Fiche du document numéro 32320

Num
32320
Date
Mercredi 24 août 1994
Amj
Auteur
Fichier
Taille
1234998
Pages
15
Titre
Rapport de fin de mission Turquoise du Chef de corps du GIAR
Lieu cité
Lieu cité
Lieu cité
Lieu cité
Lieu cité
Cote
D3172-D3158
Source
Fonds d'archives
Type
Document militaire
Langue
FR
Citation
Opération Turquoise

Groupement Interarnes au Rwanda

Groupement NOVEMBRE

Colonel Patrice Sartre

Vannes, le 24 août 1994

Fiche
à l'attention
du
GALRI

Objet : Rapport de fin de mission Turquoise du Chef de corps du GIAR

Turquoise a constitué pour le Groupement InterArmes au Rwanda une opération particulièrement complète, la gestion de ja crise y équilibrant opérations, principalement de nuit, et actions civiles, surtout administratives et humanitaires.

Globalement le succès opérationnel est total, démontrant un degré de maturité dans la conception et la conduite des opérations rarement atteint, Le bilan humanitaire est plus mitigé, tant par manque de compétence que de moyens.

Dans le domaine des opérations, Turquoise se distingue par d'importants progrès dans les domaines traditionnellement faibles des opérations françaises, en particulier le Renseignement, la Logistique et le Commandement. Il est vrai que la projection semble encore insuffisamment maîtrisée.

11 « Constitution et mise en mice. du_Groupement InterArmes au Ewanda
(GIAR}

Le GIAR, représentant plus de la moitié du potentiel de combat de l'opération
Turquoise, a été constitué de manière équilibrée sur la base d'unités très
expérimentées, projeté avec maladresse, engagé avez prudence et retiré avec
progressivité.

a) Prépositionnement et projection

Le prépositionnement a montré toute son utilité dans cette opération, d'une part
par l'économie de transport, d'autre part par la condition physique des troupes
qu'elle a révélé. Les matériels issus du prépositionnement, bien que vieillissants, se sont remarquablement comportés, et le trinôme VLRA, AML, Mo 120 s'est confirmé un excellent compromis coût de soutien/efficacité.

La COMOTO livrée par Libreville était sous-motorisée et l'ensemble du
groupement manquait de moyens de vision nocturne et de transmissions protégées.

b) Modularité et composition du Groupement

Autour de ce noyau prépositionné a été construit un Outil interarmes puissant
par un usage opportun et nuancé de la modularité, qui a permis de créer, en le
renforçant de soutiens et de moyens de commandement issus pour l'essentiel de la
même grande unité et de la même arme, un ensemble immédiatement homogène car
habitué à travailler ensemble.

Cette masse critique a été suffisante pour accepter sans difficulté des éléments
hétérogènes mais complémentaires tels qu'une section du Génie (6° REG), des DL
divers (un officier de Gendarmerie et un de l'ABC, un DLRG du 6°RG), des CRAP
{1° RHP) et des URH (13° RDP),

La Compagnie antichar du RICM a fourni, après deux mois d'entraînement intensif à Bouar de cette unité fréquemment employée à pied dans le passé (Krajina 92), une compagnie d'Infanterie d'autant plus solide et efficace que la plupart de ses personnels sont des spécialistes OO, et qu'elle rentrait d'un stage au CIECM qui l'avait bien préparée au relief Rwandais. En revanche, la politique de section homogène pratiquée au RICM a révélé ses défauts en matière de solidité des sections ies plus jeunes, particulièrement sensibles en Infanterie.

- D'une manière plus générale, la disponibilité à Bouar d'un EMT engerbant non
pas une seule unité provenant de son régiment (cas de la COMOTO lorsqu'il s'agit
d'un EMT infanterie), mais deux (COMOTO et escadron) a été un gage de
cohésion et donc d'efficacité. La fourniture de l'EMT par un régiment blindé
récemment employé en bataillon d'Infanterie (Sarajevo) a permis la maîtrise
simultanée des deux composantes de la mêlée.

c) Projection, engagement et retrait

La projection reste incontestablement à perfectionner. Sans parler de la capacité des vecteurs, la-coopération interarmées doit être améliorée. La faiblesse principale a été une maîtrise insuffisante de l'encombrement des plates-formes d'arrivée, d'une part du fait d'une-autorité insuffisante sur Jes-horaires -de décollage des vecteurs +100 affrétés, d'autre part du fait d'une subordination excessive des gestionnaires du 77 pont aérien aux exigences opérationnelles des troupes terrestres projetées.

L'engagement a su se faire avec une progressivité qui a offert initialement un
maximum de forces avec un minimum de soutiens, ceux-ci rejoignant exactement
au moment où ils devenaient indispensables. Le concept de CROC (emploi
autonome des escouades) développé depuis 1994 au RICM a trouvé lors de
l'engagement et du désengagement de Turquoise une justification inespérée,


permettant pendant plus d'un quart de l'opération un maximum de présence pour
un minimum de fret transporté et de véhicules pondérés soutenus.

