Fiche du document numéro 31743

Num
31743
Date
Mardi 27 avril 2021
Amj
Auteur
Auteur
Fichier
Taille
296475
Pages
13
Urlorg
Titre
« Do not mislead ! » Ou une réflexion sur l’enquête d’une journaliste qui a fini en un étrange réquisitoire anti-Kagame
Nom cité
Mot-clé
Type
Blog
Langue
FR
Citation
« My friends, you can tell any lie about me ; you are free to do so. You can pile up tons of lies ; it won’t change me, absolutely not. It won’t change this country to be what you want it to be. It doesn’t matter how many lies. That I can promise you[1]. »
Président Paul Kagame

La parution du dernier livre[2] de Michela Wrong, le 30 mars 2021, a été précédée de plusieurs recensions qui ont été publiées dans différents journaux anglophones. Il ne serait pas erroné d’affirmer que les lecteurs ont été littéralement submergés de critiques très favorables à l’égard de ce livre, avant même qu’ils aient pu se faire eux-mêmes leur humble avis là-dessus.

Do not Disturb de Michela Wrong y a été qualifié de “livre courageux et formidable”[3] ou encore de “nouveau livre dévastateur”[4] pour Paul Kagame, l’actuel président du Rwanda. Susan Thomson a rejoint ces premières évaluations en écrivant une recension particulièrement enthousiaste, parvenant avec peine à dissimuler sa joie et hâte à accueillir ce qu’elle a désigné de “master class du journalisme d’investigation”[5]. Cela étant, la plupart de ces articles ne se limite qu’à résumer, voire à paraphraser certains points développés dans l’ouvrage de Michela Wrong. Toute discussion sur les faits mentionnés et sur la validité des sources censées étayer les arguments de la journaliste britannique, est quasiment absente. Autrement dit, Do Not Disturb de Michela Wrong a reçu un accueil en général bienveillant de ses confrères et consœurs. Ceux-ci, en effet, ne se sont guère interrogé sur les questions de fond qu’aurait pourtant dû soulever son travail. Par ailleurs, il convient de souligner le vocabulaire émotionnel souvent adopté par ces auteurs lorsqu’ils mentionnent Paul Kagame. Ce vocabulaire, qui va jusqu’à qualifier celui-ci de “monstre”, montre que leur analyse est loin de se situer au niveau d’une réflexion rationnelle. Nous le voyons, notamment, dans la recension d’Ian Birrell[6] qui se contente de reprendre à la lettre les faits tels qu’ils sont présentés dans le livre de Michela Wrong. Parmi d’autres exemples, il est étonnant de voir qu’à la fois Birrell et Wrong retiennent – sans esprit critique – l’information selon laquelle Paul Kagame aurait imposé à un collègue de divorcer sous prétexte que son épouse n’était pas suffisamment pro-rwandaise (p. 335[7]). Ceux-ci présentent, de surcroît, cette information comme une preuve du soi-disant caractère dominant / répressif du président rwandais, sans toutefois se référer à une source précise : un portrait, irréel, caricaturalement négatif, point sur lequel nous reviendrons ultérieurement.

Do not Disturb a pourtant été annoncé comme un livre de journalisme d’investigation sur l’assassinat du colonel Patrick Karegeya, survenu le 1er janvier 2014, dans une chambre d’hôtel à Johannesburg. Le titre du livre indiquait également l’intention de son auteur d’interroger de façon critique la voie empruntée par le Rwanda post-génocide. Or, peu de chapitres sont, en réalité, consacrés dans cet ouvrage à l’ancien chef du Service de sécurité extérieure qui, après avoir rompu avec le Gouvernement rwandais, vivait depuis 2007 en Afrique du Sud. Ce que, finalement, Michela Wrong nous propose plutôt, c’est une histoire du Rwanda National Congress – RNC à partir du seul point de vue de ce mouvement qu’elle présente – à tort – comme une simple opposition[8].

Pourtant, il n’est pas, non plus, possible de parler d’une véritable histoire du RNC, tant le livre de la journaliste britannique dévie souvent du thème de recherche annoncé – à savoir l’enquête sur le meurtre de Patrick Karegeya – pour se perdre dans l’explication de sujets d’importance secondaire. C’est notamment le cas de longues pages consacrées à l’histoire du National Resistance Army – NRA et de la guerre civile ougandaise. La présentation du contexte historique rwandais surgit aussi, dans le courant du texte, de façon plutôt disparate. L’auteur ayant fait le choix de ne pas centrer son propos sur l’histoire du génocide (p. 14), ces passages apparaissent quelque peu superflus. Pis encore, ceux-ci rendent difficile la lecture et le suivi du thème principal du livre portant sur Patrick Karegeya.

Enfin, le dernier tiers du livre correspond plus précisément à un “mapping”, une sorte d’énumération des crimes imputés par les négationnistes au Front patriotique rwandais-FPR. La journaliste le fait toutefois, sans y apporter de nouveaux éléments, en récapitulant le peu d’informations déjà disponibles sur ces dossiers. De même, elle appuie cette partie de son livre sur les données livrées par une poignée de témoins. Il est question toujours de mêmes témoins. Ils ont tous rompu avec le FPR et ont tous déposé un dossier de demande d’asile auprès de différents pays. Leurs témoignages posent, par conséquent, un évident problème de partialité.

