Fiche du document numéro 28830

Num
28830
Date
Mardi 22 septembre 1992
Amj
Auteur
Fichier
Taille
2263126
Pages
6
Urlorg
Titre
Lettre à son Excellence Monsieur le Président de la République rwandaise. Objet : Etat d'exécution et situation de blocage du programme du Gouvernement de transition
Nom cité
Mot-clé
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Source
Fonds d'archives
Type
Lettre
Langue
FR
Citation
|
REPUBLIQUE RWANDAISE Kigali, le 22/9/1992
SERVICES DU PREMIER MINISTRE

A CONFIDENTIEL "SAR









Son Excellence Monsieur le Président de la République
Rwandaise KIGAL

Objet : E 'exéçution ituation 19ça
du programme du Gouvernement de transition,

Monsieur le Président,

. Comme la période du Gouvernement de transition fixée à
12 mois vient de voir s'écouler plus de cinq mois, il convient de jeter un regard en arrière pour
voir si le protocole d'entente signé entre les cinq partis formant le Gouvernement s'exécute
normalement.

Dans le cas contraire, il est de Votre devoir de favoriser et
de faciliter l'accomplissement du programme gouvernemental que Vous avez agréé en Votre
qualité de Président de la République et auquel le MRND, formation politique dont Vous
assumez la présidence, est partie prenante.

Dans les lignes qui suivent, je Vous donnerais bnèvement
l'état d'exécution du programme gouvernemental et un relevé exemplatif de certaines entraves
à l’action du Gouvernement.

A presque mi-chemin, le programme est exécuté comme
suit:

1. N 1e rail ]

Le Gouvernement avait préconisé les négociations directes et sincères avec le FPR afin
d'arriver à un cessez-le-feu effectif et respecté par les 2 parties. Ces négociations devaient être
couronnées par un accord de paix.

. Le Gouvernement avait préconisé d'engager un dialogue franc avec les pays voisins afin
de créer un environnement également favorable à une paix durable.

Il y a lieu de se féliciter qu'après mes visites de travail effectuées au Burundi, en
Tanzanie et en Uganda, les relations entre le Rwanda et ces pays sont très bonnes actuellement.

L'on peut également se féliciter des Accords d’Arusha [et II. En effet, le cessez-le feu
est globalement respecté malgré quelques escarmouches.

Certes, les négociations d'Arusha III viennent d'être suspendues pour reprendre le 05
octobre prochain, mais il y a lieu de noter le pas franchi pour avoir obtenu l'acceptation par les
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2 parties de la séparation et de l'existence des trois pouvoirs : législatif, exécutif et judiciaire.
Le calendrier des négociations qui était du reste, trop serré, est respecté.

Toutefois il y a lieu de réaménager la composition de la délégation gouvernementale à
Arusha pour que le Chef de la délégation rwandaise, dans la défense de Ja position du
Gouvernement, puisse s'inspirer des avis pertinents émanant des personnes représentant plusieurs
sensibilités politiques.

2. Assurer i ité 1

Bien que jusque début août 1992, l'on ait constaté une accalmie chez les poseurs de
mines et les lanceurs de grenades, des actes terroristes ont repris avec beaucoup d'intensité,
occasionnant de lourdes pertes.

On commençait également à oublier les événements malheureux de Kibilira et de
Bugesera, quand des troubles de même genre S€ sont produits à Kibuye.

Bien que la loi sur les partipolitiques interdit la levée des milices privées, force est de

constater que dans certaines organisations de jeunes militants des partis, figurent des militaires
déguisés en civils.

Les partis concerné devraient dissoudre mmédiatement ces milices.

Conformément au Programme du Gouvernement, la liberté de circulation a été

progressivement rétablie, les mesures de laisser-passer supprimées et les heures de couvre-feu
assouplies.

3. Evaluer et assainir outes les administrations de l'Etat

Sur ce chapitre auquel le Conseil des Ministres a consacré une bonne partie de ses

séances, il y à encore des blocages quant à l'assainissement des administrations centrale et
préfectorale.

Toutefois, l'arrêté du Premier Ministre portant organisation et attnbution des services de
l'Administration Centrale a été déjà signé, consacrant un organigramme qui institutionnalise les
cabinets politiques au sein des Ministères.

* Les Préfets de Préfecture ont été mutés dans jeur préfecture d'origine.

