Fiche du document numéro 27969

Num
27969
Date
Mars 2021
Amj
Auteur
Auteur
Fichier
Taille
243079
Pages
9
Urlorg
Sur titre
Débats
Titre
La France et le génocide des Tutsis du Rwanda (1994). La version officielle à l’épreuve des archives
Sous titre
Entretien avec Raphaël Doridant et François Graner, réalisé par Alain Gabet et Sébastien Jahan
Nom cité
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Résumé
The role played by France in the Tutsi genocide in Rwanda in 1994 remains a painful and controversial issue. While the Duclert commission, set up by President Macron, is due to submit its report on this subject next April, the Cahiers d'Histoire questioned two specialists in this problem, François Graner and Raphaël Doridant, members of the association “Survie”, which made a decisive contribution to the understanding of the neocolonial system set up by France, commonly known as "Françafrique". They recently published a book that synthesizes all the knowledge that makes it possible to measure the extent of the involvement of the French authorities in the Tutsi genocide, and bring new revelations from long inaccessible archives.
Source
Type
Article de revue
Langue
FR
Citation
p. 171-186 https://doi.org/10.4000/chrhc.15986
1 Tous les ans, le mois d’avril sonne l’heure de la commémoration du génocide tutsi au Rwanda. La question du rôle de la France dans ces événements tragiques retrouve alors une résonnance amplifiée, ravivant les plaies d’une querelle mémorielle parmi les plus intenses de notre histoire1. L’année 2021 ne dérogera sans doute pas à cette règle, d’autant qu’elle constitue l’échéance fixée par l’État à la commission Duclert, mise en place par Emmanuel Macron, pour établir une vérité qui se voudrait aussi scientifique qu’officielle sur cette question douloureuse2. On le comprendra aisément, cette commission pose des questions fondamentales sur le rôle des historiens et leurs relations avec l’appareil d’État dans la fabrique d’une mémoire qu’il voudrait collective. Cette dernière peut-elle émaner d’une commission nommée par le pouvoir ou ne peut-elle surgir que de la longue confrontation des lectures indépendantes des événements ? Les problèmes qui ont émaillé le travail de cette commission, de sa constitution3 à ses modalités de travail4, en passant par « l’affaire D’Andurain5 », peuvent laisser sceptique sur les apports d’une telle démarche, en attendant de pouvoir juger son aboutissement sur pièces. A contrario, l’enquête sur le long terme d’associations comme Survie a permis la construction d’un savoir, aussi exhaustif dans sa documentation que profond dans son analyse et sa déconstruction des rouages de la Françafrique, cadre paradigmatique en dehors duquel il est impossible de comprendre ce qui s’est passé au Rwanda6. Deux militants particulièrement impliqués dans ce dossier et aguerris aux méthodes historiographiques, Raphaël Doridant et François Graner, ont publié au mois de février 2020 une synthèse des connaissances sur la question qui fera date et sera un outil précieux pour appréhender le rapport de la commission Duclert7. L’entretien qui suit permettra au lecteur d’accéder rapidement aux conditions d’élaboration et aux conclusions les plus importantes de ce travail indispensable. 2 Comment en êtes-vous venus à enquêter sur la question de l’implication de l’État français dans le génocide des Tutsis ? À partir de quelles sources avez-vous travaillé jusqu’à présent ? 3 Nous n’avions pas de relations personnelles avec des Rwandais avant le génocide de 1994. Nous avons été extrêmement choqués par ce qui s’est passé, d’autant que par notre éducation nous étions tous deux des citoyens respectueux de la France et de son histoire. On nous avait inculqué « Plus jamais ça » après la Shoah, à laquelle le régime de Vichy avait contribué directement. Et voilà que cinquante ans plus tard survient le génocide des Tutsis, et qu’à nouveau se pose la question du rôle de l’État français. 4 Les accusations portées contre la France nous ont touchés, car elles concernent au plus haut point la démocratie française et son fonctionnement. En effet, elles posent la question, toujours brûlante,
de qui décide quoi au nom des Français. C’est pourquoi Raphaël a codirigé un livre sur le sujet en
2009 et François en a écrit un en 2014.
5 En 2020, nous voulions proposer un ouvrage synthétique et pédagogique pour permettre aux
citoyens français de comprendre les tenants et les aboutissants de cette complicité, indirecte cette
fois, dans un deuxième génocide, essentiellement afin que cela ne se reproduise pas. L’autre moteur
de notre action est le respect dû aux victimes rwandaises et à leurs familles.
6 Sur le rôle de la France au Rwanda, il y a déjà une grande quantité de sources écrites et orales
disponibles, à commencer par ce que la mission d’information parlementaire de 1998 a recueilli et
publié, la presse, les sources que d’autres que nous et nous-mêmes avons collectées. Elles
permettent depuis longtemps, et avec toujours plus de précision, de comprendre ce qui s’est passé.
7 Ces sources permettent-elles de clarifier le degré de compromission de la France avec
les génocidaires ? Les dirigeants français connaissaient-ils les intentions de leurs alliés
rwandais ? Peut-on parler d’une complicité active ?
