Fiche du document numéro 32514

Num
32514
Date
Samedi 10 juin 2023
Amj
Auteur
Fichier
Taille
49437
Pages
8
Urlorg
Titre
Procès de Philippe Hategekimana aux assises de Paris, 16ème jour - Compte rendu de l’audience du 5 juin 2023
Nom cité
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Source
Type
Page web
Langue
FR
Citation
La cinquième semaine de procès s’ouvre, ce lundi 5 juin par l’audition, en visioconférence, de Monsieur Festus Munyangabe. Ce dernier a été arrêté en 1996, jugé, condamné à 10 ans de réclusion et relâché en 2008. Il ne souhaitera pas faire de déclaration spontanée et sera donc directement interrogé par le Président. En 1994, il était agriculteur à Nyabubare, dans le secteur de Mushirarungu quand « les Tutsi ont été victimes des malheurs sans nom, un malheur très affligeant ». Le Président Lavergne lui demande de décrire à la Cour comment les évènements se sont déclenchés. Il dira que tout commence avec le meurtre d’un dénommé Rugema, qui travaillait au Parquet [ce nom avait déjà été évoqué par d’autres témoins, le situant également comme point de départ des massacres à Mushirarungu]. Suite à cet assassinat, les gendarmes arrivent au centre de négoce, appelé « Bleu-Blanc » et demandent après le conseiller de secteur, Israël Dusingizimana. Ils partent chercher ce dernier dans leur véhicule blanc. Biguma arrive et tient une réunion, plutôt informelle, dans laquelle il dit que « l’ennemi ce sont les Tutsi qui doivent périr ». Suite à ces propos, les personnes présentes se dirigent vers Nyabubare, où de nombreux Tutsi s’étaient réfugiés, munis de différentes armes traditionnelles. Quand la population civile arrive sur place, les locaux leurs disent qu’un certain « Joseph Ngirinshuti » [de son vrai nom Petero ou Pierre], un militaire, est sur la colline et qu’il est armé. Ce dernier tire en l’air. Les gendarmes présents disent qu’il a une arme peu puissante. Ils retournent donc à Nyanza pour revenir avec une arme lourde. Le témoin explique que, même s’il ne peut pas nommer les gendarmes car il ne les connaissait pas personnellement, il a pu les reconnaître grâce à leur uniforme, « une tenue kaki [avec] un béret rouge ». Le Président l’interroge ensuite sur le véhicule utilisé par ces derniers, tout comme les autres témoins, il décrit un « véhicule tout terrain, que dans le temps on appelait Toyota, de couleur blanche [avec] une double cabine ». Monsieur Lavergne poursuit en citant les auditions précédentes de Monsieur Munyangabe. Il souligne notamment que les versions de ce dernier ne sont pas constantes. Il explique certaines fois qu’il ne savait pas que Biguma était présent lors des attaques, puis à d’autres occasions, il évoque des réunions lors desquelles l’adjudant-chef s’adresse directement à la population. La version finale du témoin sera : « C’est ce jour-là que j’ai connu son nom. C’était un vendredi. Lorsque nous étions devant, nous étions debout et il nous a donné des instructions ». Il confirme que c’est le jour de l’attaque de Nyabubare. Interrogé ensuite sur l’arme lourde utilisée par les gendarmes, il déclarera ne pas avoir la capacité de préciser car il ne connaît pas les différents types d’armes. Après plusieurs questions de contexte, le Président laisse la parole aux parties. Les avocats des parties civiles ne souhaiteront pas interroger Monsieur Munyangabe. L’une des représentantes du Ministère public se lève donc. Elle commence par poser quelques questions sur l’existence de barrières. Par la suite, elle reprend les déclarations antérieures faites par le témoin afin de lui demander des précisions. L’audition par les enquêteurs du TPIR est intéressante ici. En effet, le témoin avait donné des informations très précises sur l’organisation de l’attaque de la colline de Nyabubare. Il confirmera ces éléments à l’audience. Maître Guedj est invité à se lever pour la défense. Le contre-interrogatoire sera assez long, le conseil de Monsieur Manier souhaitant revenir sur diverses précisions et contradictions. Au début, il souhaitera obtenir davantage d’éléments concernant la réunion évoquée par le témoin. A l’instar de plusieurs témoins avant lui, Monsieur Munyangabe déclare qu’une maxime a été faite ce jour : « Lorsqu’un serpent est enroulé autour