
À quoi sert le « secret-défense » ? À protéger des agents en mission ou à protéger des intérêts commerciaux ? À garantir la réussite d’une opération ou à cacher des compromissions ? Éléments de réponse avec des militaires, en pleine affaire Sirli.
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Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Le jour de l’arrestation de la journaliste Ariane Lavrilleux et d’un ancien du renseignement militaire suspecté d’être source, Guillaume Ancel, ex-officier de l’armée française, s’est immédiatement remémoré cette altercation dont il a été témoin, un soir de juin 2022. Aux Invalides à Paris, une cinquantaine de membres de l’AJD, l’association des journalistes travaillant sur le secteur de la défense, organisent alors leur pince-fesses annuel en présence de toutes les huiles du ministère. Un invité par journaliste.

Se retrouvent le major général des armées Éric Autellet, le chef d’état-major de l’armée de terre Pierre Schill, d’autres officiers de renom, des représentants de l’industrie de l’armement, des parlementaires… Même le nouveau ministre de la défense Sébastien Lecornu, tout juste arrivé à l’Hôtel de Brienne, a pris soin de passer une tête.

Le général Christophe Gomart, reconverti dans la sécurité du groupe immobilier Unibail, s’approche alors d’Ariane Lavrilleux. Celui qui fut à la tête de la direction du renseignement militaire (DRM) de 2013 au 2017 est furieux. Huit mois plus tôt, la journaliste a révélé avec d’autres collègues, dans Disclose et « Complément d’enquête », les secrets de l’opération Sirli, mission de surveillance chapeautée par la DRM mais qui a été détournée par l’État égyptien qui se servait des informations collectées pour frapper des civils.

Le général Gomart, d’ordinaire si prévenant dans ses relations avec la presse, s’emporte contre la jeune reporter : ce qu’elle a fait est « inadmissible », répète-t-il.

Lors d’un entraînement d’élèves officiers en 2022. © Photo Martin Bertrand / Hans Lucas via AFP

« Inadmissible » pour qui ? « Inadmissible » pour quoi ? Ces questions seraient restées anecdotiques si, un peu plus d’un an après cet échange musclé, Ariane Lavrilleux ne s’était pas retrouvée, à ses dépens, au cœur d’une affaire mettant en opposition deux notions : l’illégalité d’un acte – celui de violer un secret (ici militaire, le « secret-défense ») – face à la légitimité, voire la nécessité de commettre ce geste pour informer le public du dévoiement d’une opération de renseignement.

Sollicité par Mediapart, le général Gomart confirme avoir « engueulé » devant témoins Ariane Lavrilleux lors de la soirée de l’AJD, mais explique l’avoir fait parce qu’il s’est senti « piégé » en se retrouvant face aux caméras de l’émission « Complément d’enquête » de France 2 dédiée à l’opération Sirli. « Si le sujet de l’entretien m’avait été clairement exposé, ce qui n’a pas été le cas, je n’aurais évidemment pas répondu à cette sollicitation », justifie-t-il.

L’ex-patron de la DRM convient avoir également dit à la journaliste qu’il « ne comprenai[t] pas qu’elle ait accès à ce type de documents [secret-défense] ». « Mais, enchaîne-t-il ensuite, je distingue trois choses différentes dans cette affaire : une journaliste qui fait son job, les dérives de l’opération Sirli et le fait qu’un militaire ait transmis des documents classifiés, qui est selon moi un scandale. »

Impératifs contradictoires

Concernant le premier point, le général déclare qu’il trouve tout de même « surprenant en tant que citoyen » qu’Ariane Lavrilleux ait été placée en garde à vue, avec une partie de son matériel de travail saisi. « Il est normal de respecter les sources des journalistes. Nous aussi, dans le renseignement, on a des sources qu’il faut protéger. Pour moi, le vrai sujet, c’est comment on empêche que des documents classifiés soient diffusés », explicite-t-il.

