Fiche du document numéro 31787

Num
31787
Date
Dimanche 19 mars 2023
Amj
Auteur
Fichier
Taille
788294
Pages
1
Titre
Génocide des Tutsi : succession de procès contre des journalistes à Paris
Sous titre
Deux ans après la remise du rapport Duclert sur le rôle de la France au Rwanda, de 1990 à 1994, le débat reste vif devant les tribunaux
Nom cité
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Mot-clé
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Accusée d’« injure publique » par Aloys Ntiwiragabo, chef du renseignement militaire rwandais pendant le génocide des Tutsi en 1994, Maria Malagardis a été relaxée par le tribunal de Paris, le 15 mars. Dans un tweet, la reporter de Libération avait interpellé le président de la République, Emmanuel Macron, et le ministère de la justice après une enquête de Mediapart qui avait localisé Aloys Ntiwiragabo dans la banlieue d’Orléans.

« Un nazi africain en France ? Quelqu’un va réagir ? », avait tweeté, le 24 juillet 2020, Maria Malagardis. Dans son jugement, que Le Monde a pu consulter, la 17e chambre du tribunal correctionnel estime que le tweet « participe (…) d’un débat d’intérêt général majeur relatif aux crimes commis pendant le génocide des Tutsi et au jugement de leurs auteurs ».

« Mensonges diffamatoires »



« Ce message à visée interpellative a été publié par une journaliste spécialisée sur la question, dit la chambre, et sa réaction s’inscrit dans le cadre de son engagement et de ses prises de position dans le débat public au sujet de la poursuite des génocidaires. » La cour considère également qu’« en dépit de son importante charge injurieuse, il doit être considéré que ce propos n’a pas dépassé les limites admissibles de la liberté d’expression ».

Cette décision fait suite à une audience, tenue deux jours plus tôt pendant plus de sept heures, toujours à la chambre de la presse. Lundi 13 mars, les journalistes Benoît Collombat, de la cellule investigation de Radio France, et Laurent Larcher, spécialiste de l’Afrique au journal La Croix et auteur du livre Rwanda, ils parlent (Seuil, 2019), étaient poursuivis pour complicité de diffamation. Guillaume Victor-Thomas, ex-employé de la société Spairops, leur
reproche d’avoir diffusé le témoignage d’un humanitaire disant avoir assisté, à l’aéroport de Goma (Zaïre) en août 1994, à des livraisons d’armes effectuées par lui.

Le jugement sera rendu le 23 mai, un mois après un nouveau procès. Les 20 et 21 avril, Annie Faure, docteure au sein de l’ONG Médecins du monde pendant le génocide, comparaîtra après une plainte d’Hubert Védrine, aussi auteur d’une attestation en faveur de Guillaume Victor-Thomas. En 2019, sur France Inter, elle avait pointé la responsabilité de l’ex-secrétaire général de l’Elysée dans la tragédie rwandaise. « C’est lui qui a accepté ou fermé les yeux sur la livraison d’armes et la protection des génocidaires », avait-elle déclaré.

En mai 2022, Hubert Védrine a gagné un procès en diffamation contre Guillaume Ancel à la suite d’une série d’articles publiés sur son blog. La 17e chambre a condamné l’ancien officier français à 2 000 euros d’amende avec sursis. « Il n’y a pas de volonté d’engager des procédures spécifiquement contre des journalistes, mais uniquement contre des auteurs qui diffusent de virulents mensonges diffamatoires », fait savoir Hubert Védrine, qui a porté plainte contre l’ancien journaliste du Figaro Patrick de Saint-Exupéry pour son livre La Traversée (Les Arènes, 2021), avec un procès prévu pour 2024.

« M. Védrine prend la place des sept militaires Français qui ont déjà poursuivi mon client après la parution d’un ouvrage [Complices de l’inavouable (Les Arènes, 2009)] et donné lieu à un nombre sidérant de procédures, dit l’avocat de l’auteur, Vincent Tolédano. Ces procès en diffamation donnent à ceux qui les gagnent un blanc-seing ou une sorte de certificat d’innocence. »

« Accélération des procédures »



Cette d’affaires [sic] montre que, deux ans après le rapport Duclert de mars 2021, établi par une commission d’historiens sur la base des archives de l’Etat pour étudier le rôle de la France au Rwanda de 1990 à 1994, le débat reste vif devant les tribunaux. « Il y a une accélération actuelle des procédures, mais ces dernières ne sont pas nouvelles », estime l’historien Vincent Duclert.

« Pour les affaires de diffamation ou d’injure publique, les plaintes débouchent presque systématiquement sur des procès, poursuit l’historien. L’expression sur les réseaux sociaux fournit aussi de nombreuses occasions de plainte… Notre commission est restée sur un strict domaine historique. L’éventuelle qualification pénale relevée pour certaines autorités françaises n’est donc pas tranchée. »

Depuis 2017, la loi sur la liberté de la presse punit le fait de nier, minorer ou banaliser tous les génocides, et pas seulement celui des juifs. En mai 2022, Natacha Polony, éditorialiste à Marianne, était la première à comparaître en France pour « contestation de l’existence de crime contre l’humanité » au Rwanda, après des propos sur France Inter. Poursuivie par des associations de victimes du génocide, elle a été relaxée.
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fgtquery v.1.9, 9 février 2024