Fiche du document numéro 26891

Num
26891
Date
Février 2020
Amj
Auteur
Auteur
Fichier
Taille
339228
Pages
20
Sur titre
 
Titre
L'État français et le génocide des Tutsis au Rwanda [Extrait : « L'attentat contre l'avion du président Habyarimana »]
Sous titre
 
Tres
 
Page
 
Nom cité
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Lieu cité
Mot-clé
Cote
 
Résumé
The fierce desire of a certain number of French officials to incriminate the RPF for the attack of April 6, 1994, by implying that it is consequently responsible for the Rwandan tragedy, is only the reverse of their desperate defense of a policy which led the French state to be complicit in the last genocide of the 20th century.
Source
Extrait de
L'État français et le génocide des Tutsis au Rwanda, Raphaël Doridant et François Graner, Agone/Survie, février 2020
Commentaire
 
Type
Livre (extrait)
Langue
FR
Declassification
 
Citation
Note : Les pages qui suivent sont extraites de
« L'Etat français et le génocide des Tutsis au
Rwanda », par Raphaël Doridant et François Graner
(Agone/Survie, février 2020). Quelques retouches
mineures (dont l'ajout d'intertitres) ont été effectuées
pour améliorer la lisibilité.
I - L'attentat du 6 avril 1994
Dans la soirée du 6 avril 1994, le président rwandais Juvénal Habyarimana revient d’un sommet
régional à Dar es Salam. Dans son avion, un Falcon 50 offert par la France, a également pris place le
président du Burundi, Cyprien Ntaryamira, à qui Habyarimana a proposé au dernier moment
d’embarquer avec lui. À l’approche de l’aéroport de Kigali, son pilote français est interrogé à
plusieurs reprises par la tour de contrôle qui veut savoir qui il transporte, et en particulier si les deux
présidents sont bien dans l’avion : les questions sont si insistantes que le pilote finit par
s’exaspérer 1.
À 20 h 23, alors qu’il est en phase d’atterrissage, l'avion échappe à un premier missile sol-air.
Quelques secondes plus tard, un second missile le frappe de plein fouet. Les débris de l’appareil et
les corps des passagers s’éparpillent dans le jardin de la résidence présidentielle, proche de
l’aéroport. Il n’y a aucun survivant. Le président Habyarimana, son homologue burundais, des
membres de leur entourage et les trois membres de l’équipage français sont tués 2.
Un attentat commis à l’instigation des extrémistes hutus
Les deux missiles ont été tirés depuis le camp militaire de Kanombe ou ses abords, un camp où sont
logés quelques coopérants militaires français et belges, et où sont cantonnées plusieurs unités d’élite
des Forces armées rwandaises (FAR) : le bataillon para-commando et le bataillon de
reconnaissance, ainsi qu’un détachement de la garde présidentielle chargé de la sécurité de la
résidence de Habyarimana toute proche. Un endroit où il était pratiquement impossible à un
commando du Front Patriotique Rwandais (FPR) de pénétrer, ce qui conduit à attribuer l’assassinat
du président Habyarimana aux officiers hutus extrémistes, dont le camp de Kanombe était le fief.
Cette hypothèse d’un attentat commis à l’instigation des extrémistes hutus apparaît d’ailleurs dès le
printemps 1994 comme la plus logique à beaucoup d’observateurs, ainsi qu’à l’auditorat militaire
belge, qui réalise dans les semaines suivantes une enquête approfondie 3. La Mission d’information
parlementaire de 1998 en identifie le mobile : « Sur le plan politique, il est évident que la décision
prise par le président Juvénal Habyarimana à Dar es Salam d’appliquer les accords d’Arusha ne
pouvait qu’aboutir à la mise à l’écart de certains des membres les plus extrémistes de l’Akazu [le
premier cercle des extrémistes]. Dès lors que le président avait cessé de résister à la logique
d’Arusha pour s’y rallier, son élimination physique pouvait devenir indispensable pour quiconque
souhaitait éviter tout partage du pouvoir 4. »
En effet, selon le diplomate français Jean-Christophe Belliard, qui assistait aux discussions de Dar
es Salam, le président Habyarimana avait accepté lors de cette réunion avec ses homologues de la
région d’exclure la Coalition pour la Défense de la République (CDR, un parti extrémiste anti-tutsi)
du Parlement de transition où elle demandait à bénéficier d’un siège de député 5. Cette mise à l’écart
des plus durs des extrémistes hutus marquait une volonté nette de Habyarimana d’appliquer les
accords d’Arusha, ce qu’il faisait traîner en longueur jusque-là. Ce que confirme Jean Birara, ancien
gouverneur de la Banque nationale du Rwanda : « Le président venait de charger son chef de
cabinet, Ruhigira Enoch, de tout préparer pour la prestation de serment des députés et du
gouvernement à son retour 6. » Au mieux, cela signifiait pour beaucoup d’officiers et de militaires
des FAR l’obligation de cohabiter au sein de la nouvelle armée rwandaise avec l’ennemi d’hier, au
pire la perte pure et simple de leur emploi. En effet, aux termes des accords d’Arusha, la moitié des
postes d’officiers et 40 % de ceux de sous-officiers et d’hommes du rang devaient revenir aux
troupes du FPR.
L’attentat, premier acte du coup d’État, et signal de déclenchement du génocide
L’assassinat du président Habyarimana fait d’une pierre deux coups. Il est le premier acte du coup
d’État, permettant aux extrémistes hutus d’éliminer et de terroriser les opposants et de renverser les
institutions en place. L’assassinat des responsables hutus favorables aux accords de paix et opposés
à l’extermination des Tutsis est rapidement suivi par la formation d'un « gouvernement intérimaire »
extrémiste.
Mais l'attentat est aussi le signal de déclenchement du génocide des Tutsis. En effet, les divers
attentats et assassinats politiques des mois précédents ont échoué à entraîner une part significative
de la population hutue à commettre le génocide aux côtés des extrémistes. Il fallait frapper les
esprits par un événement hors du commun.
Le meurtre du président, lui, crée un choc suffisant. Il marque les mémoires de façon indélébile,
suscitant la peur tout en permettant d’accuser le FPR. Radio Mille Collines parlera ainsi, le 13 juin
1994, du sacrifice de Habyarimana par son propre parti : « Le MRND [le parti présidentiel] a donné
son militant suprême, comme Dieu a donné en offrande son fils Jésus qui est mort sur la croix pour
le salut de tous les pécheurs, de tous les hommes. […] Cet homme donc qui était un éminent
militant du MRND, le MRND a accepté de le sacrifier pour que son sang sauve un grand nombre de
Rwandais qui devaient périr avec la prise du pouvoir par les Inkotanyi [les membres du FPR] 7. »
Selon cette rhétorique mystique, le sacrifice par son propre camp du président Habyarimana aurait
donc permis d’éviter le massacre des Hutus par le FPR en enclenchant préventivement le génocide
des Tutsis.
Dans les heures qui suivent l’attentat, l’extermination est mise en route à Kigali où la garde
présidentielle, certaines unités d’élite des Forces armées rwandaises et les miliciens Interahamwe
commencent à massacrer. Les députés français indiquent ainsi dans leur rapport de 1998 que,
« entre trois-quarts d’heure et une heure après l’attentat contre l’avion présidentiel, des barrages ont
été mis en place dans les rues de Kigali et les cartes d’identité vérifiées. Ceux appartenant à
“l’ethnie” tutsie ou en présentant les caractéristiques physiques communément admises ou ne
pouvant présenter une carte d’identité avec la mention “Hutu” ont été retenus et souvent
sommairement exécutés 8. » Dans le reste du Rwanda, les tueries commencent la même nuit ou dans
la journée du 7 avril : au nord à Ruhengeri, au nord-ouest à Gisenyi, à l’ouest à Kibuye, au sudouest
à Gikongoro et Cyangugu, au sud dans le Bugesera, au sud-est à Kibungo 9… Cette
concomitance frappante entre l’attentat, le coup d’État et le lancement du génocide accuse les
extrémistes hutus.
En effet, cette rapidité de réaction des génocidaires contraste avec l’attitude du FPR. Le bataillon de
l’armée patriotique rwandaise (APR, branche armée du FPR) cantonné au Conseil national de
développement (CND) à Kigali dans le cadre des accords d’Arusha, est bombardé dès le 7 avril au
matin par la garde présidentielle 10. En fin d’après-midi, les soldats du FPR quittent le CND pour
affronter cette unité d’élite. À la demande d'officiers des FAR hostiles au colonel extrémiste
Bagosora, le général Dallaire qui commande la Mission des Nations unies pour l’assistance au
Rwanda (Minuar) contacte le FPR pour que celui-ci les aide à restaurer l’ordre. Alison Des Forges
rapporte que Paul Kagame répond en proposant de créer une force conjointe pour faire cesser les
massacres, qui serait composée de 300 soldats provenant du FPR, des unités rwandaises opposées à
Bagosora et de la Minuar 11. Mais Dallaire décline cette offre, estimant que son mandat ne lui
permet que des opérations défensives. Quant aux officiers opposés aux massacres, les unités qu’ils
commandent sont peu nombreuses et ne feraient pas le poids face aux troupes bien entraînées aux
ordres de Bagosora : garde présidentielle, bataillon para-commando, bataillon de reconnaissance 12.
