Fiche du document numéro 28159

Num
28159
Date
Samedi 10 avril 2021
Amj
Auteur
Fichier
Taille
55904
Pages
11
Titre
Courriel à Monsieur le député Sébastien Nadot
Nom cité
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Type
Courriel
Langue
FR
Citation
Monsieur Sébastien Nadot

Monsieur le député,

Je m’adresse à vous car vous êtes le seul député à avoir abordé la question qui m’obsède en tant que citoyen français.

Vous vous adressiez le 3 mars dernier en ces termes à Monsieur Le Drian, ministre des Affaires étrangères : "Rwanda, Éthiopie, Cameroun : trois pays qui riment avec génocide, crimes de guerre et Françafrique. Notre passé au Rwanda est accablant. Nous avons échoué à prédire le génocide, à l'empêcher et à en protéger les victimes ; nous n'avons même pas poursuivi ses auteurs. Malheureusement, nous mesurons, avec le récent assassinat de l'ambassadeur d'Italie en République démocratique du Congo, à quel point nous avons laissé cette région de l'Afrique dans le chaos."

Ces mots courageux qui vous honorent m’incitent à m’adresser à vous. Nous ne sommes peut-être pas de la même couleur politique. Loin s’en faut puisque depuis ma jeunesse soixante-huitarde, j’ai toujours été à la gauche de la gauche et me classerais plutôt chez les libertaires. Mais je suis certain que sur certains sujet fondamentaux, et celui que vous abordiez là en est un, les citoyens de bonne volonté et de bons principes peuvent se rejoindre.

Voici donc l’objet de ma demande. Le combat qui depuis 20 ans maintenant me tourmente est celui de la dénonciation de la complicité de la France dans le génocide des Tutsi du Rwanda en 1994. Jusque-là, seul le député communiste Jean Claude Lefort s’est honoré dans ce combat pour la vérité et la justice (1). Mais depuis, la représentation nationale reste bien silencieuse à ce propos.

Et pourtant, l'affaire n'est pas petite : il s'agit ni plus ni moins de l'honneur de la France, de la conscience de nous tous citoyens français, et en particulier de la dignité de toute la gauche. Il s’agit de notre complicité collective dans un des pires des crimes de l’Histoire de l’Humanité.

Voici les faits :

Depuis 27 ans, découvrant ce qui est le pire scandale de la Vème République, la complicité de fait – l'intention étant une autre affaire – de notre pays dans le génocide des Tutsi du Rwanda perpétré par "nos" alliés du "Hutu power", un certain nombre de citoyens se sont mobilisés pour la vérité et la justice. Ils ont recherché et établi les faits. François-Xavier Verschave, Bruno Gouteux, les gens de Survie, Patrick de Saint-Exupéry, Jacques Morel et bien d'autres, ont très tôt établi les faits qui prouvent cette complicité.

Devant ces faits qui sont têtus, le pouvoir politique, toutes tendances confondues, a d'abord nié, accusé en miroir, joué la montre, allumé tant et tant de contre feux, tenté toutes les ruses de la dissimulation. La "Mission Parlementaire" de 1998 a eu le mérite d'exister, rétablissant un peu l'honneur de la représentation nationale face à ce crime collectif, commençant à regarder la vérité en face, mais sans en tirer les conséquences qui auraient dû mener a minima à la continuation d'enquêtes jusqu'au bout (sur l'attentat contre l'avion d'Habyarimana, le rôle de Paul Barril, la disparition de Grossouvre, toutes les prises de décision "secrètes" du pouvoir politique d'alors) et à la reconnaissance officielle de la "complicité de fait" et à la demande de pardon tout aussi officielle auprès des Rwandais, seule acte conforme à notre culture, à nos principes, à notre honneur. Au lieu de cela, tabou et dissimulations ont perduré, sous le masque des dernières tentatives de la théorie du "double génocide" chères à la Mitterrandie et à la droite toutes tendances confondues, le tout coulé dans cette nauséeuse et tartuffe perversion du bon sens populaire, le "ce n'est pas nous quand même qui tenions les machettes". Le pire étant cette tentative d’accuser le FPR d’être le responsable de l’attentat et donc du génocide. Les médias se sont fait très largement l’écho de l’accusation en miroir selon laquelle le FPR n’aurait pas seulement mis fin au génocide, mais l’aurait sciemment, et donc de façon cynique et machiavélique, totalement souhaité et provoqué. La nausée !

