Fiche du document numéro 30297

Num
30297
Date
Lundi 20 juin 2022
Amj
Fichier
Taille
70361
Pages
3
Urlorg
Sur titre
International
Titre
La Belgique restitue une « relique » de Patrice Lumumba à la République démocratique du Congo
Sous titre
Cette cérémonie intervient après un voyage du roi Philippe en RDC, au cours duquel il a répété ses « plus profonds regrets » pour les « blessures » de la période coloniale.
Nom cité
Lieu cité
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Roland Lumumba, l’un des fils de Patrice Lumumba, lors d’une conférence de presse à l’ambassade congolaise à Bruxelles, le 17 juin 2022. KENZO TRIBOUILLARD / AFP

La Belgique restitue lundi 20 juin à la République démocratique du Congo (RDC) une dent de Patrice Lumumba qui a valeur de « relique » et qui doit permettre d’offrir aux Congolais un lieu dédié à la mémoire de leur ex-premier ministre, torturé puis abattu en 1961.

Cet assassinat, suivi de l’élimination du corps, démembré et dissous dans l’acide, constitue une des pages les plus sombres de la relation entre la Belgique et son ancienne colonie, devenue indépendante le 30 juin 1960. Il fait toujours l’objet d’une enquête judiciaire à Bruxelles pour « crime de guerre » après la plainte déposée en 2011 par François Lumumba, le fils aîné du leader assassiné, qui a mis en avant les responsabilités d’une dizaine de fonctionnaires et diplomates belges.

La dent est restituée dans le cadre de cette procédure. Le dossier s’était épaissi en 2016 avec une plainte pour « recel », les proches voyant là l’unique moyen de faire saisir ce reste humain par la justice. La dent avait été conservée comme souvenir par un policier belge qui avait participé à la disparition du corps et qui s’en était vanté dans les médias.


Lundi matin, honorant son engagement de 2020, le procureur fédéral Frédéric Van Leeuw a remis aux enfants de Patrice Lumumba « l’écrin contenant la dent » appartenant à leur père, lors d’une cérémonie « privée ». « Je vous remercie pour les démarches judiciaires que vous avez entreprises parce que, sans ces démarches, on n’en serait pas là aujourd’hui, cela a permis à la justice de notre pays de pouvoir avancer », a déclaré M. Van Leeuw en remettant ce coffret bleu vif qui devait ensuite être placé dans un cercueil.

Il faisait face à une dizaine de membres de la famille Lumumba, sous les ors du palais d’Egmont à Bruxelles. Un des fils s’est saisi du coffret, sans s’exprimer. Une cérémonie officielle, présidée par les premiers ministres belge et congolais, était programmée après la restitution. A l’issue de la cérémonie, l’écrin devait être transporté à l’ambassade de RDC, avant d’être acheminé vers Kinshasa mardi soir après un hommage de la communauté afrodescendante à Bruxelles.

Evoquant la procédure judiciaire en cours pour « crime de guerre », à la suite de la plainte déposée, en 2011, par la famille pour éclaircir les conditions de l’assassinat de Patrice Lumumba, Frédéric Van Leeuw a ajouté : « Je m’engage évidemment avec le juge d’instruction à continuer à essayer d’avancer (…). Cela reste un combat. »

A l’occasion de cette restitution et devant son homologue congolais, Jean-Michel Sama Lukonde, le premier ministre belge, Alexander De Croo, a renouvelé lundi les « excuses » de la Belgique pour la responsabilité de certains dirigeants et fonctionnaires de l’ex-puissance coloniale dans l’assassinat du héros de l’indépendance congolais, au Katanga, en 1961. « Cette responsabilité morale du gouvernement belge, nous l’avons reconnue et je la répète à nouveau en ce jour officiel d’adieu de la Belgique à Patrice Emery Lumumba. Je souhaiterais ici, en présence de sa famille, présenter à mon tour les excuses du gouvernement belge pour la manière dont il a pesé sur la décision de mettre fin aux jours du premier ministre du pays », a affirmé M. De Croo.
Un mémorial en construction à Kinshasa

Héros de l’indépendance devenu premier ministre de l’ancien Congo belge (l’ex-Zaïre, aujourd’hui République démocratique du Congo), Patrice Lumumba a été renversé dès septembre 1960 par un coup d’Etat. Il a été exécuté le 17 janvier 1961 avec deux frères d’armes par des séparatistes de la région du Katanga, avec l’appui de mercenaires belges.

Perçu comme prosoviétique par Washington en pleine guerre froide, considéré comme une menace pour les intérêts économiques occidentaux au Congo, il a acquis après sa mort la stature d’un champion africain de l’anti-impérialisme. « Lumumba devint en un rien de temps un martyr de la décolonisation, un héros pour tous les opprimés de la Terre », a résumé David Van Reybrouck dans son livre Congo, une histoire.

Pour sa famille, il est resté un père ou un grand-père auquel il n’a pas été possible de dire adieu. « Les années passent et notre père demeure un mort sans oraison funèbre », écrivait en 2020 sa fille Juliana dans une lettre au roi des Belges, Philippe, en réclamant « le juste retour des reliques ».


La restitution doit permettre aux proches d’achever leur deuil et au pouvoir congolais d’ériger un mémorial en cours de construction à Kinshasa, sur un grand axe où s’élève déjà une statue du héros national. De source congolaise, une cérémonie d’inhumation doit y être organisée le 30 juin, date anniversaire de l’indépendance. Tout au long de la semaine précédente, le cercueil aura marqué des haltes sur les lieux emblématiques du parcours personnel et politique de l’ancien leader.

« Nouveau moment charnière » dans la relation entre les deux pays, selon le premier ministre belge, la restitution intervient juste après un voyage de six jours du roi Philippe en RDC, début juin – son premier déplacement dans l’ex-colonie –, au cours duquel il a réitéré ses « plus profonds regrets » pour les « blessures » de la période coloniale. Lundi matin, avant la cérémonie de restitution, Philippe devait avoir une entrevue avec les enfants Lumumba au Palais royal. Une rencontre forte en symboles pour le descendant du roi Léopold II, dont la monarchie a désormais admis qu’il avait institué à la fin du XIXe siècle au Congo « un régime marqué par le paternalisme, les discriminations et le racisme ».

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Le Monde avec AFP
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