Cette tension entre deux impératifs contradictoires, le secret et l’information, Guillaume Ancel, auteur de révélations sur l’implication française dans le génocide des Tutsis, y a lui-même été confronté dans ses travaux. « Quand j’ai commencé à témoigner sur le Rwanda, très vite, j’ai été approché par des émissaires du ministre de la défense pour me dire en substance : “Cela pose un problème que tu parles, tu as encore une obligation de réserve et il s’agit d’opérations militaires donc classifiées” », se souvient-il.

L’officier s’en est à l’époque sorti par une pirouette : « Je les ai envoyé balader en leur répondant que c’est eux qui avaient fait passer l’opération Turquoise pour une opération humanitaire. Dès lors, comment pouvaient-ils désormais prétendre qu’elle était couverte par le secret-défense ? »

Se taire en toutes circonstances, c’est permettre la commission des pires crimes.

Guillaume Ancel, ancien officier de l’armée

Mais l’ancien militaire a bien vu à travers cette démarche la marque d’un état d’esprit global. « Un général, ancien DRH de l’armée de l’air, m’avait dit un jour : “La guerre, c’est une succession de saloperies. Les militaires sont payés pour le faire, et pour se taire.” Si on n’est pas content, on n’a pas le droit de le dire. »

L’ex-officier considère que cette « culture » a non seulement « imprégné l’institution », mais surtout qu’elle est « très dangereuse dans un système démocratique » : « Se taire en toutes circonstances, c’est permettre la commission des pires crimes. Comme dans le cas du Rwanda, où aucun militaire n’a parlé pour empêcher les crimes. »

L’interpellation d’Ariane Lavrilleux, la perquisition de son domicile pendant dix heures, la saisie de documents professionnels et son placement en garde à vue deux jours durant ont mobilisé la profession. Quarante sociétés de journalistes ont dénoncé dans une tribune collective une grave atteinte au secret des sources.

Ariane Lavrilleux lors de sa conférence de presse au siège de Reporters sans frontières à Paris, le 21 septembre 2023. © Photo Thomas Samson / AFP

Mercredi 27 septembre, un juge des libertés et de la détention a décidé de verser à la procédure sept des dix scellés obtenus lors de la perquisition. Dans un billet de blog publié dans le Club de Mediapart, la journaliste, qui n’est à ce stade pas poursuivie en justice et n’a donc pas accès au dossier, dénonce « une décision scandaleuse et très inquiétante pour la presse, pour les journalistes et vous tous qui nous informez au quotidien sur des affaires sensibles, qui touchent à la responsabilité de l’État ».

L’ancien militaire Guillaume Ancel abonde : pour lui, « l’autre coup » de l’enquête judiciaire en cours est « de poursuivre en justice » la source, qu’elle soit réelle ou supposée, qui aurait permis les révélations.

Dans le cadre de l’information judiciaire en cours, l’ex-militaire suspecté a été mis en examen, jeudi 21 septembre, pour « détournement et divulgation du secret de défense nationale par son dépositaire », deux infractions passibles de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende. Il a été placé sous contrôle judiciaire.

Message

« Le message que passe l’armée, c’est : la prochaine fois que quelqu’un bouge, il finira en garde à vue et devant un tribunal », analyse Guillaume Ancel. Avec un impact immédiat : « Si cela se passait aujourd’hui, je pense que je me poserais la question de la possibilité de témoigner du Rwanda », estime-t-il.

La liste des procédures s’allonge

Perquisition et garde à vue d’une journaliste, mise en examen d’une source présumée : le combo est plutôt rare, mais devient de plus en plus fréquent. Quelques exemples :

- contre le journaliste Alex Jordanov et ses sources supposées à la suite de la publication de son livre Les Guerres de l’ombre de la DGSI (2022) ;

- contre les cofondateurs de Disclose, Geoffrey Livolsi et Mathias Destal, et l’un de leurs confrères de la cellule d’investigation de Radio France, à la suite de leurs révélations sur l’emploi massif d’armes françaises dans la guerre au Yémen (2019) ;

- contre l’actuelle codirectrice éditoriale de Mediapart, Valentine Oberti, alors journaliste à l’émission « Quotidien », sa cadreuse et son preneur de son, pour une enquête sur les ventes d’armes à l’Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis (2019) ;

- contre deux journalistes du Monde, pour une enquête détaillant la préparation d’un bombardement de bases militaires du régime de Bachar al-Assad, qui n’avait finalement pas eu lieu, en rétorsion des attaques chimiques du président syrien (2018) ;

- contre Clément Fayol et le directeur de la publication de Mediapart, Edwy Plenel, à la suite de la publication d’un article sur les compromissions géopolitiques de la France au Tchad (2017).

