Fiche du document numéro 26320

Num
26320
Date
Dimanche 12 avril 2020
Amj
Auteur
Fichier
Taille
129186
Pages
10
Urlorg
Titre
3 RDC/Rwanda : Les mots de la guerre civile
Soustitre
26 ans après le génocide des Tutsi, 10 ans après le « Rapport Mapping », les nouveaux visages du négationnisme et de la haine. Afrikarabia publie aujourd’hui le troisième d’une série d’articles sur les enjeux politiques actuels de la paixdans l’Afrique des Grands Lacs. L’aspiration des peuples à la bonne gouvernance, à la liberté et à la prospérité, reste obérée par les calculs subalternes de politiciens prêts plonger leurs pays dans le chaos pour s’emparer du pouvoir. L’amnésie sur le génocide des Tutsi du Rwanda constitue toujours un problème en RDC.
Source
Type
Blog
Langue
FR
Citation
Après l’élection présidentielle truquée de décembre 2018 et l’investiture de Félix Tshisekedi le 24 janvier 2019, Martin Fayulu et ses partisans n’ont pas tardé à lancer une campagne de contestation aussi bien en RDC qu’à l’étranger. Les Congolais sont sous pression politique depuis plusieurs années. Autant sinon plus que les pressions de la communauté internationales, le risque de guerre civile avait finalement convaincu Joseph Kabila de passer la main. Cependant, la légitimité de Félix Tshisekedi s’avère des plus fragiles. L’une des plaies héritées de l’ancien régime est l’agitation de groupes rebelles dans l’Est de la RDC, provoquant traumatisme, extrême pauvreté et colère des populations concernées.

Les violences n’ont pas cessé au Nord-Kivu, alimentées par une série de mouvements armés fluctuants, quasi-insaisissables. Les plus mystérieux, les plus incontrôlables sont les groupes armés ougandais des Allied Democratic Forces (ADF ou ADF-Nalu) et leurs satellites. Mais pour les leaders populistes, c’est plutôt « l’ennemi intérieur » qui permet de mobiliser les fantasmes et les haines. Au Sud-Kivu, la communauté des Banyamulenge, supposée « tutsi », harcelée dans le passé, va retrouver son rôle de bouc-émissaire.

Les Banyamulenge ciblés comme l’ennemi intérieur



C’est en février 2019 que recommencent les violences contre les Banyamulenge. Rapidement on compte des centaines de morts et des milliers de déplacés. Il a suffi de gratter une allumette car le terrain est hautement explosif. Une grande variété de groupes armés nationaux et étrangers s’est implantée au pourtour des hauts plateaux. Il y a une coalition d’éléments Maï-Maï des groupes ethniques Babembe, Bafuliro et Banyindu, dirigée par les Maï-Maï Yakotumba. On y trouve aussi les restes des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR), un mix de continuateurs et d’« héritiers » des anciennes Forces armées rwandaises (FAR) et des Interahamwe.

Occasionnellement apparaissent des Forces de défense nationale du Burundi et les Imbonerakure, la milice raciste anti-tutsi du CNDD-FDD , le parti au pouvoir à Bujumbura. D’autres groupes burundais sont présents, telle la Résistance pour un état de Droit au Burundi (RED Tabara). Des groupes rwandais liés au RNC (Rwanda National Congress) du général Faustin Kayumba Nyamwasa, un des fondateurs du Front Patriotique Rwandais (FPR), chef d’état-major de l’armée rwandaise de 1994 à 2002, passé à l’opposition armée à Paul Kagame. Egalement un groupuscule de Paul Rusesabagina, l’ancien directeur de l’Hôtel des Mille Collines à Kigali durant le génocide, immortalisé par le film « Hôtel Rwanda ». La branche armée de son organisation, le Front de libération nationale (FLN) a mené plusieurs attaques dans la région de Nyungwe, au Rwanda, frontalière avec le Burundi et la République démocratique du Congo, avant d’être décimée. Les survivants se seraient placés sous la protection de Faustin Kayumba Nyamwasa, quoique tutsi. L’Armée patriotique rwandaise mènerait des incursions ponctuelles et discrètes pour capturer ou éliminer des chefs rebelles hostiles à Kigali. Il faut aussi mentionner la présence de différents groupes armés opportunistes mus davantage par le pillage que par une idéologie.

De son côté la communauté des Banyamulenge s’est divisée malgré les menaces. Deux groupes rivaux s’en prévalent, Gumino et Twirwaneho.

