Fiche du document numéro 28836

Num
28836
Date
Jeudi 14 janvier 1993
Amj
Fichier
Taille
9744551
Pages
12
Urlorg
Titre
Analyse de la situation politique au Rwanda à la lumière des accords d'Arusha
Mot-clé
Fonds d'archives
Type
Note
Langue
FR
Citation
ANALYSE DE LA SITUATION POLITIQUE AU RWANDA
À LA LUMIERE DES ACCORDS D'ARUSHA

Les négociations d'Arusha ont suscité beaucoup d'espoir au sein
de la population rwandaise et parmi les observateurs. A peine signé, l'accord
final sanctionnant les négociations entre le Gouvernement Rwandais et
le FPR a remué beaucoup de controverse parmi la population et au sein
de la classe politique. Il est a souligner d'ailleurs que tout au long du
processus des négociations, différentes étapes ont été marquées par des
contradictions et des blocages dûs au manque de préparation et de concessus
au niveau du Gouvernement et suite aussi à l'intransigeance du FPR.

1. Position des Partis Politiques

l. Les FDC = Forces Démocratiques du changement (MDR - PL - PSD et
PDC) + FPR.
Ce front commun contre le MRND se dit satisfait par l'ensemble des
accords d'Arusha. Ceci se comprend quand on sait qu'ils viennent d'obte-
nir tous les avantages politiques qu'ils n'auraient pas pu avoir par la
force et la négociation interne. Le Parti au pouvoir, le MRND vient
d'être minorisé et le Président de la République, dépouillé de tout pouvoir
au terme de cet accord. Il devient un figurant à la tête du pays et
à tout moment, le Gouvernement et l'Assemblée Nationale de Transition

peuvent disposer de lui en le déposant sans aucun recours à une autre
instance.

2. Le MRND : récuse l'accord et déclare qu'il n'entrera pas dans le futur

gouvernement car Ça serait signer son arrêt de mort. En fait, le MRND
a été piégé y compris le Président de la République. En effet, le MRND
a chaque fois déclaré publiquement qu'il soutenait les accords .d'Arusha
sans émettre des réserves suffisantes et prendre des mesures pour une
meilleure organisation et préparation des négociations. Le Président
de la République quant à lui a continué à signer des ordres de mission
pour une délégation sans mandat défini par le Gouvernement. Le Gouver-
nement de sont côté a fait montre d'une grave légèreté qui traduit la
malhonneteté intellectuelle du Premier Ministre qui a été incapable de
rassembler son équipe et de la conduire à un concessus,

C'est très tardivement que le MRND cherchera à rattraper les choses
en formant une alliance avec les autres partis - la CDR - le PECO,
le PADER et PALERWA, alors que l'alliance entre ses antagonistes et
le FPR date de juin 1992. L'alliance pour le Renforcement de la Démo-

cratie n'avantage que la CDR qui se voit rehabilitée politiquement et
qui opère une percée spectaculaire au sud du pavs.




3. Les Eglises : Les églises catholique et protestante ont tenté de jouer

à l'arbitrage entre les Partis politiques au Rwanda. Malheureusement,
il n'y a pas eu de concensus au sein d'un comité de contact mis en place
cet effet par les évêques. Le comité fort divisé transmettra au gouver-
nement des propositions loin de faire l'unanimité. Cette situation conduit
à des clivages éthniques et régionaux au sein du clergé. Les évêques
seront obligés plus tard à modifier leur position pour l'adapter à l'évolution
politiques notamment sous la percée de la CDR. les évêques vont recom-
mander une solution politique de partage du pouvoir qui bannit toute
exclusion d'une quelconque tendance politique.

b-

Le Parlement - CND

Au terme de la Constitution, le rôle de contrôle du Gouvernement est
dévolu au CND. Or, il a été constaté que tout au long de l'existence
du Parti unique et jusqu'à ce jour, le parlement reste très faible et sans
beaucoup d'initiative. Et pourtant c'est actuellement une assemblée
où l'opposition dispose d'une position assez opérationnelle. Sur 70 Députés,
19 sont de l'opposition: Dans les négociations d'Arusha, le Parlement
a essayé de prendre position et de donner sa ligne de conduite mais il
y a lieu de regretter que ses prises de positions n'ont été perçues que
comme de simples agitations sans force juridique. Pourtant toutes les
possibilités permettaient d'agir dans le cadre institutionnel. Le citoyen
rwandais peut donc dire que les Représentants du peuple n'ont pas épuisé
les moyens de leurs compétences légales pour prévenir le péril qui guette
le pays.