d’une calebasse, il faut casser les deux ». Il poursuit en soutenant que ce rassemblement a eu lieu après l’attaque de Nyamure, et qu’il avait plutôt pour objectif de motiver la population à aller chasser les Tutsi restant, « à aller pourchasser les autres » [c’est la même version qui est donnée par plusieurs autres témoins qui évoquent aussi cette réunion, disant qu’elle avait pour objectif de pousser les Hutu qui cachaient des Tutsi à les dévoiler]. Maître Guedj poursuit sur l’assaut de Nyabubare et demande à l’intéressé s’il peut décrire les armes utilisées à la Cour. Il répond que « nous autres, membres de la population, nous avions des armes traditionnelles et que les gendarmes avaient des fusils. S’ils avaient des grenades, je ne savais pas. C’était une zizanie inexplicable » et déclare ne pas pouvoir donner plus de détails concernant la nature exacte des armes à feu utilisées, particulièrement concernant l’arme lourde amenée dans un second temps par les gendarmes, ne l’ayant pas vue. Le conseil de Monsieur Hategekimana poursuit et souligne qu’il y a beaucoup de changements de versions dans les déclarations du témoin, notamment concernant des éléments assez précis de dates. Il s’étonne notamment que Monsieur Munyangabe puisse oublier des dates entre sa dernière audition ayant eu lieu en 2017 et aujourd’hui. L’interrogatoire se poursuit et Maître Guedj lui demande à quel moment il a pu voir l’accusé lors de l’attaque de la colline. Ce dernier déclare qu’il a appris le nom de Biguma « quand nous étions devant le domicile de Dusingizimana Israël ». Il soutient avoir bien vu Biguma donner des ordres aux gendarmes et à la population civile, mais n’avoir appris son nom qu’à ce moment, devant la maison du conseiller. Quelques temps plus tard, sur une question de l’avocat de la défense, le Président intervient pour demander la référence des propos. Maître Guedj ne parvient pas à retrouver la côte et déclare que les propos sont retranscrits dans le réquisitoire définitif. Monsieur Lavergne s’énerve quelque peu et dit que ce n’est pas normal, que les côtes doivent être citées correctement afin d’être rendues accessibles à tous. L’incident étant passé, le conseil de Monsieur Manier reprend son contre-interrogatoire et aborde la condamnation de Monsieur Munyangabe et ses conditions d’incarcération. Ce dernier expliquera ainsi qu’il a effectivement retrouvé Israël Dusingizimana à la prison de Nyanza. L’audition se termine.

Le deuxième témoin de la journée, Samson Mataza, sera également entendu en visioconférence depuis le Rwanda, étant encore détenu. Quand le Président l’invitera à faire une déclaration spontanée, il demandera simplement à ce que sa sécurité soit assurée. Monsieur Lavergne lui demande s’il a des craintes particulières, ce à quoi il répondra : « Oui parce que lorsqu’on témoigne ainsi, les membres de la famille de la personne contre laquelle on témoigne vous menacent ». Cependant, il dira n’avoir reçu aucune menace personnelle. Le Président commence donc son interrogatoire. Dès le début, le travail s’annonce laborieux. En effet, Monsieur Mataza confirme avoir été présent lors de l’arrestation du bourgmestre Narcisse Nyagasaza, cependant, il situe cette dernière au 13 avril 1994. Monsieur Lavergne essaye de comprendre mais le témoin ne parviendra pas à être clair. Interrogé plus largement, il expliquera qu’il était installé près du port vers le Burundi pour boire de la bière de banane avec d’autres membres de la population. Il raconte que le bourgmestre est arrivé en premier, puis les gendarmes, qui l’arrêtent et le font monter dans le véhicule, en compagnie de Pierre Nyakarashi. Le Président poursuivra l’interrogatoire afin d’obtenir plusieurs éléments de contexte, le nom du propriétaire du cabaret, la couleur du béret des gendarmes. Monsieur Mataza, lors de cet interrogatoire, confirmera un autre élément déjà présenté par d’autres témoins, à savoir la mort d’un vieil homme qui gardait ses vaches. Dans la panique, les animaux de ce dernier et ceux des Tutsi qui fuyaient se sont mélangés. Il est tué en tentant de rattraper son bétail. Enfin, Monsieur Lavergne tentera de faire la lumière sur une contradiction. Il demande ainsi au témoin : « Vous avez déclaré qu’après