L’attaque du bataillon FPR stationné à Kigali par la garde présidentielle le matin du 7 avril et le
déclenchement des tueries poussent le FPR à lancer une offensive générale. La Direction du
renseignement militaire française note que les troupes du FPR stationnées dans le nord du Rwanda
se mettent en marche le 9 avril et que ses premières unités « arrivent aux lisières nord de Kigali13 »
le 10 avril.
II - Une enquête sous haute pression politique
Des débuts orientés
L'enquête sur l'attentat illustre les difficultés à faire la lumière sur la responsabilité de l’État français
dans le génocide des Tutsis. La justice française est compétente, car outre les présidents rwandais et
burundais et leur suite, les trois membres français de l’équipage du Falcon figurent parmi les
victimes : les pilotes et le mécanicien étaient tous trois employés par une société liée au ministère
de la Coopération.
Pourtant, au départ, aucune enquête n’est ouverte par l’État français. Les familles des victimes sont
prises en main pour les empêcher de rencontrer les journalistes et les dissuader de porter plainte 14.
En revanche, Me Hélène Clamagirand, avocate de Paul Barril et de la famille Habyarimana, tente de
déposer une plainte très orientée contre le FPR 15 ; en vain. Me Hélène Clamagirand recommence
trois ans plus tard en déposant une plainte avec constitution de partie civile le 31 août 1997, cette
fois au nom de Sylvie Minaberry, la fille d’un des pilotes assassinés, à qui Paul Barril l'a présentée.
Avec succès cette fois : le 27 mars 1998, une instruction est ouverte et confiée au juge antiterroriste
Jean-Louis Bruguière. Cette instruction judiciaire a un avantage évident pour Paul Barril : celui-ci
s’en prévaut pour décliner l’invitation à témoigner devant la Mission d’information parlementaire,
qui mène ses travaux de mars à décembre 1998 16, en invoquant le principe de la séparation des
pouvoirs entre le judiciaire et le législatif.
Une instruction uniquement à charge contre le FPR
De 1998 jusqu’à son départ en 2007, le juge Bruguière ne se rend pas au Rwanda, ne recueille
aucun élément matériel, et privilégie une seule piste : celle d’un attentat qui aurait été commis sur
l’ordre de Paul Kagame par un commando du FPR dissimulé au lieu-dit de Masaka, à Kigali 17.
Autrement dit, le magistrat reprend l’argumentation du ministère de la Défense français devant la
MIP en 1998, que les députés ont récusée en soulignant que le FPR déclenche son offensive
plusieurs jours après l’attentat, le 10 avril 1994, ce qui écarte l’argument selon lequel il en
connaissait à l’avance le projet 18 ; et qu’on ne peut faire aucune confiance aux informations sur des
lance-missiles prétendument retrouvés sur place, fournies au juriste belge Filip Reyntjens par le
colonel Bagosora 19, via son avocat.
Le juge Bruguière se fie aussi à Paul Barril ; Barril qui, le 28 juin 1994, a « chargé » le FPR en
prétendant détenir les preuves de son implication dans l’attentat, dont de supposées boîtes noires 20.
Un enfumage vite percé à jour… Sur le conseil de Barril, Bruguière prend comme traducteur Fabien
Singaye, ex-espion du régime Habyarimana, ex-actionnaire de Radio Mille Collines, gendre du
financier du génocide Félicien Kabuga, et qui travaille pour la société de Barril 21. Le magistrat
entend comme témoins plusieurs officiers des ex-FAR détenus par le TPIR à Arusha dans l’attente
de leur jugement, dont le colonel Bagosora. Il rencontre même deux d’entre eux alors même qu'ils
sont toujours recherchés par le TPIR. Il recueille à Paris le témoignage d’Abdul Joshua Ruzibiza,
exfiltré par les services français, et qui se présente comme un ancien lieutenant de l’Armée
patriotique rwandaise (les troupes du FPR) 22.
En novembre 2006, Bruguière estime avoir bouclé son dossier. Il rend une ordonnance résumant son
instruction et lance, avec l’aval du gouvernement de Dominique de Villepin, des mandats d’arrêt
contre neuf proches du pouvoir rwandais 23. Le Rwanda rompt ses relations diplomatiques avec la
France.
La charge contre le FPR s’effondre
Mais la publication de son ordonnance rend tout à coup évidente la faiblesse insigne du travail
d’enquête effectué par Bruguière 24. Peu après, son principal témoin, Abdul Joshua Ruzibiza, qui se
disait témoin direct de l’attentat, se rétracte : il ne prétend plus être témoin direct des tirs, mais
seulement avoir croisé le commando au moment de l’attentat. Avant, en novembre 2008, de revenir
complètement sur son témoignage, qu’il qualifie de « montage ». Un autre témoin, Richard
Mugenzi, censé avoir intercepté un message radio où le FPR se réjouit d’avoir réussi l’attentat,
explique que c’est un faux qu’il a fabriqué sur ordre, et que cela fait partie d’une technique
d’intoxication enseignée par des instructeurs français 25.
Le nouveau président français, Nicolas Sarkozy, et son ministre des Affaires étrangères, Bernard
Kouchner, cherchent une issue à la crise diplomatique provoquée par les mandats d’arrêt signés par
Bruguière. Le 9 novembre 2008, Rose Kabuye, cheffe du protocole de la présidence rwandaise, est
interpellée à Francfort et transférée en France 26. Son arrestation, fruit d’un arrangement entre Paris
et Kigali, relance l’instruction en permettant à ses avocats d’avoir accès au dossier judiciaire et de
demander des actes d’instruction 27. Les successeurs de Bruguière, les juges Marc Trévidic et
Philippe Coirre, ordonnent une expertise balistique et se rendent au Rwanda pour examiner la
carcasse de l’avion présidentiel.
L’expertise demandée par les juges, corroborée par les témoignages d’officiers français et belges,
montre que les missiles ont été tirés depuis les abords du camp militaire de Kanombe, fief des
officiers extrémistes hutus menés par le colonel Bagosora 28. Le 10 octobre 2018, le Parquet requiert
logiquement l’abandon des poursuites contre les membres du FPR, faute de charges suffisantes. Le
21 décembre 2018, les juges Jean-Marc Herbaut et Nathalie Poux, derniers magistrats en charge du
dossier, rendent une ordonnance de non-lieu.
III - Quels sont les éléments factuels qui subsistent ?
Expertise balistique et boîtes noires
L’expertise balistique demandée par les juges, les témoignages du commandant Grégoire de Saint-
Quentin et de trois médecins militaires belges hébergés comme lui au camp militaire de Kanombe
sont concordants : les missiles ont été tirés depuis la bordure du camp militaire de Kanombe, où
étaient cantonnées des unités d’élite de l’armée rwandaise et leurs conseillers français et belges29. Il
a fallu aux tireurs un fort appui local pour venir dans une telle zone faire des reconnaissances
discrètes, tirer et repartir sans être repérés après qu’une longue flamme bien visible ait pu révéler
leur position 30. Il est invraisemblable qu’un commando FPR ait pu s’introduire aux abords de ce
camp militaire qui jouxtait la résidence du président Habyarimana. En outre, immédiatement après
l’attentat, les FAR et les Français (pourtant très réactifs pour aller chercher les boîtes noires sur
l’avion abattu) ne recherchent pas les tireurs de missiles qui étaient à quelques centaines de mètres
d’eux ; ces tireurs n’ont été retrouvés ni vivants ni morts.
Les missiles utilisés sont des missiles sol-air de type SAM16, Stinger ou Mistral. Retrouver leurs
éjecteurs – la pièce métallique qui éjecte le missile hors du tube avant l’allumage et qui retombe à
quelques dizaines de mètres du tireur – aurait permis de trancher entre ces différents modèles, mais
cela n’indiquerait pas l’identité des tireurs. Ces missiles présentent des difficultés pratiques : d’une
part ils se périment vite, et il faut des moyens industriels de haut niveau pour les maintenir en état
de fonctionnement, d’autre part ils nécessitent que les tireurs soient spécialement formés, prêts à
réagir efficacement en quelques secondes lorsqu’ils sont alertés de l’arrivée de l’avion 31.
