Fiche du document numéro 29610

Num
29610
Date
Mardi 15 février 2022
Amj
Auteur
Fichier
Taille
83104
Pages
7
Titre
Cour de cassation, chambre criminelle, arrêt n° 20-86.394 [Rejet des pourvois. Confirmation du non-lieu prononcé dans l'instruction du juge Bruguière qui avait accusé des membres du FPR d'avoir abattu l'avion du Président Habyarimana piloté par trois Français]
Tres
L'indicible reste inavouable. Depuis 1998, la justice française a été utilisée pour accuser faussement des membres du Front patriotique rwandais d'être les auteurs de l'attentat qui a donné le signal de déclenchement du génocide des Tutsi. Cet attentat resterait-il sans auteur identifiable ? L'avion s'est pourtant réellement écrasé. La cause de l'accident de l'Airbus Rio-Paris, le 1er juin 2009, a été déterminée quand les enregistreurs de vol ont été retrouvés par 3 900 mètres de fond en plein Atlantique. Une note du général Rannou assure que le Falcon du Président rwandais en était équipé. Des militaires français en poste à Kigali se sont précipités sur les lieux du crash. Ils n'ont pas été interrogés sur la boîte noire et les débris de missiles qu'ils auraient eu en main. Les juges se contentent de noter « l'absence » de la boîte noire et que « le type de missile n'a pu être identifié avec suffisamment de certitude ». Il suffisait de réclamer au ministère de la Défense (ou des Armées) à Paris le rapport de ces militaires et les objets qu'ils ont prélevés. Cette abstention à enquêter désigne où chercher les auteurs du crime.
Nom cité
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Mot-clé
Source
Type
Jugement d'un tribunal
Langue
FR
Citation
No V 20-86.394 F-D

No 00190

SL2

15 FÉVRIER 2022

DECHEANCE
REJET
M. SOULARD président,

RÉPUBLIQUE

FRANÇAISE

________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 15 FÉVRIER 2022

L’association française des victimes de terrorisme, l'association Familles
des victimes de l'attentat du DC 10 d'UTA, Mme Ange Ajeneza, MM. JeanLuc Habyarimana, Léon Habyarimana, Mmes Marie-Rose Habyarimana,
Marie Habyarimana Mukamvuye, Jeanne Habyarimana Ntilivamunda,
M. Bernard Habyarimana Rugwiro, Mmes Delphine Ikuze Uwacu,
Agathe Kanziga, Sylvana Mpabwanayo, Marie-Gloria Mukampunga,
M. Aimé Niyigena, Mmes Alice Nsabimana, Denise Nsabimana,
M. Fabrice Nsabimana, Mme Josiane Nsabimana, M. Maurice Nsabimana,
Mmes Yvonne Nsabimana, Annick Perrine, MM. David Perrine,
François Perrine, Régis Rukundo Nshuti, Mmes Marie-Pierre Uwibanbe,
Athanasie Uwimana, parties civiles, ont formé des pourvois contre l'arrêt de
la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 1re section, en date
du 3 juillet 2020, qui, dans l'information suivie, sur leurs plaintes, contre
Mme Rose Kabuye, MM. James Kabarebe, Samuel Kanyemera,
Charles Kayonga, Jacob Tumwine, Jack Nziza, Franck Nziza,
Eric Hakizimana, Faustin Nyamwasa Kyumba, des chefs d’association de
malfaiteurs terroriste, assassinats en relation avec une entreprise terroriste
et complicité, a confirmé l’ordonnance de non-lieu rendue par le
juge d’instruction.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.