D’après un militaire ayant mené des opérations spéciales, le message envoyé par l’institution militaire, qui avait déposé plainte après les révélations de Disclose, en le faisant largement savoir, est clairement tourné vers les analystes du renseignement militaire, ces personnels ayant du « recul par rapport à la situation », qui sont parfois mobilisés sur des « missions noires, totalement clandestines, avec des objectifs divergents à ce qu’on communique à la population ».

Des analystes qui, comme Daniel Ellsberg, le lanceur d’alerte à l’origine des « Pentagon Papers » sur les mensonges de l’armée américaine au Vietnam, ont bien souvent, par leur position, plus de distance sur les événements que les soldats déployés dans les zones de conflit. « Quand on est sur le terrain, on est dans un autre monde, complètement déconnecté, on vit la mission en permanence, la tête dans le guidon, et on ne se pose pas cette question morale sur le devoir d’informer », poursuit le militaire français.

Lui-même admet avoir « commencé à se poser la question de la nécessité de raconter des choses » seulement plusieurs années après la fin de ses missions. « Avec le recul, je me suis dit que nous avions réalisé des choses qui étaient folles », poursuit-il, sous couvert d’anonymat.

Dans les documents de la DRM mis en ligne par Disclose, ne figure aucun nom d’agent, et rien permettant d’en identifier. « Ariane Lavrilleux n’a jamais compromis personne », en conclut Guillaume Ancel. « Par contre, poursuit-il, elle a montré qu’au nom de la lutte contre le terrorisme, on coopérait avec un régime policier qui réprime sa population. »

Savoir à quoi sert l’armée, quels sont ses prestataires extérieurs et sur quelles missions ils sont déployés, c’est d’intérêt public.

Aurélien Saintoul, député LFI, secrétaire de la commission de la défense nationale

« S’il est indiscutable que la publication de tels documents n’est pas autorisée, il ne l’est pas moins que la journaliste a justement pris soin de ne pas divulguer un certain nombre d’éléments qui auraient pu contribuer à l’identification individuelle de personnels français ou égyptiens », insiste aussi dans Le Point le journaliste spécialisé Jean Guisnel, qui a accompagné le général Gomart pour la rédaction de son autobiographie parue en septembre 2021.

Auprès de Mediapart, l’ancien patron de la DRM affirme que Jean Guisnel « n’a pas tout à fait tort » dans son analyse. Il indique à ce sujet ne pas savoir si des personnels de l’armée ou des sources ont été exposés par les révélations sur l’opération Sirli.

« Dans le cas d’Ariane Lavrilleux, les informations sont évidemment d’intérêt public », appuie Aurélien Saintoul, député La France insoumise (LFI) et secrétaire de la commission de la défense nationale et des forces armées. À l’époque de leur publication, elles ont d’ailleurs suscité de nombreuses réactions, notamment d’organisations de défense des droits de l’homme.

Des soldats français à leur arrivée à Tombouctou au Mali en 2013. © Photo Arnaud Roine / ECPAD / Sipa

« Si ces révélations sont confirmées par une enquête indépendante ou par les tribunaux, il s’agit de la part de la France de risquer sciemment de se rendre directement complice sur le terrain de violations graves et répétées des droits humains commises par les forces égyptiennes depuis plusieurs années. Donc ce serait particulièrement grave », réagissait par exemple Leslie Piquemal, de l’Institut du Caire pour les études sur les droits humains, en novembre 2021 sur RFI.