8 Oui, ces sources permettent d’établir que les dirigeants français, bien informés en temps réel des
intentions et actions de leurs alliés génocidaires, les ont soutenus avant, pendant et même après
1994. Plus précisément, nous reprochons aux dirigeants français d’avoir soutenu un régime en pleine
dérive génocidaire, puis d’avoir soutenu le gouvernement et son armée qui commettaient le génocide
des Tutsis. Et enfin, une fois le génocide perpétré, d’avoir permis la fuite au Zaïre de ses auteurs et
de les avoir aidés dans leur tentative de reconquérir le Rwanda. C’est pourquoi l’association Survie
appuie devant la justice française les plaintes de rescapés pouvant mettre en cause in fine des
responsables militaires et politiques, et c’est pourquoi elle a elle-même déposé une plainte visant
des décideurs français pour complicité de génocide par le biais de livraisons d’armes, même si ces
décideurs n’ont pas eux-mêmes manifesté de volonté génocidaire.
9 En effet, en termes juridiques, cela s’appelle de la complicité, même si le complice n’a pas luimême
l’intention de réaliser un génocide. Car deux conditions (stipulées par le Tribunal pénal
international pour le Rwanda) sont réunies : l’aide réelle et l’intention d’aider.
10 La première est l’aide qui est apportée aux criminels. Elle peut prendre plusieurs formes :
assistance matérielle, soutien moral ou encouragement. Ce peut être un acte ou au contraire le fait
de s’abstenir d’un acte. Cette action ou cette abstention doit avoir eu un effet réel sur le crime
commis.
11 La seconde est l’intention d’aider les auteurs du génocide. On considère qu’un complice a cette
intention s’il aide volontairement des criminels, en sachant qu’ils ont des projets de génocide ou
qu’ils sont déjà en train de le réaliser, et que son aide y contribue.
12 La justice française doit appliquer ce droit international, et de toute façon en droit français la
définition de la complicité est très similaire : elle est établie quand il y a un soutien actif, en
connaissance de cause et avec un effet sur le crime commis. La passivité, ou l’abstention, peut être
sanctionnée quand le crime est manifeste (un génocide) et quand il s’agit d’une personne qui a
mandat d’intervenir, comme par exemple un policier (ce qui dans le cas présent peut s’appliquer à
l’opération Turquoise).
13 Les éléments susceptibles de caractériser cette complicité de génocide sont notamment : la
formation, au moins partielle, du gouvernement génocidaire à l’ambassade de France ; l’absence
délibérée d’intervention des militaires français de l’opération Amaryllis pour stopper le génocide
naissant ; la réception à Paris par les plus hautes autorités du ministre des Affaires étrangères du
gouvernement génocidaire ; la fourniture d’armes et de renseignement aux auteurs du génocide ;
l’absence d’intervention des forces de Turquoise pour empêcher le génocide à Bisesero ; la liberté
laissée aux responsables du génocide de fuir au Zaïre.
14 Pourquoi, selon vous, la France a-t-elle soutenu avec autant d’acharnement un
gouvernement et une armée engagés dans une action à ce point criminelle ? Quel enjeu
mérite-t-il de prendre un tel risque ?
15 Obsédé par sa volonté de contrecarrer l’influence des Anglais et des Américains dans ce qu’il
considère comme l’arrière-cour de la France (c’est-à-dire les anciennes colonies françaises et belges),
le président Mitterrand et avec lui l’État français ont, sans égard pour d’autres considérations, choisi
le camp qui paraissait le plus à même d’arrimer le Rwanda au « pré carré » français.
16 Dans toute l’histoire de la Françafrique, le souci de la stabilité des États africains a été invoqué
pour conserver en place des dictateurs, comme au Cameroun, au Tchad, au Congo-Brazzaville, ou
des dynasties de dictateurs, comme au Gabon et au Togo. Ainsi, Hubert Védrine, secrétaire général
de l’Élysée en 1994, a-t-il expliqué aux députés français que « dans ces régions toujours menacées
par l’instabilité, il considérait que laisser, où que ce soit, un seul des régimes légalement en place
être renversé par une faction, surtout si celle-ci était minoritaire et appuyée par l’armée d’un pays
voisin, suffirait à créer une réaction en chaîne qui compromettrait la sécurité de l’ensemble des pays
liés à la France et décrédibiliserait la garantie française ». C’est au nom de cette stabilité que
Mitterrand a soutenu les extrémistes hutus au Rwanda. Il en est résulté un crime majeur et,
paradoxalement, une déstabilisation de la région des Grands Lacs, toujours non cicatrisée.
17 Le soutien de la Ve République française à un régime génocidaire est le résultat non d’un
aveuglement ou d’une anomalie, mais de son fonctionnement informé, organisé et efficace. Cette
politique relevait de la Françafrique ordinaire, telle qu’elle est encore aujourd’hui mise en oeuvre par
les dirigeants français. Comprendre les mécanismes de la Françafrique permet d’éclairer ce qu’elle a
fait au Rwanda, car force est de constater que ses structures sont si puissantes que même un
génocide ne les a pas ébranlées. Les acteurs de l’époque ont le sentiment d’avoir agi en leur âme et
conscience, au service de leur vision de la grandeur de la France et de la raison d’État, en s’appuyant
sur des institutions conçues pour assurer leur propre impunité. Que cela se traduise au bout de la
chaîne par un génocide n’était pas dans leur champ de vision, ou bien restait pour eux un point de
détail.