Puis, devant la prise de conscience que les faits, décidément, seraient les plus têtus, la raison d'État, personnifiées sous la Vème République en nos présidents successifs, a imposé une nouvelle stratégie, la souplesse contorsionniste étant un des principes fondamentaux du machiavélisme bien compris. A partir de Sarkozy, et juste après que le Rwanda de Kagame ait décidé d'entrer dans le Commonwealth, les décideurs français optent pour la méthode qui consiste à sauver les meubles et empêcher que le Rwanda, suite au fiasco complet du soutien de la France au pouvoir génocidaire, ne glisse définitivement et complètement dans l'escarcelle anglo-saxonne.

Le 29 novembre 2009, à la suite d'une rencontre à Kigali entre le secrétaire général de la présidence française, Claude Guéant et Paul Kagame, les deux pays décident de renouer les relations diplomatiques rompues depuis trois ans.

Et Sarkozy se rend au Rwanda en 2010 et reconnait des "erreurs d’appréciation, des erreurs politiques". Ça lui ouvre des entrées au cœur de cette Afrique qui risquait de nous échapper définitivement. Kagame lui en sera reconnaissant et a cherché sans doute à s’infiltrer dans la faille. Aujourd’hui encore Sarkozy passe ses vacances au Rwanda et fait des affaires dans ce qui est en train de devenir la Suisse de l’Afrique.

Macron lui emboîte le pas. Quelques phrases condamnant la colonisation, puis création de la commission Duclert. Travail d’équilibriste, car il s’agit à la fois de rétablir la confiance avec les Rwandais et continuer à regagner le terrain perdu à cause du génocide, mais en tentant de sauver l’image de la France dans cette catastrophe. Et en contradiction avec tous les faits évoqués dans le rapport de cette commission – bonne vulgarisation plutôt que réelle avancée de la recherche historique –, les équilibristes concluent, certes, avancée remarquable dans l’aveu et la reconnaissance des faits (enfin !!!) à "un ensemble de responsabilités, lourdes et accablantes", au sein de l’Etat français. Mais il écarte l’idée d’une complicité de génocide, dans les intentions. On parle alors d’"aveuglement".

Peuvent-ils sérieusement croire en une telle fable ?

Paul Dijoud, directeur des Affaires africaines et malgaches au ministère des Affaires étrangères, rencontre Paul Kagame, général du FPR, en janvier 1991, dans des circonstances très curieuses et le prévient : "Si vous n’arrêtez pas le combat, si vous vous emparez du pays, vous ne retrouverez pas vos frères et vos familles, parce que tous auront été massacrés !"

Le 22 janvier 1992, l’ambassadeur Georges Martres et l’attaché de défense Bernard Cussac envoient un télégramme diplomatique où ils mentionnent que "le ministre de l’intérieur rwandais a décidé […] d’armer la population de la zone frontalière". Ce télégramme fait état de "milices d’autodéfense". Pouvait-il ignorer que ces milices fanatisées par la radio de Mille collines se préparaient au pire ?

Tout un chacun peut depuis vingt ans avoir sous les yeux tous les autres documents innombrables qui prouvent sans l'ombre d'un doute que les décideurs français étaient parfaitement informés qu'un plan d'extermination des Tutsi à grande échelle était en cours de préparation. Ils le savaient d'autant plus que l'armée française avait été engagée par ces mêmes responsables dans l'élaboration d'une "guerre révolutionnaire" impliquant ce genre de force de frappe génocidaire. Tout le monde était au courant !