12 - Emploi des armes

La bonne maîtrise de la combinaison des armes au sein du GIAR justifie pleinement à posteriori le concept de "Groupement de mêlée” prôné par la 9° DIMa dans l'entraînement de ses PC. Cependant, les enseignements tirés de Turquoise ne peuvent être généralisés qu'avec prudence, tenant en particulier le plus grand compte de la spécificité tant du terrain que du principal adversaire que constituait le FPR.

a) Le milieu

Située entre 1500 et 2700 m d'altitude en zone équatoriale, la région sud-ouest du Rwanda a joui, pendant toute la saison sèche qu'a duré l'opération, d'un climat calme, frais la nuit, d'une atmosphère le plus souvent claire, d'une faible nébulosité et de rares précipitations.

Le pays des mille collines est fait de la juxtaposition de croupes de 50 à 400 m de dénivelée, aux pentes raides mais rarement à pic, aux sommets arrondis séparés de thaiweg étroits, souvent humides mais rarement infranchissables.

. En dehors des quelques grandes forêts primaires, la couverture végétale est
faible, constituées de bananeraies de 1/2 à 5 ha au creux des concavités des
collines, ou de lambeaux de forêts de résineux sur les croupes.

L'habitat est disséminé sur les sommets et les flancs des collines mais jamais
dans les fonds. La quasi-totalité des sols est cultivé, même les pentes les plus
raides, bien que l'organisation en terrasses soit presque totalement abandonnée.

Le chaos des collines rwandaises rend tous les parcours extrêmement sinueux, le
rapport distances routière/topo étant couramment de 2 voire 4. Le réseau routier
principal est bon, sauf dans le département de Kibuye. Le réseau secondaire est
médiocre, et dans la plupart des situations tactiques, on ne peut espérer une vitesse topo en véhicule supérieure à 10 km/h.

Un terrain aussi typé offre de faibles possibilités de mouvements mécanisés en dehors des axes, présente des champs de tir d'une grande profondeur mais sous des sites importants. Il donne des possibilités illimitées au vol tactique des hélicoptères entre des reliefs accusés mais rarement accrochés, mais impose de sévères. limitations en zones de poser. Il conserve toutes ses possibilités en tir vertical, mais se révèle impraticable en tir plongeant, le risque d'écrêtement permanent permettant en outre de se protéger efficacement de toute contrebatterie.

Le terrain est favorable à la défensive de jour, et le reste de nuit pour les unités équipées de moyens de vision thermiques. Il est favorable à l'infiltration à pied de nuit par les fonds face à un ennemi dépourvu de ces moyens et renonçant à l'usage des mines. L'aéromobilité y jouit d'un rendement maximal, en particulier en appui feu et en aide au commañdement sans générer une vulnérabilité excessive, les capacités d'emport ou l'autonomie du Puma étant cependant handicapée par l'altitude moyenne du théâtre.


b) Forces en présence
Le GIAR s'est trouvé en présence de trois types de belligérants :

Les Forces Armées Rwandaises (FAR), avec lesquelles il n'a eu aucune
confrontation, se contentant de les désarmer puis de les canaliser vers la
frontière. Ces forces étaient déjà désorganisées et démoralisées lors de
l'arrivée des Forces françaises sur le territoire.

Les Milices de divers types, principalement Interhamwe {exttrémistes hutus),
mais dissimulant souvent des projets de banditisme derrière une façade
politique. Très faiblement armées, peu courageuses, maladroites, elles n'ont
constitué un adversaire génant que par leur omniprésence, leur aptitude à se
confondre avec la population et leur lâcheté.

Les troupes du FPR, guérilleros aguerris, confirmés, habiles à l'infiltration de
nuit, capables de bonne coordination de niveau bataillon, ont été totalement
pris au dépourvu par l'utilisation par les Français tant du thermique et que
des mortiers.

c) Renseignement

Turquoise à vu se concrétiser les espoirs nés de la création de la DRM, en
particulier grâce à l'équilibre trouvé dans la double subordination des unités de recherche, bien que leur équipement doive être amélioré.

Les URH du 13° RDP ont démontré leur adaptation à ce type de mission, sachant en permanence renseigner sur l'avance FPR sans donner prise au moindre incident. La mobilité sur véhicule est bien maîtrisée, l'équipement en capteurs à fort grossissement et en capteurs IL devant encore être amélioré et densifié, tandis que la mise en place de moyens thermiques est impérative.

Dépassant le problème des URH, la miniaturisation et la généralisation du thermique constituerait un facteur multiplicateur essentiel de l'efficacité des forces, permettant d'importantes économies d'effectifs et donnant à certains moyens comme l'Artillerie des possibilités nocturnes nouvelles équivalentes à ses possibilités diurnes.

Le terrain aurait permis, si la situation politique s'y était prêté, la mise en place et la récupération d'équipes sur les arrières par aéromobilité JVN, mais la densité de l'habitat, la très faibles pénétrabilité des sols volcaniques et la faible couverture végétale n'auraient pas favorisé la survivabilité de ces équipes.

La généralisation de lalangue anglaise doit encore être améliorée. _

Cependant le point faïble essentiel des URH est leur incapacité à communiquer
avec les troupes avec lesquelles elle doïvent coopérer, faute de moyens radio
adaptés.