18 Quel lien peut-on faire entre l’action de la France au Rwanda et la Françafrique ? 1994
est-il un tournant, comme il a été dit, dans la politique française en Afrique ?
19 François Mitterrand incarne la continuité entre le colonialisme et la Françafrique, dont il est l’un
des initiateurs. Dès 1951, alors qu’il était ministre de la France d’outre-mer, c’est lui qui a retourné
l’opposant ivoirien Félix Houphouët-Boigny en le menaçant d’une répression militaire, puis en le
convainquant qu’il avait plus à gagner à conserver la Côte d’Ivoire dans l’orbite française qu’à l’en
éloigner et en l’incitant à convaincre à son tour la quasi-totalité des indépendantistes panafricains (à
l’exception des Camerounais) de rompre avec le Parti communiste français. C’est la politique du
Guépard, le personnage imaginé par Lampedusa : « Tutto cambia affinché nulla cambi », ce qui
devient dans la traduction française aux éditions du Seuil : « Si nous voulons que tout reste tel que
c’est, il faut que tout change ».
20 Ce système néocolonial, appliqué à grande échelle et maintenu d’une poigne de fer par le général
De Gaulle et son conseiller Jacques Foccart, forme pendant la guerre froide l’un des piliers de la
Ve République, dans laquelle le chef de l’État détermine la politique africaine ainsi que la politique
militaire. La France prend peu à peu pied dans les anciennes colonies belges. En 1989, la chute du
mur de Berlin rebat les cartes, et Mitterrand prononce à La Baule un discours incitant les régimes
africains amis à se démocratiser. Au travers d’élections faciles à truquer, cela permet à la
Françafrique de perdurer quelques décennies supplémentaires.
21 Même après le génocide des Tutsis, à son dernier sommet franco-africain, Mitterrand persiste et
signe : pour lui, l’essentiel est de « poursuivre sa route sans perdre sa direction. […] La France ne
serait plus tout à fait elle-même aux yeux du monde si elle renonçait à être présente en Afrique ».
Les leçons du Rwanda n’ont pas été tirées. Parmi les recommandations, bien trop timides, émises
par la mission d’information parlementaire de 1998, les deux seules qui étaient réellement
pertinentes sont restées sans effet. Le culte de l’État, royal, impérial, colonial, aujourd’hui
néocolonial, marque la mentalité des décideurs français, et pas seulement la leur. Il imprègne en
profondeur l’imaginaire social et l’appareil d’État. Rien ne laisse présager que cet imaginaire se
modifiera de lui-même.
22 L’évolution récente va plutôt en sens contraire pour ce qui est de notre rapport collectif à l’État.
On constate un dangereux renforcement du pouvoir et de l’immunité du président de la République.
Les membres des forces spéciales, que le président contrôle directement, voient depuis 2011 leur
anonymat strictement protégé par la loi, y compris quand ils sont concernés par une procédure
judiciaire en tant que témoins. La loi de programmation militaire de 2013 fait dépendre du parquet,
soumis au pouvoir exécutif, les poursuites potentielles contre des militaires français engagés dans
des opérations extérieures. Le secret défense continue à couvrir les décisions des gouvernants et à
entraver l’action des juges, à qui on ne laisse lire que les documents les moins embarrassants ; il se
renforce, et les journalistes qui tentent d’informer se font intimider.
23 Le pouvoir des militaires sur la politique africaine de la France s’est même accru. Le ministère de
la Coopération, dont de nombreux fonctionnaires ont été collectivement marqués par la faillite de la
France au Rwanda, a été supprimé. Les opérations militaires en Afrique sont essentiellement
préparées au ministère de la Défense, l’état-major étant l’acteur décisif, tandis que le ministère des
Affaires étrangères se limite à en assurer la promotion. La vision étroitement sécuritaire qui en
découle aboutit à des impasses, notamment au Mali.
24 Comment expliquez-vous que, pendant vingt ans, médias et politiques soient restés
silencieux ou dans le déni ?
25 Il faut distinguer les médias et les responsables politiques, car si les premiers ont, depuis 1994,
couvert la question de manière diversifiée, les seconds se sont murés, à de rares exceptions près,
dans un discours de déni qui tourne en boucle depuis vingt-six ans.
26 Au moment du génocide, les envoyés spéciaux rendent compte des faits qu’ils observent sur
place. Nombreux sont les journalistes qui, à l’instar de Patrick de Saint-Exupéry et de Jean-François
Dupaquier, ont contribué de manière décisive à ce que progresse la connaissance de la vérité sur
l’engagement français au Rwanda8. De plus en plus, l’ensemble de la presse réalise globalement un
bon travail sur le sujet et répercute de mieux en mieux cette implication française. La présentation
du génocide des Tutsis lui-même s’améliore. Un bémol, toutefois : l’AFP continue à parler du
« génocide rwandais qui a fait 800 000 victimes, en majorité tutsie », une formulation inexacte qui
ne nomme pas les victimes et inclut dans le génocide les Hutus démocrates tués pour des raisons
politiques.