Comment peut-on dès lors continuer à parler d'aveuglement ?

Définition d'aveuglement : "état d'un être privé du sens de la vue. Privation définitive, irrémédiable de la vue. Cécité".

Ce n'était pas le cas puisque placés où ils étaient, militaires et décideurs français ne pouvaient que "voir" ce qui se tramait. Pire, ils formaient ceux-là même qui s'y préparaient.

Deuxième sens d'aveuglement : "baisse momentanée de l'acuité visuelle due à l'intensité trop vive de la lumière. Synonyme : éblouissement".

Mitterrand et ses adjoints en politique extérieure africaine et rwandaise auraient-ils été éblouis jusqu'à l'aveuglement par leur propre idéologie ethniciste et néocoloniale, leur syndrome de Fachoda ? C'est bien possible, mais à ce moment-là il ne s'agit pas à proprement parler d'aveuglement mais d'auto-formatage idéologique qui mène au meurtre, au même titre que Mein Kampf. Pourrions dire d'Hitler qu'il fut "aveuglé", "ébloui" par sa propre idéologie et propagande aux conséquences que l'ont sait ?

Enfin au figuré il s'agirait du "fait de priver quelqu'un de discernement de sens critique ; état d'une personne privée de discernement, de sens critique (notamment sous l'empire de la passion)".

Qui peut imaginer un Mitterrand dénué de discernement et sens critique ? À moins que la maladie qu'il avait cachée aux français en fut la cause ? Que penser d'un dirigeant qui s'évertue à rester au pouvoir, alors qu'il n'aurait plus les capacités intellectuelles à gouverner, et que prenant des décisions qui aboutissent à un million de génocidés, il n'en soit pas responsable ? Et ses adjoints sains d'esprit doivent-ils alors assumer cette responsabilité de meurtre puisque, eux, ont garder discernement et sens critique ? À moins que "l'emprise de la passion", à savoir les intérêts de la France, ait amené ces gens à considérer que le génocide qui se préparait n'était qu'un "dégât collatéral" d'une politique bien comprise, et que Mitterrand encore en possession de tous ses moyens, visiblement, exprimait encore parfaitement en 1986 : "La France n'est pas un phare éteint, comme le pensent trop de responsables – et si peu responsables – de nos affaires publiques, qui oublient de parler leur langue dans les enceintes internationales, qui s'accommodent de l'absorption des œuvres vives de notre économie par le capitalisme étranger, et pour qui la (fausse) sagesse est de faire acte d'allégeance à la loi des empires. […] Il est des domaines non négligeables, un pré carré dont je revendique, lorsqu’il est empiété, qu’il soit reconquis et rendu à la France. Dans ce pré carré je distingue en premier notre langue, notre industrie et notre sécurité qui sont autant de fronts où garder nos défenses sans les quitter des yeux. Que l’une cède et la citadelle tombera. Cette image guerrière traduit très exactement ma pensée."

Parler d'aveuglement en ce cas s'est s'aveugler soi-même sur l'innommable.

Du coup, nouveau glissement sémantique, véritable "euphémisme de bienséance". Monsieur Duclert, dans son interview donnée sur France Culture ne parle plus d’aveuglement, mais de "cécité volontaire" (2). Et lorsque Guillaume Erner, le journaliste, lui pose la question de savoir si on peut croire en une telle fable de "cécité volontaire", Monsieur Duclert de répondre : "Est-ce que c’est une cécité volontaire ou non… là, je veux dire, je laisserais au fond… On laisse les Français conclure sur la base de notre rapport, voyez…,ça, c’est important".