Les éléments de ROEM ont montré leur grand intérêt face à des transmissions
mal protégées mais, comme les URH, le manque de moyens Transmissions a gêné
leur bonne coordination avec les forces au contact, et a en outre nui à leur sécurité rapprochée.

Une meilleure adaptation des moyens transmissions des URH et ROEM aurait
permis au Commandant du Groupement de faire l'économie de l'affaire de
Rambura, la progression du FPR ayant été relevée par les URH, et ses objectifs
interceptés par les ROEM. Ces renseignements ne lui sont parvenu que le
lendemain, par le PCIAT, trop tard.

d) Appuis feu

L'affaire de Nyakabuye a confirmé l'efficacité de l'explosif de 120, la
complémentarité de l'obus éclairant et du blindé, enfin la suprématie de la
trajectoire verticale en terrain montagneux. Ces résultats étaient attendus.

Plus surprenants ont été ceux obtenus lors de l'affaire de Rugabano où, malgré une nuit très sombre, l'Artillerie a pu livrer une véritable chasse à un ennemi pourtant très fluide, au milieu d'une population dense interdisant l'emploi de l'explosif. Ce succès a été dû en particulier à la combinaison de l'observation par caméras MIRA croisées offrant un réglage du tir précis, et de l'obus fumigène- incendiaire, impressionnant de nuit et donc démoralisant pour des troupes infiltrées, mais aux effets collatéraux réduits, Il a été dû aussi à la qualité hors du commun du travail de l'arrière de la 3° batterie du 11° RAMa, ainsi qu'à l'habileté des échelons les plus modestes des unités de mêlée de la DIMa à régler les tirs.

L'association en un seul capteur des technologies thermiques et laser permettrait la réalisation d'un dispositif jour/nuit d'observation des tirs qui donnerait à l'Artillerie une place essentielle dans ie combat de nuit.

Malgré ses nombreuses démarches, le Chef de corps du GIAR n'a pu obtenir le ratio obus explosifs/éclairants/fumigènes qu'il avait estimé nécessaire dès avant son départ de Bangui, au reçu de la situation et de sa mission, tirant parti des enseignements de Bosnie. Il a dû accepter des obus explosifs en excès pour obtenir, en nombre d'éclairants, un minimum qui n'a finalement pas suffi et a dû être recomplété à plusieurs reprises.

e) Aéromobilité

Tout le rendement n'a pas été tiré de l'aéromobilité dans ce terrain et ce climat aussi favorables, d'abord parce que le faible nombre des Puma à la disposition de la Force (hors COS) en rendait la disponibilité rare, ensuite parce que presque jamais l'urgence n'a justifié de prendre le risque d'une.perte d'appareil aux conséquences - médiatiques graves, enfin sans doute parce que. l'EMT du RICM a manqué d'imagination dans l'emploi de ces moyens, conséquence de l'éloignement de la DIMa des formations de la DAM, faisant perdre le “réflexe aéromobile".
Le manque de DZ et l'altitude auraient certes constitué un handicap à la
manoeuvre aéromobile. Il aurait cependant fallu étudier plus sérieusement les
possibilités de sling des mortiers.

Les HM ont été utilisés plusieurs fois en appui au commandement, en particulier
projection de PC tac du Chef de corps. Compte tenu de la lenteur des mouvements
routiers et des faibles élongations, cet appui s'est révélé capital.


L'emploi du HL en reconnaissance n'a été que faible, l'appui canon jamais utilisé faute d'opportunité, de même que l'aéromobilité de nuit, pourtant très favorisée en JVN par la clarté des nuits. En matière d'appui canon, l'absence de toute vraie menace antiaérienne aurait sans doute rendu plus rentable l'emploi du Puma Pirate que de la Gazeile canon.

f) Mêlée

L'Infanterie a une fois encore montré sa souplesse et le caractère illimité de ses possibilités d'emploi, en particulier dans ce terrain accidenté, à l'habitat dispersé mais dense.

La COMOTO de Libreville s'est révélée inexplicablement sous-motorisée et elle
était en outre privée des UPC de ses caméras MIRA. Or cet équipement a été la
pierre angulaire d'une activité opérationnelle qui s'est essentiellement déroulée de nuit.

L'AML a montré tant de caractères parfaitement adaptés aux contraintes de l'opération Turquoise qu'on regrette à nouveau qu'elle n'ait pas subi en France la revalorisation dont ont bénéficié celles du contingent sénégalais, en particulier en matière de vision nocturne et de diésélisation. Sa légèreté a permis une mise en place par C160, un retrait par barge et le franchissement des innombrables ponts qui jalonnent les pistes du Rwanda. Son armement s'est révélé largement suffisant pour le contexte et on peut même regretter de ne pas avoir bénéficié d'un certain nombre d'AML 60, plus mobiles encore et d'un armement mieux adapté au tir sous forte dénivelée. En aucun domaine l'ERC ne serait montré supérieur à l'AML-dans l'opération Turquoise, son soutien aurait été aussi lourd et plus coûteux, son armement sous-employé et plus pataud, et sa mobilité, stratégique comme tactique, nettement inférieure. L'alourdissement promis par les programmes d'armement de la composante blindée des forces présage une exclusion probable de cette arme de ce type d'opération Le VAB sanitaire lui-même a paru constamment surdimensionné avec le besoin et les moyens de soutien. Le caractère spécifique signalé plus haut, tant du terrain que des forces en présence, doit cependant dissuader de toute généralisation hâtive.