27 Mais à l’opposé, certains éditorialistes répercutent des versions officielles marquées par l’ethnisme
(Hutus contre Tutsis) et par la diabolisation du FPR. Dans les dix années qui suivent le génocide,
Stephen Smith relaie, à Libération puis au Monde, le discours des responsables français qui
poursuivent une guerre idéologique contre les nouvelles autorités rwandaises. À sa suite, Pierre Péan
nourrit sans relâche la thèse fallacieuse selon laquelle le FPR aurait assassiné le président
Habyarimana et déclenché ainsi, en représailles, l’extermination des Tutsis, auquel il aurait même
éventuellement contribué. Encore actuellement, l’hebdomadaire Marianne reste enlisé dans ce type
de négationnisme, récemment répercuté également par Le 1 et par Le Média.
28 La situation est toute autre en ce qui concerne les responsables politiques. La complicité de l’État
français dans le génocide des Tutsis reste pour la très grande majorité d’entre eux un sujet tabou.
Parmi les responsables de premier plan, seul le président Sarkozy, poussé par son ministre Bernard
Kouchner, a reconnu que la France avait commis des erreurs, en se gardant bien de préciser
lesquelles. Le contexte politique de l’époque explique pour une grande part ce tabou : en 1994, le
président Mitterrand, socialiste, « cohabite » avec un gouvernement de droite dirigé par Édouard
Balladur. Celui-ci, même s’il a tenté de freiner Mitterrand au moment du génocide, s’est depuis
totalement solidarisé avec la politique qui a été menée. Droite et gauche de gouvernement sont donc
toutes les deux impliquées et font front ensemble contre les accusations de mieux en mieux étayées
qui ont surgi depuis 1994 quant au soutien accordé par Paris au gouvernement génocidaire. Ainsi
Alain Juppé, qui était ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement Balladur, a toujours
défendu la politique menée au Rwanda. Les dirigeants politiques actuels continuent de protéger par
leur silence ceux de l’époque. La figure tutélaire de Mitterrand hante le parti socialiste, et son ancien
secrétaire général de l’Élysée, Hubert Védrine, se charge de rappeler à tous son héritage, jusqu’à
convoquer une vingtaine d’anciens ministres de Mitterrand quand Raphaël Glucksmann traite ce
dernier de « complice du génocide au Rwanda ». À ces deux éléments, la cohabitation en 1994 et le
culte mitterrandien, s’ajoute le chantage discret exercé par une partie de l’armée, qui veille à ce que
les politiques assument leurs responsabilités sans se défausser sur les militaires. Enfin, dans notre
pays, l’État n’a guère coutume de reconnaître officiellement ses crimes coloniaux ou postcoloniaux.
29 Vous évoquez dans votre dernier livre les protections dont les génocidaires fugitifs ont
joui en France. A-t-on des preuves d’une implication d’acteurs institutionnels français dans
cette fuite et de leur intervention pour leur éviter des déboires avec la justice ?
30 Le 15 juillet 1994, le gouvernement génocidaire est en déroute. Les décideurs français débattent
pour savoir s’il faut les arrêter ou les laisser s’enfuir. Le même débat a lieu simultanément à l’ONU.
Le Quai d’Orsay, qui est aligné sur l’Élysée, écrit à son représentant au Rwanda qu’aucune décision
n’est encore prise officiellement et lui enjoint explicitement : « Vous pouvez en revanche utiliser tous
les canaux indirects et notamment vos contacts africains, en ne vous exposant pas directement, afin
de transmettre à ces autorités notre souhait qu’elles quittent la zone humanitaire sûre ».
31 Après le génocide, cette ligne est conservée. Le Rwandais Augustin Ngirabatware a ainsi obtenu
de la part de l’État français une carte spéciale tenant lieu de titre de séjour, octroyée le 20 avril 1998
par le ministère des Affaires étrangères. Le ministre de l’époque était Hubert Védrine. Or, ce
Rwandais n’est pas n’importe qui. Augustin Ngirabatware était ministre du Plan dans le
gouvernement du génocide. En 1999, il disparaît opportunément au moment où des policiers français
viennent à son domicile l’arrêter sur demande de la justice internationale. Il est finalement arrêté et
condamné par le TPIR à 30 ans de prison pour incitation à commettre le génocide. Il est aussi le
gendre de l’homme d’affaires Félicien Kabuga, principal actionnaire de Radio Mille Collines,
importateur de machettes l’année précédant le génocide, arrêté en 2020, lui aussi sur demande de
la justice internationale, alors qu’il se cachait en France.
32 Près d’un millier de Rwandais sont réfugiés en France, et tous ne sont pas des victimes du
génocide des Tutsis. Un ingénieur chimiste de 39 ans, Emmanuel Rwirangira, discret mais extrémiste,
a été pendant des années traducteur dans la zone d’attente de Roissy, sympathique intermédiaire
entre la police et les demandeurs rwandais. Leurs demandes d’asile ont eu un taux de succès de
82 %, plus élevé que pour aucune autre nationalité. Parmi eux, Tassien Kayijuka, qui a importé
19 000 machettes (14 tonnes) fin 1992, ou le colonel Sébastien Ntahobari, qui pendant le génocide
était attaché militaire de l’ambassade du Rwanda en France, où il jouait les intermédiaires entre les
génocidaires et les autorités françaises. Pourtant, la loi prévoit qu’on puisse exclure de l’asile « les
personnes dont on aura des raisons de penser […] qu’elles ont commis un crime contre la paix, un
crime de guerre ou un crime contre l’humanité ».