l’attentat vous n’alliez plus aux champs parce qu’il fallait que vous restiez chez vous. Je ne comprends pas la raison de votre présence au cabaret. Si vous ne pouvez pas aller aux champs, vous ne pouvez pas aller au cabaret ? ». La réponse du témoin sera très peu convaincante. En effet, il déclare qu’il ne fallait pas aller aux champs pour des raisons de sécurité mais soutient en même temps qu’il n’était pas problématique de se rendre au cabaret car, à ce moment-là, ils ne savaient pas encore que la guerre avait éclaté. Sur une dernière question du Président, Monsieur Mataza confirmera qu’il ne connaît qu’une seule personne portant le nom de Biguma. Les parties civiles seront invitées à prendre la parole. Maître Bernardini lui citera plusieurs noms, demandant si ces derniers lui évoquent quelque chose. Il répondra par la négative pour chacun d’entre eux. Maître Gisagara fera de même et la seule réponse qu’il obtiendra sera également « je ne connais pas ces personnes ». Les avocates générales prendront la suite. Les magistrates lui poseront notamment quelques questions sur la nature des échanges qu’ils pouvaient avoir entre détenus. Le témoin dira : « Israël était au courant de tout cela, il viendra vous en parler » et poursuivra en expliquant que, pendant les commémorations, tout le monde se rappelle de plusieurs éléments et que ce sont « les moments où Israël témoigne ». Maître Guedj se lève ensuite pour la défense. Le contre-interrogatoire ne sera pas très long. Maître Guedj souhaitera simplement revenir sur le fait que le témoin n’était pas présent lors de l’exécution de Narcisse Nyagasaza. Il interrogera ensuite Monsieur Mataza sur l’arrestation du bourgmestre. Ce dernier confirmera qu’il y avait deux gendarmes dans le véhicule et un autre dans la cabine arrière. Il poursuit en déclarant qu’Israël Dusingizimana « a dit que c’était Biguma ». Enfin, comme pour chaque assaillant entendu, le conseil de Monsieur Manier lui demandera s’il lui a été promis une récompense en échange de son témoignage. La réponse sera, comme à chaque reprise, négative.

L’après-midi débute avec l’audition de Monsieur François Habimana, rescapé de l’attaque de la colline de Nyabubare constitué partie civile auprès de Maître Philippart. Il souhaitera commencer son intervention par des déclarations spontanées dans lesquelles il racontera son histoire. Il explique qu’il s’est rendu sur la colline de Nyabubare avec sa mère, où ils ont rejoint d’autres réfugiés issus de diverses collines plus ou moins éloignées. Monsieur Habimana choisit de se rendre sur cette colline car il se disait « qu’il y avait un militaire, Pierre, en haut de la colline ». Finalement, le lendemain matin, un véhicule blanc arrive avec des gendarmes à son bord. Il s’arrête au niveau du domicile d’Israël Dusingizimana et les six ou sept passagers descendent. Les réfugiés ne peuvent plus se défendre avec les pierres car toute la colline est encerclée. Le témoin explique qu’il a aperçu un gendarme et qu’il a décidé de s’approcher. « Ce gendarme c’est Musafiri ». Il le connaissait car c’était un ami de son beau-frère, tout comme Biguma. Cette alliance le sauvera : « J’ai demandé s’il pensait qu’il allait me tuer et il m’a dit que non car c’était un très bon ami de mon beau-frère ». Cependant, quand il va voir Biguma, sur ordre de Musafiri, ce dernier lui « fait beaucoup de tort ». En effet, plusieurs réfugiés le voyant s’approcher les mains en l’air et être épargné, décident de faire de même. « Biguma a appelé un gendarme qui avait en sa possession un fusil de type R4, c’est lui qui dirigeait tout le monde donc on respectait sa parole. Il a ordonné aux gendarmes de s’occuper de ces personnes. […] Ils se sont tous fait tuer. Biguma a dit “je ne veux jamais tolérer d’être dirigé par ces chiens de Tutsi” ». Monsieur Habimana poursuivra en disant qu’après un certain temps, Philippe Hategekimana a fini par s’approcher de lui pour lui ordonner de monter dans le véhicule en sa compagnie. Ils prennent la route et font plusieurs arrêts, notamment au centre de négoce « Bleu-Blanc » où l’adjudant-chef demande à la population de mettre en place une barrière « pour qu’aucun membre de la population Tutsi ne puisse passer par là ». Un second arrêt est