On comprend, d’ailleurs, clairement, que cette partie du livre a été rédigée par la journaliste afin de contester la participation active du Rwanda aux affaires internationales (Union africaine, Francophonie, Commonwealth), tout comme le réseau de relations bilatérales que ce pays post-génocide a réussi à développer en coopération avec d’autres États. Le qualifiant de “donor darling”, Michela Wrong ne manque pas, tout au long de son livre, de critiquer le succès évident du modèle rwandais. Aux rues propres de Kigali, à l’accès au Wi-Fi dans les bus (p. 404), à la contribution du pays aux opérations de maintien de paix de l’ONU en Afrique (p. 383), aux conférences données par le président Kagame dans les universités américaines (p. 38), elle oppose le bilan des droits humains qu’elle estime très négatif. En ce sens, Michela Wrong rejoint les négationnistes, auteurs de textes faibles sur le plan scientifique, mais appelant à l’isolement du Rwanda sur la scène internationale, avec l’espoir que la mobilisation entraîne la chute de Paul Kagame.

Avant de commencer à analyser le contenu du livre, il conviendrait de souligner encore un point fort discutable concernant la prise de position adoptée par Michela Wrong dans son enquête :
« Étant donné un paysage aussi déformé par la désinformation, la propagande et le vœu pieux comme celui-ci, personne qui écrit un livre sur le Rwanda ne peut prétendre avoir dit la vérité et rien que la vérité. Tout ce qu’un écrivain peut dire [ c’est ] qu’il a fait un vaillant effort d’investigation, qu’il a fait de son mieux[9]. »

Cette ferme affirmation ne pourrait être, en réalité, qu’un avis personnel de Michela Wrong. Elle n’est certainement pas partagée, de façon unanime, par d’autres chercheurs ou journalistes. S’il peut être effectivement difficile d’interviewer l’ensemble des acteurs principaux du FPR, il existe néanmoins d’autres sources (mémoires publiés, interviews, conférences Youtube, commentaires postés sur les réseaux sociaux) qui peuvent permettre aux chercheurs d’équilibrer leur analyse. Or, cela n’est pas le choix de la journaliste britannique qui a réalisé une enquête sur “le point de vue sur lequel le moins a[urait] été écrit” (p. 8). Contrairement à ce qu’écrit Susan Thomson dans sa recension, il n’est donc pas tout à fait possible d’affirmer que Michela Wrong présente dans son livre les deux versions des faits liés à l’histoire récente du Rwanda, comme par exemple la détermination des responsabilités dans l’attentat du 6 avril 1994[10].

Michela Wrong laisse souvent échapper “sa couleur” tout au long de son texte. Déjà, le ton s’annonce-t-il lors de l’un des chapitres consacrés à l’histoire de la guerre civile ougandaise, plus précisément à l’épisode consacré à Luwero (1981-86). La journaliste britannique conclut ce chapitre en estimant que dans une guerre, aucune partie – quel que soit le bien-fondé de la cause qu’elle défend – ne peut prétendre en sortir la “conscience et les mains propres” (p. 166). L’argument, formulé pour le contexte ougandais, laisse clairement sous-entendre ici aux lecteurs du livre que le FPR aurait évidemment commis aussi des crimes.

On remarque également la prise de position de Michela Wrong lorsqu’elle évoque brièvement l’histoire du Rwanda pré-colonial : un thème exploité aussi par l’écriture négationniste sur la base de quelques rares études peu récentes[11]. Ces études sont très souvent reprises par les chercheurs dans la rédaction des premiers chapitres de leurs livres portant sur le Rwanda. Sur ce sujet précis, la journaliste britannique met en cause l’historiographie du génocide contre les Tutsi. Cette historiographie présente la période pré-coloniale comme une époque plutôt harmonieuse qui n’est pas encore profondément marquée par une définition ethniciste / divisionniste des catégories sociales Hutu-Tutsi-Twa[12] (pp. 116-118, p. 228).

De même, citant René Lemarchand, Michela Wrong estime à tort qu’il ne faudrait pas comparer la Shoah au génocide contre les Tutsi au Rwanda (Chapitre 13, note 31, p. 463). Elle justifie son point de vue en affirmant que les Juifs n’avaient pas envahi l’Allemagne avant le génocide, en bénéficiant en plus du soutien militaire et logistique d’un État voisin. Autrement dit, en faisant cette analogie, Michela Wrong réduit le mouvement du FPR, à l’instar de l’écriture négationniste, à une force d’occupation. Ce qui ne correspond aucunement à la réalité, les Tutsi et les Hutu faisant partie du même peuple rwandais. Il est absurde d’avancer l’idée qu’une partie d’un même peuple ait pu occuper l’autre : le FPR ayant par ailleurs combattu en faveur du droit du retour pour les réfugiés Tutsi.

Par ailleurs, il ne faudrait pas, non plus, oublier que la Shoah constitue toujours une référence principale dans l’écriture de l’histoire d’autres génocides, y compris ceux qui ont été commis avant la Shoah. Souvent, l’historiographie de ces génocides adopte des termes / expressions (“Solution finale”, Conférence de Wannsee, “Nuremberg”) qui sont nés dans le contexte spécifique de la Seconde Guerre mondiale. Bien évidemment, une comparaison entre la Shoah et un autre cas de génocide, ne pourrait se faire que – si et seulement si – on souligne la différence entre les contextes historiques. C’est le crime de génocide commis dans les deux cas qui est l’élément fondamental que les chercheurs essayent de mettre en parallèle.

Non seulement Michela Wrong défend une prise de position précise concernant l’histoire du Rwanda contemporain en général et l’histoire du FPR en particulier, mais elle impose aussi à ses lecteurs cette version de l’histoire qui ne reflète – après tout – que sa perception subjective :
« This is their story, whether they like it or not[13]. »
A-t-elle précisément conclu l’introduction de son ouvrage.