33 Mais l’exemple paradigmatique de la bienveillance accordée à des génocidaires présumés est celui
d’Agathe Kanziga, veuve du président Habyarimana, visée depuis 2007 par une plainte en France,
ainsi que par un mandat d’arrêt international émis par le Rwanda. Cela ne l’a pas dissuadée de
demander un titre de séjour, qui lui a finalement été refusé par le Conseil d’État au motif de son rôle
dans la préparation et le déroulement du génocide. Ni extradée, ni expulsée, ni jugée, c’est la « sanspapiers
» la plus célèbre de France. Gageons qu’Agathe Kanziga détient beaucoup trop de secrets
sur la coopération franco-rwandaise pour être un jour inquiétée. L’impunité dont elle bénéficie depuis
de longues années laisse penser que d’autres suspects de génocide ont pu voir leur cas examiné
avec indulgence par les autorités françaises.
34 Depuis les faits, l’armée n’a pas dérogé à sa réputation de grande muette, alors que des
centaines de soldats semblent avoir été très affectés, voire traumatisés par « Turquoise ».
Les rares qui ont choisi de parler subissent pressions et menaces. Est-il exact, comme le
laisse entendre Stéphane Audoin-Rouzeau dans sa préface du livre de Guillaume Ancel,
que l’armée française se serait contentée d’exécuter la mission que lui a confiée le pouvoir
politique ? Que révèle le Rwanda et ses suites du poids réel des états-majors dans
l’appareil d’État ?
35 D’après les entretiens que nous avons menés, seule une petite fraction des acteurs civils ou
militaires qui s’expriment publiquement sur la France au Rwanda ont subi des pressions, allant de la
plus bénigne à la plus sérieuse.
36 Le premier militaire à témoigner ouvertement à charge contre les décideurs français est
l’adjudant-chef Thierry Prungnaud, à propos de la formation dispensée par l’armée française et aussi
des Tutsis de Bisesero abandonnés aux tueurs. L’ex-capitaine Guillaume Ancel a eu un grand
retentissement dans les médias en témoignant sur l’opération Turquoise et en s’exprimant sur
l’attentat contre l’avion du président Habyarimana. Le général Jean Varret a expliqué que, dès 1990,
il avait informé Paris des intentions génocidaires explicites des responsables militaires rwandais. On
peut encore citer le commandant Bunel, les colonels Martin-Berne et Ronde... Et bien plus nombreux
encore sont ceux qui parlent librement à condition de rester anonymes.
37 Dire que l’armée française s’est contentée d’exécuter les ordres donnés par le pouvoir politique
est vrai, mais seulement jusqu’à un certain point. Le rôle de l’armée comme instrument de la politique
africaine est essentiel, comme le montre l’engagement français au Rwanda. Un instrument qui
influence aussi en retour les dirigeants politiques. Depuis l’instauration fin 1992 des conseils
restreints, le chef d’état-major des armées est au coeur de la prise de décision. Si formellement il
n’est pas censé décider, il est présent pour informer et recevoir les ordres : la possibilité pour l’armée
d’influencer les politiciens, qui jusque-là était informelle, devient institutionnalisée.
38 Depuis sa réforme de l’armée qui date justement de cette époque, le chef d’état-major tient en
main tous les leviers des armées : les informations remontent par lui et les ordres redescendent par
lui. En outre il existe un conseiller militaire du président de la République, appelé le « chef de l’étatmajor
particulier ». À eux deux, ces hommes forment le noyau d’un groupe de pression informel.
Dans notre livre, nous en détaillons la structure et l’influence au moment du Rwanda.
39 Certes, le président Mitterrand garde toujours la main, mais les hauts gradés influencent les
décisions prises concernant le Rwanda. Le rôle du général Christian Quesnot, conseiller militaire de
Mitterrand, et de l’amiral Jacques Lanxade, chef d’état-major des armées, apparaît clairement dans
les archives de l’Élysée. Ils savent quelles cordes actionner chez Mitterrand pour l’amener à prendre
les décisions qu’attendent des officiers supérieurs et généraux pour qui l’Afrique est un terrain
d’aventures exaltant. Pénétrés de l’idée de la grandeur d’une France concurrencée en Afrique par les
« Anglo-Saxons », ce groupe de pression « militaro-colonial » rencontre là la vision géopolitique de
Mitterrand. S’ajoute à cela le fait que la « garantie de sécurité » donnée par la France à ses vassaux
africains est d’abord l’assurance d’un soutien militaire en cas de besoin.
40 Comment appréciez-vous les conditions dans lesquelles s’est formée la commission
Duclert et l’absence en son sein de spécialistes reconnus ? Quel jugement portez-vous sur
la note intermédiaire remise au président Macron le 5 avril 2020 ?
41 La commission présidée par Vincent Duclert est chargée d’examiner d’ici le 5 avril 2021 les
archives françaises au sujet du génocide des Tutsis. Le problème principal que pose cette commission
est son existence même.
42 En effet, en créant cette commission en 2019, le président Macron reconnaît de facto que la
mission d’information parlementaire de 1998 n’est pas allée au bout de son travail. Il entérine aussi
le fait que la promesse de François Hollande d’ouvrir toutes les archives à tous les chercheurs ne
sera pas tenue. La commission Duclert jouit de prérogatives qui ont été refusées aux juges
d’instruction dans des dossiers mettant potentiellement en cause des militaires et des responsables
politiques français. Ainsi, de nombreux documents demandés par ces magistrats ont vu leur demande
de déclassification rejetée, tandis que par privilège du monarque républicain les membres de la
commission peuvent a priori consulter tous les documents de tous les fonds d’archives.