Au sujet des boîtes noires, l’armée française informe la Mission d’information parlementaire que
l’avion en était muni : un enregistreur des paramètres de vol et un enregistreur des conversations de
l’équipage ; les recherches auxquelles a fait procéder le général Rannou, chef d’état-major de
l’armée de l’air en 1998 (et chef du cabinet militaire du ministre de la Défense au moment de
l’attentat), détaillent leurs caractéristiques 32. La Mission d’information parlementaire reçoit ces
informations mais ne les publie pas 33.
Par ailleurs, le général Rannou affirme que les boîtes noires n’ont pas été retrouvées 34. Or les FAR
et les militaires français, qui ont seuls eu accès à la carcasse de l’avion, s’y sont précipités pour
chercher les boîtes noires. Selon un correspondant de la DGSE, « quelque chose qui y ressemble »
était dans l’avion du 9 avril 1994 qui a emmené la famille Habyarimana, et serait donc en France 35.
Selon le gouvernement intérimaire rwandais, son ministre des Affaires étrangères est allé à Paris le
27 avril 1994 pour demander à la France d’analyser les boîtes noires 36.
Les informations qu’on pourrait attendre des boîtes noires sont d’une part les conversations des
membres de l’équipage, sur lesquelles leurs familles ont déjà témoigné, indiquant que la tour de
contrôle a demandé avec insistance qui avait pris place dans l’avion 37 ; d’autre part la confirmation
de la reconstitution de la trajectoire de l’avion entre le premier missile et le deuxième.
La DGSE accuse le colonel Bagosora
Une fois exclue l’hypothèse d’un attentat commis par le FPR, et étant donné le lieu de départ des
tirs, peu de doutes subsistent quant au fait que l’attentat a été exécuté pour le compte des
extrémistes hutus, qui réalisent ensuite un coup d’État avec le soutien de la France. L’un des
membres de l’Akazu, le capitaine Pascal Simbikangwa, a affirmé à la psychologue qui l’a examiné
avant son procès en France (et l’a trouvé sain d’esprit) : « Ce sont les Hutus qui ont abattu l’avion
de Juvénal Habyarimana. Je suis bien placé pour le savoir 38. » Le chercheur Gérard Prunier a
d’ailleurs déclaré aux députés de la MIP qu’il en était convaincu, « tout en ajoutant qu’il disposait
d’éléments qu’il ne pouvait malheureusement pas communiquer à la Mission d’information pour
des raisons de sécurité personnelle39 ».
La justice française n’a pas réellement envisagé cette hypothèse ni cherché dans cette direction.
Pourtant, elle détient dans ses dossiers le résultat d’une autre investigation, celle menée en 1994 par
la DGSE, selon qui l’attentat avait été commis à l’initiative des extrémistes hutus.
Initialement, dès le 7 avril 1994, la DGSE relaie une information du FPR selon laquelle les tirs
viennent du quartier Kanombe qui est « facilement contrôlable par l’armée gouvernementale 40 ». Le
8 avril, soulignant l’« opposition latente entre Hutus du Nord et du Sud » et le fait que
« l’opposition soit systématiquement décapitée », la DGSE soulève l’hypothèse d’un « complot
politique organisé et soigneusement préparé, comme le montre l’exécution de l’attentat,
relativement complexe sur le plan technique » 41. Ce même 8 avril, elle note l’« ostensible
neutralité » et la « réserve » du FPR 42 et le peu d’avantages politiques qu’il aurait à tenter de
s’approcher du pouvoir. Le 11 avril, elle note que l’hypothèse que le FPR aurait réalisé l’attentat
« n’est pas satisfaisante », à nouveau en raison du lieu du tir 43.
Au mois de mai 1994, la DGSE reprend ces éléments avec plus de précision. Elle relève que c’est le
9 avril que « l’intervention des troupes du FPR a débuté » et le 12 avril que « le FPR est aux portes
de Kigali » 44. À partir du 10 mai 1994, elle présente sous un jour favorable l’hypothèse que les
commanditaires sont les extrémistes hutus, « la nature des accords d’Arusha avantageant nettement
le FPR 45 ».
Du 12 juillet au 5 septembre 1994, elle détaille son enquête en trois fiches 46. Le 21 septembre 1994,
la prestation télévisée sur France 3 du colonel Bagosora, « devenu particulièrement menaçant à la
suite de questions directes concernant sa responsabilité dans l’origine des massacres », confirme la
DGSE dans son opinion sur le personnage 47. En effet, celui-ci lance au journaliste qui l’interroge :
« Vous aussi vous êtes payé ? Ça suffit. Un jour tu vas mourir. Ça suffit de me narguer à ce
point 48. » Le lendemain, 22 septembre, la DGSE synthétise ses fiches précédentes et confirme
l’hypothèse selon elle la plus plausible, à défaut de preuves formelles : basée sur des témoignages et
des « déductions logiques », cette hypothèse « tendrait à désigner les colonels Bagosora, ancien
directeur de cabinet du ministre de la Défense, et Serubuga, ancien chef d’état-major des Forces
armées rwandaises (FAR), comme les principaux commanditaires de l’attentat du 6 avril 1994 ».
Ces deux officiers, dont le ressentiment envers Habyarimana daterait de leur mise à la retraite en
1992, « bénéficieraient de la protection de Mme Agathe Habyarimana et de son frère, Protais
Zigiranyirazo, alias “monsieur Z”, tous deux désignés comme étant les véritables cerveaux de
l’organisation », responsables du Réseau Zéro et de ses escadrons de la mort. La DGSE souligne
que « Mme Habyarimana se distinguait essentiellement de son mari par une opposition viscérale à
l’esprit des accords d’Arusha et à tout partage du pouvoir avec le Front Patriotique Rwandais
(FPR) ». C’est dès 1991, par crainte de la démocratisation, qu’aurait été envisagée la « possibilité
d’un coup d’État visant à renverser M. Habyarimana, pour lui substituer un autre officier originaire
de Gisenyi » 49.
À l’appui de cette hypothèse, la DGSE note, entre autres, que le 1er avril 1994 il y a eu de discrets
« transferts logistiques de carburant, d’armes collectives et de munitions, en quantités bien
supérieures à la moyenne » entre le camp de la garde présidentielle, à Kimihurura, non loin du
cantonnement du FPR, et le camp militaire de Kanombe, proche de l’aéroport. Elle note également :
« Cette opération aurait été préméditée de longue date par les extrémistes hutus. L’assassinat de
ministres de l’opposition modérée et de Tutsis, moins d’une demi-heure après l’explosion du Falcon
présidentiel, confirmerait le haut degré de préparation de cette opération. » Enfin, elle souligne
qu’après l’attentat « le colonel Bagosora avait tenté de s’imposer comme le nouvel homme fort au
Rwanda » 50.
Deux militaires français tués parce qu’ils en savaient trop sur l’attentat ?
En outre, la DGSE lie explicitement à l’attentat les meurtres de deux militaires français. L’adjudant
Alain Didot, technicien « transmissions » auprès des FAR, assurait depuis son domicile les relais
radio entre l’ambassade française et les coopérants militaires français logés à Kanombe 51. Lui et sa
femme Gilda, ainsi que l’adjudant-chef René Maïer, qui travaillait avec lui, et leur jeune gardien
rwandais sont tués par balles le 8 avril 1994 et leurs corps enterrés sommairement. Pour la DGSE,
« si les radicaux hutus semblent à l’origine de l’attentat perpétré contre le président Habyarimana, il
est plausible que ces extrémistes aient également souhaité éliminer d’éventuels témoins
oculaires 52 ».
En effet, un militaire belge entré le 10 avril dans leur propriété à la recherche de leurs corps
constate que « tout avait été retourné » à l’intérieur de la maison et il n’y voit pas le matériel
radio 53. Comme le commando qui attendait à Kanombe a eu besoin d’être alerté par radio de
l’approche de l’avion de Habyarimana, au moins pour pouvoir le distinguer de l’avion belge attendu
le même soir 54, il a peut-être fallu faire disparaître des enregistrements sensibles avec leurs
transcriptions et ceux qui ont pu les entendre.
Les meurtres de Didot et Maïer paraissent bien embarrassants pour les autorités françaises puisque
leurs familles, à l’instar des familles de l’équipage de l’avion présidentiel, ont subi des pressions
plus ou moins discrètes. Ainsi un gendarme est venu leur faire signer une renonciation à entamer
une enquête 55. Il n’y a pas eu d’autopsie ni d’instruction. Le certificat de décès de René Maïer,
dactylographié, est un faux grossier avec une date et un prénom erronés : il mentionne la mort
« réelle » et « accidentelle » de « Jean Maïer » le 6 avril à 21 heures, causée par des balles, et porte
le tampon du docteur Michel Thomas 56. Ce médecin militaire nie avoir rédigé un tel certificat. S’il
l’avait fait, il l’aurait écrit à la main et signé sans tampon, sans ce mot « accidentel », et en précisant
le nombre et la position des impacts de balles 57.
