Fiche du document numéro 31658

Num
31658
Date
Vendredi 1er juillet 1994
Amj
Auteur
Fichier
Taille
21167
Pages
2
Titre
Opération Turquoise : la France reste seule dans une intervention risquée
Nom cité
Nom cité
Nom cité
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Mot-clé
COS
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Source
AFP
Fonds d'archives
Type
Dépêche d'agence
Langue
FR
Citation
PARIS, 1er juil - Une semaine après leur arrivée au Rwanda, les militaires français restent bien seuls -- malgré l'appui d'une quarantaine de Sénégalais -- dans une "opération humanitaire" et non d'"interposition" risquée, qui révèle chaque jour des difficultés insoupçonnées.

Jusqu'à présent, et dans une zone strictement limitée à l'ouest du pays, leur mission principale a consisté à évaluer d'une manière qui se veut neutre les besoins des personnes déplacées, tutsis comme hutus, fuyant les massacres engendrés par la guerre civile.

Les premiers rôles de l'opération Turquoise ont été naturellement dévolus -- sous les projecteurs des médias, une première ! -- aux forces spéciales, dotées en France d'un commandement spécifique depuis la guerre du Golfe (le COS : Commandement des opérations spéciales). Ces hommes d'élite, marsouins parachutistes, dragons parachutistes, commandos-marine, commandos de l'Air, et super-gendarmes, ont ainsi multiplié les incursions en territoire rwandais, parfois en restant plusieurs jours sur place malgré une mission officielle de "va et vient".

Bilan : aucun coup de feu tiré par eux ni contre eux, l'évacuation mardi par hélicoptères d'une quarantaine de religieuses menacées par des extrémistes et jeudi de plus de cent blessés tutsis, ainsi qu'un début de distribution d'aide humanitaire à une population aux besoins considérables.

Aujourd'hui, alors que les troupes régulières commencent à prendre la suite de quelque 300 commandos -- le contingent français s'élèvera à 2.500 hommes à la fin de la semaine --, l'heure est déjà à l'appel à la relève de l'opération Turquoise (qui avait été très critiquée à ses débuts) par d'autres troupes étrangères.

"La France ne peut pas tout faire toute seule", a affirmé mercredi le ministre de la Défense François Léotard au terme d'une inspection de quelques heures sur place où il était accompagné du ministre délégué à l'Action humanitaire Lucette Michaux-Chevry. Il est urgent que, "très vite", la force internationale de l'ONU "soit mise en place", a souligné de son côté le ministre de la Coopération Michel Roussin.

Situation complexe



Ces appels à l'aide interviennent alors que se profile, selon M. Léotard, le risque d'un changement d'attitude des Forces armées rwandaises (FAR), jusqu'ici très accueillantes envers une France qui avait soutenu le gouvernement à majorité hutu avant le déclenchement des combats inter-ethniques le 7 avril.

En revanche, les menaces du Front patriotique rwandais (FPR) se sont adoucies, les militaires français prenant soin de montrer leur action en faveur des populations tutsies. Des contacts diplomatiques ont déjà été pris avec les rebelles qui poursuivent leur pression pour prendre Kigali.

En principe, la France doit être relevée au Rwanda fin juillet par la MINUAR II (Mission des Nations unies pour l'assistance au Rwanda), mais le chef d'état-major des Armées françaises, l'amiral Jacques Lanxade, a déjà fait part de ses craintes de constater que "tout ceci ne soit très lent et difficile". En privé, les militaires jugent impossible de passer un relais à l'ONU en un mois.

Contrairement à une idée reçue, le paysage politique du Rwanda n'est pas coupé en deux, avec des rebelles tutsis sur les 2/3 est du pays et les forces gouvernementales sur le tiers ouest où interviennent les Français. La situation est beaucoup plus compliquée et, selon des sources informées, les rapports font de plus en plus état d'infiltrations à l'ouest du FPR.

Des bandes armées sillonnent d'autre part le pays, terrorisant la population. Cette dernière se révèle sous-alimentée, constatent également les militaires français.

Environ 800.000 personnes "déplacées" auraient été comptabilisées dans l'ouest du pays, mais les militaires français restent très prudents quant aux chiffres. Ils n'ont pour le moment reconnu qu'une petite partie du territoire et des endroits (montagnes, forêts) restent très difficiles d'accès.

prh/sh
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fgtquery v.1.9, 9 février 2024