43 À ce propos, le 5 juin 2020, la rapporteuse publique du Conseil d’État n’a pas manqué de souligner
que : « Au regard des droits et libertés que l’existence d’une possibilité de consultation anticipée des
archives publiques contribue à assurer, il serait très contestable d’en réserver le bénéfice aux seules
personnes dont on peut penser qu’elles entendraient faire des documents obtenus une restitution
élogieuse ». Certes, la commission n’a cessé d’affirmer l’absence de parti-pris des historiens et
juristes qui la composent, parmi eux aucun spécialiste du Rwanda. Mais depuis « l’affaire
D’Andurain », sa neutralité est fortement questionnée.
44 Car en réalité, la commission est couvée par Franck Paris, « conseiller Afrique » du président
Macron. Elle inclut Christian Vigouroux, un ancien des cabinets ministériels mitterrandiens de
l’époque, dont il s’agit justement d’analyser la politique, et Julie D’Andurain, une historienne proche
de l’armée française dont il s’agit justement d’analyser l’action. Cette historienne n’était pas novice
sur le Rwanda avant d’entrer dans la commission, puisque l’année précédente elle avait publié, dans
un document institutionnel du ministère des Armées, un texte aux relents négationnistes où elle
blanchissait l’opération Turquoise. La note d’étape que la commission publie à mi-parcours, le 5 avril
2020, prend une orientation inquiétante : elle exonère d’avance l’État français de certaines
accusations sur son rôle dans le génocide des Tutsis du Rwanda.
45 La commission Duclert n’est vraisemblablement qu’un moyen de retarder encore le travail de
vérité, la confrontation nécessaire de notre pays avec son passé au Rwanda. À ce jour, rien n’indique
que le président Macron aura le courage de faire la lumière sur la politique menée avant, pendant et
après 1994. L’exigence d’ouverture générale des archives aux magistrats, aux chercheurs et aux
citoyens reste prioritaire.
46 S’agissant de l’extermination des Tutsis, Stéphane Audoin-Rouzeau parle d’un
« génocide déclassé ». L’« affaire D’Andurain » a, par ailleurs, révélé – jusqu’à un certain
point – la méconnaissance et le modeste engagement des historien·ne·s français·es sur
cet épisode gravissime de notre passé récent. Comment l’expliquez-vous ? Percevez-vous
une évolution ?
47 Que le génocide perpétré contre les Tutsis soit en France un génocide « déclassé » ne fait pas de
doute : il est bien moins connu que la Shoah, et son négationnisme, bien plus virulent, est en pleine
expansion. Des propos fallacieux constituant une perversion de l’histoire sont tenus aujourd’hui sur
le génocide des Tutsis, qui seraient jugés inacceptables s’ils concernaient la Shoah ou le génocide
des Arméniens. Notons que dans ces deux derniers cas, il a fallu une lutte farouche, menée tant au
plan scientifique qu’au plan judiciaire, pour rendre irrecevables par l’opinion publique les « thèses »
négationnistes. On pense bien sûr à Robert Faurisson et à ses émules, qui, dans les années 1980,
niaient l’existence des chambres à gaz. Mais on peut aussi se souvenir que le génocide des Arméniens
a été mis en doute par des historiens reconnus (Bernard Lewis et Gilles Veinstein) dans les années
1990. On peut donc espérer que la perception du génocide des Tutsis finira elle aussi par être
débarrassée de ses scories négationnistes, grâce au travail convergent des historiens, des
chercheurs, des journalistes et des associations, malgré le fait que son négationnisme est largement
repris par une partie de la classe politique et certains secteurs de l’État.
48 Pour ce qui est des historiens professionnels, il y avait indéniablement, jusqu’à récemment, une
méconnaissance de ce génocide par beaucoup d’entre eux. Grâce au scandale provoqué par les écrits
de Julie D’Andurain, cette situation paraît en train de changer de manière spectaculaire, et il faut
s’en réjouir. Mais il importe aussi de rappeler que les rares historiens français spécialistes des Grands
Lacs s’étaient engagés dès avant le génocide de 1994 dans la dénonciation de ce qui se tramait au
Rwanda. La figure exemplaire de Jean-Pierre Chrétien vient bien entendu à l’esprit. Au printemps
1994, il parle de « nazisme tropical » pour faire comprendre le génocide en cours. Des historiens
d’origine rwandaise, comme José Kagabo ou Marcel Kabanda, ont également contribué
immédiatement à l’intelligibilité du génocide. François Robinet a réalisé un travail de fond sur la
couverture du sujet par les médias français, et traité du rôle de la France. Une jeune génération
d’historiennes et d’historiens français s’intéresse aujourd’hui à l’extermination des Tutsis (Florent
Piton, Rémi Korman, Violaine Baraduc...), et intervient dans le débat public, telle Hélène Dumas, en
critiquant le négationnisme ou en acceptant de témoigner devant les tribunaux. C’est d’ailleurs lors
d’un procès d’assises qui jugeait deux Rwandais suspects de génocide que Stéphane Audoin-
Rouzeau, « initié » grâce à sa doctorante Hélène Dumas, a évoqué les responsabilités françaises. Et
vous-même, Alain Gabet et Sébastien Jahan, vous êtes fortement impliqués dans l’enseignement et
la diffusion de la question du rôle de la politique française. Cependant, cette question est encore trop
timidement travaillée par les historiens. Jusqu’à présent, en France, les universitaires qui s’en sont
emparés sont en majorité des juristes (Géraud de la Pradelle, Rafaëlle Maison, Damien Roets…), des
spécialistes de littérature (Catherine Coquio, Aurélia Kalisky, Charlotte Lacoste…) ou de sciences
politiques (Gabriel Périès). L’« affaire D’Andurain » crée certainement (enfin !) un contexte favorable
pour encourager des jeunes historiens à entamer des recherches académiques sur l’histoire du rôle
de la France au Rwanda.