Selon Libération, le juge Trévidic aurait jugé ces faits « gravissimes » et de nature à réorienter sa
propre enquête sur l’attentat 58. Il n’en a pourtant rien été. Bien qu’il s’agisse de trois Français, dont
deux militaires en service, ces assassinats n’ont fait l’objet d’aucune enquête de la justice française,
ni dans le dossier de l’attentat ni séparément. En 2018, la douleur de leurs proches « n’a pas
cicatrisé » ; l’un d’eux explique : « À chaque fois qu’on a essayé de faire quelque chose, on s’est
fait rembarrer », et il « espère bien un jour la levée du secret défense » 59.
IV - Une enquête inachevée
La justice n’a pas enquêté sur les extrémistes hutus
Bien que la DGSE s’oriente, à partir du 10 mai 1994, vers l’attribution de la responsabilité de
l’attentat aux extrémistes hutus menés par les colonels Bagosora et Serubuga, et que l’Élysée, le
gouvernement et l’état-major en sont informés, cette information ne filtre pas dans le public à
l’époque, et de nombreuses autorités civiles et militaires continuent à incriminer ouvertement le
FPR. Même le directeur de la DGSE, Jacques Dewatre, affirme en 1998 devant la Mission
d’information parlementaire qu’il n’a aucun élément pour trancher entre les différentes hypothèses.
Le vice-président de la Mission, le député Jean-Claude Lefort, s’en étonne 60, mais les députés ne se
font pas pour autant communiquer les fiches de la DGSE.
Le juge Bruguière non plus ne s’intéresse pas à ces fiches. Sur requête d’un avocat, le 16 décembre
2014, le juge Trévidic en demande la déclassification 61. Lui qui s’était déjà plaint que le secret
défense lui soit opposé de façon anticonstitutionnelle pour protéger la (dé)raison d’État 62 proteste
publiquement contre des délais de réponse anormaux 63. En effet, le ministère de la Défense reste
inactif pendant des mois, jusqu’au 31 août 2015, qui est justement le jour où Trévidic doit quitter le
pôle antiterroriste. Ses successeurs, les juges Herbaut et Poux, reçoivent alors des documents avec
des passages concernant des Français – quoique expurgés –, mais ils n’en font pas usage 64.
Les juges n’exploitent pas non plus l’audition de Richard Mugenzi, cet ancien espion rwandais
spécialiste d’écoutes radio. Celui-ci a pourtant confirmé devant le juge Trévidic que le message
émanant prétendument du FPR se réjouissant de l’assassinat du président Habyarimana était un faux
fabriqué par le lieutenant-colonel Anatole Nsengiyumva, un officier extrémiste proche du colonel
Bagosora.
Pas d’enquête sur la piste de tireurs français
De même, les juges Herbaut et Poux n’explorent pas l’information, donnée par les familles de
victimes et rapportée par la DGSE, selon laquelle « un mercenaire français, M. Patrick Ollivier,
serait impliqué dans cette affaire et userait de ses relations auprès des ministères français de la
Coopération et des Affaires étrangères dans le but d’occulter la vérité 65 ». La DGSE elle-même ne
semble pas curieuse de suivre cette piste. Pourtant, les extrémistes hutus n’ayant ni le personnel
capable de tirer les missiles, ni les possibilités de maintenir des missiles en état d’être tirés, ils ont
nécessairement eu recours à des tireurs spécialisés 66.
Les enquêteurs de l’Auditorat militaire belge, chargé de faire la lumière sur le meurtre des dix
Casques bleus belges qui protégeaient la Première ministre Agathe Uwilingiyimana, se sont
également intéressés à l'attentat. Leurs investigations, auxquelles les autorités françaises ont refusé
de coopérer 67, les convainquent de la responsabilité des extrémistes hutus, éventuellement aidés par
des mercenaires ou militaires français 68. Le volet de l'enquête concernant l'éventuelle participation
française est interrompu avant terme 69.
La piste d'une participation française mérite pourtant d'être étudiée au même titre que les autres. La
première possibilité qui a été évoquée par la presse, celle de mercenaires, a été relancée en 2012 par
les juges Trévidic et Poux. Elle pourrait mettre en cause Paul Barril, dont un proche aurait cherché à
acquérir deux missiles sol-air, entre novembre 1993 et février 1994, auprès du marchand d’armes
Dominique Lemonnier 70. Des témoins disent avoir vu Barril à Kigali peu avant l’attentat, d’autres
l’ont vu le 6 avril à Bujumbura, capitale du Burundi tout proche, et lui-même reconnaît avoir été le
7 avril « sur une colline perdue au coeur de l’Afrique 71 ». Selon Gérard Prunier, « on peut supposer
que Paul Barril connaît les hommes qui ont abattu l’avion et leurs commanditaires 72 ».
La seconde possibilité évoquée par la presse est celle de militaires français. Elle est envisagée dès le
17 juin 1994 par la journaliste belge Colette Braeckman qui désigne « deux militaires français du
Dami au service de la CDR [parti extrémiste hutu] 73 ». Cette journaliste se base sur une lettre
qu’elle a reçue, datée du 29 mai 1994 et signée par un chef de milice du nom de Thaddée, qui
précise : « Un des Français s’appelle, je crois, Étienne 74. » Or « Étienne » existe bien, c’est le
pseudonyme d’un membre du Dami, en l’occurrence Pascal Estevada, un sergent-chef du
1er RPIMa, le fer de lance des forces spéciales françaises. Après avoir été instructeur des FAR, il est
affecté au Burundi mi-mars 1994 75, mais il a encore été vu au Rwanda en mars-avril 76. Interrogé
par le juge Bruguière, il a nié toute implication et a affirmé qu’il ne se souvenait pas précisément de
l’endroit où il était le 6 avril 1994 77.
Le nom d’un autre militaire français qui a pu être l’un des tireurs est d’abord mentionné, sans lien
explicite avec l’attentat, par le juriste belge Filip Reyntjens dans le manuscrit de son livre en
préparation, Rwanda. Trois jours qui ont fait basculer l’histoire, qu’il envoie le 2 août 1995 au juge
bruxellois Vandermeersch, chargé de l’instruction sur la mort des dix para-commandos belges 78.
Reyntjens y commente le pseudonyme d’Estevada en expliquant : « Le prénom est un nom de
guerre, qui commence par la première lettre du vrai nom de famille ; un autre membre du Dami
présent à Kigali le 6 avril, le lieutenant Ray, avait pour nom de guerre “Régis” 79. » Contrairement à
« Étienne », « Régis » n’a été cité par personne et n’apparaît nulle part ailleurs dans le manuscrit.
Or, indépendamment, ce pseudonyme est mentionné peu après par Colette Braeckman, qui le
3 novembre 1995 précise que le deuxième tireur français serait un certain « Régis », dont elle ignore
l’identité réelle 80. La version publiée de l’ouvrage de Filip Reyntjens ne fait plus allusion au
lieutenant Ray et indique seulement : « “Étienne” est un nom de guerre, qui commence par la
première lettre du vrai nom de famille 81. » Interrogé en 2014, Filip Reyntjens répond qu’il ne
connaît ni Ray ni Régis82. Colette Braeckman reçoit de l’ambassade de France, via des amis, le
conseil de ne pas poursuivre son enquête 83.
Claude Ray, pseudonyme « Régis », existe bel et bien. Il est membre du 1er RPIMa et du Dami, et
est en réalité adjudant. Le 7 décembre 1993, une semaine avant le départ des troupes de Noroît, il
arrive à Kigali où il est détaché pour quatre mois 84. Il est affecté à l’état-major des FAR, si l’on en
croit la liste des numéros de téléphone des 26 militaires français présents à Kigali le 3 janvier 1994,
où lui seul figure sous pseudonyme 85. Il repart de Kigali le 12 avril. Le 11 octobre 1994, il reçoit un
« témoignage de satisfaction du chef d’état-major des armées » pour son action au Rwanda 86.
Distinction rare pour un adjudant, c’est un moyen efficace de soutenir la carrière d’un militaire sans
avoir à en dévoiler les motivations. Interrogé, l’amiral Lanxade indique qu’il n’a pas le souvenir
d’en avoir décerné, et que ce n’était « pas tellement dans son style », tandis que l’adjudant Ray n’a
pas souhaité nous répondre. La justice ne l’a pas interrogé 87 et l’enquête sur lui s’est limitée au
service minimum, ce qui permet au parquet de Paris d’écrire qu’elle n’a rien révélé 88.