Les CRAP ont fourni à la manoeuvre du Groupement un complément irremplaçable, lui donnant étanchéité, souplesse et liant dans les intervalles et sur les franges du dispositif, assurant protection des personnalités et lutte antibanditisme à l'intérieur, mettant en place et instruisant les unités africaines, concourant enfin à la manoeuvre de déception lors du désengagement. On ne peut à cette occasion que saluer le mélange de rigueur et de polyvalence des CRAP du 1°RHP.

Dans ce type de manoeuvre où un groupement solide peut soutenir les CRAP, le
VLRA serait avantageusement remplacé par des P4, mieux adaptées à la mission,

13- Commandement et soutien

Ces domaines traditionnellement médiocres des opérations françaises ont donné toute satisfaction. En ce qui conceme le PCIAT, on peut y voir le résultat des récentes réformes des concepts d'organisation du commandement et l'expérience des personnels qui le composaient. En ce qui concerne le GIAR, on peut estimer que c'était là le fruit des très nombreux exercices PC qu'organise le RICM au quartier ainsi que du fait que ce même EMT avait déjà conduit six mois d'opérations en Bosnie et s'était préparé pendant deux mois à Bouar. En ce qui conceme le BSL, la professionnalisation de la fonction logistique a montré de manière éclatante sa supériorité sur un fonctionnement à base d'AVAE.

Cependant d'autres choix auraient pu être fait en Transmissions, et l'EMT du
RICM peut encore progresser en maniement de l'aéromobilité.

2) Structure de commandement

La structure de commandement a su éviter les deux écueils de l'excès de
lourdeur comme celui du surmenage d'officiers trop peu nombreux, tout en
réussissant à coordonner sans conflit de responsabilité des chaînes pourtant
nombreuses. Les tentatives, constantes, de certains membres de l'Etat-major pour
couvrir la voix des Commandants de Groupement auprès du Général, voire pour
leur porter tort, ont toutes échoué mais ont inutilement consommé l'énergie des
Chefs de corps et parfois peut-être fait douter le COMFOR. Une éthique du
comportement en Etat-major reste à introduire à l'EEM comme au CID, qui aurait
en outre pour avantage de permettre une meilleure maîtrise des rumeurs internes au microcosme.

Contrairement à ce qui a pu se faire en d'autres opérations, la chaîne RENS a parfaitement joué le jeu, à l'échelon opératif, du partage des responsabilités et des informations avec l'échelon tactique dans l'emploi de ses moyens. Des procédures plus rigoureuses restent néanmoins à mettre en place pour éviter tout phénomène de “bouclage” de l'information, risquant d'aboutir à une auto-intoxication par faux recoupements.

La chaîne des'officiers de liaison est une innovation intéressante, bien que ses contours aient été insuffisamment définis. Elle a constitué un soulagement efficace du commandement dans les domaines les plus tendus, assuré une intéressante redondance de la circulation de l'information en régime normal, mais elle a en fait souvent rempli des tâches qui semblaient dévolues à la cellule Affaires civiles. Ces deux chaînes gagneraient-à être confondues. La présence d'un DLRG s'est révélée précieuse tant dans le domaine opérationnel qu'humanitaire, Quant à celle d'un officier de Gendarmerie, elle doit être considérée comme absolument nécessaire, tant-comme conseil juridique du chef de corps dans ses responsabilités territoriales, que comme organisateur des nombreuses opérations de maintien de l'ordre et de sécurité des voyages et meetings officiels organisés par le groupement, indépendamment des tâches prévôtales dévolues à un éventuel commandant de brigade prévôtale.

Le travail d'état-major venant du PCIAT était clair, concis, arrivé en temps aux
échelons d'exécution, les retours vers le bas suffisants. Les CR quotidiens,
initialement demandés trop tôt dans la journée, ont vu leurs horaires corrigés de manière satisfaisante. La marge d'initiative laissée aux commandants de

groupement était suffisante sans que s'instaure de flou dans les directives. Des
contacts personnels plus fréquents de chef à chef auraient permis d'établir plus vite et plus intimement la complicité dans l'exécution.

L'existence de deux sous-chefs a constitué une simplification des relations avec
les chefs de corps pour les problèmes ne relevant pas du Général.

Le Chef de corps du GIAR a cependant préféré focaliser son activité sur les
relations avec les Commandants d'unité et le Général, se portant souvent sur le
terrain et laissant au chef OPS et au chef LOG du groupement le soin du dialogue
avec le PCIAT. La perte de toute liaison téléphonique avec le Général COMFOR
dès lors que le Chef de corps est en PC tactique constitue une lacune que les
transmissions modernes devraient maintenant permettre de combler.

Le PC du GIAR était bien équilibré, l'existence d'un chef LOG supervisant CSA
et CST constituant une bonne adaptation à l'existence des sous-chefs du PCIAT.

b) Transmissions

Bien que les Transmissions de Turquoise aient été correctement dirigées et aient
fonctionné de manière satisfaisante, en particulier au GIAR, c'est probabiement
dans ce domaine que peuvent être fait les plus grands progrès, surtout compte tenu du niveau technologique de la France dans ces domaines.