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Sur le rapport de M. Seys, conseiller, les observations de
la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de Mme Ange Benilde Ajeneza, de
la SCP Zribi et Texier, avocats de l’association française des victimes de
terrorisme, MM. Jean-Luc Habyarimana, Léon Habyarimana,
Mmes Marie-Rose Habyarimana, Marie Habyarimana Mukamvuye,
Jeanne Habyarimana Ntilivamunda, M. Bernard Habyarimana Rugwiro,
Mmes Delphine Ikuze Uwacu, Agathe Kanziga, Sylvana Mpabwanayo,
Marie-Gloria Mukampunga, M. Aimé Niyigena, Mmes Alice Nsabimana,
Denise Nsabimana, M. Fabrice Nsabimana, Mme Josiane Nsabimana,
M. Maurice Nsabimana, Mmes Yvonne Nsabimana, Annick Perrine,
MM. David
Perrine, François Perrine, Régis Rukundo Nshuti,
Mmes Marie-Pierre Uwibanbe, Athanasie Uwimana, et les observations de
Me Bouthors, avocat de M. James Kabarebe, Mme Rose Kabuye,
M. Samuel Kanyemera, MM. Charles Kayonga, Franck Nziza, Jack Nziza et
Jacob Tumwine, et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après
débats en l'audience publique du 18 janvier 2022 où étaient
présents M. Soulard, président, M. Seys, conseiller rapporteur, M. Bonnal,
conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée, en application de
l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers
précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent
arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Une information a été ouverte en France, le 27 mars 1998, à la suite de
l’assassinat du président du Rwanda, le 6 avril 1994.
3. L’avion qui le transportait, avec le président du Burundi, plusieurs
ministres et conseillers, un Falcon 50 dont l’équipage était de nationalité
française, a été abattu par un missile sol-air à l’approche de l’aéroport de
Kanombe, au Rwanda.
4. Plusieurs mandats d’arrêt internationaux ont été décernés par
le juge d’instruction en 2006 à l’encontre de Mme Rose Kabuye,
MM. James Kabarebe, Samuel Kanyemera, Charles
Kayonga, Jacob Tumwine, Jack Nziza, Franck Nziza, Eric Hakizimana et
Faustin Nyamwasa Kayumba, tous cadres du Front patriotique rwandais (ciaprès FPR).
5. En exécution de ces mandats, les sept premiers ont été en examen,
en 2008 et en 2010, des chefs d’association de malfaiteurs terroriste,
assassinats en relation avec une entreprise terroriste et complicité.

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6. Le 21 décembre 2018, le juge d’instruction a rendu une ordonnance de
non-lieu, dont plusieurs parties civiles ont interjeté appel.
Déchéance du pourvoi formé par l'association Familles des victimes de
l'attentat du DC 10 d'UTA
7. L'association Familles des victimes de l'attentat du DC 10 d'UTA n'a pas
déposé dans le délai légal, personnellement ou par son avocat, un mémoire
exposant ses moyens de cassation. Il y a lieu, en conséquence, de la
déclarer déchue de son pourvoi par application de l'article 590-1 du code
de procédure pénale.
Examen des moyens
Sur le moyen proposé par la SCP Jean-Pierre Caston pour
Mme Ange Benilde Ajeneza
Sur le moyen proposé par la SCP Zribi & Texier pour les autres parties
civiles
Enoncé des moyens
8. Le moyen proposé par la SCP Jean-Pierre Caston critique l’arrêt attaqué
en ce qu’il a dit qu’il n’existait pas de charges suffisantes contre
Mme Kabuye, MM. Kabarebe, Kanyemera, Kayonga, Tumwine, Jack et
Franck Nziza, Hakizimana et Nyamwasa Kayumba d’avoir commis les crimes
et délits d’assassinats en relation avec une entreprise terroriste, complicité
d’assassinats en relation avec une entreprise terroriste et association de
malfaiteurs terroriste, pour lesquels ils avaient été mis en examen, alors
« que tout arrêt de la chambre de l’instruction doit comporter les motifs
propres à justifier la décision ; que leurs arrêts doivent être motivés de
manière à permettre à la Cour de cassation d’exercer son contrôle et de
s’assurer de la légalité de la décision rendue ; qu’en retenant, à l’égard de
chacun des mis en examen, qu’« au regard du lieu probable, retenu au terme
des travaux d’expertise, des tirs de missiles dont le type n’a pu être identifié
avec suffisamment de certitude, rien ne permettant d’affirmer que les tubes
lance-missiles photographiés figurant à la procédure soient ceux utilisés pour
abattre l’avion présidentiel, de la fausseté des messages de revendication
de l’attentat au nom du FPR rapportée par Richard Mugensi, en l’absence
de la «boîte noire» de l’avion, de toute constatation sur la possession
effective de missiles sol-air par l’APR (à Mulindi, lors d’un transport, au CND
ou aux alentours de Kanombe voire de Masaka), ces témoignages, analysés
précédemment quant à leur fiabilité, les éléments des rapports cités et
des ordonnances judiciaires visées qui reprennent pour l’essentiel la teneur
de témoignages et ayant des sources communes, ne constituent pas
des charges suffisantes à l’encontre de l’intéressé d’avoir commis les faits