La mise en cause par la journaliste Colette Braeckman de deux sous-officiers du 1er RPIMa pour
avoir abattu l’avion du président Habyarimana rencontre les interrogations de Brigitte Minaberry,
épouse du copilote Jean-Pierre Minaberry. Dès le 7 avril 1994, celle-ci avait dit à sa fille Sylvie :
« Pourvu que ce ne soient pas les Français 89. » Comme le constate par la suite Sylvie Minaberry :
« Les veuves et les enfants [des Français tués] ont été pris en main par la secrétaire des Français de
l’étranger qui nous a “canalisés”, surtout, pour nous empêcher de rencontrer les journalistes 90. »
Pour sa part, elle insiste et mène sa propre enquête : « Nous avons été reçues par Michel Roussin.
Quand je lui ai demandé qui avait commis l’attentat, il a regardé ses chaussures. L’ambiance était
bizarre. On a eu des doutes. On s’est demandé : “Ce ne sont quand même pas des Français qui ont
abattu l’avion ?” 91 »
Sylvie Minaberry continue : « Je suis médecin militaire, je me suis demandé si le COS [le
commandement des opérations spéciales] aurait pu faire ça. Je suis allée à Bayonne, voir les gens du
[1er] RPIMa. Les gens du RPIMa m’ont dit : “N’importe quel militaire entraîné peut faire ça,
n’importe quelle barbouze peut faire ça.” Qu’il y ait trois Français dans un avion, ça ne leur poserait
aucun problème 92. » Elle souligne qu’à l’heure actuelle, quand elle repense à l’attentat, elle « inclut
toujours l’hypothèse française » et ajoute : « C’est même pour ça que j’ai porté plainte. » 93
Cette hypothèse, qui mérite d’être examinée au même titre que les autres 94, expliquerait divers faits
troublants : que les militaires français qui étaient à moins de 500 mètres des tireurs ne les aient pas
recherchés et aient plutôt immédiatement tenté de récupérer les boîtes noires ; que la France ait
initialement dissuadé les familles de victimes de porter plainte ; que l’enquête ait subi tant
d’obstructions et de manipulations.
La justice française n’ira pas plus loin
Le 10 octobre 2018, le parquet de Paris a requis un non-lieu, rendu public le 13 octobre, au moment
même où la France faisait élire la ministre rwandaise des Affaires étrangères à la tête de
l’Organisation internationale de la francophonie. Cette coïncidence de dates a donné aux
commentateurs l’impression que le réquisitoire était très politique et qu’il manifestait la volonté du
pouvoir français d’apaiser les relations avec le Rwanda, dont le président Paul Kagame était
indirectement mis en cause par la procédure. L’enquête reste donc au milieu du gué : suivant les
réquisitions du parquet, les juges d’instruction ont rendu le 21 décembre 2018 une ordonnance de
non-lieu pour charges insuffisantes contre les suspects rwandais, à la satisfaction de Kigali. Les
assassins du président Habyarimana n’ont toujours pas été identifiés, ni les commanditaires de ce
meurtre désignés. Tant que le doute subsistera, il fera le bonheur des négationnistes.
Concernant cet événement majeur qui a donné le signal du déclenchement du coup d’État des
extrémistes et du génocide des Tutsis, la justice française aura, tous comptes faits, davantage
contribué à diffuser une thèse négationniste – celle d’un crime qui aurait été commis par le FPR,
tenu dès lors pour responsable de l’extermination des Tutsis dont il aurait pris le risque en
connaissance de cause – qu’à rechercher la vérité. Une vérité qui, dans ce dossier comme dans
d’autres, pourrait aboutir à la mise en cause de l’État français.
V - Manipulations françaises pour accuser le FPR de l’attentat
Génocide spontané, génocide improvisé ou génocide prémédité ?
Dès 1994, un récit falsifié s’élabore sous la plume des autorités françaises. Il donne l’impression
d’un génocide provoqué par l’attentat du 6 avril 1994 et non pas d’un plan concerté mis en oeuvre
par des hommes déterminés. C’est bien l’idée qui ressort des documents militaires français : les
massacres seraient commis par des assassins incontrôlés en représailles de l’assassinat du président
Habyarimana. Ainsi de l’ordre d’opération d’Amaryllis, qui indique que « pour venger la mort du
président Habyarimana, du chef et de l’adjoint de la sécurité présidentielle tués dans l’écrasement
de l’appareil survenu le 6 avril au soir, les membres de la garde présidentielle ont mené dès le
7 matin des actions de représailles dans la ville de Kigali : attaque du bataillon FPR, arrestation et
élimination des opposants et des Tutsis, encerclement des emprises de la Minuar et limitation de ses
déplacements 95. » De même l’ordre d’opérations de Turquoise du 22 juin 1994 résume la situation
au Rwanda par ces mots : « L’assassinat des présidents rwandais et burundais survenu à Kigali le 6
avril 1994 a déclenché une nouvelle fois de très graves affrontements interethniques », avant
d’attribuer les massacres de Tutsis à des « bandes formées de civils ou de militaires hutus
incontrôlés » 96.
Ces formulations laissent croire à un « génocide spontané », commis en représailles de l’assassinat
du président Habyarimana dans un pays qui serait livré au chaos. La « colère spontanée » des
Rwandais hutus après la mort de « leur » président est un thème récurrent du négationnisme. Cette
thèse est celle des auteurs du génocide. Elle sera avancée des années plus tard par le colonel
Bagosora et ses coaccusés devant le TPIR.
Or le génocide des Tutsis est un crime d’État. Il est commis par un gouvernement qui mobilise
l’armée et l’administration pour le mener à bien. C’est d’ailleurs ce qu’ont rappelé ultérieurement
les députés français en intitulant une section de leur rapport de 1998 : « L’État rwandais
ordonnateur du génocide ».
Les propos d’Alain Juppé, le 18 mai 1994 devant l’Assemblée nationale marquent bien le caractère
organisé des tueries, mais ils évoquent davantage un génocide improvisé qu’un génocide prémédité.
En effet, si Alain Juppé reconnaît le rôle de l’armée gouvernementale rwandaise dans
« l’élimination systématique de la population tutsie », il considère que c’est l’offensive du FPR qui
serait à l’origine du génocide : « Face à l’offensive du Front patriotique rwandais, les troupes
gouvernementales rwandaises se sont livrées à l’élimination systématique de la population tutsie, ce
qui a entraîné la généralisation des massacres. » Les troupes gouvernementales rwandaises
n’auraient fait que réagir à cette attaque, une réaction qui, après l’assassinat du président
Habyarimana, aurait pris la forme du génocide : un génocide improvisé, en quelque sorte.
Le renversement de la culpabilité de l’attentat
La formulation d’Alain Juppé devant l’Assemblée nationale ne se contente pas d’escamoter la
question de la préméditation du génocide : elle ouvre aussi la porte au renversement des
responsabilités en ramenant la tragédie rwandaise à un point d’origine qui serait l’offensive du FPR
d’octobre 1990.
Cette affirmation trouve encore un écho, en 2012, dans la bouche de Hubert Védrine, secrétaire
général de l’Élysée en 1994, pour qui le FPR serait « l’instigateur global » de la tragédie
rwandaise 97. Cette insistance à vouloir mettre en cause le FPR a pour passage obligé l’accusation
portée à son encontre d’avoir commis l’attentat du 6 avril 1994, selon un raisonnement captieux : le
FPR aurait décidé d’éliminer Habyarimana pour parvenir au pouvoir alors qu’il savait pertinemment
qu’un génocide des Tutsis était possible en représailles. Malgré la force des éléments venant
contredire cette hypothèse, la plupart des responsables français de l’époque continuent aujourd’hui
encore à attribuer l’attentat au FPR, ce qui a donné lieu à des manipulations multiples de la part de
l’État français.
Des manipulations qui commencent en plein génocide, quand, le 28 juin 1994, l’ex-capitaine Paul
Barril est invité au Journal de 13 heures de France 2 98. L’ancien gendarme de l’Élysée accuse le
FPR d’une agression généralisée contre le Rwanda qui aurait débuté avec le meurtre des deux chefs
d’État rwandais et burundais. Il affirme détenir de nombreuses pièces à conviction et brandit ce
qu’il prétend être la boîte noire de l’avion présidentiel. Il est démenti le soir même, dans un
reportage diffusé sur la même chaîne : la « boîte noire » qu’il a présentée est en fait un boîtier
d’antenne de radio compas 99.