Il en est de même pour ce qui est de l'autorité du Président de la Répu-
blique. On constate que malgré de nombreuses mises en garde, de multi-
ples orientations données à son Ministre des Affaires Etrangères, ce
dernier s'est obstiné à signer un accord contesté d'avance,

Autre fait à souligner ici également, c'est la contradiction des positions
entre le Président de la République lui-même et le Parlement au sujet
d'un point important portant sur la représentativité du peuple au sein
du futur gouvernement de transition et de l'Assemblée Nationale de transi-
tion. De l'avis du CND, les futurs députés devraient être élus; par mesure
de concession, le Président de la République a accepté une assemblée
nommée sans même poser des conditions à cette nomination. Le peuple
n'aura aucun droit de regard sur des députés nommés par les Partis Politi-
ques. Cette disposition constitue un recul dans le processus démocratique
recherché,


TT

5, La sécurité intérieure
C'est un point qui a servi beaucoup pour le chantage dans les négociations
d'Arusha. L'on peut dire que c'est un faute problème qui a été délibé-
rément entretenu pour peser sur les négociations. En effet, des que
la clause sur l'élimination du principe électoral en faveur de la nomination
des députés a été acceptée, l'insécurité a fait place, comme par enchan-
tement à un climat plus serein. Pour le moment, on déplore tout simple-
ment la recrudescence du banditisme à mains armées, conséquence inéluc-
table de l'état de guerre. Qui avait intérêt à un tel climat d'un insécurité?
Les Partis politiques s'accusent mutuellement mais les premières pistes
des enquêtes mènent au FPR impliqué dans le réseau des poseurs des
mines et des emeutiers à la grenade. Le FPR est le moins intéressé
var la tenue des élections qu'il sait perdues d'avance pour lui à cause

de ses attaques armées contre ses frères.
6. Les déplacés de guerre

Encore un point de marchandage. Les 350.000 déplacés des zones des
combats sont devenus des otages dans les négociations. Si leur sort avait
trouvé solution avec l'arrêt des combats sans attendre de les assimiler
avec les réfugiés rwandais externes, ceci aurait pu avoir plus de logique.
Mais leur situation est politisée à telle enseigne que leur réhabilitation
fait objet d'un ministère chargé aussi du rapatriement des réfugiés. Or,
quand on sait que c'est au bout d'un long processus que se fait le rapatri-
ement et la réintégration des réfugiés, on peut conclure que la solution
des problèmes des déplacés de guerre n'est pas dans les priorités de l'accord
d'Arusha.

Il. LE ROLE DES OBSERVATEURS

Dès que les négociations ont commencé, on a vu le rôle des obser-
vateurs s'accroître. D'abord, on reconnaîtra que ce qu'on qualifie sommai-
rement de conflit rwandais n'est pas si limité à un seul pays. C'est un
problème de géopolitique régionale. L'intervention de l'armée zaïroise
aux côtés de l'armée rwandaise donnera un peu plus de confiance à cette
dernière mais ne plaira pas aux occidentaux, les belges notamment décidés
à tout prix à abattre le régime du Maréchal Mobutu. De ce fait, lui donner
des chances de leadership régional ne convenait pas à la circonstance.
C'est pour cette raison que des pressions ont été exercées sur le Rwanda
pour lui retirer le rêle de médiateur dans les négociations et en raison aussi
de la méfiance du Président MUSEVENI à l'égard de son homologue zaïrois..
L'Ugandais oriente à sa manière et son avantage les négociations pour per-

mettre à ses alliés du FPR de rentrer tête haute (avec un pouvoir sûr).

