Fiche du document numéro 30983

Num
30983
Date
Mardi 10 mai 1994
Amj
Hms
20:00:00
Auteur
Auteur
Fichier
Taille
23718
Pages
3
Urlorg
Surtitre
Journal de 20 heures
Titre
François Mitterrand : « Nous ne sommes pas destinés à faire la guerre partout même lorsque c'est l'horreur qui nous prend au visage »
Soustitre
[Transcription partielle de l'entretien accordé par le président de la République.]
Nom cité
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Source
Fonds d'archives
INA
Type
Transcription d'une émission de télévision
Langue
FR
Citation
Paul Amar : Monsieur le Président, la communauté internationale a réussi à arrêter, euh, l'invasion du Koweït par l'Irak, opération spectaculaire, réussie. La communauté internationale dans un premier temps est intervenue de manière efficace en Somalie. Pourquoi n'a-t-elle pas réussi à éviter ces massacres terribles qui se sont déroulés récemment au Rwanda ?

François Mitterrand : [Sur un air agacé] Ah, Rwanda maintenant ! Mais la situation n'est pas…, n'est pas la même. Pour l'Irak, je ne voudrais pas non plus faire un…, un… [sourire], un discours.

Paul Amar : Non, non, ma question porte sur le Rwanda. C'était un rappel… [inaudible] d'efficacité.

Patrick Poivre d'Arvor : Pourquoi pas de droit d'ingérence humanitaire au fond ?

François Mitterrand : Mais oui, mais oui, je comprends [sourire]. Mais… le fait que…, le fait que vous ayez dit "Irak", fait que tous ceux qui nous équipent…, qui nous écoutent, euh, pensent qu'en effet il y a eu une guerre rapide, c'est-à-dire l'Irak a dû céder…, résiste encore aujourd'hui, mais enfin il a dû céder, il a été vaincu. Et le Koweït a été libéré. Donc on se dit : "Pourquoi ne pas faire la même chose ? C'est parce qu'il y avait du pétrole là-bas, qui y'en a pas ici". Non. Il faut quand même pas être aussi simple. Euh, en Irak, il y a eu un homme, un dictateur, euh, ce…, ce…, à la tête d'une forte armée, dans un pays très nettement structuré, d'ailleurs très ancien et fort pays. Et, ayant dévoré le Koweït, l'Arabie Saoudite eût été très menacée. Et le, qu'aurait…, comment aurait résisté, euh, euh, la Syrie, comment aurait résisté la Jordanie ? Tout ce monde-là eût été sous la…, dominé par l'Irak. Bon.

Patrick Poivre d'Arvor : Mais la comparaison avec la Somalie en revanche ?

François Mitterrand : Alors, donc c'était…, donc cela touchait, à ce moment-là, et qui devenait une puissance mitoyenne d'Israël… Vous voyez tout ce que ça peut présenter de…, d'électricité dans l'air ! [Inaudible] de possibilités de conflits. Si nous avions été à l'époque où l'Union soviétique -- y'a pas si longtemps -- était encore solide, euh, ce…, cela pouvait être une menace de guerre généralisée. Et donc il faut comprendre que les précautions ont été…, aient été prises, là-bas, au Moyen-Orient, de la manière que ça a été fait. Pour le Rwanda, les choses se…, sont différentes. Humainement, elles sont du même ordre, [inaudible]…

Patrick Poivre d'Arvor : On parle de 200 000 morts !

François Mitterrand : On parle de 200 000 morts. La…, la France…, il s'agit -- n'est-ce pas, pour bien fixer les esprits -- d'une ancienne colonie belge. Et la Belgique y a fait une…, d'excellentes choses et a gardé, euh, une sorte, comme pays européen, une sorte de, je dirais pas de tutelle, mais disons de compagnonnage avec le Rwanda, euh, un peu préférentiel. Mais la France, comme c'est un pays francophone, la France a été constamment, euh, appelée au secours. Et nous y avons en…, envoyé des soldats, à la fois pour aider à sauvegarder nos compatriotes qui vivent au Rwanda et sauvegarder en même temps ce que nous avons fait. Euh, les Belges et toutes nationalités, euh, européennes qui se trouvaient là et qui faisaient appel à nous. Mais nous n'avons pas envoyé une armée pour combattre ! Nous n'étions pas là-bas pour…, pour faire la guerre.

Patrick Poivre d'Arvor : Mais pour vous interposer peut-être ?

François Mitterrand : Non. Nous ne sommes pas destinés à faire la guerre partout, euh, même lorsque c'est…, c'est l'horreur qui nous prend, euh, au visage. Nous ne sommes…, nous n'avons pas le moyen de le faire et nos soldats ne peuvent pas être les arbitres internationaux des passions qui aujourd'hui bouleversent et déchirent tant et tant de pays.

Paul Amar : Monsieur le Président, sur…

François Mitterrand : Bon, alors, n…, nous restons -- il peut y avoir un aspect positif maintenant --, nous restons à la disposition des Nations unies. Si les Nations unies, qui s'étaient emparées de ce problème, mais qui, euh, devant la violence des…, des combats, l'assassinat des…, des deux Présidents du Rwanda et du Burundi, euh, et l'a…, les avancées du mouvement de…, d'opposition, appuyé, basé sur, euh, le pays voisin, l'Ouganda. Tout ça à cause des affinités ethniques. Euh, ce…, les Nations unies se…, se sont retirées ! Eh bien nous n'avons pas à nous substituer ! Ce n'est pas notre rôle. Nous sommes à la disposition. Nous voulons bien être les bons soldats de la paix pour les Nations unies. Mais faut qu'on nous le demande, il faut que ça s'organise. Il faut qu'il y en ait d'autres à nos côtés.

Paul Amar : Monsieur le Président, on le voit bien [fin de l'extrait].
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