Tentative avortée de manipulation des députés
En 1998, les députés de la Mission d’information parlementaire déjouent à leur tour une tentative de
manipulation visant à faire porter la responsabilité de l’attentat au FPR. Le ministère de la Défense
leur avait en effet transmis une fiche en sa possession accusant ce mouvement de l’assassinat de
Habyarimana. Plusieurs responsables politiques (l’ancien ministre de la Défense François Léotard,
l’ancien ministre de la Coopération Bernard Debré) et militaires (le général Christian Quesnot,
ancien chef de l’état-major particulier du président Mitterrand) avaient renchéri. Les arguments
avancés étaient les suivants :
– le bataillon du FPR cantonné à Kigali en vertu des accords d’Arusha se serait mis en position de
combat avant même que la nouvelle de l’attentat ne soit diffusée, et le gros de ses troupes aurait
attaqué sur l’ensemble du front immédiatement après, ce qui sous-entend que le FPR était informé
du projet d’attentat et prêt à agir en conséquence ;
– un commando du FPR aurait abattu le Falcon 50 du président Habyarimana en utilisant des
missiles SAM 16, dont les lance-missiles auraient été retrouvés : des photos de l’un d’entre eux sont
transmises à la Mission d’information parlementaire par le ministère de la Défense ;
– un message radio aurait été intercepté dans la nuit du 6 au 7 avril 1994, dans lequel le FPR criait
victoire et se félicitait de la réussite de la mission de ce commando.
Après un examen minutieux, les députés réfutent ou mettent en doute les « preuves » présentées. Ils
se fondent tout d'abord sur deux documents militaires français de l’époque, un message du 10 avril
de l’attaché de défense et l’ordre de conduite n° 2 de l’opération Amaryllis du 10 avril au soir, qui
indiquent tous deux que le démarrage effectif de l’offensive du FPR sur Kigali a lieu le 10 avril.
Selon les députés, « cette information donnée par les militaires français et confirmée à Kigali par les
autorités rwandaises lors de la visite des rapporteurs écarte définitivement l’argument selon lequel
le FPR aurait procédé dès le 6 avril au matin à des mouvements de troupes pour être dans Kigali dès
le 6 au soir, ce qui aurait pu donner à penser qu’il connaissait le projet d’attentat contre l’avion
présidentiel 100. »
Analysant ensuite les photos du lance-missile qui lui ont été remises, le rapport des députés est
cinglant : « La probabilité étant forte que le missile photographié n’ait pas été tiré, ce missile ne
peut en aucune manière être considéré de façon fiable comme l’arme ayant abattu l’avion du
président Juvénal Habyarimana. » Les députés constatent que les numéros de missiles transmis par
le ministère de la Défense correspondent à ceux que l’universitaire belge Filip Reyntjens a reçus du
colonel Bagosora : ce sont donc les FAR qui sont à l’origine des « preuves » matérielles qu’on
présente aux parlementaires comme désignant le FPR. Le rapport note « la concordance entre la
thèse véhiculée par les FAR en exil […] et celle issue des éléments communiqués à la Mission
visant à désigner sommairement le FPR et l’Ouganda comme auteurs possibles de l’attentat ». Les
députés concluent en s’interrogeant : « L’intervention des FAR en exil dans cette tentative de
désinformation ne les désigne-t-elle pas comme possibles protagonistes d’une tentative de
dissimulation ? À moins que sincères, les FAR en exil aient elles-mêmes été manipulées, mais dans
ce cas, par qui 101 ? »
La MIP se montre enfin dubitative quant à la véracité des interceptions de messages de victoire sur
les fréquences du FPR. Ce n’est qu’en 2009 que la commission Mutsinzi, commission rwandaise
chargée d’enquêter sur l’attentat, démontrera qu’il s’agissait de faux messages fabriqués par les
FAR, en retrouvant Richard Mugenzi, le transmetteur qui les avait reçus du lieutenant-colonel
Nsengiyumva, ex-chef des services de renseignement militaire, et transcrits pour faire croire à
d’authentiques interceptions des communications du FPR102.
Instrumentalisation de la justice et manipulation de l’opinion publique
À l’issue des travaux de la Mission d’information parlementaire, rien n’étaie la thèse d’une
responsabilité du FPR dans l’attentat. Pourtant, elle est martelée à l’opinion publique française
jusqu’en 2012 par le biais d’une campagne médiatique organisée autour de l’enquête du juge
antiterroriste Jean-Louis Bruguière. Saisi en 1998, le magistrat conduit une instruction à charge
contre le FPR. Le journaliste Pierre Péan est le premier à relayer le travail de Bruguière, dès 2000.
À partir de cette date, l’offensive médiatique bat son plein, avec plusieurs ouvrages et articles
tendant à démontrer la culpabilité du FPR dans l’assassinat de Habyarimana, et donc dans le
déclenchement du génocide. En 2004, à l’approche de la dixième commémoration du génocide,
Péan est rejoint par d’autres journalistes comme Stephen Smith, dans Le Monde, et Charles Onana.
Péan publie en 2005 Noires fureurs, blancs menteurs, qui bénéficie d’une forte couverture
médiatique. Le livre paraît peu après Rwanda. L’histoire secrète, le témoignage d’un ancien
membre de l’APR, Abdul Joshua Ruzibiza103. Celui-ci affirme dans son livre être témoin oculaire de
l’attentat, commis selon lui par un commando du FPR.
Les informations distillées dans la presse et dans ces livres laissent croire que le juge Bruguière a
abouti à une conclusion construite sur des preuves irréfutables. Or on a vu qu’il reprenait pour
l’essentiel un scénario suggéré par le ministère de la Défense (par ailleurs réfuté dès 1998 par la
Mission parlementaire). Que vaut une instruction dans laquelle le juge ne se contente pas seulement
de suivre le chemin tracé en 1998 par le ministère de la Défense, mais va jusqu’à en reprendre les
éléments de preuve déjà réfutés par la Mission d’information parlementaire, y compris une arme du
crime qui n’a pas été utilisée ? Ajoutons enfin qu’avant de lancer des mandats d’arrêt internationaux
contre neuf responsables rwandais, Bruguière avait fait part de sa décision au président de la
République Jacques Chirac, ainsi qu’au gouvernement de Dominique de Villepin, qui lui avait
donné son feu vert 104. Ainsi l’ordonnance Bruguière doit-elle être considérée pour ce qu’elle est :
une instrumentalisation de la justice au service d’une politique d’hostilité au FPR, doublée d’une
manipulation de l’opinion publique française, visant à faire diversion face aux accusations
insistantes et de mieux en mieux étayées de complicité de génocide portées contre les dirigeants
français de l’époque 105.
Les successeurs de Bruguière, les juges Philippe Coirre et Marc Trévidic, puis Nathalie Poux,
ordonnent une expertise balistique et se rendent au Rwanda. Les experts publient leur rapport en
janvier 2012. Celui-ci désigne comme origine des tirs le camp militaire de Kanombe, fief des
officiers hutus extrémistes, ou ses abords. Cela ne suffit pourtant pas à mettre fin à une
désinformation délibérée des citoyens français, décidée au coeur de l’État et relayée par des
journalistes et des universitaires : le juriste belge Filip Reyntjens ou les sociologues français
Claudine Vidal et André Guichaoua, respectivement préfacière et postfacier de l’ouvrage de
Ruzibiza, Rwanda. L’histoire secrète ; le 1er février 2017, l’hebdomadaire Le Un publie un numéro
intitulé « France-Rwanda. La contre-enquête », dans lequel il donne la parole à Pierre Péan pour
remettre en circulation, une fois de plus, la thèse de l’attentat commis par le FPR, ainsi qu’à Hubert
Védrine pour défendre la politique menée au Rwanda.
En aurons-nous jamais terminé avec ce que Gabriel Périès et David Servenay ont appelé « un cas
exemplaire d’action psychologique prolongée sur la population française 106 » ? Cette volonté
farouche d’un certain nombre de responsables français d’incriminer le FPR pour l’attentat du
6 avril, en sous-entendant qu’il est par conséquent responsable de la tragédie rwandaise, n’est que
l’envers de leur défense désespérée d’une politique qui a mené l’État français à se rendre complice
du dernier génocide du XXème siècle.
1 Témoignage de Brigitte Minaberry, épouse du copilote Jean-Pierre Minaberry, cité par Colette Braeckman,
Rwanda, histoire d’un génocide, Paris, Fayard, 1994, p. 174 ; Gabriel Périès et David Servenay, Une guerre noire.
Enquête sur les origines du génocide rwandais (1959-1994), Paris, La Découverte, 2007, p. 248-249 ; Jacques
Collet, audition par l’auditorat militaire belge (Guy Artiges), 16 mai 1994, PV no 686 [fgt].