———


MT

La France :

Le rôle de la France et beaucoup plus important et multiforme. La présence
militaire française si réduite soit-elle constitue une sorte de garantie à
la réussite des négociations et à l'instauration d'un équilibre entre les forces
militaires de 2 parties en conflit. La présence militaire française est égale-
ment garante de la sécurité des expatriés mais beaucoup plus des rwandais
membres de l'ethnie Tutsi, qui, en d'autres circonstances d'attaque militaire
par d'anciens réfugiés, ont toujours fait les frais des représailles de la popula-
tion.

On a d'ailieurs observé quelques débordements qui se sont traduits par des
affrontements à caractère ethnique dans certaines régions du pays (Bugesera,
Kibilira).

Le rôle de la France dans les négociations d'Arusha s'inscrit par ailleurs
dans là logique du Sommet franco-africain de la Baule (France 1989) où
le coup d'envoi à la démocratisation du continent africain a été donné surtout
pour l'espace francophone sous influence culturelle de la France.

La Belgique

Le pays de tutelle coloniale n'a pas su jouer le rôle de premier plan qui
lui revenait. Le début des combats au Rwanda a ouvert une crise du gouver-
nement belge. Faute de mieux, le gouvernement belge a organisé ce que
l'on a paptisé : "le SAFARI de Paix" qui a mobilisé trois ministres du gouver-
nement, mais le folklore du ballet diplomatique belge n'a pas résolu le
problème rwandais. L'iimpuissance de la Belgique a donné libre champ
à la FRANCE et dans une sorte de concessus tacite au sein de la CEE entre
Belges et Français. (Ces derniers ont pris le devant de la scène politico-

militaire tandis que l'Angleterre protégeait son ancienne colonie, la lavant
de tout soupçon.

On ne peut ignorer la complicité des puissances européennes dont le mutisme
a donné avantage au FPR. Le fait de n'avoir jamais exercé une pression
efficace sur le conflit démontre que les puissances européennes voulaient
faire fléchir ‘le régime militaire du Rwanda". Le refus de la Belgique d'auto-
riser l'importation par le Rwanda d'une commande du matériel militaire
datant d'avant la guerre, les facilités de voyage (visas) offertes aux leaders
du FPR et à son siège, toute une série de comportements qui démontrent
que les autorités belges voulaient agir "au nom de la démocratie".

Tout le monde qui voulait faire pression pour accélerer le processus démocra-
tiques au Rwanda a profité de la guerre d'octobre pour ouvrir davantage

le partage du pouvoir à l'opposition.
+
- C'est le cas de le dire également, l'opinion internationale a été longtemps
manipulée et désinformée par le FPR présent dans toutes les sphères inter-

nationales et disposant des capacités et techniques de communication plus
rafinées et supérieures à tous les moyens officiels du gouvernement rwandais.

- Plusieurs signes auront prouvé que certains milieux occidentaux ont joué
à la vascule pour assurer un équilibre des Forces entre les combattants
du FPR et les Forces armées rwandaises. C'est cet équilibre qui a permis
la tenue des négociations à défaut d'une victoire militaire décisive du côté
rwandais. L'occupation d'une petite portion du territoire rwandais par
les éléments du FPR répond à ce subterfuge.

- La pression des Institutions Financières Internationales (Fonds Monétaire
Internationales et Banque Mondiale) a aussi contribué à affaiblir le Rwanda

l'acculant à la négociation. Le PAS piétinait sous les effets des dépenses
militaires.

Les Etats-Unies

Les Etats-Unis se sont mieux illustrés dans la démarche démocratique des
pays comme le Kenya, le Zaïre et aujourd'hui en Somalie. Bien que les
intérêts ne soient pas les mêmes au Rwanda, il semble que les Etats Unies
apprécient à sa juste valeur, le problème rwandais en prônant une "Démo-
cratie de la Modération et du réalisme".