Le livre de Michela Wrong contient ensuite quelques maladresses et erreurs qui attestent de ce qu’elle n’a pas toujours lu attentivement les sources de son enquête. Le fait qu’elle parle, dès son introduction, de la “culture réservée” des Rwandais lui a valu un grand nombre de critiques sur les réseaux sociaux. Et il n’est pas nécessaire d’y revenir encore une fois dans le cadre de ce compte-rendu. Mais il faudrait, tout de même, rectifier une de ses références qui l’a probablement amenée à formuler ce stéréotype discutable. Michela Wrong cite, sans toutefois préciser la page, le livre de Jacques-Roger Booh Booh, alors chef de la mission de l’ONU au Rwanda, pour attribuer à Agathe Uwilingiyimana le fait d’avoir qualifié les Rwandais de “menteurs” (p. 8). Or, en feuilletant le livre en question, on peut voir que c’était Faustin Twagiramungu, et non pas Agathe Uwilingiyimana, qui, selon Jacques-Roger Booh Booh, aurait qualifié “les politiciens rwandais” de “champions du double-langage” et de “menteurs”[14].

Le fait d’écrire – noir sur blanc – que “la culture Tutsi” aurait “toujours reconnu le sexe comme l’un des outils politiques les plus efficaces” constitue une autre maladresse non-négligeable de la journaliste (p. 292). Celle-ci fait spontanément écho au stéréotype explicitement raciste / sexiste avancé par Pierre Péan dans son livre controversé Noires fureurs, blancs menteurs :
« Cette culture du mensonge s’est particulièrement développée dans la diaspora tutsie. Pour revenir “l’an prochain à Kigali”, celle-ci a pratiqué avec efficacité mensonges et manipulations. Les associations de Tutsis hors du Rwanda ont fait ainsi un très efficace lobbying pour convaincre les acteurs politiques du monde entier de la justesse de leur cause. Elles ont infiltré les principales organisations internationales, et d’aucuns, parmi leurs membres, ont su garder de très belles femmes tutsies vers des lits appropriés… »[15]
Le livre de Michela Wrong contient, également, un certain nombre d’erreurs dont quelques-unes sont d’importance mineure. La journaliste se trompe, notamment, en présentant Joseph Sebarenzi comme un survivant du génocide contre les Tutsi (p. 307) puisque celui-ci se trouvait, le 6 avril 1994, à Detroit – Michigan[16]. Il est rentré au Rwanda une année environ après le génocide. De même, contrairement à ce qu’écrit Michela Wrong (p. 192), le programme[17] en huit points adopté par le FPR en 1987 incluait bien un objectif de démocratisation (Point 8). D’autre part, il privilégiait le terme d’unité nationale et non pas encore celui de “réconciliation nationale” : à cette époque précise, il n’était pas encore question de ressouder le peuple rwandais après le retour des réfugiés Hutu dans le pays. Dans le contexte précédant le génocide, la priorité avait été donnée à la suppression des mesures discriminatoires contre les Tutsi qui vivaient alors dans le pays avec les Hutu. Enfin, l’âge (2 ans au lieu de 4) et la date de départ en exil (1959 alors qu’il s’agissait de 1961) [18] de Paul Kagame, tels que écrits dans son ouvrage, sont aussi erronés (p. 121).

Mis à part ces points mentionnés ci-dessus, le travail de Michela Wrong contient cependant aussi des erreurs beaucoup plus graves. L’explication de l’origine du terme Inyenzi – littéralement cafard en kinyarwanda en constitue l’une d’entre elles. Selon la journaliste britannique, ce terme aurait été choisi par les groupes de combattants issus des rangs des premiers exilés Tutsi, au début des années 60. Ceux-ci se seraient inspirés, explique-t-elle, de l’indestructibilité et de la capacité à vivre de ces insectes (p. 119). Ce qui est assez étonnant de lire de la plume d’une journaliste ayant enquêté plus d’une fois au Rwanda. Il est largement connu que le terme péjoratif d’Inyenzi a été accordé à ces combattants par le Gouvernement de Kayibanda dans l’objectif précis de les humilier. Les combattants ont alors eu recours à un jeu de mots en kinyarwanda. Ils s’étaient re-baptisés “IN-YE-NZI”, abréviation de “INgangurarugo yiYEmeje kuba ingeNZI” : un terme forgé par Aloys Ngurumbe et faisant référence à l’Ingangurarugo, une unité armée sous le mwami Kigeli Rwabugili à la fin du XIXe siècle[19].

Michela Wrong reprend, par ailleurs, un autre argument négationniste[20] selon lequel le FPR aurait refusé, vers la fin du mois d’avril, l’intervention de l’ONU visant à arrêter le génocide au Rwanda[21] (p. 242, p. 461). Une lecture attentive de la déclaration de 5 pages, rédigée au nom du FPR à New York, le 30 avril 1994, par Gerald Gahima et Claude Dusaidi, atteste toutefois exactement du contraire. L’écriture négationniste, tout comme les sites internet soutenant cette écriture, se contentent en général de mentionner les derniers paragraphes de ce document. Or, le texte en question contient une assez longue analyse de l’historique du conflit, puisant ses origines dans les années 1959-1961. Il décrit aussi la situation exacte du pays au lendemain de l’attentat du 6 avril, à savoir la perpétration de massacres contre les Tutsi, par une seule partie au conflit armé. Ce faisant, le FPR critique dans ce document l’attitude de l’ONU, qui avec son effectif de 2500 casques bleus, n’a su offrir une protection aux civils rwandais depuis le déclenchement du génocide. Étant alors opposé à une intervention militaire de l’ONU qui pourrait se transformer en un soutien aux génocidaires, le FPR déclarait, néanmoins, accueillir favorablement une aide de la part de cette organisation internationale dans la gestion de la crise humanitaire provoquée par le génocide.