NB : La mention [fgt] signale les documents que l’on peut trouver sur FranceGenocideTutsi.org, base de données
réalisée par Jacques Morel, qui recense les données relatives au rôle de la France dans le génocide des Tutsis au
Rwanda en 1994.
2 Sur l’attentat, lire Jean-François Dupaquier, Politiques, militaires et mercenaires français au Rwanda. Chronique
d’une désinformation, Paris, Karthala, 2014, chapitres 1, 18 et 19 ; Philippe Brewaeys, Rwanda 1994. Noirs et
blancs menteurs, Bruxelles, Racine, 2013 ; Jacques Morel, La France au coeur du génocide des Tutsis, Paris,
Izuba-L’Esprit frappeur, 2010, chapitre 9.
3 Lire l’ouvrage de Philippe Brewaeys, Rwanda 1994. Noirs et blancs menteurs, op. cit., en particulier le chapitre 4 :
« Autre enquête, autre histoire ».
4 Assemblée nationale, Assemblée nationale, Enquête sur la tragédie rwandaise (1990-1994) : rapport
d’information, 15 décembre 1998, t. I, p. 243-244.
5 Assemblée nationale, Enquête sur la tragédie rwandaise, op. cit., t. II, vol. 2, p. 289.
6 Jean Birara, « Déposition devant l’auditorat militaire belge », annexe, 26 mai 1994 [fgt].
7 Jean-Pierre Chrétien (dir.), Les médias du génocide, Paris, Karthala, 1995, p. 326.
8 Assemblée nationale, Enquête sur la tragédie rwandaise, op. cit., t. I, p. 278. Lire aussi, entre autres, Gérard
Prunier, Rwanda 1959-1996. Histoire d’un génocide, Paris, Dagorno, 1997, p. 268 et Philippe Brewaeys, Rwanda
1994. Noirs et blancs menteurs, op. cit., p. 135-138.
9 Jacques Morel, La France au coeur du génocide des Tutsis, op. cit., p. 655.
10 Ordre d’opération d’Amaryllis, 8 avril 1994, in Assemblée nationale, Enquête sur la tragédie rwandaise, op. cit.,
t. II, p. 344 [fgt].
11 HRW et FIDH, Aucun témoin ne doit survivre, op. cit., p. 229 [fgt]. Lire aussi lieutenant-général Roméo Dallaire,
J’ai serré la main du diable. La faillite de l’humanité au Rwanda, Outremont (Québec), Libre expression, 2003,
p. 317-320 et Linda Melvern, Conspiracy to murder. The Rwandan genocide, New York, Verso, 2006, p. 162.
12 HRW et FIDH, Aucun témoin ne doit survivre, op. cit., p. 228 [fgt].
13 DRM, fiche « Objet : Les forces armées rwandaises (FAR) sont dans une situation difficile », 2 mai 1994.
14 Jean-François Dupaquier, Politiques, militaires et mercenaires français au Rwanda, op. cit., p. 404 ; Maria
Malagardis, « Rwanda : trois fantômes et un mystère », Libération, 10 janvier 2013.
15 Jean-François Dupaquier, Politiques, militaires et mercenaires français au Rwanda, op. cit., p. 428.
16 Jean-François Dupaquier, « Entre Kigali et Paris, l’heure des comptes judiciaires et diplomatiques »,
Afrikarabia.com, 13 décembre 2017.
17 Jacques Morel et Georges Kapler, « Un juge de connivence ? », La Nuit rwandaise, no 1, avril 2007.
18 Assemblée nationale, Enquête sur la tragédie rwandaise, op. cit., t. I, p. 258.
19 Filip Reyntjens, lettre à Bernard Cazeneuve, « Objet : précisions complémentaires sur les missiles SA 16 »,
10 décembre 1998 [fgt] ; lire aussi Jacques Morel, La France au coeur du génocide des Tutsis, op. cit., p. 421-422.
20 « Rwanda : l’énigme de la “boîte noire” », Le Monde, 28 juin 1994.
21 Christophe Boltanski, « Rwanda : l’homme qui en savait trop », Le Nouvel Observateur, 12-18 mars 2009, p. 30 ;
Jean-François Julliard, « Un Barril de poison nommé Rwanda », Le Canard enchaîné, 12 février 2014.
22 Philippe Brewaeys, Rwanda 1994. Noirs et blancs menteurs, op. cit., p. 69-70, 74-75 et 86-87.
23 Jean-Louis Bruguière, « Délivrance de mandats d’arrêt internationaux. Ordonnance de soit-communiqué »,
17 novembre 2006 [fgt] ; Philippe Bernard, « Wikileaks : en France, l’enquête sur le Rwanda était suivie en haut
lieu », Le Monde, 9 décembre 2010.
24 Jacques Morel et Georges Kapler, « Un juge de connivence ? », art. cité ; Rafaëlle Maison et Géraud de La Pradelle,
« L’ordonnance du juge Bruguière comme objet négationniste », Cités, no 57, 2014.
25 Jean-François Dupaquier, L’Agenda du génocide. Le témoignage de Richard Mugenzi, ex-espion rwandais, Paris,
Karthala, 2010, chap. 10.
26 Christophe Boltanski, « Rwanda : l’homme qui en savait trop », art. cité.
27 Rafaëlle Maison et Géraud de La Pradelle, « L’ordonnance du juge Bruguière comme objet négationniste »,
art. cité ; « Entente diplomatico-judiciaire entre Paris et Kigali ? », RFI, 21 novembre 2008.
28 Claudine Oosterlinck et al., « Destruction en vol du Falcon 50 Kigali (Rwanda) », rapport d’expertise, tribunal de
grande instance de Paris, 5 janvier 2012 [fgt].
29 Ibid. ; DGSE, fiche particulière no 18502/N, « Rwanda : Précisions sur la mort des présidents rwandais et
burundais », 11 avril 1994 [fgt] ; Philippe Brewaeys, Rwanda 1994. Noirs et blancs menteurs, op. cit., p. 113-114.
30 Guillaume Ancel, Rwanda, la fin du silence. Témoignage d’un officier français, Paris, Les Belles Lettres, 2018,
p. 230.
31 Ibid., p. 227-228 ; Guillaume Ancel, « Il faut rechercher les éjecteurs des missiles », Billets d’Afrique et d’ailleurs,
no 238, septembre 2014, disponible sur Survie.org.
32 Général d’armée aérienne Jean Rannou, lettre au général Mourgeon, « Équipement de l’avion présidentiel rwandais
lors de l’attentat du 6 avril 1994 », 15 juin 1998.
33 Jean-Claude Lefort, note à Bernard Cazeneuve, no 19, 20 octobre 1998 in « Notes du député Jean-Claude Lefort,
membre de la Mission d’information parlementaire », La Nuit rwandaise, no 2, avril 2008, p. 234-246 [fgt].
34 Général Jean Rannou, audition à huis clos par la Mission d’information parlementaire.
35 DGSE, fiche particulière no 18942/N, « Rwanda : Responsabilités de l’attentat », 4 juillet 1994.
36 Conférence de presse du GIR à l’ambassade rwandaise en Éthiopie, 5 mai 1994, compte rendu par l’ambassadeur
belge Yves Haesendonck, télégramme diplomatique Addis-Abbeba, 5 mai 1994.
37 Témoignage de Brigitte Minaberry, épouse du copilote Jean-Pierre Minaberry, cité par Colette Braeckman,
Rwanda, histoire d’un génocide, op. cit. p. 174 ; Gabriel Périès et David Servenay, Une guerre noire, op. cit.,
p. 248-249 ; Jacques Collet, audition par l’auditorat militaire belge (Guy Artiges), 16 mai 1994, PV no 686.
38 Maria Malagardis, « Crash du 6 avril 1994 : les soupçons continuent de planer sur la France », Libération, 4 avril
2014.
39 Assemblée nationale, Enquête sur la tragédie rwandaise, op. cit., t. III, vol. 2, p. 194.
40 DGSE, fiche particulière no 18479/N, « Rwanda – Burundi : Réactions à 10 heures du FPR à l’annonce du décès du
président Habyarimana », 7 avril 1994.
41 DGSE, fiche particulière no 18491/N, « Rwanda : analyse de la situation à 12 heures », 8 avril 1994.
42 Ibid.
43 DGSE, fiche particulière no 18502/N, « Rwanda : précisions sur la mort des présidents rwandais et burundais »,
11 avril 1994.
44 DGSE, fiche particulière no 18593/N, « Rwanda : chronologie des événements », 2 mai 1994.
45 DGSE, fiche no 18615/N, « Rwanda : responsabilités de l’attentat », 10 mai 1994 ; DGSE, fiche particulière
no18964/N, « Rwanda : attentat contre le président Habyarimana », 5 juillet 1994.
