Fiche du document numéro 30904

Num
30904
Date
Novembre 1994
Amj
Fichier
Taille
4924198
Pages
9
Titre
Résultats de l'enquête sur l'assassinat des Présidents Cyprien Ntaryamira du Burundi et Juvénal Habyarimana du Rwanda, le 06 avril 1994. (Source : Document de la Central Intelligence Agency - "CIA" - USA)
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Mot-clé
Cote
D6595
Type
Rapport
Langue
FR
Citation
RÉSULTATS DE L'ENQUETE SUR L'ASSASSINAT DES PRESI EN /S
Cyprien NTARYAMIRA du BURUNDI et Juvénal E{ABYARIMANA du
RWANDA, LE 06 AVRIL 1994. (Source: Document de la Central
Intelligence Agency - "CIA" - USA)

SECRET

I.

INTRODUCTION.

Tout asassinat d'un être humain est un acte extrêmement
répudiable et socialement grave. De là, le soin et la
méticulosité avec lesquels ont été menées nos recherches, toutes
les informations qui ont été transmises ont été vérifiées, par
_a technique de la contre-mesure, auprès des personnes qui
:directement ou indirectement ont été en relation avec les faits
présentés.
La I.S.T.O. avait des informations de source de confiance
ue le mercenaire d'origine marocaine, Edmond MEGUIR.A, avait été
La main criminelle dans cet attentat. Il nous restait seulement
corroborer cette information par une source digne de confiance
•qui n'était au courant des informations que nous possédions.
Au début du mois de Septembre 1993, notre Organisation avait
pris connaissance qu'une organisation américaine, offrant des
services similaires aux nôtres, avait été mandaté par Monsieur
Faustin TWAGIRAMUNGU pour la confection d'un document destiné au
Ministère de la Défense Française (lettre du Général KAGAME au
Ministre LEOTARD). Cette information nous a conduit, dans un
premier temps, au Ministère de la Défense française et par la
suite au Cabinet du Premier Ministre.

Ii. DEBUT DES ELUCUBRATIONS.

J6S9S12
2
Le 24 octobre 1993, le Chef des forces du F.P.R., le Général
Paul KAGAME, dépose une lettre, contenant plus de 20 pages, au
Ministère de la Défense française, adressée au Ministre de la
:!éfense de ce pays, Mr François LEOTARD.
La lettre a été portée, en main propre, par un individu qui
-se présentait comme étant d'origine rwandaise et s'enregistrant
sous le nom de François HAKUZIMANA. Dans cette lettre, le Général
Paul KAGAME accuse le Gouvernement belge d'être responsable
historique de la situation des TUTSI au Rwanda.
I1 rapela à Mr Léotard qu'en 1972, la France avait donné son
appui au Président Tutsi du Burundi, Mr Michel MICOMBERO, et que
celui-ci, en aucun momen- avait démontré de l'ingratitude envers
la France.
Plus loin dans sa lettre il affirme: "L'appui de la France
lors des offensives de 1990 et 1993, au Président HABYARIMANA a
été octroyé, en fonction des raisons personnels, par le Président
MITERRAND, dû à l'amitié et à la sympathie entre son fils JeanChristophe Miterrand et le fils d'Habyarimana, Jean-Luc, et non
pas en fonction des intérêts de la France. Seulement, un
Gouvernement du F.P.R. pourra en réalité servir à ses intérets.
La France ne pourra, pendant longtemps, soutenir ouvertement un
régime qui viole à chaque jour les droits humains et massacre le
meilleur de son peuple."
Le point fort de cette lettre "signée" par le Général Paul
KAGAME est le suivant: "Je suis assuré de l'aide et de l'appui
inconditionnel des Etats-Unis à la cause du F.P.R., mais je me
pose une question, pourquoi recourir aux Américains si étrangers
à nos souffrances?"
Un Gouvernement du F.P.R. au pouvoir, installera la

^6S9S k
3
démocratie et la justice au Rwanda, en s'appuyant sur
l'expérience et les recommandations de son principal allié. Un
Gouvernement du F.P.R. retournera dans le plus bref délai à
Arusha pour négocier, cette fois-ci, un vrai partage des pouvoirs
étant la seule façon de garantir la paix au pays.

