Fiche du document numéro 30395

Num
30395
Date
Mardi 12 juillet 2022
Amj
Auteur
Fichier
Taille
30809
Pages
3
Urlorg
Titre
Le préfet rwandais condamné à 20 ans pour complicité de génocide à Paris
Soustitre
Jugé à Paris depuis le 9 mai pour génocide et crimes contre l’humanité, l’ex-préfet de la province de Gikongoro Laurent Bucyibaruta a été condamné mardi soir à vingt ans de réclusion uniquement pour complicité. Un verdict en apparence clément mais qui vaut condamnation à perpétuité en raison de l’âge de l’accusé (78 ans) et de son mauvais état de santé.
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Mot-clé
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Jusqu’au bout, ses avocats Maîtres Levy et Biju-Duval ont espéré l’acquittement. Mais trop de faux-fuyants, de contradictions et d’évidents mensonges ont, audience après audience, fissuré les fortifications érigées par l’accusé. Vingt-huit ans après le génocide des Tutsi, ce champion des prolongations de présomption d’innocence est tombé. Les jurés se sont mis d’accord pour estimer que si la preuve n’a pas été apportée que si Laurent Bucyibaruta figurait parmi les auteurs principaux des tueries dans la préfecture de Gikongoro, où quelque 120 00 Tutsi ont péri en 1994, il les avait cautionnées de son autorité. A aucun moment, même pas lorsqu’il a bénéficié de la protection de l’opération « militaro-humanitaire » Turquoise, Laurent Bucyibaruta n’a appelé à la fin des tueries. D’où le verdict de 20 années de réclusion pour complicité de génocide et de crimes contre l’humanité. Un verdict qui fera date, même si l’accusé interjette appel. A l’époque du génocide, un préfet était une sorte de vice-président de la République dans son ressort administratif, comme l’avait rappelé l’ancien procureur de Kigali François-Xavier Nsanzuwera. Laurent Bucyibaruta est à ce jour le plus important dignitaire de l’ancien Etat rwandais condamné pour génocide en France.

Le préfet était tout-puissant dans son ressort administratif



La cour d’assises de Paris chargée de le juger a vécu un véritable marathon judiciaire qui lui a fait explorer toute l’organisation d’un génocide en deux mois d’audiences et 115 témoins entendus. L’ex-préfet rwandais a tenté de donner le change, se présentant les premiers jours en fauteuil roulant, puis en marchant de plus en plus facilement avec une canne. Laurent Bucyibaruta comparaissait libre. On pouvait croiser dans les couloirs de l’ancien Palais de Justice de Paris cet homme tranquille accusé du crime des crimes, un massacre de masse « qui dépasse l’entendement », dira l’une des avocates des parties civiles, s’avouant hantée par les récits de tueries d’une particulière cruauté où morts et blessés, du bébé au vieillard, sont poussés au bulldozer dans les fosses communes, et beaucoup enterrés vivants.

Bucyibaruta, à la façon d’un Maurice Papon, d’un René Bousquet ou d’un Jean Legay



Laurent Bucyibaruta ne savait rien, ne voulait rien voir, et s’il déplorait, c’était secrètement. Il était un haut-fonctionnaire exemplaire, habile à se défausser de ses responsabilités au nom du devoir d’obéissance et d’un aveuglement sélectif, à la façon d’un Maurice Papon, d’un René Bousquet ou d’un Jean Legay, serviteurs zélés de la « solution finale du problème juif » du régime de Vichy. Des hauts fonctionnaires français considérés à leurs débuts comme brillants, qui se prétendirent incapables d’avoir perçu l’absolue radicalité du nazisme, ni de comprendre leur devoir.

Tous les services de l’Etat rwandais ont été mobilisés au service du génocide



Laurent Bucyibaruta ? « Un préfet, bon fonctionnaire, zélé, […] nommé par le président de la République », et qui était lui-même « président dans sa province », soulignera Céline Viguier l’une des deux avocates générales. Au service du génocide des Tutsi en 1994 au Rwanda. Sa collègue Sophie Havard enfoncera le clou : « Tous les services de l’Etat ont été mobilisés ». Une journée durant, les deux représentantes du ministère public décortiqueront minutieusement le mécanisme de l’éradication des Tutsi du Rwanda, qui n’a pas été moins efficace que la machine nazie. Un million de tués en trois mois au Rwanda, autant qu’en un an à Auschwitz… Auparavant les avocats des parties civiles, notamment Me Gilles Paruelle et Me Simon Foreman avaient taillé en pièces les thèses de l’accusé (nous y reviendrons).

Le temps presse pour que la justice française fasse comparaître les autres suspects de génocide qui vivent en France



C’était le cinquième procès pour génocide à se dérouler devant la justice française. Le CPCR, partie civile au côté d’autres associations (Survie, la FIDH, Ibuka, la Licra, la CRF), représentait également une quarantaine de personnes physiques qui ont souhaité se constituer partie civile à leurs côtés pour que justice leur soit rendue « sans haine ni vengeance ». Partie civile dès les première plaintes contre Laurent Bucyibaruta repéré en France en l’an 2000, l’association Survie a salué la condamnation de l’ancien préfet tout en soulignant que « le temps presse pour que la justice française accomplisse son devoir ».

Le Collectif des Parties civiles pour le Rwanda (CPCR) dirigé par Dafroza et Alain Gauthier, a identifié plus d’une soixantaine de suspects de génocide qui séjournent France, dont certains ont obtenu très vite et de façon surprenante la nationalité française. Notons que le CPCR était présent chaque jour au procès et a publié quotidiennement des comptes rendus d’audience afin que tous ceux qui ne pouvaient assister au procès puissent en suivre le déroulement.
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fgtquery v.1.9, 9 février 2024