Le projet de loi portant suppression de la Cour de Süreté de l'Etat a été adopté par le
Conseil des Ministres.

4, Relancer l'économie rwandaise

Malgré la réduction drastique des dépenses de l'Etat, les équilibres financiers ne sont pas
encore rétablis suite à l'importance des dépenses de sécurité dues à la guerre.

Auprès des fonctionnaires et de l'ensemble de la population, le Gouvemement mène une

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campagne d'explication et de sensibilisation du programme d'ajustement structurel.

A l'occasion de la Table Ronde des Bailleurs de fonds du Rwanda tenue à Genève en
début de juillet 1992, il a été constaté que les pays amis et les organismes internationaux sont
compréhensifs à nos problèmes de développement et de sécurité. Leur contribution directe ou
à travers le P.A.S. et le PNAS est fort appréciable. Les secours apportés par la Communauté
Internationale aux personnes déplacées de guerre ont été rapides et salutaires.

Le Programme de restructuration, de privatisation et/ou de liquidation de certaines
entreprises publiques suit son cours. Dans cet ordre d'idées, un audit indépendant sera bientôt
organisé par le Ministère des Finances pour faire la lumière sur la destination du patrimoine du
MDR PARMEHUTU et de l’ancien parti unique MRND.

S. rganiser un débat national sur la question l nférence nationale.

Sous peu, un arrêté du Premier Ministre sera soumis à l'examen du Conseil des Ministres
pour fixer les points relatifs à la Conférence Nationale: création d’une commission nationale qui
fera un rapport au Gouvemement sur l'opportunité de la tenue de la conférence après avoir
recueillis les avis pertinents du public rwandais.

6. Régler le problème des réfuei

Une Direction spécifique chargée des opérations liées au rapatriement et à l'intégration
des réfugiés a été créée au sein du Ministère du Travail et des Affaires Sociales.

Un début prometteur de sensibilisation de nos compatriotes vivant à l'extérieur s'est
effectué lors de mes visites de travail au Burundi, en Tanzanie, en France et en Belgique.

Le Ministre du Travail et des Affaires Sociales planifie lui aussi une tournée de sensibilisation
dans les milieux des réfugiés. Le Plan d'Action de Rapatriement des réfugiés rwandais est en
cours de finalisation au niveau du HCR, de l'OUA et du Gouvernement rwandais. Par ailleurs,
comme le retour volontaire et inconditionnel des réfugiés est maintenant accepté par tous comme
leur droit inaliénable, il ne reste qu'à restaurer la paix intérieure pour faciliter leur retour.

7. rganiser les élections gén

Un projet de loi électoral a déjà été apprêté par le Ministère de l'Intérieur et du
Développèment Communal et attend son examen par le Conseil des Ministres. Certains
partenaires contactés ont promis d'inscrire parmi les domaines prioritaires de la coopération, le
soutien matériel, financier et technique au processus de démocratisation en cours.

Monsieur le Président,
Aux yeux d'une bonne partie de l'opinion nationale et internationale, le bilan ci-dessus
est largement positif eu égard aux conditions de travail du Gouvernement. Cependant il existe
encore de sérieuses entraves à l'action gouvernementale qu'il importe de lever sans tarder. Ces

blocages constatés au niveau du Gouvernement pourraient être rapidement corrigés si les

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pouvoirs constitutionnels du Président de la République, jugés excessifs par certains, étaient

déployés pour débloquer certaines situations paralysant inutilement le fonctionnement de
l'Administration.

A titre d'exemples, il y a lieu de rappeler quelques cas flagrants de blocage injustifié de
l'action gouvernementale.

a) Les Ministres issus du MRND, parti du Président de la République, ont boudé le Conseil
des Ministres à un moment crucial de préparation des négociations d'Arusha IT. Il est étonnant
qu'au moment où le Gouvernement préconise le dialogue avec le FPR, les Ministres issus du
MRND préfèrent recourir à la GREVE pour faire entendre leurs idées. D'aucuns ne
comprennent pas comment ce choix qui a sérieusement hypothéqué la ‘solidarité
gouvernementale, avait bénéficié de Votre soutien en décidant Vous-même le report à une date
ultérieure de la réunion du Conseil des Ministres du 04 août 1992.

b) L'ORINFOR, outil très précieux de sensibilisation à la recherche de la paix, à la

réconciliation nationale, au retour à la paix intérieure, au bon déroulement du processus de
démocratisation, reste contre toute logique sans direction.