Une copie de cette lettre a été remise à Mr Charles PASQUA,
Ministre de l'Intérieur de la France, qui voit à ce moment-là
seulement, le danger pour les intérêts de la France d'une
alliance F.P.R. - USA en croyant. sur parole le "bluff" de Kagame.
"En aucun cas nous pouvons nous permettre de prendre un tel
risque", dit Pasqua en réunion avec Balladur.
Avec la prise du pouvoir par le F.P.R. ou avec le
Gouvernement du Président Juvénal HABYARIMANA, "Il s'agit de
changer de camp au bon moment".
C'est dans cet esprit que "Charlie" dépose au Cabinet du
Premier Ministre une copie du dossier comprenant une copie de la
lettre de Kagame à Mr Léotard, son plan stratégique dans lequel
il désigne les officiels de la D.G.S.E.: Cyrille LAFORTUNE et
Michel BILLET comme étant les responsables de l'opération de
manipulation de Kagame et il recommande l'utilisation de la Mafia
slave pour procurer au F.P.R. du matériel de combat soviétique
et ainsi rester dans l'ombre. Aucun matériel français ne doit
être livré au F.P.R..
Cette initiative a été extra-officiellement approuvée par
le Premier Ministre Balladur. "Le tout doit rester chez vous, si
(-n me demande, je ne sais rien. Le Vieux (Mitterrand) ne devra
être au courant de rien pour le moment.
C'est ainsi qu'une petite livraison d'armes légères a été

b^s1q; I't
4

livrée au F.P.R.:
500 Fusils d'assaut de fabrication soviétique AK 47;
30.000 Cartouches;
1.000 Chargeurs de 30 Cartouches avec des étuis de
-

transport;
Quelques Canes de lubrifiant et de solvant à poudre.

Ces armes furent achetées à KIEV, à un haut officier de
l'armée ukrainienne et furent transportées par bateau jusqu'au
port de LAMU au Kenya et de-là jusqu'en Ouganda.
Ce fut l'officier de la D.G.S.E. Michel BILLET qui se
chargea de l'opération d'entrée du matériel au Kenya et de son
transport jusqu'en Ouganda, ce fut le 27 novembre 1993.
Trois semaines plus tard, soit le 20 décembre 1993,
l'Officier de la D.G.S.E., BILLET, dans son rapport à Pasqua,
signale que "la livraison n'a pas donné jusqu'à présent les
résultats escomptés". Rien n'a changé dans la corrélation des
forces sur le théatre des opérations.
Or, Pasqua, déjà engagé dans l'opération "La Marseillaise"
(Soudan-Algérie) a besoin d'une "onde de choc" assez puissante,
susceptible de porter à la méditation le Soudan et exige "dans
les plus brefs délais" une proposition de la part des Officiers
Billet et Lafortune à cet égard.

III. QUELQUES COMPLICATIONS.
Le "Groupe de surveillance de la région" (Service
d'intelligence belge) basé au Zaïre, reçoit les informations de
1K livraison des armes à Kagame, par l'intermédiaire de la France
et informe immédiatement leurs supérieurs à Bruxelles, lesquels
envoient une lettre de protestation adressée à Balladur. Les

L,ss
5
neiges exigent de celui-ci de "rester à l'écart d'un conflit
qu'ils tiennent sous contrôle".
Balladur répond qu'il n'est pas au courant d'une telle
opération et"demande des informations plus précises avec les
preuves nécessaires lui permettant de prendre les mesures
nécessaires si "Charlie" avait pris une telle initiative sans son
autorisation. Face à une telle réponse, les Belges furent
convaincus que la France s'apprêtait à tremper , dans la région,
dans un double jeu.

Is

D6s^s I L
6

Pour sa part, Balladur interdit à Pasqua d'effectuer
d'autres livraisons au F.P.R. et exigea beaucoup de "finesse"
sans l'opération.
IV. LES RECOMMANDATIONS BILLET LAFORTUNE.
-

Les Officiers Billet et Lafortune remettent un document
conjoint à Pasqua, le 7 janvier 1994, dans lequel ils
recommandent de préparer une opération ayant comme objectif
principal de provoquer une violente crise interne au Rwanda, de
laquelle il découlera une réaction excessive du Gouvernement
Rwandais et qui apportera comme conséquence:
a)
b)

La perte du pouvoir du Président HABYARIMANA;
La neutralisation définitive de KAGAME.

L'un ou l'autre des scénarios laisseront les Américains hors
de la région, :nais hors de toute doute, le scénario "A" saura
redorer le blason de la France, si terni dans ce conflit pour son
appui à Habyarimana.
Ce n'est qu'à la suite du document Billet-Lafortune que
Miterrand a pris connaissance du dossier, lequel a recommandé
vivement qu'il soit confié à Pasqua "qui devra le mener dans la
plus grande discrétion".
Aucun autre membre du Cabinet n'a eu connaissance du
complot, et même les agents de la D.G.S.E., basés à Kigali, n'ont
jamais été mis au courant des événements, malgré leurs soupçons
dus aux déplacements de Billet et Lafortune.
Le 12 janvier 1994, une rencontre a eu lieu entre le Général
Kagame et les Officiers Billet et Lafortune. Ils cherchaient à
connaitre les plans futurs du F.P.R. sous le couvert de "voir
comment la France pouvait les aider". C'est ce jour-là, le 12
janvier 1994, que l'idée de l'assassinat du Président Habyarimana

_
^6S4S li'
7

n été exposé par le Général Kagame aux Officiers Billet et
Lafortune .