A l'opposé de la Belgique qui a le même trajectoire de raisonnement
pour le Rwanda et le Zaïre, les USA ont opté pour une position plus nuancée
de suivre au jour le jour la situation politique et l'évolution des tendances
politiques en vue de proposer des mesures adéquates. Le souci majeur
des Etats-Unis est d'équilibrer les forces en présence (celles qui sont au
pays entre elles et celles qui sont externes dont le FPR). Ainsi, les Etats-
Unis découragent pour le Rwanda l'organisation d'une conférence nationale
et prônent un processus démocratique qui intègre toutes les forces politiques
sans exclusion. C'est l'opposé des Belges dont certains officiels ont l'atten-
tion braquée sur l'alternance du pouvoir à travers les individus.

- L'on croit aussi savoir que c'est sur pression des occidentaux que le Prési-
dent de la République a été obligé de s'inscrire en faux contre le ressen-
timent populaire dans certaines de ses prises de position. Il a même été
jusqu'à désavouer les prises de position de son propre parti.

Pour le moment, sa responsabilité en tant que garant suprême de la souve-
raineté nationale est interpellée car les accords d'Arusha risquent de conduire
le pays au bord d'une guerre civile.


Les pays voisins
Le rôle majeur de l'Uganda dans le conflit a été suffisamment souligné.
Le Burundi a aussi joué un rêle de complice certain du FPR mais en prenant

ses gants pour ne pas provoquer un précédent car il redoute le même
problème avec une présence des réfugiés appartenant à l'ethnie majoritaire

Hutu.

La Tanzanie, choisie comme modérateur ou facilitateur dans les négociations
d'Arusha, a eu à jouer un rôle très difficile devant deux entraves

majeures : le manque de concessus du gouvernement rwandais et le mandat
indéfini du négociateur rwandais, l'intransigeance du FPR et des fois, le
manque d'informations, qui a fait que le facilitateur n'a pas appréhender
tous les contours de la question rwandaise.

L'OUA et l'ONU

Ces deux organismes sont des Forces morales dans les négociations de Paix.
L'on sait que l'OUA a échoué sa mission de médiation à deux reprises.
La force du GOM n'est pas du tout opérationnelle, il aurait fallu une force
d'interposition militaire séparant les positions militaires du FPR et celles
des Forces Armées Rwandaises.

Pour être efficace, il faudrait que l'intervention de l'ONU s'identifie à
la position de l'un ou l'autre pays, de préférence une puissance occidentale
comme c'est le cas en Somalie ou même pour l'IRAK.

Ch.II : LE CONTENU DE L'ACCORD D'ARUSHA

Tout au long des différentes étapes des négociations de l'accord,
il y à eu des contradictions. L'accord même est une contradiction du
principe premier déjà adopté et signé et faisant du Rwanda un Etat de
Droit. Or, la conclusion de cet accord abroge la constitution sans qu'aucune
procédure à cet effet ne soit prévue. Il aurait fallu le prévoir. Or certains
partis politiques veulent très malicieusement changer de fonds en comble
l'actuelle loi fondamentale pour l'arranger à leur goût et l'adapter à leurs
intérêts immédiats. L'accord est par ailleurs en contradiction avec les
principes démocratiques pour lesquels le FPR déclare avoir déclenché les
hostilités. Quand on constate que l'organisation de la transition est mal
définie et reste floue, on peut se demander si elle ne va pas durer selon
les visions premières du FPR. Faute d'un calendrier précis pour l'organi-
sation des élections que redoute d'ailleurs le FPR sachant qu'il les perdra
d'avance, l'on peut penser que pour le FPR et les petits partis, comme




ire

le PSD, ont intérêt à ce que dure très longtemps la période de transition
pour éroder leurs concurrents de taille. L'esprit d'exclusion de certaines
forces politiques comme la CDR menäaçante par sa montée, est aussi en

contradiction avec les principes démocratiques et l'esprit de réconciliation
nationale.