Pour Aurélien Saintoul, la procédure judiciaire en cours est assimilable à une « procédure bâillon » ayant pour objet de stopper le flux d’informations sur le sujet. « Or, savoir à quoi sert l’armée, quels sont ses prestataires extérieurs [ce qui est le cas pour Sirli, la mission ayant été sous-traitée – ndlr] et sur quelles missions ils sont déployés, c’est d’intérêt public. Que la France accompagne un régime qui porte atteinte aux droits humains, c’est forcément un problème. On ne peut pas tenir un discours diplomatique basé sur le respect des droits humains et nouer de tels partenariats. »

Territoires hors de contrôle

Le député estime que « ne rien dire et faire le dos rond » en brandissant dans un réflexe pavlovien le « secret-défense » est un « moyen de masquer ses insuffisances et de s’exonérer de ses propres responsabilités politiques depuis des années, comme c’est particulièrement le cas en Afrique. Ce ne sont pas la protection des forces sur place qui sont en jeu. Cela est d’autant plus dommageable qu’il n’y a pas d’expertise indépendante dans le domaine de la défense ».

Il rappelle que les parlementaires de la commission de la défense nationale se heurtent, eux aussi, au même secret-défense quand ils questionnent l’armée ou le gouvernement sur les partenariats stratégiques ou les contrats d’armement, par exemple.

À rebours des exigences de transparence et de publicité que réclame le débat démocratique, le secret-défense, ayant pour objet d’assurer la « sauvegarde des intérêts fondamentaux de la nation », crée des territoires hors de contrôle qui n’ont eu de cesse d’être étendus.

En 2009, une modification substantielle du Code pénal à l’occasion de la promulgation d’une loi a drastiquement étendu le spectre du secret-défense. Sous la mandature de Nicolas Sarkozy, la manœuvre était, au départ, passée inaperçue : le gouvernement avait glissé cette bombe à retardement au détour d’un classique projet de loi de programmation militaire porté par Hervé Morin.

Risque de poursuites, même sans publication

Malgré les protestations, le texte a été adopté, élargissant de facto la notion, le territoire et la protection du secret-défense, ses promoteurs soutenant qu’il fallait limiter les possibilités d’intervention des juges d’instruction, considérés comme trop curieux et trop indépendants à leurs yeux.

Plusieurs enquêtes judiciaires en cours – sur la vente des Rafale à l’Inde, par exemple – ont depuis buté sur le secret-défense. Tandis que la loi a aussi mécaniquement eu des répercussions sur les enquêtes journalistiques et la répression de leurs sources (lire en Boîte noire).

La question se pose de savoir ce que recouvre réellement la notion d’intérêt supérieur de l’État. © Photo Sébastien Calvet / Mediapart

Une instruction générale interministérielle du 9 août 2021 est ensuite venue compléter le Code pénal. Elle précise que l’infraction de compromission est constituée à partir du moment où les agissements permettent de « rendre possible la divulgation du secret de la défense nationale ».

Autrement dit, le fait de détenir ou d’avoir pris connaissance d’un document classifié secret-défense est potentiellement répréhensible, de sorte que le journaliste qui détiendrait un tel document ou une simple information relevant du secret-défense pourrait être poursuivi sur ce fondement, quand bien même aucun article ne serait publié, selon l’analyse de l’avocat Christophe Bigot, président de l’Association des avocats praticiens du droit de la presse.

Le périmètre concerné est par ailleurs des plus vastes puisque le secret peut être invoqué dans d’innombrables domaines de l’action publique, « et notamment politique, militaire, diplomatique, scientifique, économique et industrielle ».

Deux régimes de droit s’entrechoquent, le droit du public à être informé et la protection du secret-défense, mais l’État le dénie.

