Fiche du document numéro 29879

Num
29879
Date
Mardi 12 avril 1994
Amj
Hms
13:00:00
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Taille
15367509
Pages
0
Surtitre
Journal de 13 heures [4:29]
Titre
À Kigali, les combattants sont désormais face à face, livrés à eux-mêmes et à leur folie sanguinaire. On se bat avec des armes de toutes sortes, qu'elles soient modernes ou à la machette
Soustitre
L'état-major français craint qu'une nouvelle offensive du FPR n'entraîne une débandade de l'armée rwandaise, qui pourrait alors être tentée de se mettre sous la protection des forces françaises.
Nom cité
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Résumé
- In Rwanda, France, which has repatriated all of its residents, is closing its embassy in Kigali, as have the other countries present in this capital.

- In Kigali, the fighters are now face to face, left to their own devices and their bloodthirsty madness. The dead numbered in the hundreds or even in the thousands, the wounded in any case in the thousands. We fight with weapons of all kinds, whether modern or machete.

- Early this morning, the French ambassador lowered the flag that was flying above his embassy and it was accompanied by an impressive military escort that he went to the airport. The time to give some instructions to Colonel Poncet who directs the evacuations, the time to say goodbye and thank you, he rushed into a Transall with the other employees of the embassy. At 7:45 a.m., there was not a single Frenchman left in Rwanda.

- Throughout the morning, the military continued operations to evacuate foreigners. While one battalion went to recover three Canadian Sisters in the middle of the countryside, others supported the Belgian soldiers in the city center.

- An hour ago all the French soldiers were repatriated to the airport, their mission is over. There is still one uncertainty: when will they leave? Here the staff fears that a new RPF offensive will lead to a rout of the Rwandan army. A Rwandan army that could be tempted to put itself under the protection of French forces. A very delicate hypothesis to manage.

- Especially since time is running out: this morning the RPF took up position on all the hills surrounding Kigali. Very determined soldiers, ready to pay the price with blood for the terrible massacres of these last days. After the departure of the foreigners, Rwanda seems more than ever destined for chaos.

- At the same time the Rwandan government fled the capital Kigali which is now practically in the hands of the revolutionary forces.

- The French community in Rwanda and practically all foreign residents have therefore left the country. The last ones arrived very early this morning at Roissy. And first a group of 94 orphans taken in by the Red Cross and who lived in an orphanage in Kigali.

- They fled the orphanage in half an hour, loaded into cars, into French army trucks. They left Rwanda without knowing where they were going. Their flight stopped last night at Roissy airport. The situation was becoming too dangerous: twice already, men had invaded the orphanage and killed nine staff members in front of the children. Sister Edith Budynek: "They came with rifles, pistols, machetes, sticks. The first time they came to our house, Friday [April 8], the first thing we asked for was the 'money. We've been emptied of our cash register".

- At three o'clock in the morning, wrapped in blankets, the children crossed Paris, towards Créteil. The 94 children and the thirty people who accompany them have been taken care of by the Red Cross. For now, they are housed in a France Terre d'Asile home. A temporary situation for the director of the orphanage who does not despair of returning soon with the children to their country.

- A few hours later, still at Roissy, tears of relief. 375 French and a hundred foreigners arrive from Bujumbura. All lived cloistered for several days in the midst of bombardments and crossfire. It was only when they reached the airport that they saw the extent of the massacres.

- For the most part aid workers, these French people were aware of the existing tensions between Hutu and Tutsi, the two ethnic groups of Rwanda. A cooperator: "It had already been foreseeable for some time. And I think that the President's death started it all. It had to explode. And I think it's not over, it's not for tomorrow".< br/>
- With the support of paratroopers, all the French who wanted to leave Rwanda have now been evacuated.
Source
Fonds d'archives
INA
Type
Journal télévisé
Langue
FR
Citation
[Daniel Bilalian :] Au Rwanda, la France, qui a rapatrié la totalité de ses résidents, ferme son ambassade à Kigali, comme l'ont fait les autres pays présents dans cette capitale.

Euh, les…, à Kigali, les combattants sont désormais, donc, face à face, livrés à eux-mêmes et à leur folie sanguinaire. Les morts se comptent par centaines, voire par milliers -- les blessés en tout cas par milliers. On se bat avec des armes de toutes sortes, qu'elles soient modernes ou à la machette. Sur place, nos envoyés spéciaux, euh, Philippe Boisserie, Marcel Martin.

[Philippe Boisserie, envoyé spécial à Kigali, par téléphone :] Tôt ce matin, l'ambassadeur de France a replié le drapeau qui flottait au-dessus de son ambassade et c'est accompagné d'une impressionnante escorte militaire qu'il s'est rendu à l'aéroport. Le temps de passer quelques consignes au colonel Poncet qui dirige les évacuations, le temps de lui dire au revoir et merci, il s'est engouffré dans un Transall avec les autres employés de l'ambassade. À 7 h 45, il n'y avait plus un seul Français au Rwanda.

Durant toute la matinée, les militaires ont poursuivi les opérations d'évacuation des étrangers. Pendant qu'un bataillon allait récupérer trois Sœurs canadiennes en pleine campagne, d'autres épaulaient les soldats belges en centre-ville [on voit des militaires français en train d'organiser le rapatriement de civils].