Nous y voilà, et je le prends au mot. Or c’est précisément que certains citoyens dont je fais partie ont jugé en fonction de ces faits évoqués dans ce rapport, que Mitterrand n’était ni aveugle ni involontaire, qu’il était dans la droite ligne du complexe de Fachoda et qu’il savait très bien ce qu’il faisait, considérant que des massacres, même à tendance génocidaire, ça ne serait pas "important" dans ce genre de pays, que cela resterait un "dégât collatéral" acceptable. En conséquence, je demande que, ne pouvant moi-même exprimer mon jugement à qui de droit, c’est-à-dire à la classe politique, vous puissiez parler en notre nom à l’Assemblée.

Et pourquoi vous ? Parce que tout le restant des députés de gauche, liés à un parti, lié à un passé, sont piégés. Accuser Védrine et Mitterrand de complicité de génocide, ils imaginent que ce serait égorger d’un coup toute la gauche.

Il nous semble que cette force très profonde qui est à l’œuvre dans ce refoulement général a quelque chose à voir avec la notion d’"union sacrée". Plus précisément, tout se passe comme si, dans les esprits de nos contemporains et compatriotes, la défense de l’image de la France éternelle mériterait non seulement de serrer les rangs mais, ceci expliquant cela, de mettre l’étouffoir sur des valeurs et des principes, que paradoxalement, nous nous évertuons à revendiquer haut et fort sur la scène internationale, au point de passer aux yeux de beaucoup de nos frères étrangers, pour de ridicules et orgueilleux donneurs de leçons.

Il n’est que d’observer, dans toute la classe politique y compris à la gauche de la gauche, cette extrême frilosité à évoquer la complicité de la France dans le dernier grand génocide du XXème siècle. Certes surgissent parfois quelques textes qui se veulent assez clairs et qui projettent de vouloir aller assez loin dans la vérité et la justice (3).

Et puis, passé le bruit de la parole, ces militants, dont nul ne pourrait mettre en doute la sincérité, retombent dans l’aphonie et l’apathie la plus totale, confinant à la veulerie. Comment peut-on commencer à entendre le cri des génocidés de 1994 et retourner au silence sous prétexte que ce cri est inaudible, inaudible car trop effrayant pour notre image nationale. Que deviennent alors tous les autres combats politiques, si ce cri-là n’est pas entendu ?

Certes la révélation du crime éclabousserait tout le monde et plus le temps passera plus le silence adopté au départ par certains aggravera cette autre complicité qui a consisté à préférer "couvrir" le crime des "copains" plutôt que de rechercher la vérité et la justice. Au-delà des prises de position sans lendemain et sans strictement aucun effet, c’est l’union sacrée qui se manifeste dans les faits : les dossiers s’enlisent et le silence de tous, comme celui d’une famille autour d’un secret inavouable, replonge encore plus profond notre complicité dans la nuit rwandaise.

Nous constatons à travers ces exemples que les registres de la "prudence", au-delà de leur diversité, aboutissent tous à ce que les responsabilités de la France soient refoulées et demeure dans la nuit noire de l’implicite. Tout le monde est au courant, mais personne n’en parle.

Mais ne serait-il point le moment justement, que la gauche se décide enfin à se couper définitivement de cette branche qui la relie à la défense patriotique des intérêts commun de notre nation. Quels intérêts communs partageons-nous avec Bolloré et Arnaud, et tous les groupes qui pillent l’Afrique en notre nom et qui, à l’instar de Sarkozy, s’arrangent avec le génocide des Tutsi pour mieux récupérer le terrain perdu au Rwanda, ce promontoire au cœur de l’Afrique centrale si pleine d’avenir ? Et cela en trichant avec notre conscience, en magouillant pour minimiser notre complicité.

Le temps n’est plus à la magouille ni au tabou, ni à la politique de l’autruche !

