Fiche du document numéro 2677

Num
2677
Date
Vendredi 3 avril 1998
Amj
Auteur
Fichier
Taille
20518
Pages
2
Titre
En 1994, 50 000 morts à Bisesero
Sous titre
Un rapport révèle l'horreur d'une tuerie au Rwanda.
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Lieu cité
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Quatre ans après le génocide, les collines de Bisesero sont encore
jonchées de crânes et d'ossements. Ici, sur les hauteurs vertes de
Kibuye, le chef-lieu de préfecture du Rwanda qui comptait le plus de
Tutsis avant le 7 avril 1994, s'est joué un épisode unique de
l'histoire du génocide rwandais. Trois mois durant, des milliers
d'hommes, de femmes et d'enfants armés de pierres et de machettes ont
opposé une résistance désespérée aux assauts de militaires, de
miliciens et de civils armés. Ici, à côté des dépouilles des milliers
de Tutsis massacrés du début d'avril à la fin du mois de juin, gisent
celles de leurs bourreaux.


L'épilogue de cette résistance héroïque est sinistre. Quand le 26
juin, des soldats français de l'opération Turquoise arrivent à
Bisesero, les survivants se risquent à sortir des buissons et des
ravines malgré la présence, aux côtés des Français, de miliciens en
armes. Les militaires français leur promettent de revenir dans trois
jours. Ils tiendront leur promesse. Mais les miliciens seront plus
rapides. Les réfugiés sont à découvert, épuisés par trois mois de
lutte et de privations. Près de un millier d'entre eux seront exécutés
entre le 26 et le 30 juin.


Il est difficile de comprendre pourquoi, après avoir été informés de
la gravité de la situation, ils (les Français, ndlr) n'ont pas laissé
derrière eux quelques soldats qui auraient pu protéger les réfugiés
pendant qu'ils allaient chercher des renforts, écrit l'ONG African
Rights, qui publie aujourd'hui un rapport sur Bisesero. Rapport est un
mot trop sec. Les témoignages, les photos des survivants, la liste des
noms des victimes, font de ce document un mémorial. La liste est
incomplète, beaucoup de morts resteront anonymes. 50 000 Tutsis furent
tués sur les collines de Bisesero, où se tient la semaine prochaine la
quatrième commémoration officielle du génocide.


L'histoire s'ouvre sur un visage, celui de Simon Karamanga, regard
perdu dans un monde qui n'existe plus. Quand Tutsis, Hutus et Twas,
l'ethnie minoritaire du Rwanda, fuient ensemble vers les collines,
Simon est élu par la communauté pour assister Aminadabu Birara, un
Abasesero désigné pour organiser la résistance. Les Abaseseros sont
des éleveurs qui ont appris à se défendre depuis les premiers
massacres de Tutsis, en 1959, 1962 et 1973. Quand les tueries
commencent, le 7 avril 1994, les Tutsis de la région convergent vers
Bisesero pour se mettre sous la protection des guerriers.
Aminadabu, tué vers la fin du génocide, et Simon organisent les
troupes. Lors des attaques, au lieu de fuir, ils se tentent de
dissuader les miliciens d'utiliser les grenades. Ils tuent au bâton,
tandis que femmes et enfants lancent des pierres. Mais les assauts se
répètent, les troupes s'amenuisent. Vers le 20 avril, Hutus et Twas
abandonnent les Tutsis. Femmes et enfants ne courent pas assez
vite. Ils seront les premières victimes. A chaque fois, les
assaillants reviennent avec de nouvelles armes, fournies notamment,
selon les témoignages recueillis par African Rights, par l'homme
d'affaire Obed Ruzindana, actuellement en procès au Tribunal
international pour le Rwanda à Arusha.


Fin juin, quand quatre véhicules militaires français passent sur la
route, il ne reste, sur les 50 000 réfugiés des collines, que 2 000
personnes. Eric sort de sa cachette, demande de l'aide. Les Français
refusent d'écouter, influencés par les miliciens hutus qui les
accompagnent. Eric insiste, montre les corps. Les Français ont des
moyens de communication, des armes. Mais ils partent, malgré les cris
et les supplications. Quand ils reviendront, il reste moins de mille
survivants. Traumatisés, quand les militaires leur demanderont s'ils
veulent rester sous leur protection ou passer derrière les lignes du
FPR, ils préféreront partir. Les soldats se sont alors fâchés et ont
arrêté de nous donner à manger, raconte Léoncie.


Tous les organisateurs du génocide de Bisesero ont fui le Rwanda en
juillet 1994. Quatre d'entre eux sont détenus à Arusha. Les autres
sont toujours en liberté.
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fgtquery v.1.9, 9 février 2024