fait à Rwesero où il demande également que la population procède à l’érection d’une barrière. Enfin, ils arrivent au camp de gendarmerie de Nyanza. Biguma lui permet de rejoindre son beau-frère, Vincent, afin de pouvoir vérifier qu’il est bien Hutu. Le témoin terminera en disant qu’il sait d’autres choses à propos de Biguma mais que, ne les ayant pas vues de ses propres yeux, il ne lui apparaît pas nécessaire de les dévoiler à la Cour maintenant. Il conclura en déclarant : « C’est Biguma qui a fait tuer jusqu’à l’extermination les gens de Nyabubare, sinon nous autres serions encore en vie. S’il n’avait pas amené les fusils, la population n’aurait rien fait contre nous. S’il ne les avait pas incités, les autres n’auraient rien fait contre nous. Ils avaient peur de nous parce que nous étions forts. Ce qui m’a affligé, c’est qu’au lieu de se battre au front, Biguma a tué les enfants, les femmes enceintes, etc. ». Le Président prend donc la parole. Le témoignage de l’accusé ayant été très clair, il ne posera pas beaucoup de questions. Il demandera cependant à l’intéressé s’il peut se tourner vers le box et regarder Monsieur Manier. Ce dernier s’exécute et déclare : « C’est bien Biguma. C’est lui qui était avec moi, celui qui vient de Rukondo. […] Je ne peux pas ne pas reconnaître quelqu’un qui a commis de tels crimes ». Sur une dernière question de Monsieur Lavergne, il confirmera que les gendarmes ont effectivement installé une arme en face de la colline de Nyabubare et que, même s’il n’a pas pu voir cette dernière, il a « vu les obus qui atterrissaient sur nous ». La parole est donnée aux avocats des parties civiles et c’est naturellement Maître Philippart, le conseil du Monsieur Habimana, qui s’approche du micro. L’avocate souhaitera obtenir quelques précisions afin de compléter les déclarations spontanées de son client. Enfin, Maître Karongozi prend la parole afin de poser trois questions. Il demande notamment au témoin s’il confirme que l’intervention des gendarmes a complètement inversé le rapport de force et a donc provoqué la mort de tous les réfugiés de Nyabubare. Ce dernier confirme que « c’est bien l’intervention des gendarmes qui a causé autant de morts ». Les avocates générales se lèvent ensuite et questionnent l’intéressé sur la relation entre son beau-frère, Vincent, et l’accusé. Monsieur Habimana confirme, malgré le fait que Monsieur Manier le nie, qu’ils se connaissaient très bien et qu’ils étaient amis pendant le génocide, soutenant d’ailleurs qu’ils ont fui ensemble au Congo. La défense procédera également à un contre-interrogatoire. Maître Guedj posera plusieurs questions. Ces dernières seront assez répétitives avec ce que le témoin a pu déclarer auparavant. En effet, l’avocat cherche à faire confirmer toutes les déclarations afin de s’assurer qu’aucune contradiction ne ressorte. Bien entendu, des différences seront à noter. Une première fois Monsieur Habimana dit que l’attaque a duré trois heures, alors qu’il déclare aujourd’hui que les massacres ont pris 1h30. Aussi, interrogé sur le nombre de personnes présentes, il dira : « Il y avait tellement de gens, je n’ai pas pu les compter. Il y avait des centaines de milliers de gens peut-être un million ». Bien entendu les chiffres donnés sont représentatifs d’un ressenti du rescapé et non pas d’une réalité mathématique. Cependant, le conseil de Monsieur Manier soulèvera tout de même la contradiction, répondant : « Vous dites des chiffres à la hausse Monsieur puisqu’au cours de votre audition, vous êtes plus précis, “beaucoup de gens se sont réfugiés sur cette colline, nous étions plus de mille personnes”, entre mille et un million, il y a une différence ». Maître Guedj poursuit par plusieurs autres questions du même ordre. Le témoin confirmera n’avoir vu Biguma que deux fois durant le génocide. Sur cette réponse, Maître Guedj s’étonne qu’il puisse aujourd’hui reconnaître formellement l’accusé alors qu’il ne l’a vu qu’à deux reprises durant le génocide et qu’il lui a été compliqué de l’identifier sur les planches photographiques. Monsieur Habimana répondra que « c’est différent de voir une personne en vrai et en photo. D’ailleurs, je l’ai reconnu en vrai ». L’audition de ce témoin se termine sur ces déclarations.