Vers le PCIAT, la protection était acceptable mais l'INMARSAT présente un rapport coût/service rendu difficile à justifier, surtout pour des liaisons de 40 km. En outre, les délais d'acheminement des messages télégraphiques pourraient être améliorés.

Vers les unités de combat, il n'est plus acceptable, car très dangereux à l'ère des scanners, de ne pas disposer de Transmissions protégées. À plusieurs reprises des journalistes et des ONG ont retrouvé nos fréquences pour nous écouter ou entrer en liaison avec nous grâce à de simples scanners du commerce.

Dès qu'est connue la surface couverte par une unité devraient arriver des moyens adaptés à cette surface, en particulier en matière de relais, Dans le cas de la ZHS, une couverture minimale RITA aurait fourni confort, sécurité et, tous calculs faits, économie de personnels, contrairement aux ‘idées reçues, y compris dans les liaisons avec le PCIAT.

Les liaisons air-sol restent infirmes, ainsi que les liaisons inter-autorités, en l'absence de toute mise en place officielle de postes miniaturisés et chiffrés type "Motorola".

c) Administration et logistique

Seul de tous, le CTAC de Rennes s'est révélé incapable de solder en août les personnels au taux intervention. On déplorera en outre sur place l'incapacité à servir la solde et à alimenter le budget en coupures d'une monnaie (US dollars ou francs rwandais) et d'une valeur (petites coupures) utilisables sur le territoire, Le BPM a donné satisfaction, et le budget s'est révélé suffisant et souple, capable de subvenir aux besoins de la troupe comme des populations.


Certaines critiques se sont élevées contre la mise en place insuffisante de moyens de confort, tels que douches, téléviseurs, téléphones, etc. Le Chef de corps du GIAR ne partage pas ce sentiment. D'une part les conditions de vie n'ont été difficiles que durant de brèves périodes. D'autre part, pour des raisons de sécurité mais aussi de moral, il est très réservé sur la mise en place de téléphones lors des opérations de courte durée. Enfin les téléviseurs présentent des inconvénients, notamment en matière de sommeil et de disponibilité de la troupe, qui ne les justifient que dans les circonstances de sédentarité longue et fastidieuse.

C'est la logistique qui aura vu le quasi sans-faute de l'opération. Les chaînes
RAV et SAN ne peuvent souffrir aucune critique, la chaîne MEC n'ayant connu des
difficultés d'appros que pendant quelques courtes journées. Encore faut-il faire
observer qu'une part de ces difficultés provient du fait que les AML avaient été
inconsidérèment éloignées de leur soutien et leurs pièces détachées victime d'un
conflit de priorité sur les aéronefs.

Le Chef de corps du GIAR avait fait le choix de laisser son chef LOG, ses CST et CSA, entourés de tous les comptables (techniques, matières et administratifs) à GOMA, les Commandant d'unités dialoguant directement, par un réseau spécifique avec ces Trains régimentaires, sans passer par le PC du Groupement. Cette solution s'est révélée d'une extrême efficacité, le professionnalisme des personnels logistiques du RICM évitant toute déconnexion de l'activité tactique.

2 - Gestion de la crise

Turquoise aura montré que, si de progrès restent à faire, que les Forces armées
françaises savent dès à présent appréhender les crises de manière globale.

Les efforts principaux à effectuer concernent la conception et la conduite effective des affaires civiles, ainsi que la gestion fine des médias sur le terrain, mais tous les témoignages étrangers, en particulier ceux des fonctionnaires et officiers de l'ONU comme les relations de la grande presse anglo-saxonne, ont été unanimes pour saluer le savoir-faire français.

21 - Action sur la population

Fondement de ce type de gestion de crise, les relations avec les populations restent un domaine à large marge de progrès tant dans ia conception (être efficace sans risquer la critique de "colonialisme”), que dans celui de la coordination et de la conduite par la cellule Affaires civiles, qu'enfin dans celui de-la formation des officiers (stage des capitaines, EEM et CID).

a) Population et maintien de la paix

Sur ce point le Chef de corps du RICM a pu vérifier, éprouver et compléter les
enseignements qu'il avait tiré dans son rapport de fin de mandat en Bosnie.

En maintien de la paix il faut se tenir fermement à deux idées, même lorsque les
apparences semblent les démentir :
- la population veut la paix ;
- si elle se prête à la guerre c'est qu'elle y est contrainte par des forces qu'il faut mettre hors jeu.

