Fiche du document numéro 3191

Num
3191
Date
Samedi 14 mai 1994
Amj
Fichier
Taille
3721512
Pages
2
Titre
Ouganda, Paris voit rouge
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Source
Fonds d'archives
Type
Publication périodique
Langue
FR
Citation
Avec l'extension de la guerre [...] Rwanda, le président ougandais Yoweri Museveni est redevenu l'ennemi numéro Un en Afrique centrale pour les autorités françaises qui ne lui ont jamais pardonné sa haine affichée pour les deux amis de la France dans cette région, Mobutu Sese Seko au Zaïre et le défunt président Hutu Juvénal Habyarimana. Or depuis la mort de ce dernier (suite à un attentat le 6 avril) et l'offensive des rebelles du Front patriotique rwandais (FPR à dominante tutsie),
Paris redoute l'extension de l'influence régionale de l'Ouganda derrière laquelle se dissimulerait une volonté déstabilisatrice anglo-saxonne. Pour surréaliste qu'elle paraisse, cette ``thèse''
n'en est pas moins sérieusement défendue par les principaux responsables du dossier rwandais :
les généraux Jean-Pierre Huchon et Jannou Lacaze, installés à la mission militaire du ministère de la Coopération, où le ministre, Michel Roussin, a été complètement marginalisé sur cette question. Pour ces deux militaires, comme d'ailleurs pour les conseillers Afrique de la Présidence (Bruno Delaye et l'ex-premier conseiller de l'ambassade de France à Kinshasa, Dominique Pin), l'Ouganda n'est qu'un pion de l'impérialisme anglo-saxon et le FPR une simple marionnette de Kampala.

Les autorités françaises ont donc fait un accueil complaisant aux récentes révélations de l'Uganda Democratic Coalition, daté du 12 avril à Washington, et largement diffusé à Paris. D'après ce texte, le président rwandais aurait été assassiné à la suite d'un complot organisé entre autres par la sous-secrétaire d'Etat adjointe à l'Afrique du département d'Etat américains, Prudence Bushnell, la directrice de la section Afrique centrale de l'administration américaine Arlene Render, la responsable du bureau des réfugiés du Pentagone Patricia Irvin, et le Président Yoweri Museveni. Noué à la mi-mars 1994 lors de la visite de ces trois fonctionnaires à Kampala, ce complot aurait été exécuté de concert par le FPR et les troupes belges de la MINUAR. Toujours selon ce document, les Etats Unis entraîneraient des cadres du FPR camouflés en militaires ougandais et une partie de l'aide fournie à Kampala par Washington et la Grande Bretagne serait en fait destinée à alimenter l'effort de guerre du FPR. Le but visé par le président Museveni serait de créer une dynastie tutsie couvrant l'Ouganda, le Burundi et le Rwanda.

Ce texte émane d'un groupe marginal d'opposants ougandais comprenant l'évêque Okoth, quelques ultraconservateurs Baganda et les amis de Olara-Otunnu, l'ex-ministre des affaires étrangères du conseil militire du général Okedo. Il reflète surtout leur amertume d'être encore un peu plus marginalisés depuis les élections ougandaises du 28 mars (LOI n° 618). Aussi leur argumentation fantaisiste relèverait de l'anecdote si elle n'avait pas trouvé écho à Paris où certains veulent y voir la preuve d'un complot anglo-saxon contre le Rwanda francophone. De ce fait, le Zaïre se trouve propulsé à la première ligne de défense francophone en Afrique centrale et Paris entend aider le président Mobutu à faire contre-poids à l'Ouganda en favorisant son rôle dans une solution diplomatique régionale de la crise rwandaise. Mais la confrontation Zaïre/Ouganda risque de prendre un tour militaire : Mobutu aurait déjà envoyé des éléments de sa garde présidentielle au Rwanda pour combattre les rebelles tutsis du FPR appuyéss par Kampala.

En fait, Paris semble vouloir dresser une ceinture de sécurité autour de l'Ouganda, non seulement avec le Zaïre, mais également avec le Soudan où les services de renseignement français ont de discrets contacts (LOI n° 620). Au vu et au su de l'état-major français, l'armée soudanaise a ainsi pu traverser le Centrafrique et le Zaïre lors de sa récente offensive contre la rébellion sud-soudanaise, laquelle est soutenue par l'Ouganda par où ont récemment transité des armes américaines destinées au SPLA (LOI n° 620). Cette situation en Afrique centrale devrait être au centre d'une réunion de la troïka américano-franco-belge, le 13 mai.

Sur ce dossier, la concertation franco-britannique est à peu près nulle. Quant aux diplomates américains, bien qu'ahuris par la position française, ils n'ont pas véritablement d'option alternative. Ils cherchent donc à dissuader Paris de son animosité envers l'Ouganda tout en conseillant au président Museveni de contenir l'avancée militaire du FPR et d'accepter une solution négociée du conflit rwandais. Ainsi, en marge de l'investiture du président Nelson Mandela en Afrique du Sud, le vice-président Al-Gore, devait s'entretenir avec plusieurs chefs d'Etat de la région. Pendant ce temps, selon la Lettre du Continent (Indigo publications), l'ancien monsieur Afrique des Etats Unis, Herman Cohen, dont le rôle demeure important (LOI n° 622), participe à une troïka bis avec l'ex ministre français de la Coopération, Michel Aurillac, et le responsable Afrique du parti socialiste belge francophone, Max Olivier Cahen, dans le but de faire du Zaïre de Mobutu un bastion sûr de la région.
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