Oui, nous sommes quelques-uns, citoyens français de base, qui savons (quel horrible savoir) que nous avons collectivement un "génocide sur la conscience". Nous avons élu des dirigeants qui en notre nom ont joué (quel horrible jeu) aux apprentis sorciers, au cœur de ces ténèbres rwandaises, qu’ils croyaient connaitre, du haut de leur intelligence d’énarques et d’hommes d’Etat. Ils prétendaient mener une politique savante, habile, supposée servir nos intérêts nationaux, et celle-ci a abouti, quel horrible résultat, à "la mort, la mort, la mort toujours recommencée" d’un million d’hommes, de femmes, d’enfants, de nourrissons, de vieillards, sans défense, d’innocents devant "dieu" qui se taisait, devant nous qui nous taisions. Les médias, le journal dit de référence Le Monde, les intellectuels, les partis politiques de gauche, de droite, du centre, l’Union sacrée de la realpolitik : tous taisaient l’infâme, faisant croire que le bourreau était la victime, que le génocidaire était notre frère, que les alliés des génocidaires étaient des humanitaires, que ce n’était là qu’un massacre parmi d’autres sur cette pauvre terre, et que, toute bonne conscience dehors (quelle horrible conscience) nous n’avions rien pu faire !

Quoi ? Rien pu faire, nous qui étions les meilleurs alliés des génocidaires, qui avions formé leur armée, leurs milices, leur stratégie de la "guerre (dite) révolutionnaire", rien pu faire pour empêcher l’innommable, l’indicible crime, la négation même de toute humanité́ !

Oui nous les quelques Français de base qui entendrons dès lors ce silence jusqu’à notre mort, parce que c’est notre raison d’être de citoyen, de citoyen du monde, notre raison d’être d’humains qu’on a assassiné ici, au Rwanda, d’avril à juillet 1994, en notre nom.

Ah oui ! nous les entendons aussi ces sarcasmes infâmes de ceux qui nous traitent de "droit-de-l’hommistes", de doux rêveurs de l’humanitarisme, les Védrine, les Péan, qui nous accusent d’être manipulés par les victimes, dupes du méchant qui sommeillerait sous le masque du sacrifié. Mais ceux-là qui voudraient exterminer une seconde fois l’exterminé en refusant la nécessaire reconnaissance du crime, ceux-là sont nos ennemis. Et nos ennemis, on s’en charge. Par contre, protégez-nous de nos amis, ceux qui, parmi les hommes et les femmes qui ont place sur la scène publique, sur les plateaux de télé, sur les affiches, dans les journaux, dans les Assemblées, ont à un moment ou à un autre, depuis le génocide des Tutsi du Rwanda de 1994, dit un mot, prononcé une parole, signé une pétition, rédigé une déclaration qui allait, même de façon infinitésimale, vers cette reconnaissance, indispensable à notre honneur.

Car ces amis-là, ils parlent un jour puis se taisent toujours. Quoi, comment peut-on commencer à entendre le cri des génocidés de 1994 et retourner au silence sous prétexte que ce cri est inaudible, inaudible car trop effrayant pour notre image nationale ? Que deviennent alors tous les autres combats politiques, si ce cri-là n’est pas entendu ?

Nous, simples citoyens, nous les traumatisés du génocide des Tutsi du Rwanda car nous avons élu ceux qui en ont été les complices, car nous n’avons pas entendu la voix de Jean Carbonare, président de Survie, qui l’annonçait au vingt heures de Bruno Masure un an auparavant, qui n’avons pas pu l’empêcher, nous qui après le crime avons fini par comprendre qu’il avait été perpétré avec la complicité de la France, nous vous demandons, à vous, élus du peuple français, de venir au-devant de la scène, et de dire, haut et fort, et à intelligible voix :

"Vingt-sept ans, de dissimulation, de honte absolue, ça Suffit !"

