Fiche du document numéro 27282

Num
27282
Date
Lundi 14 juin 2004
Amj
Auteur
Fichier
Taille
19601
Pages
2
Surtitre
 
Titre
Le camouflet des juges européens
Soustitre
La Cour européenne des droits de l'homme a condamné, le 8 juin, l'État français pour sa lenteur à traiter les plaintes visant l'ecclésiastique rwandais Munyeshyaka.
Tres
 
Page
 
Nom cité
Nom cité
Mot-clé
Cote
 
Résumé
Yvonne Mutimura, a Rwandan national living in Castres (Tarn), appealed to the Strasbourg Court in February 1999, alleging that her complaint lodged with the French courts in July 1995 against one of her compatriots, Father Wenceslas Munyeshyaka, also a refugee in France, "had not been dealt with within a reasonable time and had no recourse". On June 8, the ECHR could only find that the French State had violated Articles 6 (right to a trial within a reasonable time) and 13 (right to an effective remedy) of the European Convention, and that the "complexity" of the case, the main argument put forward by the French government, "is not sufficient in itself to justify the length of the proceedings". The fact remains that such a decision is devoid of enforceability.
Source
Extrait de
 
Commentaire
 
Type
Article de journal
Langue
FR
Declassification
 
Citation
La Cour européenne des droits de l'homme a condamné, le 8 juin, l'État français pour sa
lenteur à traiter les plaintes visant l'ecclésiastique rwandais Munyeshyaka.
La France est régulièrement mise en cause pour la durée de ses procédures judiciaires
devant la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), basée à Strasbourg, qui statue
sur les violations de la Convention de 1950 protégeant les libertés fondamentales dans les
États membres du Conseil de l'Europe.
C'est en usant du droit de recours individuel (1) qu'Yvonne Mutimura, ressortissante
rwandaise vivant à Castres (Tarn), a saisi la Cour de Strasbourg en février 1999, alléguant
que sa plainte déposée devant la justice française en juillet 1995 contre l'un de ses
compatriotes, l'abbé Wenceslas Munyeshyaka, également réfugié en France, " n'avait pas
été traitée dans un délai raisonnable et qu'elle ne disposait d'aucun recours ".
Plusieurs témoignages accusent l'ecclésiastique d'avoir activement participé, dans sa
paroisse de Kigali, au génocide qui a frappé les Tutsi et les Hutu modérés en 1994.
En France, l'affaire Munyeshyaka a connu de nombreux rebondissements, mais pas
d'aboutissement. Ce, malgré l'existence de deux textes incorporés dans le droit pénal qui
obligent le juge français à poursuivre les présumés génocidaires rwandais trouvés sur le
territoire national (2). Or les autorités judiciaires françaises ont essayé à plusieurs reprises,
mais en vain, de convaincre le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) de
dessaisir la France du dossier du prêtre rwandais, jugé " encombrant ". Atermoiements qui
expliquent que, neuf ans après son ouverture, l'information pénale visant Munyeshyaka reste
pendante, même si le dernier juge d'instruction en date épluche actuellement le contenu de
trois CD-ROM transmis par le TPIR en juin 2002.
Le 8 juin, la CEDH n'a pu que constater que l'État français avait violé les articles 6 (droit à un
procès dans un délai raisonnable) et 13 (droit à un recours effectif) de la Convention
européenne, et que la " complexité " de l'affaire, principal argument avancé par le
gouvernement, représenté par le directeur des affaires juridiques du Quai d'Orsay, " ne
saurait suffire, en soi, à justifier la durée de la procédure ". Plusieurs organisations, dont la
Fédération internationale des droits de l'homme et la Communauté rwandaise de France, se
sont félicitées du jugement rendu à Strasbourg. Cette condamnation aura-t-elle, pour autant,
une incidence sur l'issue des autres plaintes déposées entre 1995 et 2001 contre des
présumés génocidaires rwandais résidant en France, dont aucune n'a abouti ? C'est le
souhait des victimes rwandaises, pour qui le cas Munyeshyaka est emblématique de "
l'inertie du parquet " français, dès qu'il s'agit de réprimer les crimes internationaux. Reste
que les décisions de la CEDH sont dépourvues de force exécutoire. Les condamnations
répétitives frappant des pays comme la France pour des faits similaires, laissent donc
craindre que les effets de la décision du 8 juin ne soient, une fois encore, plus symboliques
que judiciaires.

(1) Depuis 1998, il permet à toute personne physique de saisir directement la Cour. 85 % des
30 000 requêtes qui lui sont adressées annuellement sont déclarées irrecevables. En 2002,
la France a été visée par 75 arrêts sur un total de 844.
(2) La Convention de 1984 réprimant la torture, et la loi de coopération avec le Tribunal pénal
international pour le Rwanda de 1996.
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