Il est évident que cette déclaration du 30 avril devrait être lue avec d’autres documents qui ont été élaborés dans les jours ayant suivi l’attentat du 6 avril :
« Le FPR comprend que les États-Unis, la France et la Belgique décident de rapatrier leurs ressortissants pris dans l’engrenage de la violence. Il rappelle que ces pays se sont engagés à son égard à limiter le mandat de leurs troupes à cette seule mission humanitaire. La durée de leur présence dans notre pays doit rester raisonnable. L’expérience nous a appris que certains pays manient le double langage et ne respectent pas la parole donnée. Le FPR refusera de cautionner ceux qui cherchent à transformer de prétendues missions humanitaires en assistance militaire à des régimes autocratiques à bout de course[22]. »

Ce communiqué de presse exprime, encore une fois, la méfiance justifiée du FPR à l’égard de l’intervention de forces étrangères – qui comme on le verra avec l’Opération Turquoise – risquerait de fournir une aide au Gouvernement intérimaire, voire aux génocidaires. Le même document explique que trois États occidentaux avaient prévu de monter une opération ponctuelle dans le seul objectif de rapatrier leurs propres ressortissants Il n’a donc jamais été question de sauver des civils rwandais. D’autant plus que c’est le représentant permanent du Rwanda aux Nations Unies (c’est-à-dire le représentant du Gouvernement intérimaire génocidaire) qui, le 19 avril, a demandé une intervention de l’ONU en vue de mettre fin au “chaos” régnant dans son pays[23].

Enfin, la lettre adressée par le Secrétaire général Boutros Boutros-Ghali au Conseil de sécurité de l’ONU, le 29 avril 1994, souligne clairement l’impossibilité pour la MINUAR d’intervenir au Rwanda, même avec un mandat révisé, à cause de l’intensification des combats entre le FPR et les Forces armées rwandaises-FAR de l’époque. Les deux parties n’ayant plus confiance en l’ONU, une telle coopération paraissait plus qu’improbable, selon Boutros-Ghali qui clôt sa lettre sur une ultime proposition de solution :
« C’est pourquoi je prie instamment le Conseil de sécurité de réexaminer les décisions qu’il a prises dans sa résolution 912 et d’examiner à nouveau quelles mesures, y compris le recours à la force, il pourrait prendre ou pourrait autoriser les États membres à prendre, afin de rétablir l’ordre public et de mettre fin aux massacres. En faisant cette recommandation, je suis, bien entendu, conscient que de telles mesures nécessiteraient des États membres qu’ils y consacrent des ressources humaines et matérielles, d’une importance telle qu’ils se sont montrés jusqu’ici peu disposés à y songer. Mais je suis convaincu que l’ampleur des souffrances humaines au Rwanda et ses conséquences pour la stabilité des pays voisins ne laissent pas au Conseil de sécurité d’autre choix que d’examiner cette possibilité[24]. »

En bref, même s’il avait envisagé de le faire, le FPR ne pouvait s’opposer à une intervention militaire de l’ONU, puisque l’ONU n’avait ni les moyens, ni la détermination politique de mettre en œuvre une telle mission.

Il est, par ailleurs, décevant de noter que Michela Wrong n’hésite pas à citer, dans son livre, des sources négationnistes, peu fiables, telles que Jambonews, Robin Philpot ou Judi Rever. Il est d’autant plus étonnant de la voir citer Judi Rever parce que la journaliste britannique relate la plupart des thèmes liés au Génocide contre les Tutsi radicalement différente que sa collègue canadienne. On peut le remarquer, par exemple, lorsqu’elle aborde le sujet des camps de réfugiés établis le long de la frontière entre le Rwanda et le Congo / Zaïre en 1994 vers la fin du génocide. Michela Wrong parle de camps qui se trouvaient sous le contrôle de milices et d’ex-FAR (p. 244) et des attaques contre le Rwanda menées à partir de ces lieux (pp. 295-296). Le rapatriement des réfugiés Hutu au Rwanda est également relaté dans le livre de façon correcte. Michela Wrong n’oublie pas de préciser, à ce propos, le choix de réfugiés impliqués dans le génocide de prendre plutôt la direction opposée au Rwanda, vers l’intérieur des forêts congolaises denses (pp. 298-299). Elle mentionne aussi les jeunes Hutu qui ont intégré la nouvelle Armée rwandaise à leur retour au pays (p. 303). Judi Rever parle, en revanche, dans son livre et ses interviews, de l’assassinat de ces jeunes Hutu par le FPR. Elle passe sous silence la présence et l’influence de génocidaires dans les camps de réfugiés au Congo / Zaïre. Elle n’hésite pas, non plus, à présenter les attaques des infiltrés comme de pseudo-opérations qui auraient été conduites par le FPR lui-même, afin de justifier une intervention militaire du Rwanda au Congo[25].

Cela dit, on peut noter, parfois, chez ces deux auteures, un même goût pour le drame, à savoir le récit, peu crédible, attribuant au Gouvernement rwandais actuel, par l’intermédiaire de ses ambassades, de prétendus pouvoirs et ambitions d’espionnage contre les opposants rwandais vivant à l’extérieur du pays (p. 80). De même, les pressions qu’exercerait le Gouvernement de Paul Kagame sur les journalistes et chercheurs étrangers qui critiquent sa politique paraissent plus qu’exagérées. À titre d’exemple, Michela Wrong raconte dans son livre comment elle a dû rédiger son texte sur un ordinateur, en permanence déconnecté d’Internet, afin de contrecarrer les tentatives du Gouvernement rwandais de mettre la main sur ce document (p. 12). En lisant ces passages, on ne peut s’empêcher de se demander si Michela Wrong n’avait pas initialement plutôt envisagé de rédiger un deuxième roman – en imitant quelque peu maladroitement son ami John Le Carré – au lieu de préparer un véritable livre de journalisme d’investigation. Ce genre de réaction que l’on retrouve aussi chez Judi Rever et Anjan Sundaram, frôle le ridicule. Il donne aussi une idée assez précise de ces auteurs qui prennent trop au sérieux leur travail : celui-ci manque pourtant de sources convaincantes qui leur permettraient d’étayer leurs arguments problématiques.

