Fiche du document numéro 31149

Num
31149
Date
Dimanche 25 janvier 1998
Amj
Auteur
Fichier
Taille
24316
Pages
2
Urlorg
Titre
Rompre avec un milieu familial « normalement pétainiste »
Nom cité
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Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Le petit Michel Touzet était âgé de sept ans en 1940. Dans les bras de son père, il pouvait voir, dans le jardin qui faisait face à la maison familiale du centre de Bordeaux, Philippe Pétain et Paul Reynaud faire les cent pas. « Mon père, raconte cet avocat qui défend aujourd'hui les parties civiles au procès de Maurice Papon, me disait avec émotion : « Regarde, c'est le Maréchal ! ». » Très rapidement, Michel Touzet entre en conflit avec ce milieu familial « normalement pétainiste ». Il a encore en souvenir les injustices violentes de la bourgeoisie de sa ville, « la manière dont on parlait avec les fermiers, par exemple ».

Il suit pourtant la voie paternelle : des études de droit et un cabinet d'avocat. La guerre d'Algérie sera son premier combat. Dans les organisations de la gauche catholique, comme la Jeunesse étudiante chrétienne, il milite contre la torture. Appelé sous les drapeaux, il embarque, le 11 mai 1958, dans un bateau qui doit l'emmener en tant que fantassin de deuxième classe en Algérie. Au milieu de la Méditerranée, le navire fait demi-tour et retourne à Marseille : à Alger, l'armée est en train de prendre le pouvoir. Il y retourne quelques jours plus tard. « J'ai toujours eu beaucoup de respect pour ceux qui ont déserté mais je pensais qu'il fallait être au milieu du contingent », explique-t-il.

Après avoir « normalement souffert », il rentre à Bordeaux et défend les militants du FLN. « Au barreau de Bordeaux, ironise-t-il, il n'y avait pas beaucoup d'amateurs. » Le tribunal militaire prononce de nombreuses condamnations à mort. « Heureusement, de Gaulle bloquait toutes les exécutions. » Autre cause à défendre, celle des insoumis. Viendront ensuite les gauchistes. « Davantage les maos que les trotskistes », note Michel Touzet, qui ajoute, toujours en souriant : « J'ai beaucoup d'enfants sur la place. »

En 1981, il est tout de suite intéressé par l'article du Canard enchaîné mettant en cause l'action de l'ancien secrétaire général de la préfecture de la Gironde durant l'Occupation, mais il attend 1985 pour entrer véritablement dans l'affaire Papon. Par militantisme, mais aussi parce que cette instruction était sans doute une manière de régler ses derniers comptes avec une bourgeoisie bordelaise collaborationniste. « Et puis, ajoute-t-il, dès que je vois poindre le pouvoir, je réagis. Or, l'affaire Papon, c'est d'abord une question d'autorité ! » Avec Gérard Boulanger, il défend la majorité des parties civiles. « Papon est un homme très adroit, estime aujourd'hui Me Touzet, il connaît parfaitement bien le dossier et ses failles. Mais son système de défense passe-muraille je n'existais pas à l'époque ! , s'il peut convaincre quelques jours, ne tient pas la distance. » « A ce point du procès, ajoute-t-il, étant entendu que l'initiative vient des nazis, le problème est de savoir qui a fourni les moyens et, sur ce point, nous avons beaucoup avancé depuis le début. » Quelle peine va-t-il évoquer dans sa plaidoirie ? « Sur ce point, je suis d'un classicisme rigoureux et j'estime qu'il n'est pas du ressort des parties civiles mais du parquet général. Ceci étant, j'estime qu'une peine de principe serait frustrante pour les parties civiles, d'autant que, compte tenu de la mise en liberté de Maurice Papon, la réalité de la sanction serait problématique. »

JOSE-ALAIN FRALON
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fgtquery v.1.9, 9 février 2024