C’est enfin Madame Odette Mukanyarwaya, partie civile constituée auprès de Maître Philippart, qui s’approchera de la barre. Cette dernière souhaitera faire une déclaration spontanée. Elle commencera par dire à la Cour que, sur la centaine de personnes qui composait sa famille élargie en 1994, seule une dizaine de personne a pu survivre. Sa famille s’est réfugiée sur la colline de Nyabubare, avec beaucoup d’autres réfugiés provenant de diverses communes. Madame Mukanyarwaya déclare qu’ils ont décidé de se réfugier sur cette colline car c’est à cet endroit que se trouvait Pierre Ngirinshuti, le « frère » de son père [en réalité, c’est le cousin de son père]. Le témoin poursuit en déclarant se rappeler que Biguma est venu à cet endroit, sans pour autant pouvoir préciser la date à laquelle cela a eu lieu. Elle déclare que « des voix disaient que Biguma était venu chercher Pierre [Ngirinshuti] ». Elle déclarera directement dans sa déclaration spontanée qu’elle ne connaît pas Biguma que se sont « d’autres personnes qui étaient avec moi qui disaient que c’était lui ». Madame Mukanyarwaya poursuit sa déclaration en relatant l’attaque de la colline : « La colline de Nyabubare était totalement encerclée de tous les côtés. Nous avons alors commencé à fuir et c’est là que nous avons vu des obus qui tombaient depuis la colline d’en face, sur la maison de mon oncle ». Le témoin arrêtera son récit sur ces déclarations, préférant laisser la Cour et les parties poser leurs questions. Le Président prendra donc la parole. Il posera plusieurs questions à l’intéressée afin de parvenir à restituer sa situation personnelle au moment du génocide. Ainsi, les jurés apprendront que cette dernière avait 32 ans lors du génocide, qu’elle était issue d’une famille de sept enfants, qu’elle était mariée et qu’elle avait trois enfants. Son mari et ses deux fils ainés ont été assassinés durant le génocide, à la paroisse de Cyanika à Gikongoro. Seule sa fille, qui avait deux ans et sept mois, a survécu. Le Président l’interroge ensuite sur l’accusé. Il lui demande ce que la population disait sur Biguma. Madame Mukanyarwaya répondra qu’« on disait de Biguma que c’est lui qui les incitait à tuer ». Monsieur Lavergne poursuit en lui demandant si elle sait dans quelles conditions son oncle, Pierre Ngirinshuti, a été tué. Elle répondra qu’elle a appris les conditions de sa mise à mort seulement après le génocide. Toujours sur interrogation du Président, elle parlera des « obus qui ont commencé à tomber ». Ainsi, même si elle ne pouvait pas voir l’arme à l’origine des tirs, elle « voyait que c’étaient des obus qui provenaient de loin ». L’interrogatoire se poursuit et Madame Mukanyarwaya déclare qu’elle n’a pas vu Biguma et a simplement « entendu les gens parler de lui ». Le Président posera quelques questions supplémentaires et laissera finalement la parole aux avocats des parties civiles. Maître Philippart, l’avocate du témoin, commencera par prendre la parole. Après avoir posé plusieurs questions relatives à la famille de sa cliente, elle demandera si, selon elle, les réfugiés auraient pu résister aux attaques si les gendarmes n’étaient pas intervenus. Madame Mukanyarwaya dira : « Si les gendarmes n’étaient pas intervenus avez des fusils et des grenades, nous aurions résisté à ces assaillants ». L’avocate poursuivra avec d’autres questions et laissera finalement la parole aux représentantes du Parquet. La magistrate posera trois questions relatives à Yobo Kayiranga. Maître Duque se lèvera enfin pour la défense. Elle demandera au témoin si elle a témoigné dans d’autres affaires relatives au génocide. Naturellement, Madame Mukanyarwaya lui répondra qu’elle a témoigné devant les juridictions Gacaca. L’avocate de la défense rappellera que cette dernière a, davantage qu’avoir été témoin, été membre des Gacaca et a donc jugé plusieurs personnes. Toujours sur questions de la défense, Madame Mukanyarwaya déclarera qu’elle ne connaissait pas l’accusé et qu’elle a « entendu son nom ». L’avocate de Monsieur Manier posera quelques questions supplémentaires et, finalement, l’audition se terminera.

Par Emma Ruquet

Commission juridique d’Ibuka France
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fgtquery v.1.9, 9 février 2024