Mais le livre de Michela Wrong présente, sans aucun doute, deux points faibles qui transforment son travail du statut d’enquête journalistique en un véritable “livre à thèse” : un texte dont l’objectif précis est de discréditer et d’isoler le Rwanda sur la scène internationale.

Premier point faible qui rapproche l’enquête de Michela Wrong de nouveau de l’écriture négationniste : son adhésion à l’idée qu’il existe une soi-disant “histoire officielle du génocide” qui aurait été imposée par le FPR, à la fois aux Rwandais et à la communauté internationale (p. 384, p. 472.) Autrement dit, il s’agirait quasiment d’un “pacte faustien” en ce sens que le Rwanda sous le gouvernement du président Paul Kagame aurait opté pour la paix et la stabilité au détriment de la liberté (p. 439).

Selon Michela Wrong, la communauté internationale serait tout entière acquise à cette “histoire officielle du génocide”. La culpabilité, en particulier, ressentie par les pays occidentaux en raison de leur inaction durant le génocide (p. 383) y jouerait un grand rôle, tout comme la contribution active du Rwanda aux opérations de maintien de paix de l’ONU en Afrique. Michela Wrong défend ensuite l’existence d’un certain contrôle du FPR sur le récit historique véhiculé auprès des journalistes étrangers. Cela étant, contrairement à Judi Rever[26], elle ne va pas jusqu’à qualifier ce prétendu contrôle de quasi-surveillance des rescapés dont la parole serait orientée par le FPR. Sur ce point précis, Michela Wrong mentionne, en appui à sa thèse, l’accueil des journalistes étrangers par les Inkotanyi à Mulindi durant les mois du génocide. Ces journalistes avaient pu, en effet, se déplacer au Rwanda qui était alors déchiré à la fois par la guerre civile et le génocide, grâce aux membres du FPR. Ces derniers avaient, non seulement, assuré leur sécurité sur le territoire rwandais, mais ils leur avaient aussi procuré une aide alimentaire et de transport. Selon Michela Wrong, les journalistes étrangers auraient reçu de la part des membres du FPR, en sus de cette assistance, une version autorisée de l’histoire à transmettre aux médias internationales (p. 246). Si chaque État-nation se forge effectivement une sorte d’histoire officielle, cela n’est vrai que dans une moindre mesure dans le cas précis du Rwanda post-génocide. Ce n’est pas le FPR mais bien les témoignages des rescapés du Génocide contre les Tutsi qui se trouvent à l’origine de l’historiographie qualifiée d’officielle par les négationnistes. D’autant plus que nombre d’ouvrages reposant sur une enquête, réalisée par les auteurs, en plein génocide et avec l’aide du FPR, constituent des publications indépendantes, voire critiques[27].

Dans ces circonstances, il n’est guère étonnant de voir que ceux qui mentionnent l’existence d’une “histoire officielle du génocide” n’hésitent pas, non plus, à critiquer les témoignages des rescapés de ce génocide. C’est notamment le cas de Susan Thomson qui parle de récits écrits en vue de “choquer et d’horrifier” le lecteur, tout en risquant de présenter des versions simplifiées de l’histoire[28]. Toujours selon elle, seuls les rescapés appartenant à l’élite du pays auraient pris la plume afin de mettre par écrit leur vécu traumatisant[29]. Dans cette même perspective, elle va jusqu’à recommander aux chercheurs de se référer plutôt à des témoins comme Marie-Béatrice Umutesi qui, selon elle, seraient moins écoutés[30]. Or, celle-ci ayant précisément poursuivi une partie de ses études en Belgique, pourrait être considérée comme appartenant à la prétendue élite rwandaise que Susan Thomson dénonce.

Bien entendu, lorsqu’il est question d’un crime de génocide qui, par définition, vise tous les membres d’un groupe défini selon un critère précis – le fait d’être Tutsi dans le cas rwandais – aucun membre du groupe concerné n’a pu échapper aux massacres. Tout chercheur ayant étudié le témoignage des rescapés sait que ceux-ci ont souvent recours à des ghost writers qui les aident à ordonner leur pensée et à rédiger leurs mémoires. Quel que soit leur niveau d’éducation, les rescapés peuvent être réticents à l’idée de devoir faire ce travail. Ils craignent, par exemple, de ne pas être crus ou appréhendent de devoir revivre l’expérience traumatique. Mais, en même temps, ils peuvent prendre la décision de surmonter ces réticences. Soit pour donner à leurs proches assassinés, dont ils n’ont pu retrouver les corps, un mémorial en papier. Soit parce que c’est une façon qui leur permet de transmettre, à leurs propres enfants, leurs témoignages sur le génocide et sur leurs vies avant 1994. Dans tous les cas, leurs choix renvoient à des motifs humains qui n’entretiennent aucun rapport avec des critères sociaux-économiques.

L’historiographie du Génocide contre les Tutsi ne peut donc être taxée d’officielle dans la mesure où elle se fonde sur ces témoignages de rescapés. Ce fait, pourtant, est parfois ignoré par les chercheurs qui travaillent sur le Rwanda. Nous citerons, encore une fois, Susan Thomson qui n’hésite pas à réduire le compte-rendu qu’elle a rédigé pour le livre d’une de ses collègues à une seule remarque, celle de ne s’être pas montré assez critique à l’égard de “l’histoire officielle” du Rwanda[31]. Presqu’aucune autre remarque n’a été formulée vis-à-vis de cette étude qui s’est pourtant appuyée sur une enquête de terrain bien plus détaillée que celle réalisée par Susan Thomson (soit 54 entretiens contre 37). Cette attitude partiale risque d’étouffer dans l’œuf tout débat sur l’histoire récente du Rwanda, en empêchant l’évaluation objective des travaux qui ne diabolisent pas le FPR. Acceptant l’existence d’une “histoire officielle” qui serait imposée par le FPR, Michela Wrong souscrit donc aussi à cette approche partiale.