2.2 Légitimité de l'autorité de la Force sur la ZHS

Ce n'est pas en cours d'action qu'il fallait avoir des états d'âme sur les fondements de notre autorité sur la ZHS. Mais, cette opération terminée, il faut les définir pour l'avenir et de les inclure dans les programmes de formation des officiers. La doctrine sur laquelle se fondait Turquoise était, dans ce domaine, nettement moins élaborée (mais il est vrai beaucoup plus souple) que celle mise en oeuvre dans le cadre de l'ONU. 1] n'est pas possible de se retrouver seul sur le terrain sans texte de référence permettant de guider son action. Toutes les hésitations, tous les dérapages et toutes les exploitations médiatiques sont alors à craindre, sans qu'aucun document ne vienne, après la catastrophe, protéger la victime des conséquences de son seul zèle et de sa seule bonne volonté.

a) Le problème de l'autorité en ZHS

L'esprit comme la lettre de la résolution 929, la mission et les règles de comportement reçues du PCIAT laissaient peu de doute sur un point : tout individu menaçant la vie d'un autre, civil ou militaire, pouvait en être empêché par la force, et au besoin être abattu. Mais qu'en faire s'il n'est pas abattu ? Avions-nous le droit : de le détenir ? Combien de temps ? Et comment le garder ?

La situation devenait délicate en cas de meurtre, situation multiquotidienne en
ZHS. Avions nous le droit de rechercher le coupable ? Par quels moyens ? Avions-
nous le droit d'interroger la population ? Devions-nous considérer qu'elle était
tenue de répondre ? Que faire des réticents ? Des suspects ? Comment les faire
avouer ? Plus grave, qu'en faire s'ils ont avoué ? S'ils nous ont été désigné par la population, comment protéger les délateurs ?

Encore était-il possible, en matière de protection des personnes, d'adopter une
acception extensive de la résolution 929. Mais que faire en matière de protection des biens ? S'appliquait-elle ? 7?

Si oui, étions-nous autorisés à utiliser la force ? À abattre les pillards ? A les rechercher ? Les poursuivre ? Les détenir ? Les interroger ?

Si non, accepterions-nous d'être accusé de ne pas avoir su assurer la sécurité des biens, comme c'est le cas au sujet de Cyangugu ?

À mi-chemin entre protection des biens et des personnes se situait le problème
de la lutte contre le racket, stimulé par le besoin d'argent de quiconque détenait une once d'autorité, et surtout une arme.

Le pénal n'a cependant pas constitué le seul domaine où se posaient des problèmes d'autorité de la Force de paix. En matière administrative et de services publics, les questions posées étaient quotidiennes. Comment contraindre les personnels du réseau électrique, les infirmières, les policiers, le procureur lui- même, à continuer à travailler ?

b) La gestion de l'autorité en ZHS par le RICM

Fort de son expérience yougosiave, tenant compte en particulier des techniques
ONU dans ces domaines, mais tirant aussi leurs leçons de ses lacunes, le RICM a
adopté une politique prudente, plaçant les exigences des droits de l'Homme devant celles de l'efficacité, mais se mettant de ce fait dans une position qui n'aurait pu être tenue sur le long ni même le moyen terme.


En matière de protection des personnes, le Chef de corps avait édicté des directives fermes en matière de répression des flagrants délits de meurtres ou tentatives de meurtre, l'usage des armes sans sommation étant autorisé. En matière d'enquêtes sur meurtres, tant que la Gendarmerie était restée en place, elle en restait chargée. Après son départ, le Chef de corps a cherché à mettre ces actions sous l'autorité du procureur, mais rapidement sa légitimité n'a plus été suffisante, faute d'agrément du nouveau Ministre de la Justice. Dès lors, les arrestations n'ont été réalisées que sur dénonciation, et seulement lorsqu'il y avait risque de récidive. Ne pouvant être jugés, la plupart des meurtriers ont été relâchés.

En matière de protection des biens, le Chef de corps du RICM n'a agi qu'en cas de flagrant délit, et sur demande expresse des autorités locales, proscrivant l'usage des armes contre les délinquants, mais prescrivant la destruction des biens des pillards (véhicules et bateaux en particulier).

Mais surtout, le RICM s'est montré leader dans la recherche d'une légitimation locale de ses actions par la constitution précoce sur Kibuye, puis l'extension ultérieure à Gikongoro, dans chaque commune, d'un "Conseil de commune" chargé de conduire la vie locale et, au niveau départemental d'une sorte de "conseil général" chargé de suggérer et de contrôler l'action des premiers. Ces deux types d'organes comportaient des représentants des déplacés comme des résidents et, chaque fois que l'action du GIAR ne pouvait se placer clairement sous l'autorité de la résolution 929 (flagrant délit en matière de sécurité des personnes), elle se plaçait en situation de concours à ces structures. Situation sans légalité peut-être, mais au moins régulée.

Tant les représentants de l'ONU, que ceux de l'UNHCR et du CICR qui ont assisté aux réunions des structures provisoires suscitées par le GIAR ont manifesté leur stupéfaction devant les résultats obtenus en quelques jours et l'ont confirmé en apportant immédiatement une aide significative à cette action sur laquelle ils se sont en outre largement appuyés.

La présence d'un officier de Gendarmerie parmi les officiers de liaison a
constitué pour le Chef de corps un irremplaçable atout dans l'appréciation
quotidienne de ses limites.

c) Légitimité de l'autorité en ZHS

Tant que dure la situation d'urgence, la iégitimité de l'autorité de la Force ne peut être remise en cause, en particulier parce que ses actions, aussi brutales soient-elles, préviennent des maux plus graves. Dès que se stabilise la situation, et avant même sa normalisation, il faut mettre en place des structures locales d'autorité.

