Fiche du document numéro 29163

Num
29163
Date
Dimanche 21 novembre 2021
Amj
Auteur
Fichier
Taille
55619
Pages
3
Urlorg
Titre
Rwanda : ouverture du procès de Claude Muhayimana pour « complicité » de génocide
Sous titre
L’ancien chauffeur du Guest House de Kibuye doit comparaître lundi 22 novembre devant la cour d’assises de Paris.
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Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Le Rwandais Claude Muhayimana au palais de justice de Paris, en novembre 2013. MARION RUSZNIEWSKI / AFP

Un troisième procès va s’ouvrir en France pour des faits en lien avec le génocide des Tutsi au Rwanda. Vingt-sept ans après la tragédie qui a fait près d’un million de morts au printemps 1994, Claude Muhayimana, ancien chauffeur de l’établissement Guest House de Kibuye (Ouest), doit comparaître lundi 22 novembre devant la cour d’assises de Paris pour « complicité » de génocide et crimes contre l’humanité « par aide et assistance ». Il est accusé d’avoir transporté des miliciens Interahamwe (Hutu), responsables de nombreux massacres, dans les collines de Karongi ou de Bisesero, des localités situées à proximité du lac Kivu.

Un mandat d’arrêt avait été émis par les autorités rwandaises contre Claude Muhayimana en décembre 2011. Quelques mois plus tard, la cour d’appel de Rouen, où il réside, a donné un avis favorable à son extradition, avant que la Cour de cassation n’annule cette décision. Ce refus a été réitéré en 2014, à la suite d’un avis favorable de la cour d’appel de Paris.

En juin 2013, le Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR), sans attendre la décision relative à cette extradition, a déposé plainte et s’est constitué partie civile contre le Franco-Rwandais, placé en détention provisoire pendant un an en 2014. « Des miliciens ou des rescapés ont vu Claude Muhayimana au volant d’une voiture en train de traverser la ville de Kibuye avec des Interahamwe, et se diriger vers des collines où allaient être perpétrés des massacres », explique Alain Gauthier, cofondateur avec son épouse, Dafroza, du CPCR, association qui traque les génocidaires présumés en France et au Rwanda depuis 2001.

Ni politique, ni religieux, ni soldat



« Mais Claude Muhayimana ne pouvait être considéré comme une autorité à l’époque, répond Philippe Meilhac, son avocat. Il n’était ni un politique, ni un religieux, ni même un soldat en 1994, contrairement à la plupart des hommes qui ont été poursuivis dans ce type d’affaire. Mon client était un chauffeur, un type ordinaire, que des hommes sont venus chercher à son domicile pour transporter des miliciens. La question de la contrainte sera au cœur de ce procès. »

Les charges qui pesaient sur Claude Muhayimana concernant sa présence lors des massacres de l’église de Kibuye, le 17 avril 1994 – où près de 2 000 Tutsi ont trouvé la mort –, puis au stade Gatwaro le lendemain – 11 400 victimes –, ont été abandonnées par les juges d’instruction français. Elles l’ont aussi été pour les meurtres de ses collègues de Guest House, l’accusé ayant prouvé dans tous les cas qu’il se trouvait au même moment à Ruhengeri, au nord du pays, aux obsèques d’un gendarme. Il est aujourd’hui poursuivi pour « complicité », « aide et assistance » aux génocidaires, en tant que chauffeur.

A la fin des années 1990, Claude Muhayimana a rejoint la France, où sa demande d’asile en tant que réfugié politique a été refusée par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra). « Il s’est ensuite installé à Rouen, où s’est constitué un réseau d’associations et d’entraide de personnes liées au génocide des Tutsi », raconte Alain Gauthier. En 2010, il a acquis la nationalité française et est devenu employé municipal.

Son audience devait initialement se tenir en septembre 2020, avant d’être décalée à février à cause de la pandémie de Covid-19. Mais le durcissement des conditions d’entrée en France depuis le « pays des mille collines » (test PCR négatif et isolement de sept jours) a ensuite contraint le président de la cour d’assises à ordonner un nouveau renvoi. La première semaine de ce procès-fleuve devrait être consacrée au contexte rwandais de 1994 et aux événements qui se sont produits dans la région de Kibuye. Les deux semaines suivantes permettront l’audition de la centaine de témoins, dont une partie sera entendue par visioconférence depuis Kigali car considérés comme « vulnérables » au Covid-19. La dernière semaine sera celle des plaidoiries. Le jugement est attendu autour du 17 décembre.

Pas d’accélération dans les procédures



Deux procès en lien avec le génocide des Tutsi se sont déjà tenus en France : en 2014, l’ex-officier de la garde présidentielle Pascal Simbikangwa a été condamné à vingt-cinq ans de réclusion, peine confirmée en appel. Octavien Ngenzi et Tito Barahira, anciens bourgmestres dans l’est du Rwanda, ont quant à eux été condamnés à la perpétuité et leurs peines ont été confirmées en appel. D’autres audiences sont prévues, dont celle de l’ancien préfet Laurent Bucyibaruta en mai 2022. Réfugié dans l’Hexagone depuis vingt-cinq ans, ce dernier s’est « rendu complice d’une pratique massive et systématique d’exécutions sommaires », selon un juge d’instruction du tribunal de Paris.
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fgtquery v.1.9, 9 février 2024