Fiche du document numéro 27870

Num
27870
Date
Vendredi 19 décembre 2008
Amj
Auteur
Fichier
Taille
84654
Pages
2
Titre
Rwanda - L'heure des comptes a sonné pour "Monsieur Z"
Sous titre
Protais Zigiranyirazo, beau-frère de l'ex-président Juvénal Habyarimana, a été reconnu coupable de génocide et d'extermination. Il a été condamné, le 18 décembre, à vingt ans de prison. C'était un des hommes les plus puissants du régime, estime La Libre Belgique.
Nom cité
Nom cité
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Lieu cité
Mot-clé
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Protais Zigiranyirazo, 70 ans, est l'un des hommes les plus célèbres du Rwanda. Grand frère de l'épouse de l'ancien président Juvénal Habyarimana [assassiné en 1994], il était à ce titre le personnage le plus influent de l'"akazu" (petite maison, ruche), surnom donné par les Rwandais au cercle de proches du chef de l'Etat.

L'akazu constituait une structure de pouvoir informelle aux côtés de ce dernier – qui pouvait ainsi présenter une façade respectable aux coopérations étrangères : il joua un grand rôle dans la criminalisation de la politique rwandaise lorsque la situation économique devint difficile pour le régime.

Instituteur sous la colonisation, Protais Zigiranyirazo devient diplomate après l'indépendance (1962). Mais l'événement qui fera de lui un des hommes les plus puissants du pays est le coup d'Etat orchestré en 1973 par son beau-frère, le général Juvénal Habyarimana, contre le président Grégoire Kayibanda.

Conseiller du putschiste, Zigiranyirazo est nommé préfet de Ruhengeri (dans le nord-ouest du pays), la préfecture où l'on garde prisonniers les anciens dignitaires renversés. Il s'agit d'une soixantaine de personnes, dont Grégoire Kayibanda, généralement originaires de Gitarama (dans le sud) comme le chef d'Etat déchu, celui-ci ayant privilégié les ressortissants de sa région. Le régime Habyarimana, lui, partagera ses faveurs entre les deux provinces nordistes de Gisenyi (du président et de sa puissante belle-famille) et de Ruhengeri, sa voisine, d'où proviennent nombre d'alliés du nouveau pouvoir.

Les détenus de Gitarama sont gardés dans une prison spéciale à deux pas des bureaux du nouveau préfet. Ils y mourront à petit feu, de faim ; l'un d'eux, selon l'historienne américaine Alison Des Forges, tiendra cinquante-neuf jours sans alimentation. Protais Zigiranyirazo, ajoute-t-elle, ne pouvait pas ignorer la situation.

On reparlera de lui en 1985, lorsque son nom sera cité en tant que commanditaire de l'assassinat de Dian Fossey, la naturaliste américaine spécialiste des gorilles, dont la vie a été immortalisée dans le film Gorilles dans la brume (1988). Selon l'organisation Animal Welfare Institute, le Dr Fossey, qui luttait âprement contre les activités des braconniers tueurs de gorilles, "s'était fait beaucoup d'ennemis, parmi lesquels Zigiranyirazo qu'elle s'apprêtait, disait-on, à dénoncer publiquement comme étant derrière les réseaux de braconnage et de trafic de ces espèces en danger, ainsi que d'or, à l'intérieur et à l'extérieur du Rwanda".

A la fin des années 1980, les difficultés économiques du pays, dues à une crise générale aggravée par la corruption, poussent la population à la contestation et le régime est contraint à l'ouverture politique. Après quinze ans de pouvoir absolu à Ruhengeri, Protais Zigiranyirazo doit partir : le profil de "Monsieur Z", comme l'appellent maintenant les Rwandais par peur de prononcer son nom, ne correspond décidément pas à l'image que veut projeter le Rwanda.

Qu'à cela ne tienne, le beau-frère du président partira, en 1989, suivre des études à l'université du Québec. Il en sera cependant expulsé en 1993 après avoir été reconnu coupable de menaces de mort contre deux Tutsis de Montréal, qui l'accusaient de préparer des massacres ethniques.

Car son séjour canadien ne l'a pas empêché de demeurer tout-puissant au Rwanda, de manière informelle. Selon l'historienne Des Forges, c'est en référence à Protais Zigiranyirazo que les escadrons de la mort, apparus dans les années 1990 pour effectuer les basses besognes du régime, et le pouvoir informel de l'akazu qui leur donne des ordres, seront surnommés "Réseau zéro" par l'homme du sérail qui les dénonça publiquement.

Après la mort du président Habyarimana, tué dans l'attentat contre son avion, le 6 avril 1994, le génocide préparé par le régime est mis en œuvre. Selon un autre accusé devant le TPIR, Michel Bagaragaza, dans la nuit du 6 au 7 avril, Agathe Habyarimana, sa fille aînée, son frère Protais et quelques autres membres de l'akazu établissent des listes de personnes à assassiner. Et l'enfer commence.
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