Christophe Bigot, président de l’Association des avocats praticiens du droit de la presse

Au regard de cette extension du royaume du secret, la question juridique et éthique qui se pose alors est de savoir ce que recouvre réellement la notion d’intérêt supérieur de l’État. Désigne-t-elle la volonté de protéger des agent·es en mission ou de protéger de simples intérêts commerciaux dans le cadre de ventes d’armes par exemple ? De garantir la réussite d’une opération périlleuse sans informer l’adversaire ou de camoufler des dérives ou des compromissions ? Voire des exactions ? L’intérêt du public doit-il s’effacer au nom de l’intérêt de l’État ? L’intérêt supérieur de la nation prévaut-il sur la liberté d’informer les citoyen·nes ?

« La spécificité du secret-défense est qu’il est absolu », souligne Christophe Bigot. Alors qu’en droit devrait s’appliquer la balance des intérêts, le ministère des armées se réfère exclusivement à sa bible, qui ne tolère aucune exception et aucune contestation. « Deux régimes de droit s’entrechoquent, le droit du public à être informé et la protection du secret-défense, mais l’État le dénie. Cette logique est contraire au principe de proportionnalité. Il n’est pas normal que la notion de secret-défense soit laissée à la seule appréciation de l’État », insiste l’avocat.

En l’absence de procès, le juge français n’a pas encore eu à pratiquer cet exercice d’équilibrisme consistant à arbitrer entre deux légitimités. « Le ministère des armées ne veut pas de procès, il ne veut surtout pas de débat public. L’objectif recherché est le coup de pression. Le message est : “N’entrez pas sur ce territoire-là.” Les journalistes écopent de simples rappels à la loi qui sont des décisions unilatérales du parquet, qu’on ne peut pas contester et qui ne donnent donc pas lieu à un débat contradictoire », note Christophe Bigot.

« Généralité large et vague »

Seule décision française en la matière, même s’il ne s’agit pas de secret-défense stricto sensu : le Conseil d’État a autorisé le 12 juin 2020 le chercheur François Graner, auteur de plusieurs livres sur le Rwanda et membre de l’association Survie, à consulter les archives du président François Mitterrand sur le Rwanda, estimant que la protection des secrets de l’État devait être mise en balance avec l’intérêt d’informer le public sur des événements historiques. L’exploitation de ces archives a ensuite permis de révéler, notamment sur Mediapart, des informations décisives pour la compréhension des événements.

La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) rejoint elle aussi cet impératif d’information. Dans un arrêt du 26 juin 2018, elle a considéré que la Roumanie avait violé l’article 10 de la Convention européenne, protégeant la liberté d’informer, pour avoir condamné un journaliste ayant révélé des informations classées secret-défense.

Soulignant l’intérêt public de l’enquête, elle a considéré que les éléments révélés ne mettaient pas en péril la sécurité nationale et a pris en compte le fait qu’ils avaient été recueillis par des moyens licites dans le respect du contradictoire.

Tant dans la démarche professionnelle que dans le contenu révélé, elle a ainsi estimé que la publication était légitime. Dans sa décision, la CEDH précise que « la protection accordée par l’article 10 aux journalistes est subordonnée à la condition qu’ils agissent de bonne foi afin de fournir des informations exactes et fiables conformément aux principes du journalisme responsable ».

La Cour suprême américaine était allée plus loin dans son raisonnement autour des « Pentagon papers ». Prenant à rebours l’argument de l’administration sur la mise à mal de la « sécurité nationale », le juge Hugo Black avait au contraire estimé, dans son argumentaire versé au jugement rendu le 30 juin 1971, que « le mot “sécurité” est une généralité large et vague dont les contours ne devraient pas être invoqués pour abroger la loi fondamentale consacrée dans le premier amendement [sur la liberté d’expression] ».

« La protection des secrets militaires et diplomatiques aux dépens d’un gouvernement représentatif informé n’offre aucune réelle sécurité à notre République », poursuivait le magistrat, avant de rappeler que « les auteurs du premier amendement, pleinement conscients à la fois de la nécessité de défendre une nouvelle nation et des abus des gouvernements anglais et colonial, ont cherché à donner à cette nouvelle société force et sécurité en garantissant la liberté d’expression, de presse, de religion et de réunion ».
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fgtquery v.1.9, 9 février 2024