Fiche du document numéro 31828

Num
31828
Date
Vendredi 24 mars 2023
Amj
Auteur
Fichier
Taille
28504
Pages
2
Urlorg
Titre
Génocide des Tutsi : le procès de Félicien Kabuga suspendu à son état de santé mentale
Sous titre
Les juges de La Haye doivent statuer sur la poursuite des débats après un diagnostic de démence de l’ex-homme d’affaires rwandais âgé 87 ans.
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Mot-clé
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Par Stéphanie Maupas (La Haye, correspondance).

Le procureur voulait explorer le cerveau de Félicien Kabuga. Prouver qu’il avait eu cette « intention » particulière qui fait la singularité du crime de génocide : celle de vouloir exterminer un groupe, comme celui des Tutsi, ciblés pour le simple fait de leur existence.

Depuis le 8 mars, chaque centimètre du cerveau de l’ex-homme d’affaires rwandais, accusé de « génocide », de « crimes contre l’humanité pour extermination », « persécution » et « assassinat », est verbalement ausculté. Non plus pour connaître ses intentions passées, mais pour organiser la suite du procès. Dans un rapport confidentiel remis le 3 mars aux juges du Mécanisme des Nations unies chargé de conduire les derniers procès du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), deux psychiatres et un neurologue ont conclu que Félicien Kabuga était atteint de « démence » d’origine vasculaire et ne serait pas apte à subir son procès. A au moins 87 ans, le vieillard souffre aussi de diabète et vient de traverser l’hiver avec une pneumonie.

Depuis la semaine dernière, les experts sont invités à la barre du mécanisme qui siège à La Haye et leur audition doit se poursuivre jusqu’au 30 mars. Ce jour-là, avocats et procureurs plaideront avant que les juges se retirent pour délibérer. En jeu : le procès de celui qui fut pendant vingt-six ans l’un des fugitifs les plus recherchés de la justice internationale.

Si les juges semblent vouloir mener ce procès à son terme coûte que coûte, « il ne sera pas possible de stopper ou d’inverser les changements que nous avons pu observer dans le cerveau de M. Kabuga », a déclaré la psychiatre Gillian Mezey, lors de l’audience du 23 mars. Félicien Kabuga comprend-il les charges portées contre lui ? « Quand je lui ai demandé ce qu’était un génocide, il m’a dit : “C’est l’extermination des gens”, explique la professeure Mezey. Et quand je lui ai dit qu’il pourrait, par exemple, finir sa vie en prison, il a dit que les gens [les témoins] mentent et que le tribunal ne les croira pas. »

« Incapable »



Comme souvent, l’accusé n’est pas présent au tribunal, mais il suit les débats par visioconférence de l’hôpital de la prison. Les écrans disposés dans la salle d’audience écrasent la perspective, donnant parfois l’impression ironique qu’il porte la couronne de lauriers qui figure sur le logo du mécanisme, affiché derrière lui. Son avocat, Me Emmanuel Altit, interroge : « Est-il possible d’avoir aujourd’hui un échange raisonné avec M. Kabuga (…) au sujet, par exemple, d’un témoin ou d’un élément de preuve ? » « Si vous parlez de la météo ou de ce qu’il a fait dans la journée, ce sera possible », répond la psychiatre.

Mais pour les questions plus complexes ? « Je suis clair, il est incapable de le faire étant donné ses capacités cognitives actuelles. » Depuis l’ouverture du procès à la fin de septembre 2022, seulement six heures par semaine sont consacrées aux audiences, en raison de la santé de l’octogénaire, et n’ont été pour l’instant entendus que 24 témoins.
Haut

fgtquery v.1.9, 9 février 2024