Il y a une heure tous les soldats français ont été rapatriés à l'aéroport, leur mission est terminée. Reste encore une incertitude : quand partiront-ils ? Ici l'état-major craint qu'une nouvelle offensive du FPR n'entraîne une débandade de l'armée rwandaise. Une armée rwandaise qui pourrait être tentée de se mettre sous la protection des forces françaises. Une hypothèse très délicate à gérer [on voit des militaires français en train d'évacuer des civils en assurant leur protection].

Surtout que le temps presse : ce matin le FPR prenait position sur toutes les collines entourant Kigali. Des soldats très déterminés et prêts à faire payer au prix du sang les terribles massacres de ces derniers jours [diffusion d'images d'archives montrant des soldats du FPR]. Après le départ des étrangers, le Rwanda semble plus que jamais promis au chaos [diffusion de la célèbre scène de massacre filmée par Nick Hughes depuis l'école française Saint-Exupéry].

[Daniel Bilalian :] Et à l'instant même, euh, le gouvernement rwandais a fui la capitale Kigali qui est donc maintenant, euh, pratiquement aux mains des forces révolutionnaires.

La communauté française du Rwanda et pratiquement tous les résidents étrangers sont donc sortis du pays. Les derniers sont arrivés ce matin très tôt à Roissy. Et d'abord un groupe de 94 orphelins recueillis par la Croix-Rouge et qui vivaient dans un orphelinat de Kigali. Reportage Caroline Laudrin, Valérie Gaget.

[Caroline Laudrin :] Ils ont fui l'orphelinat en une demi-heure, embarqués dans des voitures, dans des camions de l'armée française. Ils ont quitté le Rwanda sans savoir où ils allaient. Leur fuite s'est arrêtée cette nuit à l'aéroport de Roissy. La situation devenait trop dangereuse : à deux reprises déjà, des hommes avaient envahi l'orphelinat et tué neuf membres du personnel sous les yeux des enfants [on voit des membres de la Croix-Rouge dans le hall d'arrivée de l'aéroport tenant les orphelins dans leurs bras].

[Une Sœur répond aux journalistes [il s'agit de la Sœur Edith Budynek, la directrice de l'orphelinat Sainte-Agathe] : "Ils sont venus avec, euh…, carabines aussi, les pistolets, les machettes, les…, les bâtons. Première chose…, première fois qu'ils sont rentrés chez nous, vendredi [8 avril], première chose qu'on a demandé : l'argent. On nous a vidé notre caisse".]

À trois heures du matin, emmitouflés dans des couvertures, les enfants traversaient Paris, direction Créteil [on les enfants et leurs accompagnateurs monter dans un bus]. Fifi -- c'est le nom qu'elle se donne -- fait partie des enfants qui ont perdu leurs parents lors des derniers combats [gros plan sur l'enfant qui fait un signe de la main].

[Caroline Laudrin : - "Vous avez eu peur, vous ?". Une Sœur : - "Oh bien sûr ! On ne pouvait pas plus supporter [sic] la situation".]

Les 94 enfants et la trentaine de personnes qui les accompagnent ont été pris en charge par la Croix-Rouge. Pour l'instant, ils sont hébergés dans un foyer de France Terre d'Asile. Une situation provisoire pour la directrice de cet orphelinat qui ne désespère pas de repartir bientôt avec les enfants dans leur pays [on voit les enfants et leurs accompagnateurs s'installer dans le centre d'accueil].

Quelques heures plus tard, toujours à Roissy, les larmes du soulagement. 375 Français et une centaine d'étrangers arrivent de Bujumbura [on voit une foule massée devant le hall d'arrivée de l'aéroport ; une femme s'adresse à son amie en lui disant : "Michèle, Michèle, Michèle !" puis la prend dans ses bras]. Tous ont vécu cloîtrés pendant plusieurs jours au milieu des bombardements, des tirs croisés. Ce n'est qu'en gagnant l'aéroport qu'ils ont constaté l'étendue des massacres [on voit des gens se prendre dans les bras].

[Yves Pare, "Attaché commercial auprès Ambassade" : "Quand on a pu passer, quitter les maisons, on a vu des…, des…, des cadavres, euh…, par terre. Ça c'est clair. Mais assister, non, de nos yeux, non. On était à la maison, euh…, euh, terrés chez nous".]

Pour la plupart coopérants, ces Français avaient conscience des tensions existantes entre Hutu et Tutsi, les deux ethnies du Rwanda.

[Roland Cros : "Mais c'était prévisible. C'était déjà prévisible depuis quelques temps. Et je pense que…, le décès du Président a…, a tout déclenché. Il fallait que ça explose. Et je crois que c'est pas fini, c'est pas pour demain".

Nadine Donnet, "Professeur Université Rwanda" : "Ça va se passer entre les deux factions les plus entraînées, les deux troupes d'élite des deux côtés. Et là, ça va être très dur. Et je crois que peut-être il y aura un peu moins de massacres civils et un peu plus de combats militaires pour qu'il y ait un vainqueur".]

Avec l'appui des parachutistes, tous les Français qui souhaitaient quitter le Rwanda ont désormais été évacués [on voit des familles quitter l'aéroport de Roissy].
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fgtquery v.1.9, 9 février 2024