Deuxième point faible : la journaliste britannique peint un portrait caricaturalement négatif de Paul Kagame, sur la base de sources anonymes ou de témoins très subjectifs[32] qui lui sont hostiles. Michela Wrong résume le portrait qu’elle attribue à Paul Kagame en le décrivant comme étant « [p]as le plus intelligent, pas le plus courageux et certainement pas le plus charismatique[33] » parmi tous les membres du FPR.

Ce faisant, elle oppose ce portrait, tout au long du livre, à une biographie quelque peu inventée de Fred Gisa Rwigema (p. 183, p. 442) : inventée dans le sens où Michela Wrong attribue parfois à Fred Rwigema des actes et des paroles invraisemblables. Plusieurs exemples pourraient être cités du livre. Mais nous nous limiterons à n’en mentionner que quelques-uns.

Premièrement, l’argument dominant, tout au long du livre, consiste à inculquer – sans relâche – aux lecteurs l’idée selon laquelle Paul Kagame n’aurait jamais dû être le leader du FPR (p. 182). Sa biographie est d’autant plus placée, de façon permanente, sous l’ombre de celle de Fred Rwigema. En effet, il est souvent question de rappeler aux lecteurs que le Rwanda aurait connu un destin radicalement différent sous le leadership de Fred Rwigema (p. 185). Le fait que le Rwanda d’aujourd’hui ne correspondrait pas à l’idéal de ce dernier est un autre argument, assez répétitif, imposé aux lecteurs (p. 249, p. 418).

Sur ce sujet précis, Michela Wrong va jusqu’à retenir une anecdote racontée par Faustin Kayumba Nyamwasa. Selon cette anecdote, Fred G. Rwigema aurait laissé une sorte de testament à ses camarades qu’il avait invités chez lui à Kololo, peu de temps avant le déclenchement de la Guerre d’octobre 1990. Il leur aurait alors conseillé de placer leur confiance dans Salim Saleh, le frère de Yoweri Museveni, au cas où il lui arriverait quelque chose (p. 201).

Il est d’importance capitale d’approcher avec prudence de telles informations subjectives et de ne pas les présenter comme la vérité. Ce que fait pourtant Michela Wrong au sujet de son portrait problématique consacré à Paul Kagame. On peut citer un autre exemple retenu par la journaliste pour l’illustrer davantage. Cette fois, il est question d’une anecdote qui concerne une cérémonie bien connue qui a eu lieu en Ouganda en 1988. Au cours de cette cérémonie, Yoweri Museveni a procédé à une remise des grades aux combattants de la NRA. Kizza Besigye, le médecin de Y. Museveni pendant la guerre civile ougandaise, est à l’origine de l’anecdote. La cérémonie, selon lui, aurait été marquée par une confrontation entre Fred G. Rwigema, en attente de son grade, et le président Juvénal Habyarimana qui, en tant que chef d’État invité, était ce jour-là également présent :
« Debout, droit, Fred a établi un contact visuel délibéré avec le vieil homme agité [Habyarimana] alors qu’il acceptait sa décoration en tant que général de division. Voyez ce que sont devenus les enfants réfugiés d’antan, lisez le message dans ses yeux. Nous viendrons vous chercher[34]. »

Or, la vidéo de cette cérémonie disponible sur Youtube, si elle montre le président Habyarimana plutôt mal à l’aise, Fred G. Rwigema y apparaît, au contraire, tout à fait serein. Il regarde droit devant lui et ne semble pas avoir ressenti le besoin d’affronter de quelle que manière que ce soit le président Habyarimana[35].

Exceptées ces anecdotes présentées comme des faits, Michela Wrong retient aussi dans son livre un certain nombre d’informations que l’on ne pourrait qualifier que de ridicules, voire d’enfantines. Tantôt il est question d’un Kagame qui verrait de la concurrence dans une fête organisée en l’honneur de l’épouse de Fred Rwigema de peur de rester de nouveau sous l’ombre de son camarade décédé (p. 344). Il se serait aussi opposé avec véhémence à la coopération professionnelle entre Leah Karegeya et Jeannette Gisa (p. 355). Tantôt le même Kagame aurait fait déboucher une bouteille de champagne lorsqu’on lui aurait apporté la montre de Patrick Karegeya : la soi-disant preuve que la mission de son assassinat qu’il aurait commanditée aurait été accomplie avec succès (pp. 28-29). Le livre contient encore plusieurs autres exemples de ce genre qui ne reposent sur aucune source crédible.

Il est fort étonnant de constater ce résultat obtenu par Michela Wrong à la fin de son enquête, composée pourtant d’entretiens réalisés sur une longue période avec des acteurs de l’histoire rwandaise qu’elle a, pour la plupart des cas, rencontrés plus d’une fois dans sa carrière professionnelle. Même un livre écrit du seul point de vue du RNC aurait pu présenter un certain intérêt pour les études portant sur la région des Grands Lacs, malgré l’existence d’autres sources provenant déjà de membres de ce mouvement[36].

À ce sujet précis, il convient de souligner un point important. Les données collectées par Michela Wrong peuvent, certes, lui permettre de reconstituer l’histoire de la découverte de l’assassinat de Patrick Karegeya par ses proches. Celles-ci rendent également possible le récit d’une histoire de l’impact de cet assassinat sur la famille de l’ancien chef du Service de sécurité extérieure. Mais, comme on vient de le voir, la journaliste ne dispose pas de données suffisamment solides pour dresser le portrait caricaturalement négatif qu’elle attribue à Paul Kagame. Ce qui transforme donc son ouvrage en un “livre à thèse” qui – à la fin du texte – va jusqu’à prédire un avenir sombre pour le président actuel du Rwanda : “l’arrestation brusque de l’aube, l’armée mécontente dans les rues, l’annonce radiophonique des mutins” (p. 441).

