Fiche du document numéro 31513

Num
31513
Date
Jeudi 17 décembre 1998
Amj
Fichier
Taille
30879
Pages
3
Titre
La reconnaissance d'un génocide s'impose comme une évidence
Nom cité
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MIP
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
L'attentat contre Juvénal Habyarimana « L'importance de la mort des deux présidents, Juvénal Habyarimana et Cyprien Ntaryamira, dans l'attentat du 6 avril 1994, tient à ce qu'il est considéré comme le facteur déclenchant, non seulement des massacres qui l'ont immédiatement suivi mais du génocide perpétré d'avril à juillet 1994 », note le rapport de la Mission d'information, avant de passer en revue les pistes qui permettraient d'identifier les auteurs et les commanditaires de cet attentat. Les députés retiennent deux thèses, la première incriminant le Front patriotique rwandais, la seconde, les extrémistes hutus. Le rapport n'apporte donc pas de réponse à la question fondamentale : qui a abattu l'avion présidentiel ? « Nous avons une intime conviction, mais nous ne la donnerons pas », a précisé Paul Quilès.

Le génocide



La reconnaissance d'un génocide commis à l'encontre des Tutsis au Rwanda, après le 6 avril 1994, s'impose comme une évidence. Tout concorde pour dire que l'extermination des Tutsis par les Hutus a été préparée longtemps à l'avance. L'ambassadeur Georges Martres a estimé que le génocide était prévisible dès octobre 1993 « sans toutefois qu'on puisse en imaginer l'ampleur et l'atrocité », ajoutant que « le génocide constituait une hantise quotidienne pour les Tutsis ». Avec une telle clairvoyance qui n'apparaît pas aussi clairement dans les télégrammes diplomatiques, on ne peut que s'interroger sur l'inaction de la France pour prévenir le génocide par des actions concrètes, souligne le rapport.

Opération « Noroît »



Deux jours après l'offensive lancée par le FPR depuis le territoire ougandais, la France décide, le 3 octobre 1990, de dépêcher à Kigali un détachement militaire avec une triple mission : protéger l'ambassade, assurer la protection des Français, être en mesure de les évacuer. « Sur décision du président François Mitterrand, la France maintient au-delà du terme initialement prévu la présence d'une des deux compagnies Noroît, mais réaffirme son non-engagement aux côtés des FAR ». L'opération « Noroît » dure jusqu'en décembre 1993. Le rapport souligne que « si la France n'est pas allée aux combats, elle est toutefois intervenue sur le terrain de façon extrêmement proche des FAR ».

L'opération « Amaryllis »



Au lendemain de l'attentat, le Quai d'Orsay demande à l'ambassadeur Jean-Michel Marlaud, en poste à Kigali, d'apprécier l'opportunité d'une évacuation des ressortissants français, compte tenu de la dégradation brutale de la situation. L'assassinat de deux adjudants-chefs et de l'épouse de l'un deux, portant à six le nombre des Français victimes des événements, précipite la décision. L'opération « Amaryllis » est déclenchée de façon unilatérale par la France. Strictement limitée dans le temps -- du 8 au 14 avril -- cette opération est destinée à assurer la protection et l'évacuation des ressortissants français et étrangers. Près de 1 500 personnes sont évacuées. « Le 9 avril à 17 heures le premier avion C130 décolle avec à son bord quarante-trois ressortissants français et douze membres de la famille Habyarimana », souligne le texte. Le 12 avril, l'ensemble du personnel de l'ambassade est évacué. « La France a été accusée d'avoir procédé à l'évacuation exclusive des dignitaires du régime hutu sans s'être préoccupé du sort des représentants de l'opposition hutus modérés ou tutsis et d'avoir appliqué un traitement différent aux personnels français de l'ambassade et aux personnels rwandais ».

Opération « Turquoise »



Le rapport rappelle que l'opération « Turquoise » , qui s'est déroulée du 22 juin au 22 août, se différencie des opérations précédentes, « Noroît » et « Amaryllis ». Elle concerne les Rwandais eux-mêmes et non plus les seuls ressortissants étrangers ; elle ne s'inscrit pas dans le cadre d'un accord d'assistance d'Etat à Etat. Revendiquée par la France au nom d'une exigence morale, elle est définie comme une opération humanitaire placée sous mandat de l'ONU. Elle est autorisée par la résolution 929 qui prévoit la possibilité de recourir à la force. Dénoncée par les uns comme une opération écran destinée à permettre aux FAR et aux milices de s'exfiltrer armées vers le Zaïre, en vue d'une reconquête militaire, elle a été critiquée par d'autres, comme Jean-Hervé Bradol, de Médecins sans frontières, pour avoir été, dans sa nature même, « une force neutre en période de génocide » alors qu'il aurait fallu « non pas une opération humanitaire, mais une intervention militaire française internationale pour s'opposer aux tueurs » puisque, selon lui, la convention de 1948 sur la prévention et la répression du crime de génocide s'appliquerait en la circonstance.

Les livraisons d'armes



La mission dit avoir cherché à faire précisément le point sur les livraisons d'armes de la France au Rwanda dans un cadre légal entre 1990 et le 8 avril 1994 date à laquelle toute exportation a été suspendue. Le rapport précise que la France n'a pas répondu systématiquement aux demandes de Kigali et qu'elle a refusé des appuis aériens au président Habyarimana . La presse a par ailleurs fait état d'une violation par la France de l'embargo imposé par elle le 8 avril et par l'ONU le 17 mai. Il est ainsi reproché à deux sociétés françaises d'avoir rompu l'embargo en livrant des armes via Goma, dans l'est du Zaïre.
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