49 L’élection en 2017 d’Emmanuel Macron, un président perçu comme « neuf », a priori
étranger aux milieux françafricains, marque-t-elle une inflexion dans la politique française
en Afrique ? Que reste-t-il des anciens réseaux dans le cénacle élyséen ?
50 Le 5 mai 2017, juste avant son élection, Emmanuel Macron déclarait à Jeune Afrique qu’il
souhaitait défendre « le respect des principes démocratiques fondamentaux partout en Afrique ».
Pourtant, dans la même interview, il avait une formulation bien plus ambiguë : « Je suis très attaché
à la stabilité des États, même quand nous sommes face à des dirigeants qui ne défendent pas nos
valeurs ou peuvent être critiqués ». Soit exactement l’approche qu’avait Mitterrand pour soutenir
Habyarimana au Rwanda...
51 Toujours dans cette interview où il définissait sa politique étrangère, il précisait : « J’adhère
totalement aux préconisations du rapport Védrine-Zinsou ». Depuis, Hubert Védrine a été mentionné
à plusieurs reprises dans la presse comme étant l’un des conseillers que Macron écoute. Ce qui serait
insuffisant pour conclure que le chef de l’État reste sur une ligne orthodoxe Mitterrand-Védrine
concernant le Rwanda. On dirait plutôt qu’il souhaite établir des relations diplomatiques normales
avec les autorités rwandaises actuelles en tirant un trait sur le passé.
52 Son conseiller Afrique, Franck Paris, s’y emploie. Celui-ci est passé par le cabinet du ministre de
la Défense et par la DGSE, et on ne l’imagine pas faire trop de peine à l’armée française. D’autant
que celle-ci est dirigée par le général François Lecointre, ancien de l’opération Turquoise au Rwanda,
et qu’Emmanuel Macron ne peut guère se permettre d’affrontement avec ce chef d’état-major après
le conflit ouvert qui avait abouti à la démission spectaculaire de son prédécesseur Pierre De Villiers.
53 L’un de vous a obtenu du Conseil d’État l’autorisation de consulter des archives de
François Mitterrand qui vous étaient inaccessibles. Qu’y avez-vous trouvé ?
54 De toute façon, ce qui est déjà solidement étayé est tellement explosif (quelques responsables
français de haut rang sont vraisemblablement complices de génocide) qu’on peut difficilement
attendre encore plus de « scoops ». Nous voulons faire du travail de fond, sérieux, serein. Ce à quoi
nous avons pu accéder déjà pendant la préparation de notre livre nous a considérablement aidés à
solidifier les preuves. Depuis la décision du Conseil d’État de juin 2020, nous avons encore pu préciser
qui a pris quelle décision, pourquoi et en sachant quoi.
55 Ainsi, dans les derniers documents consultés, on découvre : l’ordre discret du Quai d’Orsay de
faire partir les génocidaires (cf. ci-dessus) ; les industriels français de l’armement qui viennent
discuter avec notre ambassadeur à Kigali de livraisons de munitions peu avant le génocide, alors
qu’elles sont interdites ; ou les préparatifs du mercenaire Bob Denard en vue d’une intervention
discrète.
56 Autre document intéressant : le 8 avril, alors que le génocide des Tutsis a commencé la veille, la
France prépare l’opération Amaryllis. Cette intervention, dont les motivations sont controversées,
sera présentée comme une opération d’évacuation des ressortissants français. Or, dans les archives
de Bruno Delaye, conseiller Afrique de Mitterrand, on trouve les notes manuscrites qu’il a prises
pendant une réunion de préparation d’Amaryllis. On y lit, souligné de sa main : « évacuer qq français
pour donner crédibilité ».
57 Certaines zones d’ombre n’ont probablement pas laissé de trace écrite, en tout cas pas à l’Élysée,
comme le rôle éventuel de la France dans l’attentat ou les militaires français restés en zone
gouvernementale pendant le génocide. Pour cela il faudra plutôt que des langues se délient.
58 Quelles conditions devraient être réunies pour que puisse s’engager un procès des
responsables français de cette politique criminelle ? N’est-il pas déjà trop tard ?
59 Il n’est pas trop tard pour juger les responsables de cette politique criminelle. La complicité de
génocide est en droit français un crime imprescriptible, et Maurice Papon a été renvoyé devant la
cour d’assises plus de cinquante ans après les faits qui lui étaient reprochés.