Mais quoi que caricatural et fort subjectif, même lorsque Michela Wrong paraphrase Faustin Kayumba Nyamwasa, en pensant révéler – selon elle – un autre défaut de Paul Kagame, elle ne se rend probablement pas compte qu’elle produit assez souvent le contraire de l’effet recherché. Un lecteur attentif s’interrogera plutôt sur l’attitude de Patrick Karegeya qui, ayant rompu avec son pays et vivant en Afrique du Sud, n’a pas hésité à transmettre des informations sur le Rwanda aux Services de sécurité d’autres États (p. 95). Le lecteur ne prendra pas forcément ses distances avec celui qui est présenté dans le livre, toujours en paraphrasant le propos de Faustin Kayumba Nyamwasa, comme “l’un des gamins de rue” anodins parmi d’autres (p. 136) ou, plus exactement, l’un des jeunes ayant gagné honnêtement sa vie en faisant du commerce dans la rue. C’est ce même jeune rwandais, qui a grandi en exil, qui n’a pas pu poursuivre ses études universitaires faute de ressources financières (p. 288) que nous retrouvons au lendemain de la mort de son camarade Fred Gisa Rwigema. Il changera d’abord le destin du FPR, avant de changer celui du Rwanda. Et là – c’est le seul mérite du livre de Michela Wrong – son travail nous fait comprendre – une nouvelle fois – l’urgence qu’il y a à écrire une véritable histoire du FPR et de Paul Kagame. Ce que Michela Wrong a échoué à faire.

This is definitely not their story. Whether she likes it or not.






[1] Extrait du discours prononcé, le 7 avril 2021, dans le cadre du 27e anniversaire de la commémoration du Génocide contre les Tutsi au Rwanda – Kwibuka27.[ https://www.paulkagame.com/address-by-president-paul-kagame-kwibuka27-kigali-7-april-2021/]

[2] WRONG Michela, Do not Disturb. The Story of a Political Murder and an African Regime Gone Bad, Londres, 4th Estate, 2021, 570 p.

[3] SHAKESPEARE Nicholas, « The Making of a Monster : Paul Kagame’s Bloodstained Past » in The Spectator, le 27 mars 2021. [https://www.spectator.co.uk/article/the-making-of-a-monster-paul-kagame-s-bloodstained-past]

[4] BEAUMONT Peter, « “We Choose Good Guys and Bad Guys” : Beneath The Myth of “Model” Rwanda » in The Guardian, le 19 mars 2021. [https://www.theguardian.com/global-development/2021/mar/19/we-choose-good-guys-and-bad-guys-beneath-the-myth-of-model-rwanda]

[5] THOMSON Susan, « Rwanda is Eating Its Own (aka Why You Should Read Do Not Disturb) » in African Arguments, le 9 mars 2021. https://africanarguments.org/2021/03/rwanda-is-eating-its-own-aka-why-you-should-read-do-not-disturb/]

[6] BIRRELL Ian, « Do Not Disturb By Michela Wrong Review – The Making of a Monster » in The Times, le 20 mars 2021. [https://www.thetimes.co.uk/article/do-not-disturb-by-michela-wrong-review-pcnh2gfsh]

[7] Les références entre parenthèses renvoient au livre de Michela Wrong.

[8] Le RNC, un mouvement parapluie visant à rassembler différents groupes s’opposant au Gouvernement rwandais actuel, a été officiellement fondé en décembre 2010 au cours d’une conférence à Bethesda, près de Washington. Le texte fondateur de 35 pages, intitulé Rwanda Briefing, en décrit l’orientation politique initiale. Ce document a été signé en août 2010 par Patrick Karegeya, Faustin Kayumba Nyamwasa, Theogene Rudasingwa et Gerald Gahima. La présence de milices armées au sein du mouvement, ayant pour objectif déclaré de renverser le Gouvernement rwandais actuel, le disqualifie nettement du champ politique d’opposition.

[9] WRONG Michela, op. cit., p. 13.

[10] Interview de Michela Wrong réalisée par Susan Thomson, le 16 mars 2021, sur la chaîne de New Books Network. [https://newbooksnetwork.com/do-not-disturb]

[11] L’ouvrage de Jan Vansina est l’une des principales références ayant permis à certains chercheurs de parvenir à cette conclusion discutable. VANSINA Jan, Antecedents to Modern Rwanda. The Nyiginya Kingdom, Madison-Wisconsin, The University of Wisconsin Press, 2004, 354 p.

[12]Le témoignage de Tharcisse Seminega, rescapé du génocide contre les Tutsi, inclut un passage expliquant avec précision la nature des relations entre Hutu et Tutsi avant la période coloniale au Rwanda. Voir, notamment, SEMINEGA Tharcisse, L’amour qui enraya la haine. Comment ma famille survécut au génocide du Rwanda, Esch-sur-Alzette, Éditions Shortgen, 2019, livre numérique, pp. 22-23. Tharcisse Seminega ne présente pas la période du Rwanda pré-colonial comme une époque qui n’aurait connu aucun conflit. Cela dit, il ne manque pas de préciser la différence existant entre ces conflits et celui qui revêtira une toute autre ampleur à partir de la période coloniale belge. Contrairement à l’écriture négationniste qui aime mettre en avant l’idée d’une “féodalité Tutsie”, on comprend, grâce à ce témoignage, que les Tutsi, non plus, n’étaient pas exclus d’accomplir un travail de serviteur à cette époque précise.