Le point relatif à la nomination du Directeur de l'ORINFOR a été inscrit à l'ordre du
jour du Conseil des Ministres du 05 juin 1992, mais les Ministres issus du MRND ont bloqué
cette nomination. Plus récemment encore, et ce malgré l'urgence exprimée par Vous même
devant le CND en date du 17 août 1992, Vous n’avez pas inscrit ce point à l'ordre du jour du
Conseil des Ministres du 18/9/92.

c) Le Conseil des Ministres a créé à l'unanimité une commission d'évaluation du personnel

de l'Etat. Cette commission vient de déposer son preinier rapport d'évaluation, relatif aux
Administrations communales et préfectorales.

En Conseil des Ministres du 18/9/92, les membres du Gouvemement issus du MRND
ont catégoriquement refusé d'examiner ledit rapport. Certains peuvent conclure qu'il s’agit là
d'une protection complice de quelques bourgmesires, notamment ceux impliqués dans les
troubles de Murambi et de Bugesera ainsi que dans le massacre des Bagogwe.

d) Le dossier relatif à la réintégration des militaires rwandais qui ont été injustement écartés
de l'armée n'est pas encore discuté en Conseil des Ministres. Si cette réintégration facile connait
déjà des difficultés, d'aucuns se demandent si la réintégration des combattants du FPR dans
l'armée rwandaise pourra se faire sans heurts.

e) Les auteurs de l'insécurité grandissante et criante se promènent toujours et sèment partout
La terreur et la désolation. L'interventionnisme de certaines autorités annihile toute initiative des
services du Parquet, de la Gendarmerie et des autorités administratives.

# Comme le groupe Interahamwe est ja seule organisation qui accepte dans ses rangs les
militaires, et que cette "jeunesse" est encadrée plus par des policiers que par des politiciens, elle
devrait être rappelée à l'ordre et cesser de terroriser la population. Lors des manifestations du
28/07/1992 à Gitikinyoni, l'on a remarqué la présence active des éléments de la Garde

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anticonstitutonnelle. Devant le nombre croissant de lois déclarées anticonstitutionnelles et

toujours préparées à Votre initiative, il est à se demander si le CND actuel appuie et sert le
processus de démocratisation.

l) Dans sa lettre du 17 septembre 1992, Votre Directeur de Cabinet demandait que la
délégation du Gouvernement aux négociations d'Arusha revienne À KIGALI alors que les
négociations se poursuivaient normalement et dans le cadre du mandat lui confié.

Rappelons que la ligne de conduite de la délégation rwandaise avait été définie par le
Gouvemnement comme suit:

1) Défendre le respect des institutions de l'Etat;

2) Accepter l'insertion du FPR dans les institutions de l'Etat et lui permettre de
contribuer à l'avancement du processus démocratique:

3) Accepter les aménagements institutionnels jugés pertinents et utiles dans la mesure où

ces aménagements contribuent à renforcer et à accélérer le processus de démocratisation
de la vie politique rwandaise.

Monsieur le Président,

. Il ressort de ce qui précède que Votre responsabilité dans
le blocage de l'action gouvernementale se trouve engagée et ce à double titre, d'abord comme
Président de la République, Chef de l'Etat et Garant du bon fonctionnement des institutions,
ensuite comme Président du parti MRND, parti occupant au Gouvernement la moitié des postes
ministériels et principal frein au bon fonctionnement du Conseil des Ministres.

Comme ce blocage ne doit plus perdurer et qu'il est
contraire à l'esprit #t à la lettre du Protocole d'entente du 7/4/92 et du programme
gouvernemental, je Vous demande instamment de mettre fin à ces pratiques surannées et
antidémocratiques qui entravent inutilement l'exécution du programme gouvernemental. Aussi,
dans l'intérêt supérieur de la nation, je Vous prie de Vous engager positivement en faveur du
processus de démocratisation de la vie politique rwandaise.

Si le Gouvernement de transition ne réussit pas à instaurer
la démocratie et à ramener la paix dans le pays, tout son travail aura été vain et le peuple

rwandais sera en droit de demander des comptes à tous ceux qui l’auront empêcher de remplir
sa mission.

Veuillez agréer,. Monsieur le Président, les assurances de
ma plus haute considération.

ë Président du Conseil National
pour le Développement

. Présidents des Partis Politiques
participant au Gouvernement

: Ministres (Tous)



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