Cette idée d'assassinat, lorsqu'elle fut transmise à Pasqua,
a été accueilie par celui-ci avec beaucoup d'enthousiasme "en
effet, l'assassinat du Président provoquera une situation de
chaos et de perte de contrôle des autorités sur la population
Hutu, laquelle devra effectuer des tueries, des vandalismes,
etc..., mais en même temps développera, chez eux, le besoin de
l'extermination totale du F.P.R."_

Il a été évident, qu'à aucun moment, Pasqua avait désiré la
prise du pouvoir par le F.P.R. et que les effets causés par
l'assassinat du Président aient dépassé largement ses prévisions.
Celles-ci furent tellement graves qu'il se vit incapable de rien
faire.

V.

LE PIEGE ETAIT TENDU.

Une fois le complot d'assassinat accepté par Pasqua, Billet
et Lafortune rencontrent à nouveau, le 12 février, Kagame, dans
un endroit situé prêt de la frontière Ougando-Rwandaise.
Dans cette rencontre, ils expliquent à Kagame les ressources
nécesaires pour la préparation de tout l'attentat, à savoir: Les
informations sur les déplacements futurs du Président, le choix
de l'endroit, les armes à utiliser et surtout recruter la ou les
personnes qui l'exécuteront.
Pendant cet entretien, Kagame se montre complètement
incapable d'émettre, avec précision, de quels éléments
logistiques et humains dont il dispose pour effectuer une telle
entreprise. Chose à laquelle les Français s'attendaient afin
d'avoir le maximum de contrôle sur l'opération qui ne "doit pas

8
échouer en aucun temps". Telles sont les ordres.
C'est ainsi que déguisés en bons samaritains, les Officiers
Billet et Lafortune s'offriront à Kagame comme "collaborateurs
dans le complot, en signe de bonne foi".

A la fin du mois de février, les agents Billet et Lafortune
transmettent une étude opérationnelle à Kagame où il est proposé
l'établissement d'un point d'observation sur l'aéroport de
Kigali, lequel tient comme mission principale de rapporter une
éventuelle sortie du Président Habyarimana et d'identifier avec
précision tous les détails techniques de l'appareil utilisé. Le
plan est déjà établi, abattre l'appareil à son retour, à un point
donné.
Ils demandent à Kagame les hommes nécessaires pour
l'exécution. Pasqua a été informé immédiatement du plan, donnant
une réponse négative à la participation des Rwandais dans
l'exécution du plan. Susceptible de mettre en lumière la
participation française et faire échouer l'attentat, c'est ainsi
qu'un mercenaire français d'origine marocaine, ex-légionnaire
avec un large passé criminel, est recruté pour presser le bouton.
Edmond MEGUIRA fut payé 60.000 S US pour exécuter
l'assassinat, il ne manquait que faire rentrer au pays l'arme
choisi: un lance-missile portatif anti-aérien à tête chercheuse
de fabrication soviétique.
Le lance-missile, ainsi qu'Edmond MEGUIRA, sont arrivés à
Kigali à mi-mars 1994.
Il ne restait qu'à attendre l'information de la sortie du
Président, identifier l'appareil et obtenir les informations sur
la destination. Les données topographiques de navigation pour le
retour, sur plusieurs destinations avaient déjà été préparées et

9

h

les points de tir choisis.
VI. L'ATTENTAT.

Dans l'après-midi du 5 avril 1994, l'agent de la D.G.S.E.
Billet confirme à Méguira, le corridor de navigation de retour
de l'avion du Président et immédiatement c'est le départ vers le
point de tir pré-choisi.
Le 6 avril 1994, un missile de fabrication soviétique met
fin aux vies des Présidents Ntaryamira et Habyarimana.
La façon par laquelle l'attentat a été exécuté, a été choisi
en fonction du haut degré de sécurité qu'offre Méguira, réduisant
ainsi au minimum les chances de sa capture physique' et
garantissant ainsi la confidentialité des personnages sinistres
impliqués.

"Je n'hésiterais pas à prendre aucun risque pour servir les
intérêts de la France".
Charles PASQUA.

FIN.
Haut

fgtquery v.1.9, 9 février 2024