60 Cependant, un certain nombre de conditions doivent effectivement être réunies. La première est
une bien meilleure connaissance par l’opinion publique du génocide des Tutsis, car les procès Papon
et Touvier n’auraient pas été possibles sans la lente prise de conscience par les citoyens français du
rôle joué par des Français dans la Shoah. Une prise de conscience douloureuse, mais qui fut
accompagnée par les autorités de notre pays : De Gaulle décrétant que le régime de Vichy n’était
pas la France, Chirac reconnaissant la participation de la police française à la rafle du Vel’d’hiv. Nous
n’aurons pas cette chance en ce qui concerne la complicité dans le génocide des Tutsis.
61 L’espoir réside-t-il alors dans la justice ? Se trouvera-t-il des magistrats assez courageux pour
juger des responsables politiques et militaires pour complicité de génocide ? Il y a une évolution
indéniable du côté de la magistrature : des responsables politiques de premier plan passent
aujourd’hui en jugement pour corruption ou financement illégal de campagne, y compris un ancien
président de la République. Mais quand il s’agit de l’armée et de la politique de puissance menée par
la France, l’intérêt de l’opinion publique est visiblement bien moindre, et les juges n’ont pour le
moment pas le même courage. L’exemple emblématique est le dossier judiciaire concernant les Tutsis
de Bisesero, que les soldats français de Turquoise abandonnent à leurs tueurs, fin juin 1994. Alors
que des éléments très accusateurs restent à vérifier, les juges d’instruction vont sans l’ombre d’un
doute prononcer un non-lieu. Pourtant, le soutien français aux génocidaires a bien eu lieu, lui.
Notes
1 Voir, en première approche, Benoît Collombat et David Servenay, « Au nom de la France ». Guerres
secrètes au Rwanda, Paris, La Découverte, 2014.
2 Commission de recherche sur les archives françaises relatives au Rwanda et au génocide des Tutsis
(1990-1994), Note intermédiaire remise au président de la République, 5 avril 2020. Ce document est
téléchargeable sur le site du ministère des Affaires étrangères :
sur-les-archives-francaises-relatives-au-rwanda-et-au-248936>.
3 Cette commission devait initialement être présidée par Stéphane Audoin-Rouzeau qui, depuis plusieurs
années, ne fait pas mystère de sa position très critique à l’égard des autorités françaises dans le dossier
rwandais. Voir Une initiation, Rwanda (1994-2016), Paris, Seuil, 2017.
4 Avec une grande honnêteté, Annette Wieviorka, après avoir été nommée dans la commission, a reconnu
qu’il lui était impossible de faire le travail exigé dans le temps imparti : Annette Wieviorka, « Pourquoi j’ai
renoncé à siéger dans la commission sur le rôle de la France au Rwanda », La Croix, 18 octobre 2018.
5 Julie D’Andurain a dû se mettre en retrait de la commission après que certains de ses écrits sur l’opération
Turquoise, manquant autant d’objectivité que de rigueur scientifique, ont été rappelés à l’opinion publique
par Guillaume Ancel, ancien officier et témoin clé des agissements de l’armée française au Rwanda. Sur
cette affaire, voir notamment les articles parus sur le site de Mediapart () :
Théo Englebert, « Une historienne décrédibilise la Commission sur le rôle de la France au Rwanda et suscite
l’indignation », 13 novembre 2020, et Théo Englebert, « Commission Rwanda : l’historienne controversée
prend la porte », 16 novembre 2020.
6 L’association publie régulièrement des ouvrages couvrant toutes les dimensions de la Françafrique, ainsi
qu’une revue mensuelle, Billets d’Afrique.
7 Raphaël Doridant et François Graner, L’État français et le génocide des Tutsis au Rwanda, Marseille,
Agone, 2020. Voir la note de lecture de Sébastien Jahan dans ce numéro.
8 Il est difficile d’établir une liste exhaustive, mais citons au moins, pour les Français : Fabrice Arfi, Mehdi
Ba, Marc Bouchage, Christophe Boisbouvier, Sylvie Caster, Jean Chatain, Benoît Collombat, Sylvie Coma,
Théo Englebert, David Fontaine, Alain Frilet, Nicolas Jacquard, Pascal Krop, Laurent Larcher, Pierre Lepidi,
Maria Malagardis, Monique Mas, Leila Minano, Julia Pascual, David Servenay, Piotr Smolar, Laure
De Vulpian, auxquels s’ajoutent les chercheurs Jean-Paul Gouteux, Michel Sitbon, Jacques Morel, François-
Xavier Verschave.
Pour citer cet article
Référence papier
Raphaël Doridant, François Graner, Alain Gabet et Sébastien Jahan, « La France et le génocide des Tutsis
du Rwanda (1994). La version officielle à l’épreuve des archives », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire
critique, 148 | 2021, 171-186.
Référence électronique
Raphaël Doridant, François Graner, Alain Gabet et Sébastien Jahan, « La France et le génocide des Tutsis
du Rwanda (1994). La version officielle à l’épreuve des archives », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire
critique [En ligne], 148 | 2021, mis en ligne le 01 mars 2021, consulté le 22 mars 2021. URL :
http://journals.openedition.org/chrhc/15986 ; DOI : https://doi.org/10.4000/chrhc.15986
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