Il ne s’agit pas de "réparation". On ne répare pas la mort d’un être cher. On ne répare pas les souffrances du corps et de l’âme. On ne répare pas un génocide qui est la négation même de l’humanité. Il s’agit simplement de reconnaître l’autre, sa mort, sa souffrance immense, de reconnaître notre irréparable faute, notre irréparable non-assistance à personne en danger, de reconnaître la complicité de nos dirigeants – donc notre complicité car nos dirigeants sont nous-même – à qui nous avons confié notre souveraineté et que nous aurions dû contrôler, empêcher de commettre en notre nom l’irréparable.

Il convient, parce que c’est le sens profond du mot de citoyen, de parler haut et clair, de demander haut et clair, devant tous les Français, que justice soit faite, à la mémoire des Tutsi du Rwanda. Il convient d’exiger une véritable Commission d’enquête parlementaire qui ira jusqu’au bout de la vérité. Il convient d’exiger la levée du secret défense, car nous n’avons rien à défendre face au million d’innocents martyrisés, ils sont morts et ne reviendront plus nous menacer ; nous n’avons rien à défendre si ce n’est notre honneur et notre honneur, c’est la vérité. Il convient d’exiger que tous ceux qui ont été directement complices du meurtre soient jugés et sanctionnés pour qu’enfin surgisse la vérité. Et pour que le crime ne paye plus.

Du coup, vous comprendrez, Monsieur le député, d’où vient ma rage. Aucun député, pourtant nos représentants, n’aura donc le courage de faire péter l’hémicycle de la seule voix de vérité qui siérait à une question si grave, le plus gros scandale de la Vème République ?

A moins que mon petit mail rageur ne vous ait convaincu qu’il serait bien de ne pas laisser le silence continuer à déshonorer toute la représentation nationale.

Signé : Jacques Schaff, enseignant d'histoire géographie, à la retraite depuis 2012

PS - Quelques liens pour mieux me connaître :

- mon analyse des manuels scolaires sur le thème du génocide des Tutsi du Rwanda et implication française (il faut lire la deuxième partie qui est plus synthétique) :

https://francegenocidetutsi.org/SchaffRwandaManuelsScolaires.pdf

- les traces du conflit qui m’opposa en 2006 à une Inspectrice à ce sujet, traces qui ne se sont jamais effacées de ma mémoire d’enseignant de la République (Monsieur G. est mon pseudonyme) :

https://www.lanuitrwandaise.org/parler-du-rwanda-a-l-ecole,015.html

- mon intervention à la 18ème Commémoration du génocide des Tutsi au Rwanda organisée par l'association Ibuka section France. Paris, siège de Médecin du Monde, 7 avril 2012 :

https://www.dailymotion.com/video/xqiwik

- article sur le traitement de la question de l’esclavage et de Toussaint Louverture dans les musées et expositions en France :

https://revolution-francaise.net/2015/02/10/608-museographie-et-ideologie-traite-musee-aquitaine-exposition-haiti-grand-palais

(1) "Jean-Claude Lefort attire l'attention de M. le ministre des Affaires étrangères sur le nombre toujours croissant de faits et témoignages qui sont portés à la connaissance des citoyens français sur le rôle joué par la France au Rwanda, de 1990 à 1994. Cette question avait déjà été posée en 1998. Elle fit l'objet d'une mission d'information parlementaire sur le Rwanda qui s'employa à dégager la France de toute responsabilité. Les conclusions de cette mission – que je n'avais d'ailleurs pas approuvées à l'époque – ont par la suite été contestées pour leur partialité et la censure de certains témoignages, et la question de la responsabilité de la France continue d'être vivement posée, notamment par une mission citoyenne d'information. Aujourd'hui encore, des journalistes, d'anciens militaires, des chercheurs, d'anciens coopérants français, des couples mixtes franco-rwandais, des hommes politiques, des rescapé(e)s du génocide, d'anciens bourreaux, témoignent – notamment à la télévision – de l'engagement de l'État français dans un massacre en cent jours de plus d'un million d'hommes, de femmes et d'enfants, dans un petit pays de neuf millions d'habitants. M. Lefort demande donc au ministre ce qu'il compte mettre en œuvre pour faire la lumière sur ces accusations de complicité de génocide qui pèsent sur la France et faire ainsi cesser un certain révisionnisme d'État. Enfin, M. Lefort souhaiterait connaître les mesures qui sont prises, évoquées dans le rapport parlementaire, pour instaurer un véritable contrôle démocratique de la politique africaine de la France", Question publiée au JO le : 11/05/2004 page : 3378, site de l'Assemblée nationale française.