- Certaines dispositifs de l'accord sont en contradiction flagrante avec
les principes démocratiques universelles (cfr. la nomination des députés
au lieu de les élire, la reconnaissance tacite du FPR, branche armée comme
parti politique alors qu'on exclue d'autres légalement constitués et reconnus,
les réfugiés transformés en combattants armés, l'intégration d'une armée
étrangère au sein d'une armée souveraine d'une nation etc...).

- L'accord fait glisser le Rwanda d'un Régime Présidentiel vers un régime
semi- parlementaire avec des députés nommés sans aucune possibilité donnée

au peuple pour s'exprimer sur l'action globale du gouvernement. C'est
un coup d'Etat légitimé.

- Il n'existe pas de garant de la souveraineté nationale, Les pouvoirs du
Président de la République sont transférés au Premier Ministre et à l'Assem-

blée Nationale de Transition. Il suffit d'un rien pour que les deux instances
s'entendent et renversent le Président sans recours ni à la loi ni au peuple
qui devrait être le dernier arbitre de par le mandat populaire que seul le
Président de la République a reçu, les autres étant des émanations des :
partis politiques.

- L'accord d'Arusha renverse "une dictature" pour en instaurer une autre
à deux forces.

En effet, leFPR allié de longue date avec le PL peut à tout moment
s'arronger le droit de renverser les autres Partis car à eux deux, ils disposent
d'une minorité de blocage au gouvernement. A l'Assemblée Nationale aussi,
le même scénario peut être possible par le truchement de jeux d'alliances.

Si par un jeu d'intérêts et c'est apparent déjà, le PSD se joignait
au FPR pour avoir plus de poids force au MDR, ce dernier est mis en mino-
rité. Voilà le spectre d'anarchie que présente l'accord d'Arusha qui permet
très légalement à une minorité de disposer à tout moment de la majorité
populaire et de manipuler le pouvoir à sa guise.
Bi

Le MRND, ayant vu le danger a préféré aller dans l'opposition.
Ceci avantagerait en premier temps le MDR qui devient le Parti au pouvoir
mais la coalition ainsi affaiblie peut-elle gouverner le pays? S'agissant
du MRND, la solution d'aller dans l'opposition pour un Parti au pouvoir
n'est pas à féliciter. Il faut, si le MRND est réellement fort, qu'il empêche

la formation de ce gouvernement fantôche. Il aura ainsi prouvé qu'il tient
le leadership politique.

Nil. QUE FAIRE DE L'ACCORD D'ARUSHA?

Les hautes autorités de la République doivent prendre leurs responsa-
bilités. Le MRND notamment, Parti au Pouvoir doit empêcher le pays
de tomber dans le chaos politique. C'est un nouveau piège d'ailleurs tendu
au Président de la République appelé à signer l'accord auquel la majorité
de son Peuple n'adhère pas et qui est désavoué contre sont Parti. Lui faire
signer l'accord équivaut à l'isoler de sa base politique.

Vu que l'accord ainsi présenté demeure inapplicable, il faut le rené-
gocier ou faire en sorte qu'il y ait d'autres alternatives de Paix. Les grandes
puissances peuvent y arriver en prenant le problème du côté Ugandais car
la force militaire du FPR c'est la NRA et le Président. Museveni. Puisque
les forces internes se sont montrées suffisamment ouvertes à l'entrée du
FPR au sein du Gouvernement et que sa participation à l'avenir politique
du Rwanda est chose acquise, les grandes puissances qui exercent une auto-
rité morale sur tout le monde devraient être interpellées aussi. On devrait
désormais s'entendre sur les points essentiels et qui sont :

1) La mise en place d'un programme réaliste et le raccourcissement de
la transition.

2) L'élaboration d'un calendrier électoral bien précis (1993), La promulgation
du code électoral

3) La poursuite de la politique du rapatriement des réfugiés.

4) La réhabilitation des Déplaces de guerre et la restauration du tissu socio-
économique des zones sinistrées.

Ces quatres points devraient être imposés à la partie rwandaise
et au FPR. Puisque les négociations bilatérales ont échoué ou ont abouti
à un accord léonin, il faut une autre stratégie pour imposer la Paix et la
poursuite du processus démocratique.