[13] WRONG Michela, op. cit., p. 14.

[14] BOOH BOOH Jacques-Roger, Le patron de Dallaire parle. Révélations sur les dérives d’un général de l’ONU au Rwanda, Paris, Éditions Duboiris, 2005, p. 46.

[15] PÉAN Pierre, Noires fureurs, blancs menteurs. Rwanda 1990-1994, Paris, Mille et une nuits, 2005, p. 44.

[16] SEBARENZI Joseph, God Sleeps in Rwanda. A Journey of Transformation, New York-Londres, Atria Books, 2009, livre numérique, pp. 80-81.

[17] Cf. Le Programme politique du FPR, version française, nouvelle édition de mars 1991, 21 p. [https://francegenocidetutsi.org/ProgrammeFPRmars1991.html.fr]

[18] SOUDAN François, Kagame. Conversations with the President of Rwanda, New York-Paris, Enigma Books et Nouveau Monde Éditions, 2015, livre numérique, pp. 18-20.

[19] THOMPSON Allan, The Media and the Rwanda Genocide, Londres-Ann Arbor Michigan, Pluto Press, 2007, p. 84.

[20] Le fait que le FPR aurait prévu de mettre en application une politique de nettoyage ethnique constitue un autre argument négationniste. Selon cet argument, le FPR aurait commis des massacres de civils Hutu en vue de récupérer leurs territoires et d’y installer des Tutsi exilés. Michela Wrong retient aussi cet argument dans son livre, sans toutefois l’étayer de preuves convaincantes (p. 245, pp. 269-270).

[21] Charles Onana est l’un des auteurs défendant ce point de vue discutable. Cf. L’interview de Charles Onana réalisée, le 30 octobre 2020, par Louise Uwacu Ausares dans le cadre de son émission Youtube U&I Talk Show. [https://www.youtube.com/watch?v=-d2Q-oa8xmA]

[22] Cf. Le communiqué de presse du 9 avril 1994, signé au nom du FPR par James Rwego. [https://francegenocidetutsi.org/RwegoFprBruxelles9avril1994.pdf]

[23] Cf. Le rapport spécial du Secrétaire général sur la mission des Nations Unies pour l’assistance au Rwanda, le 20 avril 1992, p. 4, point 14. [https://francegenocidetutsi.org/sg-1994-470fr.pdf] Ce rapport a été soumis au Conseil de sécurité de l’ONU.

[24] Lettre de Boutros Boutros-Ghali adressée, le 29 avril 2021, au président du Conseil de sécurité de l’ONU. [https://francegenocidetutsi.org/sg-1994-518fr.pdf]

[25] REVER Judi, In praise of Blood. The Crimes of the Rwandan Patriotic Front, Toronto, Random House Canada, 2018, livre numérique, p. 131.

[26] REVER Judi, Rwanda. L’éloge du sang. Les crimes du Front patriotique rwandais, Chevilly-Larue, Max Milo, 2020, p. 210.

[27] Voir, à titre d’exemple, SEHENE Benjamin, Le piège ethnique, Paris, Dagorno, 1999, 222 p ou KEANE Fergal, Season of Blood. A Rwandan Journey, Londres, Penguin Books, livre numérique, 1996.

[28] Cf. THOMSON Susan, Whispering Truth to Power. Everyday Resistance to Reconciliation in Postgenocide Rwanda, Madison-Wisconsin, The University of Wisconsin Press, 2013, livre numérique, Loc. 807.

[29] Ibid., Loc. 811.

[30] Ibid., Loc. 815-819. Voir aussi UMUTESI Marie Béatrice, Surviving the Slaughter. The Ordeal of a Rwandan Refugee in Zaire, Madison-Wisconsin, The University of Wisconsin Press, livre numérique, 2004.

[31] Cf. La recension du livre de Caroline Williamson Sinalo par Susan Thomson publiée dans The Journal of Modern African Studies, volume 57, numéro 3, septembre 2019, pp. 487-488. Le livre en question est : SINALO WILLIAMSON Caroline, Rwanda after Genocide. Gender, Identity and Post-Traumatic Growth, Cambridge, Cambridge University Press, 2018, 240 p.

[32] Il s’agit, notamment, des proches de Patrick Karegeya (son épouse, sa mère, son frère, sa fille, son neuveu) et d’anciens membres du FPR ayant rompu avec le mouvement (comme Theogene Rudasingwa, Faustin Kayumba Nyamwasa, Kennedy Gihana, etc.)

[33] WRONG Michela, op. cit., p. 287.

[34] WRONG Michela, op. cit., p. 197.

[35] [https://www.youtube.com/watch?v=CQAMomhkNuk&t=191s] ; voir entre les minutes 2.44 et 3.15.

[36] Il faudrait évidemment nuancer la valeur de l’ensemble de ces sources pour la recherche historique. D’un côté, on peut voir un témoignage comme celui de Theogene Rudasingwa où, tout au long du texte, le récit de sa vie est noyé dans une analyse politique peu intéressante. Cf. RUDASINGWA Theogene, Guérison d’une nation. Un témoignage, CreateSpace Independant Publishing Platform, 2014, livre numérique. D’un autre côté, on peut trouver aussi, parmi ces sources, une biographie bien rédigée par un journaliste, par exemple celle de Kennedy Gihana écrite par Jacques Pauw, même si l’ensemble atteste d’un net parti pris dans la présentation des faits liés à l’histoire récente du Rwanda. Cf. PAUW Jacques, Rat Roads. One Man’s Incredible Journey, Cape Town, Zebra Press, 2012, livre numérique.


[Source :
https://gateteviews.rw/do-not-mislead-ou-une-reflexion-sur-lenquete-dune-journaliste-qui-a-fini-en-un-etrange-requisitoire-anti-kagame/]
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