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qu’on lui reproche sous quelque qualification que ce soit », sans distinguer
entre les personnes mises en examen, ni préciser les éléments à charge et
à décharge les concernant, ou encore que les raisons pour lesquelles
il n’existait pas de charges suffisantes à l’encontre de chacun d’entre eux,
pris individuellement, la chambre de l’instruction de la cour d’appel a violé
l’article 593 du code de procédure pénale, ensemble l’article 6 de la
Convention européenne des droits de l’homme. »
9. Le moyen proposé par la SCP Zribi & Texier critique l’arrêt attaqué en ce
qu’il a dit qu’il n’existait pas de charges suffisantes contre Mme Kabuye,
MM. Kabarebe, Kanyemera, Kayonga, Tumwine, Jack et Franck Nziza,
Hakizimana et Nyamwasa Kayumba d’avoir commis les crimes et délits
d’assassinats en relation avec une entreprise terroriste, complicité
d’assassinats en relation avec une entreprise terroriste et association de
malfaiteurs terroriste, pour lesquels ils avaient été mis en examen, alors :
« 1o / qu’en retenant, à l’égard de chacun des mis en examen, qu’« au regard
du lieu probable, retenu au terme des travaux d’expertise, des tirs de
missiles dont le type n’a pu être identifié avec suffisamment de certitude,
rien ne permettant d’affirmer que les tubes lance-missiles photographiés
figurant à la procédure soient ceux utilisés pour abattre l’avion présidentiel,
de la fausseté des messages de revendication de l’attentat au nom du FPR
rapportée par Richard Mugensi, en l’absence de la « boîte noire » de l’avion,
de toute constatation sur la possession effective de missiles sol-air par l’APR
(à Mulindi, lors d’un transport, au CND ou aux alentours de Kanombe voire
de Masaka), ces témoignages, analysés précédemment quant à leur fiabilité,
les éléments des rapports cités et des ordonnances judiciaires visées qui
reprennent pour l’essentiel la teneur de témoignages et ayant des sources
communes, ne constituent pas des charges suffisantes à l’encontre de
l’intéressé d’avoir commis les faits qu’on lui reproche sous quelque
qualification que ce soit », sans distinguer entre les personnes mises en
examen, ni préciser les éléments à charge et à décharge les concernant,
ou encore les raisons pour lesquelles il n’existait pas de charges suffisantes
à l’encontre de chacun d’entre eux, pris individuellement, la chambre de
l’instruction a méconnu les exigences des articles 593 du code de procédure
pénale ;
2o/ qu’en retenant l’absence d’éléments matériels « indiscutables », des
« doutes » sur la réalité de la présence de certains témoins aux événements
qu’ils disent avoir constatés ou l’impossibilité, tant de dresser une liste
« exhaustive et fiable », que d’« établir » la réalité du rôle attribué à chacun
des mis en examen ou encore d’identifier « avec suffisamment de certitude
le type de missiles utilisé », la chambre de l’instruction, qui a ainsi exigé la
preuve certaine de la culpabilité des personnes mises en examen, a
méconnu le sens et la portée des articles 211 et 212 du code de procédure
pénale ;