Le FPR est le seul gagnant. Dans le contexte actuel des choses,

cette victoire du FPR serait mal digérée par les masses populaires qui
prendraient la revanche autrement. Pour éviter un nouveau LIBERIA ou




5

une somalisation en Afrique centrale, il faut instaurer un climat propice
à l'organisation des élections, les seules qui sont à même de départager
les différents antagonistes. Le FPR devrait être acculé à accepter de
prendre toutes ses dispositions pour prendre part au pouvoir d'une façon
plus normale sinon, les puissances occidentales nous poussent à une drôle
de démocratie. Le Rwanda est une nation aves ses réalités propres, il
faut l'aider à organiser le jeu démocratique.

De toutes les manières le Rwanda ne perd rien en dénonçant les accords
d'Arusha qui sont léonins. Pour le MRND, c'est le perdant dans l'immédiat.
Le perdant de demain sera le MDR. Or ces deux partis de la majorité
sont les seuls qui puissent garantir la poursuite dans la paix, le processus
démocratique. Quelle est la garantie du FPR à venir dans un pays qui
sera embrasé par la guerre civile suite aux faux accords d'Arusha? Ces
accords ne garantissant aucune paix durable, il faut les réorienter autrement.

CH. IV : LES FORCES POLITIQUES ACTUELLES

Il y a la famille de cinq partis qui sont dans le gouvernement :
MDR, MRND, PL, PSD, PDC.

MDR:

Il fut un moment où ce Parti était préssenti comme le challenger
du MRND. Si les élections avaient eu lieu entre mars et juin 1992, le MDR
aurait probablement gagné les élections. Son alliance avec le FPR lui a
valu une disgrâce et une érosion en faveur du MRND et du CDR. Il est
affaibli par les luttes internes entre ses dirigeants nationaux. L'aile pro-FPR

dirigée par le Président et la branche de l'ancienne idéologie du Président-
Fondateur regroupée autour du ler Vice-Président. Les discussions et cli-

vages nord-sud confinent le MDR dans son fief gardé de Gitarama et lui
enlèvent tout un électorat au nord, à l'est et au centre du pays.

Le MRND

Parti du Président de la République, il a cet atout d'avoir un leader-
ship incontesté. Fief au nord du pays avec trois préfectures, mais suffisam-
ment représenté à l'est et au centre du pays.

- Parti très bien structuré et organisé. Il a l'avantage de l'expérience et
il est le parti au pouvoir. Ses faiblesses résident dans les vieilles habitudes
d'une organisation bureaucratique. Les erreurs de certains des responsables

éclaboussent le Parti, car elles sont encore fraîches dans les mémoires.


-10-

- Il présente beaucoup de conservateurs dépassés par les événements dont
certains s'accrochent au pouvoir.

- Le manque de démarcation entre les fonctions du Président de la Répu-
blique et Président du parti influe négativement dans le fonctionnement
des organes supérieurs du Parti. On doit se référer chaque fois au Président
du parti pris par d'autres préoccupations nationales.

- L'influence de l'entourage du Président du parti (Akazu), hante encore
l'organisation. Le MRND est pour le moment donné gagnant à cause de
la tergiversation des autres partis qui ont placé leurs espoirs de réussite

dans le FPR. mais pour son avenir, il faut surmonter la crise actuelle.
C'est une question de survie pour ce parti.

Le PL

C'est un parti qui toutes ses forces grâce au MDR qui le remorque.
Parti de regroupement ethnique, il n'a pas de chances de gagner quoi que
ce soit à lui seul sans alliance. Mêrne allié au FPR, il n'acquiert aucune
majorité. Il n'est pas représenté sur l'ensemble du territoire. Lui aussi

présente des clivages d'influences au sein de sa direction ou Hutu et Tutsi
se disputent le leadership.