Ces structures locales d'autorité éprouvent cependant rapidement un grand besoin de légitimité. Si leur seule légitimité est celle conférée par la Force de Paix, elle est dangereuse pour les responsables une fois la Force de paix retirée. Elle souffre en outre très rapidement la critique de "colonialisme". I1 faut donc, dès que possible, soit la faire valider par des votes réalisés sous contrôle international, soit la faire légitimer par les parties en conflit ou du moins par la plus crédible d'entre elles, Sinon, l'action de la Force de paix sur la population trouve ses limites dès l'apparition d'une administration concurrente proposée par le belligérant le plus fort, concurrence que le gouvernement de Kigali, en ce qui concerne Turquoise, n'a pas été en mesure de susciter.


Pour l'avenir, le droit d'ingérence doit s'accompagner d'un Droit de l'Ingérence, c'est-à-dire d'un ensemble de textes acceptés par la communauté internationale, explicitement désignés par la résolution qui fixe le mandat de la Force, et fixant les actes d'autorité qui lui sont reconnus comme légitimes. Un tel corpus de textes manque d'ailleurs également aux Forces de l'ONU, bien que dans ce cadre l'existence de CivPol déporte sur ce corps nombre des problèmes traités par le GIAR dans Turquoise. 

23 - Action humanitaire

Grand échec de Turquoise, l'action humanitaire aura été inadaptée et insuffisante, ne répondant pas aux besoins de la population et privant la gestion de crise d'un outil privilégié.

La cellule Affaires civiles et Action Humanitaire (AFCAHD), rapidement déchargée des affaires proprement civiles (police, administration provisoire, conseil juridique, …) laissées sous la responsabilité des groupements, se révélera impuissante à susciter les moyens humanitaires réclamés sur le terrain.

a) Les ressorts de l'action humanitaire

I1 faut bien distinguer l'action gouvernementale, de celle des agences et de celle des ONG.

Les ONG, dont le titre même de “non-gouvernemental” les définit bien comme fondamentalement indépendantes des pouvoirs, ne disposent que rarement de fonds propres leur permettant de réagir rapidement à un drame humanitaire. Toute action doit être précédée d'un financement, qu'aucun sponsor n'offrira sans la pression ou le soutien d'une campagne médiatique. Cette campagne ne pourra que rarement être suscitée à titre préventif, et de longues et complètes missions d'évaluation resteront nécessaires à la constitution d'un dossier de financement, même lorsque l'urgence est patente.

Les agences humanitaires et les organismes assimilés (UNHCR, CICR, PNUD,
UNICEF, UNREO, CARITAS...) ont des fonds propres qui leur permettent d'agir
sans avoir à se justifier a priori auprès de sponsors. En revanche, en dehors du
CICR qui met en oeuvre une stratégie propre à long terme, fondée sur un très haut degré de professionnalisme et des critères d'appréciation d'un niveau planétaire qui le rend peu influençable par les sollicitations tant des médias que des gouvernements, ces agences sont soumises à des pressions politiques puissantes qui ne les soumettent à la pression des médias ou à celle de l'urgence qu'à travers le filtre des intérêts politiques et donc des grands acteurs internationaux, idéologiques ou religieux (Secrétaire général, grands bailleurs de fonds des Nations Unies, Eglises, …).

En outre, ONG comme agences ont un souci permanent de la sécurité de leurs agents, et ne s'engagent que lorsque les risques d'agression directe à leur égard sont quasi-nuls et les risques de domrnages indirects dus à la guerre limités.

b}) Mobiliser les acteurs humanitaires

Dans ce contexte, seule l'action humanitaire gouvernementale distribuée par la
Force elle-même peut fournir l'aide d'urgence immédiate décidée par un


gouvernement sans aucune concertation et quel que soit l'insécurité. Dans
Turquoise, cette aide a effectivement été obtenue et répartie en fonction des
besoins par la cellule AFCAH du PCIAT.

Mais cette aide gouvernementale est nécessairement limitée et, dès que possible
doit être relayée par celle des agences ou des ONG.

Compte tenu de leurs caractéristiques décrites plus haut, les agences ne se mobilisent que si de puissantes pressions politiques viennent les mettre en action. À leur égard, Turquoise ne pouvait que subir les effets positifs ou négatifs d'une politique française qui dépassait la Force. Tout au plus pouvait-elle fournir aux représentants locaux de ces agences des informations venant étayer les pressions du gouvernement français et justifier ses demandes. Elle pouvait en outre afficher une image de sécurité dans la zone.

Très différente doit être la stratégie vis-à-vis des ONG, rebelles à toute pression gouvernementale. Les ONG s'inscrivent dans une logique de compétition économique et médiatique, et c'est cette concurrence sur laquelle il faut jouer, menaçant chacune d'être doublée, sur le théâtre qu'elle bouderait, par les concurrentes susceptibles de capter les ressources des sponsors et d'affirmer leur image dans les médias. S'appuyant sur les unités au contact et sur les médias présents sur zone, Tuquoise devait constituer des dossiers de situation d'urgence permettant aux ONG de toucher des sponsors, crédibiliser ces ONG auprès des sponsors guider et soutenir la presse dans la médiatisation des situation d'urgence retenue , enfin promettre sécurité et soutien logistique aux ONG comme aux médias couvrent leur action.