46 DGSE, fiche no 19031/N, « Rwanda : Responsabilités de l’attentat », 12 juillet 1994 ; DGSE, fiche no 19261/N,
« Rôle du colonel Bagosora dans les heures qui ont suivi l’attentat du 6 avril 1994 », 22 août 1994 ; DGSE, fiche
no 19328/N, « Rwanda : au sujet des exactions des extrémistes hutus avant la disparition du Président
Habyarimana », 5 septembre 1994.
47 DGSE, fiche no 19404/N, « Hypothèse du Service sur les responsabilités de l’attentat contre l’avion du président
Habyarimana », 22 septembre 1994 [fgt].
48 Colonel Théoneste Bagosora, in La Marche du siècle, Jean-Marie Cavada, France 3, 21 septembre 1994, 43e minute
[fgt].
49 DGSE, fiche no 19404/N, « Hypothèse du Service sur les responsabilités de l’attentat contre l’avion du président
Habyarimana », 22 septembre 1994 [fgt].
50 Ibid.
51 Pierre Péan, Noires fureurs, blancs menteur. Rwanda 1990-1994, Paris, Mille et une nuits, 2005, p. 327.
52 DGSE, fiche no 95118/N, « Rwanda : Au sujet de la mort de ressortissants français », 9 décembre 1994.
53 Entretien de François Graner avec le caporal-chef Stéphane Watelet, 21 janvier 2015.
54 Guillaume Ancel, Rwanda, la fin du silence, op. cit., p. 229-230.
55 Maria Malagardis, « Rwanda : trois fantômes et un mystère », art. cité ; Laure de Vulpian, « Le mystère Didot et
Maïer », France Culture, 7 décembre 2012.
56 Médecin en chef Michel Thomas [attribué à], « certificat de décès de Jean Maïer », Bangui, 13 avril 1994, cité par
Franck Dubus, « Les martyrs oubliés : adjudants-chef Maïer et Didot », Fayaoué magazine, no 66, décembre 2006
[fgt].
57 Maria Malagardis, « Rwanda : trois fantômes et un mystère », art. cité.
58 Ibid.
59 Grégory Ingelbert, « Lorrains originaires du bassin de Briey tués au Rwanda en 1994 : le mystère demeure » et
« Photos. Lorrains tués au Rwanda en 1994 : un mystère sans fin », Le Républicain lorrain, 11 décembre 2018.
60 Jean-Claude Lefort, note no 17 à Bernard Cazeneuve, 20 octobre 1998, in « Notes du député Jean-Claude Lefort,
membre de la Mission d’information parlementaire », art. cité [fgt].
61 Marie Boëton, « Attentat de 1994 au Rwanda, la piste française bientôt explorée ? », La Croix, 16 décembre 2014.
62 Fabrice Arfi et Fabrice Lhomme, « Le juge Trévidic dénonce : “Le dispositif sur le secret défense n’est pas
constitutionnel” », Mediapart.fr, 24 février 2011.
63 Marc Trévidic, « L’attentat du 6 avril 1994 », Le 7/9, France Inter, 3 juillet 2015.
64 Jean-François Julliard, « Les trous de mémoire de la France au Rwanda », Le Canard enchaîné, 14 décembre 2016.
65 DGSE, fiche no 16053/N, « France – Belgique – Rwanda : Au sujet de l’assassinat du Président Habyarimana »,
14 novembre 1995.
66 Guillaume Ancel, Rwanda, la fin du silence, op. cit., p. 227-228.
67 Entretien de François Graner avec un témoin anonyme.
68 Raymond Bonner, « Unsolved Rwanda Mystery: The President’s Plane Crash », New York Times, 12 novembre
1994 ; Andreani, télégramme diplomatique Washington 3286, 13 novembre 1994.
69 Entretien de François Graner avec un témoin anonyme.
70 Patrick de Saint-Exupéry, « France-Rwanda : dangereuses liaisons », Le Figaro, 31 mars 1998.
71 Paul Barril, Guerres secrètes à l’Élysée, Paris, Albin Michel, 1996, p. 176.
72 Assemblée nationale, Enquête sur la tragédie rwandaise, op. cit., t. I, p. 220.
73 Colette Braeckman, « L’avion rwandais abattu par deux Français ? », Le Soir, 17 juin 1994 [fgt].
74 La lettre de Thaddée est publiée en fac-similé dans Rapport d’enquête sur les causes, les circonstances et les
responsabilités de l’attentat du 06/04/1994 contre l’avion présidentiel rwandais Falcon 50 no 9XR-NN [dit
« Rapport Mutsinzi »], 20 avril 2009, p. 107 [fgt].
75 États de service de Pascal Estevada.
76 Père Guy Theunis, dans Assemblée nationale, Enquête sur la tragédie rwandaise, op. cit., t. III, vol. 1, p. 153.
77 Jean-François Julliard, « Les trous de mémoire de la France au Rwanda », art. cité.
78 Filip Reyntjens, manuscrit de Rwanda. Trois jours qui ont fait basculer l’histoire, été 1995 [fgt] ; Filip Reyntjens,
lettre au juge Damien Vandermeersch, 2 août 1995 [fgt].
79 Filip Reyntjens, manuscrit de Rwanda. Trois jours qui ont fait basculer l’histoire, été 1995, note 40 p. 26 [fgt].
80 Colette Braeckman, « L’épopée tragique des paras belges au Rwanda », Le Soir, 3 novembre 1995 ; entretien de
François Graner avec Colette Braeckman, 10 février 2014.
81 Filip Reyntjens, Rwanda. Trois jours qui ont fait basculer l’histoire, Bruxelles et Paris, Cahiers africains / Afrika
Studies no 16, L’Harmattan, 1995, note 28 p. 28.
82 Réponse faite oralement à François Graner le 13 février 2014.
83 Entretien de François Graner avec Colette Braeckman, 3 mars 2016.
84 « Exécution solde militaire Dami Panda », 8 décembre 1993 ; états de service de Claude Ray.
85 « Répertoire téléphonique », Mission d’assistance militaire à Kigali, 3 janvier 1994.
86 États de service de Claude Ray.
87 Jean-François Julliard, « Les trous de mémoire de la France au Rwanda », art. cité.
88 Nicolas Renucci, vice-procureur, parquet du tribunal de grande instance de Paris, « Réquisitoire définitif aux fins de
non-lieu », 10 octobre 2018 [fgt].
89 Entretien de François Graner avec Sylvie Minaberry, 25 juin 2014.
90 Sylvie Minaberry, entretien avec Jean-François Dupaquier, 7 juin 2012, cité dans Jean-François Dupaquier,
Politiques, militaires et mercenaires français au Rwanda, op. cit., p. 404.
91 Ibid.
92 Ibid.
93 Entretien de François Graner avec Sylvie Minaberry, 25 juin 2014.
94 François Graner, « L’attentat du 6 avril 1994 : l’hypothèse de tireurs et/ou décideurs français vue à travers les textes
des officiers francais », La Nuit rwandaise, no 8, avril 2014, p. 65.
95 Ordre d’opérations Amaryllis, 8 avril 1994, in Assemblée nationale, Enquête sur la tragédie rwandaise, t. II
« Annexes », op. cit., p. 345 [fgt].
96 Général Raymond Germanos, Ordre d’opérations de Turquoise, 22 juin 1994, ibid., p. 386.
97 « Le monde selon Hubert Védrine », France Culture, 13 janvier 2012 [fgt].
98 Paul Barril, interviewé au Journal de 13 heures, France 2, 28 juin 1994 [fgt].
99 Philippe Lendepergt, dans Carole Caumont, Patrice Pelé, Dernière, France 2, 28 juin 1994 [fgt].
100 Assemblée nationale, Enquête sur la tragédie rwandaise, op. cit., t. I, p. 258.
101 Ibid., p. 233-234.
102 Rapport d’enquête sur les causes, les circonstances et les responsabilités de l’attentat du 06/04/1994 contre l’avion
présidentiel rwandais Falcon 50 no 9XR-NN, [dit « Rapport Mutsinzi »], 20 avril 2009, p. 86-91. Lire aussi Jean-
François Dupaquier, L’Agenda du génocide, op. cit., p. 275-295.
103 Abdul Joshua Ruzibiza, Rwanda. L’histoire secrète, Paris, Panama, 2005.
104 Philippe Bernard, « Wikileaks : en France, l’enquête sur le Rwanda était suivie en haut lieu », art. cité.
105 Lire Rafaëlle Maison et Géraud de La Pradelle, « L’ordonnance du juge Bruguière comme objet négationniste »,
art. cité.
106 Gabriel Périès et David Servenay, Une guerre noire, op. cit., p. 245.
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