Fiche du document numéro 27347

Num
27347
Date
Juin 2018
Amj
Auteur
Fichier
Taille
106617
Pages
2
Urlorg
Titre
Rwanda, la fin du silence. Témoignage d’un officier français, de Guillaume Ancel
Soustitre
Préface de Stéphane Audoin-Rouzeau, Les Belles Lettres, coll. "Mémoires de guerre", 250 p., 21 €
Nom cité
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Guillaume Ancel, ancien capitaine de la légion étrangère incorporé dans le contingent français de l’opération Turquoise, nous replonge dans le cauchemar du génocide des Tutsi rwandais et réveille les démons, trop longtemps occultés, de la politique française en Afrique. Ce journal de guerre de l’été 1994, écrit dans une langue vivante et pleine de franchise, témoigne de l’horreur des massacres perpétrés contre les Tutsi par les milices interahamwe et le gouvernement rwandais hutu. Mais il déconstruit surtout la réécriture de l’histoire nationale et le mythe de la cause humanitaire si opportunément endossée par le gouvernement français, fin juin 1994, pour justifier son intervention militaire au Rwanda.

En effet, Guillaume Ancel atteste avoir personnellement reçu l’ordre, le 22 juin 1994, au même titre que tout officier engagé dans les premiers jours de l’opération militaire Turquoise, de « réaliser un raid terrestre, sur Kigali, pour remettre en place le gouvernement » génocidaire. Selon lui, cet ordre a été renouvelé le 30 juin 1994, afin de « stopper l’avancée des soldats du Fpr » (Front patriotique rwandais), avant de se muer, dès le lendemain, en opération de sauvetage, avec la mise en place d’une « zone humanitaire temporaire » dans l’ouest du pays.

Quelle furent les motivations du pouvoir politique français pour justifier cette volte-face ? Le livre de Guillaume Ancel ne nous dit rien là-dessus. Néanmoins, il témoigne que l’armée française a reçu l’ordre, pendant ladite opération « humanitaire », d’acquitter « les soldes » des membres des Forces armées rwandaises (Far) et de leur livrer des armes, en violation de l’embargo de l’Onu, pendant qu’ils se réfugiaient au « Zaïre ». En outre, fort de son expérience, il affirme que le contingent français était tenu d’assurer la protection des membres du gouvernement rwandais en fuite, alors que ces derniers avaient du « sang jusqu’au cou » et de « terribles responsabilités dans les massacres » qui ont causé, en moins de cent jours, la mort de près de 800 000 personnes.

Dans le même temps, Guillaume Ancel raconte le courage, l’honneur et l’abnégation de quelques militaires et officiers français venus extirper du chaos, parfois en violation des ordres reçus par leur hiérarchie, des familles tutsi promises à une mort certaine.

Par-delà ces actes héroïques qui n’ont pu empêcher l’apocalypse, Guillaume Ancel interpelle les citoyens français sur les choix opérés, en leur nom, par les dirigeants politiques de cette époque. En effet, si elle se vérifiait, l’assistance accordée sciemment par la France au gouvernement rwandais, y compris pendant la période génocidaire, entérinerait la complicité de crime contre l’humanité de notre pays. Dans cette hypothèse, il faudrait faire la lumière sur les motifs politiques, les mécanismes institutionnels et les ressorts éthiques personnels, s’il y en a, qui ont permis à quelques dirigeants français, non seulement de faire fi des rapports croisés des organisations non gouvernementales et de la Dgse annonçant la catastrophe, mais encore de soutenir une entreprise destinée à l’anéantissement du peuple tutsi au Rwanda.

Dans cette perspective, il devient urgent et nécessaire d’ouvrir les archives de cette période aux historiens, le génocide des Tutsi rwandais ne pouvant demeurer plus longtemps occulté dans l’histoire de notre République, et de permettre à la justice d’établir les responsabilités.

Julien Jacob
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fgtquery v.1.9, 9 février 2024