Certes les ONG se sont abritées en début de crise derrière une prévention de principe vis-à-vis de l'action de Turquoise. Cette position traduisait leur aversion éponymique vis-à-vis de tout alignement sur un gouvernement, mais elle dissimulait surtout leur inaptitude structurelle à faire face préventivement au désastre et, celui-ci advenu, leurs difficultés à mobiliser des ressources en pleine trêve estivale de leurs sponsors, sans parler des vacances de leurs leaders et de leurs agents. Elle était en outre largement motivée par la crainte née des images des massacres d'avril 94. En effet, alors que la sécurité en ZHS a constamment été totale vis-à-vis des ONG, Turquoise n'a pas su effacer cette image des massacres d'avril 94 et donc établir un climat sécurisant vis-à-vis des ONG et des agences. La seule action efficace aurait consisté à ouvrir le front de la concurrence entre elles en construisant et en médiatisant nous-mêmes quelques dossiers spectaculaires au profit des rares ONG présentes. Le reste aurait suivi dans la plus complète panique.

En 1992, à Sarajevo, le RICM avait mené plusieurs actions combinées de ce type, associant dès le montage du dossier une ONG (Première Urgence), une chaîne de télévision (M6), le régiment et les sponsors (Ville de Vannes). Toutes les ONG présentes s'étaient alors proposées pour soutenir son action. Là est la réalité de l'action humanitaire d'aujourd'hui.

24 - Relations avec le FPR

Les incidents de Birambo et de Rambura ont montré la nécessité d'établir dès que possible des relations sur le terrain avec les parties en conflit, tant pour éviter toute méprise que pour évaluer l'état d'esprit de la base combattante et d'en déduire les intentions de leurs chefs.


Malgré ses promesses, le FPR n'a jamais fourni d'officier de liaison permanent, condition sine qua non du contrôle fiable de tout cessez-le-feu. Heureusement, les relations avec le FPR révéleront rapidement cordiales, dénuées de toute agressivité, très respectueuses de la puissance de Turquoise, Très vite se révélera, y compris chez les anglophones, une francophilie inattendue qu'il doit être possible d'exploiter politiquement.

25 - Médias

Le GIAR a fait un important effort de relations envers les médias, en particulier anglo-saxons, qui ont rapidement salué le travail accompli sur le terrain, alors qu'ils étaient arrivés armés d'une solide prévention. Certes les sensibilités des milieux politiques ou militaires parisiens ont parfois été heurtées par certaines descriptions ou relations, toujours modérées au demeurant en ce qui concerne le GIAR. En fait, ce fut parfois faute d'avoir transmis à temps des directives fines de communication, soit plus souvent faute d'avoir pris conscience à temps de la situation réelle sur le terrain. Cependant aucun dérapage n'a été constaté au GIAR, tandis que le actions les plus délicates à médiatiser, comme certaines tâches de maintien de l'ordre ou certaines impasses humanitaires, ont su être tenues à l'abri des médias, même les plus malveillants.

Si les directives générales de communication étaient claires et en prise sur la réalité, la préparation détaillée des différentes visites de presse peut être améliorée : messages ponctuels à faire passer, personnalité des journalistes, prises de position antérieures sur l'opération, etc...

3- Collaboration Franco-africaiïne

C'est un des aspects les plus sympathiques de la mission, et qui n'est pas le moins satisfaisant, du fait de la bonne volonté et de la qualité des troupes fournies par les pays amis. Un effort plus précoce auraït du être fait en matière d'équipement en véhicules et plus sérieux en matière d'interopérabilité des transmissions. Le problème du soutien alimentation, de la PGA et surtout de la solde a été complètement raté et pourrait, dans un proche avenir, déboucher sur des affrontements ouverts au sein du contingent.

Après quelques difficultés d'adaptation, les Sénégalais se sont montrés irremplaçables dans les domaines suivants :
- maintien de l'ordre ;
- génie civil ;
- soutien santé aux populations.
ils sont en revanche moins performants dans les relations avec les autorités locales.

Tout a été fait au GIAR pour faire de.cette expérience une vitrine, tant de l'amitié franco-africaine que de la solidarité inter-africaine, et cet effort doit être prolongé par un geste sans arrière pensées en matière de soldes et de décorations.


En conclusion le Groupement InterArrmes au Rwanda a connu en moins de deux mois une expérience exceptionnelle. Une fois de plus le Chef de corps du RICM s'est laissé surprendre par l'aisance avec laquelle ses marsouins, sous-officiers et officiers ont su faire face à des changements quotidiens de situation, prenant un égal plaisir dans la même journée à faire face aux tentatives du FPR, avec brutalité mais sans dommage pour une population très dense, à nourrir des populations en détresse et à arrêter sans violence inutile des pillards
constitués en bandes armées allant jusqu'à 200 personnes.

La France a la chance de disposer d'une Armée de vrais professionnels. Elle aurait peut-être intérêt à faire bénéficier plus souvent, et sur des théâtres plus divers, les Africains francophones de son expérience en les associant plus systématiquement à ses actions de maintien de la paix.
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fgtquery v.1.9, 9 février 2024