PSD

Même remarque que pour le PL s'agissant de la représentativité
territoriale. Le PSD est confirmé dans deux Préfectures et à moins de
chances d'extension vue son idéologie basée sur le régionalisme. or pour
le moment et malgré tous les efforts des partis Politiques alliés au FPR,
les habitants ont des réflexes ethniques à cause de la guerre d'octobre 1990.
Le PSD affronte dans son fief, le MDR et le MRND pour se soustraire
à leur domination, il n'a pas de choix que de s'allier au PFR pour pouvoir
ambitionner le poste de premier Ministre au sein de la future transition.

PDC

Parti sans leadership. Son idéologie pouvait accrocher bon nombre
des Rwandais, mais le MRND a noué lui aussi et bien longtemps avant,
à cause de son humanisme chrétien, avec l'Eglise et l'idéologie chrétienne.
Le Parti a l'ambition de jouer la stratégie centriste entre le MRND et
le MDR, mais il est très difficile car sa première alliance avec le MRND
et aujourd'hui avec le MDR ne lui donne aucune stabilité dans ses alliances.
C'est aussi un Parti de la transition très faiblement représenté au niveau
régional et national. |




-]1-

CDR

Le phénomène CDR est surprenant et il est à imputer aux erreurs
de deux grands partis nationaux : MRND et MDR. C'est aussi une réaction
à l'extremiste FPR et une réponse à toutes les conséquences engendrées
par la guerre d'octobre 1990. Son idéologie est basée sur la sensibilité
des droits de la majorité et les acquis de la Révolution sociale de 1959.
Pour autant que dure la guerre, pour autant que le FPR persiste dans son
intransigeance, le Parti CDR va connaître une percée dans toutes les régions
surtout celles où le monde Hutu se sent frustré par l'arrivée du FPR dans
le pays et la concentration des pouvoirs à ce nouveau venu hier présenté

comme l'agresseur du peuple rwandais. L'alliance avec le MRND l'a aussi
renforcé.

Autres partis.

Sont les résultats des opportunismes politiques. Certains leaders
ont voulu se démarquer des autres dans l'espoir d'accéder sans trop de
concurrence aux postes des responsabilités politiques et administratives.
Il n'est pas étonnant qu'après les prochaines élections les petites formations
politiques disparaissent.

CH. V LA CAPACITE DU MRND DANS LES ENJEUX ACTUELS

Ce qui est certain, c'est que les puissances occidentales malgré
la statégie de désinformation utilisée par le FPR et le MDR pour le moment,
n'ignorent pas les réalités sur le terrain. Un pays comme les Etats-Unis
qui dispose d'un puissant service de renseignement, la CIA, est sûrement
au courant des réalités nationales et des forces respectives qui se disputent
le pouvoir. Un pays comme la France qui a vite compris qu'en dépêchant
une troupe militaire au Rwanda, elle particippait à un équilibre des Forces,
ne peut se départir de cette logique et accepter de rompre les équilibres
ainsi établis. la Belgique, bien que sa position soit ambigüe a assisté au
tournant de l'histoire de 1959 et y a largement contribué. Elle ne peut
donc par faire retour en arrière et cautionner que le FPR tenant d'une
minorité vienne imposer la loi à la majorité. Si les puissances ont laissé
faire, on peut se demander si ce n'est pas un dernier test au MRND. Il
est en effet impensable que dans une négociation d'une aussi haute impor-
tance, il y eut des erreurs collectives. C'est donc délibéré, les grandes
puissances ont voulu donner la dernière chance aux partis de l'opposition.
Si le MRND reste fort, la tactique va changer et les puissances occidentales




13.
se contenteraient des équilibres politiques entre les forces politiques. Il

faut que le MRND continue à montrer sa volonté d'ouverture aux autres
partis et à poursuivre loyalement le jeu démocratique. La balle est dans

le camp du MRND, il n'a qu'à prouver sa capacité de garantir l'avenir de
ce pays et surtout à ne pas céder au chantage.

Le MRND doit également attirer l'attention des grandes puissances
qui tirent les cordons des relations internationales pour qu'elles installent
la démocratie à notre mesure.

Fait à Kigali le 14 janvier 1993. d



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