(2) https://www.youtube.com/watch?v=xhYatwLfut0extrait situé dans cette interview de la 22ème minute à la 28ème minute.

(3) Jean-Marc Ayrault, Premier ministre, déclarait en 2011 : "Ce qui s’est passé en 1994 au Rwanda nous concerne tous. Le processus qui conduit au génocide est une déshumanisation de l’homme. Aujourd’hui nous devons nous souvenir et commémorer mais aussi dessiner les voies pour apaiser les morts, permettre à la justice de travailler et garantir aux historiens d’assurer leur rôle indispensable.[…] La France doit y prendre toute sa part […] Les moyens humains et financiers doivent être donnés afin que le nouveau pôle judicaire concernant les génocides et crimes contre l’humanité puisse fonctionner."

Pascal Canfin, ministre délégué, chargé du Développement, a signé l’Appel du 22 février 2010 à l’occasion du voyage de Nicolas Sarkozy au Rwanda. Il y est dit notamment : "Nous invitons chacun, simple citoyen, journaliste, militant associatif ou politique, chercheur universitaire ou élu local à trouver quels gestes il peut poser, quelles paroles il peut prononcer pour contribuer à faire cesser le silence sur le rôle qu'a joué la France au Rwanda entre 1990 et 1994."

Europe Écologie-Les Verts a publié un communiqué le 16 janvier 2012 indiquant : "Il est aujourd’hui nécessaire d’aller au bout de cette démarche [de recherche de vérité], en déclassifiant toutes les archives liées à cette période, en faisant tomber les protections dont bénéficient certains présumés génocidaires résidant en France, en instaurant enfin une commission d’enquête parlementaire sur la coopération franco-rwandaise de 1990 à 1994, ainsi qu’EELV le demande depuis le 7 avril 2011. […] Un changement de majorité politique en France doit être l’occasion de prendre ces décisions. EELV appelle donc ses partenaires de la gauche et de l’écologie parlementaires à s’engager dès maintenant sur une position claire et unifiée en vue de faire toute la lumière sur le rôle joué par la France avant, pendant et après le génocide au Rwanda… Cet engagement commun serait pour notre pays un premier pas dans la refondation de relations avec l’Afrique qui soient respectueuses des êtres humains."

Le Mouvement des Jeunes Socialistes a publié un communiqué le 25 février 2010 indiquant : "Il est temps que l’État reconnaisse son rôle dans la livraison d’armes, la formation des militaires et milices ainsi que la protection qui a été accordée pendant près de quinze ans à des génocidaires sur notre territoire national. […] En 1998, la mission d’information présidée par le député Quilès avait permis d’ouvrir des pistes de réflexion sur le rôle de la France au Rwanda. La mission révélait une part de responsabilité de France mais niait toute complicité et se refusait à désigner des responsables. En outre, le rapport était complaisant avec l’Opération Turquoise. Malheureusement la France et le Parti Socialiste se sont contentés de ce rapport l’érigeant comme un dogme que nul n’est autorisé à interroger. […] Les jeunes socialistes demandent au Parti Socialiste et à l’ensemble des forces politiques de notre pays de lever immédiatement le secret défense sur tous les dossiers attenants au Rwanda et d’accorder un accès total aux archives aux historiens. Les jeunes socialistes souhaitent que soit adoptée une loi pénalisant tous les actes de négationniste et cela pour tous les génocides."
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fgtquery v.1.9, 9 février 2024