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3o/ que constitue une association de malfaiteurs en vue de préparer
des actes de terrorisme, tout groupement formé ou entente établie en vue
de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d’un ou
plusieurs actes de terrorisme, lesquels incluent notamment les atteintes
volontaires à la vie qui sont intentionnellement en relation avec
une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement
l’ordre public par l’intimidation ou la terreur ; qu’après avoir constaté que de
nombreux témoignages concordants révélaient l’existence de plusieurs
réunions au plus haut niveau du FPR, auxquelles participaient six des mis en
examen, en vue de planifier l’attentat, dans le but d’éliminer
le président Habyarimana, d’empêcher la mise en oeuvre des accords
d’Arusha, de déclencher des massacres et, in fine, de permettre au FPR
d’accéder au pouvoir, ce dont il se déduisait qu’il existait des charges
suffisantes à l’encontre des personnes mises en examen, la chambre de
l’instruction ne pouvait dire n’y avoir lieu à suivre, sans violer les articles
211 et 212 du code de procédure pénale, 221-3, 450-1, 421-1 et 421-2-1 du
code pénal ;
4o/ qu’en l’absence d’une autre origine vraisemblable, sinon certaine, du tir
de missile ayant atteint l’avion présidentiel, la chambre de l’instruction ne
pouvait, sans se contredire ou mieux s’en expliquer, relever tous
les témoignages concordants et en conclure, malgré tout, qu’il n’existerait
pas de charges suffisantes à l’encontre des personnes mises en examen ;
qu’en prononçant ainsi, elle a méconnu les exigences de l’article 593 du
code de procédure pénale ;
5o/ qu’en s’abstenant de répondre à l’articulation essentielle des mémoires
des appelants faisant valoir qu’à l’instar des juges du TPIR, les juges
d’instruction devaient tenir compte de trois éléments susceptibles d’influer
sur les témoignages (à savoir le traumatisme vécu par certains témoins qui
peut resurgir à l’occasion d’un témoignage et avoir des conséquences sur la
chronologie des évènements relatés ; la traduction et l’interprétation du
kinyarwanda qui peut s’avérer délicate ; des facteurs culturels tels que les
ouï-dires qui sont très présents dans la culture rwandaise, une particularité
qui consiste à ne pas répondre directement aux questions perçues comme
délicates), la chambre de l’instruction a méconnu les exigences de l’article
593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
10. Les moyens sont réunis.
11. Pour confirmer l’ordonnance de non-lieu, l’arrêt, en premier lieu, procède
à une discussion précise s’agissant de l’absence de constatations
matérielles immédiatement après l’attentat, des incertitudes quant à
l’identification des missiles ayant servi à commettre l’attentat, de la

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probabilité que les tirs soient partis de la zone de Kanombé plutôt que de
celle de Masaka, des incohérences des témoignages accusant les membres
de l’Armée patriotique rwandaise (ci-après APR) d’avoir transporté et tiré
des missiles et de ceux accusant les hauts dirigeants du FPR d’avoir
commandité l’attentat, de l’impossibilité d’exclure que l’attentat ait pu être
commis par des extrémistes hutus.
12. Les juges concluent, dans le cas de chacune des personnes mises en
examen ou ayant fait l’objet d’un mandat d’arrêt international, qu’au regard
du lieu probable, retenu au terme des travaux d'expertise, des tirs de
missiles dont le type n'a pu être identifié avec suffisamment de certitude, rien
ne permettant d'affirmer que les tubes lance-missiles photographiés figurant
à la procédure soient ceux utilisés pour abattre l'avion présidentiel,
de la fausseté des messages de revendication de l'attentat au nom du FPR
rapportée par M. Richard Mugensi, en l'absence de la « boîte noire » de
l'avion et de toute constatation sur la possession effective de missiles sol-air
par l'APR, à Mulindi, lors d'un transport, au Centre national de
développement ou aux alentours de Kanombe, voire de Masaka,
ces témoignages, analysés précédemment quant à leur fiabilité, les éléments
du rapport qu’ils citent et des ordonnances judiciaires qu’ils visent qui
reprennent pour l'essentiel la teneur des mêmes témoignages, et ayant des
sources communes, ne constituent pas des charges suffisantes à l'encontre
de l'intéressé d'avoir commis les faits qu'on lui reproche sous quelque
qualification que ce soit.
13. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction, qui a analysé l'ensemble
des faits objet de l'information et répondu aux articulations essentielles
des mémoires produits par les parties civiles appelantes, a exposé, par
des motifs exempts d'insuffisance comme de contradiction, que l'information
était complète et qu'il n'existait pas de charges suffisantes contre quiconque
d'avoir commis les crimes reprochés, ni toute autre infraction.
14. En outre, il n’importe qu’elle ait retenu des motifs analogues dans le cas
de chacune des personnes mises en examen ou faisant l’objet d’un mandat
d’arrêt dès lors qu’il résulte de son raisonnement qu'en considération de
l'absence d'éléments matériels suffisants et des contradictions
des témoignages, la situation de tous les mis en examen est identique.
15. Dès lors, les moyens doivent être écartés.
16. Par ailleurs l’arrêt est régulier en la forme.

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PAR CES MOTIFS, la Cour :
Sur le pourvoi de l'association Familles des victimes de l'attentat du DC 10
d'UTA :
CONSTATE la déchéance du pourvoi ;
Sur les autres pourvois :
LES REJETTE ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé
par le président le quinze février deux mille vingt-deux.

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