Fiche du document numéro 28616

Attention : ce document exprime l'idéologie des auteurs du génocide contre les Tutsi ou se montre tolérant à son égard.
Num
28616
Date
Mercredi 23 juin 2021
Amj
Auteur
Fichier
Taille
26004
Pages
2
Urlorg
Sur titre
Tribune
Titre
Hubert Védrine : « Le travail historique doit se poursuivre »
Sous titre
Après la publication d’une tribune dans « Libération » qui demande son retrait de la présidence des Rencontres de la photo d’Arles, l’ancien ministre répond sur le rôle de la France dans le génocide des Tutsis au Rwanda.
Nom cité
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Source
Type
Tribune
Langue
FR
Citation
Par Hubert Védrine, ancien ministre de François Mitterrand

C’est incompréhensible que je sois pris à partie à propos de la politique de la France au Rwanda de 1990 à 1993 et en 1994 puisque je n’ai joué aucun rôle particulier dans la détermination et la mise en œuvre de cette politique, ce que même le rapport Duclert reconnaît. Je me borne par loyauté et souci de la vérité historique à l’expliquer et à la défendre, en rappelant les dates clés, et ce qu’ont vraiment fait François Mitterrand, Edouard Balladur et Alain Juppé. Est-ce interdit ?

Qu’ai-je ainsi répété ? Que c’est l’engagement politique et militaire de la France en 1990, face à l’invasion du FPR (Front patriotique rwandais), qui a rendu possible les accords d’Arusha en août 1993 ; que cet engagement a conduit à ce compromis, et pas au génocide de 1994, bien au contraire, puisque si la France s’est retirée après Arusha, c’est à la demande du FPR ; et que donc, en 1994, la France n’est pas «aux côtés d’un régime génocidaire» (qu’elle a contraint, quelques mois auparavant, à partager le pouvoir) puisqu’elle n’est plus là ; qu’elle est ensuite le seul pays à se dire prêt à revenir mener une action humanitaire ; que si l’accord de l’ONU n’est obtenu que fin juin 1994, ce n’est pas de son fait. On devrait pouvoir rappeler ces évidences et cette chronologie, que l’on trouve dans de nombreux ouvrages étrangers, sans se faire insulter.

Dispositif international durable



Quant à l’entretien que j’ai donné dans Eléments (une erreur !), c’est un faux prétexte. Le terme «contrôle» évoque une époque où les directeurs de journaux auraient tenu, sur une question aussi grave, au pluralisme des points de vue. Je pense en tout cas que ni le rapport Duclert (dont la conclusion sur la «responsabilité» supposée, à défaut de «complicité» improuvable car inexistante, n’est pas cohérente avec les six chapitres d’analyse) ni le discours du président Macron à Kigali, dont il faudrait également citer les passages positifs (intentions louables, accords d’Arusha), ne sont le dernier mot du travail historique. Celui-ci doit se poursuivre, ce qui suppose, comme l’a demandé le Président lui-même, que les autres protagonistes ouvrent à leur tour leurs archives.

Pour prévenir les horreurs des génocides, il faut savoir ce qui y conduit. Quand la controverse sera devenue rationnelle et que les accusations insensées auront été abandonnées, on pourra se poser la question essentielle : est-ce que le président Mitterrand n’a pas présumé de nos forces en 1990 en intervenant ? Certes, la France a ainsi bloqué une guerre civile qui s’annonçait dévastatrice, et je pense qu’elle n’a pas mal agi durant les trois années suivantes puisque c’est cet engagement qui a rendu possible les accords d’Arusha en août 1993. Mais après, pour en imposer le respect, il aurait fallu un dispositif international très puissant et durable…

Quant aux Rencontres de la photographie d’Arles, à la présidence non exécutive desquelles j’ai été réélu il y a un mois, je suggère qu’on les laisse à l’écart de cette controverse historique.
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fgtquery v.1.9, 9 février 2024