Fiche du document numéro 32113

Num
32113
Date
Mardi 4 avril 2023
Amj
Auteur
Fichier
Taille
174413
Pages
3
Urlorg
Titre
Au FPR de Paul Kagame, l’alternance dans la continuité
Soustitre
À la direction du Front patriotique rwandais, les deux principaux adjoints du président viennent de céder leur place. Mais le « chairman », lui, rempile pour un nouveau mandat.
Nom cité
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Lieu cité
Mot-clé
FPR
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Paul Kagame délivrant un discours durant le seizième congrès du FPR, à Kigali, le 2 avril 2023. © FLICKR PAUL KAGAME

Collier de barbe et cheveux blanchis par les années, casquette de militant vissée sur le crâne, François Ngarambe a passé la main. Vingt et un ans durant, ce septuagénaire discret, à l’allure ascétique, aura été l’autre visage du Front patriotique rwandais (FPR), cette formation qui, à l’heure de souffler sa trente-sixième bougie, se confond avec le Rwanda post-génocide au point d’être souvent qualifié de « parti-État ».

À quelques kilomètres de Kigali, à Rusororo, dans l’imposante Intare Conference Arena qui jouxte ses locaux, le FPR organisait ce week-end son congrès en présence de quelque 2 000 participants. Cette grand-messe bisannuelle comportait un ordre du jour particulier : entériner le remplacement de Ngarambe, vieux lion aussi discret que dévoué qui occupait la fonction de secrétaire général (« SG ») depuis 2002.

Mouvement issu du maquis

À ses côtés, Paul Kagame, en tenue décontractée, aux couleurs du parti, a quant à lui rempilé à la présidence de la formation, demeurant la figure indépassable de ce mouvement issu du maquis, compagnon de lutte des guérillas africaines d’inspiration marxiste des années 1980 avant d’être confronté, il y a vingt-neuf ans presque jour pour jour, à un génocide qui allait emporter un million de civils exterminés car nés tutsi.

Un autre vétéran de l’état-major du parti, Christophe Bazivamo, cède, lui, le siège de vice-président à une femme, l’ancienne sénatrice Consolée Uwimana. Une première tardive quand on sait que le pays a, de longue, date promu la parité à tous les échelons.

Kagame au repos ?

À l’heure de recenser les candidatures pour briguer la fonction suprême, un cadre du FPR, Cheikh Abdul Karim Harerimana, a déridé l’atmosphère d’une pirouette. « Je milite dans le parti depuis longtemps aux côtés du chairman Paul Kagame et je crois qu’il est temps qu’il jouisse d’un repos bien mérité. C’est pourquoi je présente ma candidature », a-t-il lancé, sous les rires de l’assistance, afin d’éviter pour la forme un vote sans challenger.

Un scrutin à bulletin secret plus tard, le nouveau triumvirat était désigné. Aux côtés de Paul Kagame, le remplaçant de François Ngarambe est désormais Wellars Gasamagera, un apparatchik blanchi sous le harnais qui aura notamment exercé la fonction de préfet de Kigali rural, de sénateur et, plus récemment, d’ambassadeur en Angola. Au sein du parti, dont il a un temps été le porte-parole, il occupait depuis 2009 la fonction stratégique de commissaire à la mobilisation politique.

« La fonction de SG requiert une grosse charge de travail et une discipline de fer, résume un militant de la première heure. On ne trouve pas en Afrique de parti comparable au FPR, qui soit, outre un acteur politique, un opérateur économique de premier plan. »

Émanation du parti, le fonds d’investissement Crystal Ventures est en effet le deuxième employeur du pays derrière l’État, avec un capital estimé à quelque 500 millions de dollars, grâce à ses participations dans les principaux secteurs économiques.

Le juste milieu de la discordance

C’est sur cette activité aussi que le nouveau SG devra veiller en prenant ses fonctions. « Le Rwanda est un petit pays, donc un petit marché, ce qui peut sembler risqué pour des investisseurs privés désireux de s’y implanter, analyse un bon connaisseur des arcanes du parti. L’impulsion et la participation de la branche financière du FPR dans certains secteurs économiques sont donc clés, mais le but de ce dernier n’a jamais consisté à exercer une situation de monopole. »

Au FPR, diversité de points de vue et positions antagonistes ont donné lieu à une méthode de gouvernance inédite, basée sur une recherche du consensus poussée à l’extrême – souvent vue de l’extérieur comme une emprise dictatoriale qui ne dit pas son nom. « On peut ne pas être d’accord avec la ligne majoritaire mais on s’efforcera, coûte que coûte, d’atteindre le consensus, analyse notre militant. Le kata que l’on enseigne au sein du parti, c’est de trouver le juste milieu de la discordance. Autrement dit : ne jamais sortir d’une réunion sans que les points de vue divergents ne se soient rapprochés. »

LE NOUVEAU SG A SON PROPRE CARACTÈRE, MAIS LE FONCTIONNEMENT DU FPR, LUI, DEMEURERA INCHANGÉ

À la tête du vaisseau amiral de « Rwanda Inc. », Wellars Gasamagera a donc été adoubé pour appliquer ces principes forgés par une formation politique atypique dont le programme est, depuis bientôt trente ans, la boussole du pays lui-même. « Les personnes ont changé mais le leadership restera le même, commente un cadre du FPR. François Ngarambe était un secrétaire général discipliné, qui savait ce que le président voulait et savait appliquer au millimètre près la ligne édictée par les instances du parti. Le nouveau SG a son propre caractère, mais le fonctionnement du FPR, lui, demeurera inchangé. »

Question sensible

Reste à savoir – question ô combien sensible – si l’alternance dans la continuité que vient de vivre le FPR pourrait concerner, demain, la fonction suprême et, par ricochet, le sommet de l’État, alors qu’une élection présidentielle est prévue en 2024. « Je crois que les gens commencent à en parler, se risque à avancer une de nos sources. Qu’est-ce que le parti compte faire pour que le chairman puisse un jour se retirer, l’esprit tranquille ? Ce sont des discussions qui ont cours. »

« En Afrique, nous avons manqué de modèles de gouvernance inspirants depuis la génération des pères de l’indépendance », déplore notre militant de la première heure, comme pour justifier la présence inamovible du président Paul Kagame à la tête du parti et de l’État depuis la fin des années 1990.

Dans son discours d’investiture, le 2 avril, ce dernier exprimait lui aussi cette idée à sa façon : « Nous ne pouvons faire les choses comme tout le monde. Les défis auxquels d’autres sont confrontés sont différents de ceux auxquels nous sommes nous-mêmes confrontés. Nous devons faire les choses d’une manière singulière afin que même ceux qui nous accusent de tous les maux puissent difficilement nous imputer des torts. »
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fgtquery v.1.9, 9 février 2024