« Paul Kagame n’est pas la solution, c’est lui le problème »



La plupart des groupes rebelles, à l’exception de ceux du général Nyamwasa et des représentants des Banyamulenge, ont un slogan fédérateur : tuer les « Tutsi prétendument congolais », ou les forcer à fuir vers le Rwanda. Et désigner Paul Kagame, le chef de l’Etat rwandais, comme le grand Satan à l’origine des malheurs du Congo. Un slogan qui convient parfaitement à la communauté rwandaise « pro-génocide » en exil. « Si nous voulons réellement la paix en République Démocratique du Congo et dans la région des Grands Lacs, neutralisons Paul Kagame », relaye l’abbé Thomas Nahimana, un Rwandais réfugié en France, dans une lettre ouverte à divers chefs d’Etat : « Au Kivu comme dans toute la Région des Grands Lacs, mis à feu et à sang ces vingt-cinq dernières années, la situation de violence permanente n’est pas confuse, comme celles et ceux qui font les malins voudraient nous le faire croire. Nous savons bien évidemment quel est le problème et quelle en serait la solution. Nous savons très exactement pourquoi tant de groupes armés pullulent en République Démocratique du Congo, y semant la mort et menaçant la sécurité de tous les pays de la région. () Paul Kagame n’est pas la solution, c’est lui le problème. »

Adolphe Muzito : « Déclarer la guerre contre le Rwanda »



A diverses occasions, Martin Fayulu a adopté un discours plus allusif, mais qui vise aussi les Banyamulenge, qualifiés de Tutsi, et le Rwanda. Désigner un ennemi intérieur pour tenter de revenir sur le devant de la scène ? Selon le journaliste du Monde Joan Tilouine, « il s’estime lâché, trahi, sacrifié, comme un politicien peut-être trop pur, sans doute un peu naïf, qui feint de découvrir le cynisme de la realpolitik. Un peu déboussolé, Martin Fayulu se cherche, s’efforçant de rester sur le devant de la scène, de ne pas disparaître. » On peut se demander lequel des deux est le naïf.

Au journaliste Michel Taube qui l’interroge pour Opinion Internationale le 17 décembre 2019, Martin Fayulu résume : « La diaspora congolaise est droite dans ses bottes et réclame la vérité des urnes. Elle accuse Felix Tshisekedi d’être la cause de la misère actuelle du Congo, elle réclame des institutions légitimes. J’ai aussi rencontré des élus des Parlements et des décideurs clés français et européens qui gèrent les affaires africaines dans les pays visités : tout le monde est préoccupé par le chaos qui s’accroît au Congo. Nous allons récupérer notre patrie. C’est la condition du redressement du pays. » Etait-ce la raison de sa présence au colloque du 2 décembre à l’Assemblée nationale française? Martin Fayulu a besoin de cautions internationales. Qu’il soit photographié et filmé dans des temples occidentaux de la démocratie ne peut qu’impressionner les Congolais et donc servir sa cause.

« Il faut les tuer et manger leurs vaches »



Le 23 décembre, trois semaines après le colloque parisien, c’est Adolphe Muzito, le principal lieutenant de Fayulu, qui prend le relai. Il s’exprime lors de sa première conférence de presse comme coordonnateur de la plateforme Lamuka. Et appelle la RDC à déclarer la guerre contre le Rwanda qu’il accuse d’être derrière les violences armées dans l’est du pays.

La déclaration de Muzito n’est pas une surprise pour ceux qui suivent sur le terrain l’actualité de la RDC. Depuis le début de l’année 2019 les réseaux sociaux congolais se livrent à une surenchère de haine anti-tutsi et anti-Kagame, relayée sur Twetter et WhatSapp. Et comme ce discours semble plaire aux masses, les fans de Fayulu embrayent. Ainsi Homer Bulakali, cadre de l’Union pour la Nation Congolaise (UNC) et député provincial du Sud- Kivu (élu de la circonscription de la ville Bukavu). Le 30 novembre 2019, il s’apprête à prononcer un discours incendiaire lors d’un grand rassemblement populaire dans le cadre des activités de la redynamisation de son parti. La scène se passe à Baraka dans le territoire de Fizi. Le député Bulakali sait qu’il va commettre une transgression, il a donc interdit l’accès du rassemblement aux journalistes. Mais selon un enregistrement audio partagé par un participant, il appelle les membres de communautés Babembe, Bafuliro, Banyindu à se lever comme un seul « groupe » pour attaquer les Banyamulenge « envahisseurs », à mettre à mort ou piller leur bétail : « ils ne sont pas des Congolais et par conséquent, il faut les tuer et manger leurs vaches ».

« Tuez un Tutsi, tuez un Tutsi ! »



Lors d’une réunion publique dans la même ville de Baraka plus d’un mois après l’exhortation de Bulakali, des jeunes locaux ont appelé à se mobiliser pour lutter contre les « Banyarwanda » [les Rwandais] jusqu’au dernier homme debout.
De nombreux appels incitent à la violence et aux massacres des Banyamulenge. Dans un message audio largement diffusé entre octobre et décembre 2019, l’orateur qui utilise ce qui est selon toute vraisemblance le kiswahili katang, a déclaré : « Mes frères Babemba [sic] à Fizi, Uvira, Kalemie, Moba, Rutchuru, je n’ai pas grand-chose à dire. Soyons tous fermes derrière le général Yakotumba. Les Banyamulenge ne sont pas congolais. Ce sont des Tutsi du Rwanda… les Inkotanyi. Les Minembwe hauts-plateaux ne sont pas un Tutsiland, ils appartiennent au peuple congolais ! J’appelle tous les Wabemba, Warega et Bashi à unir leurs forces et à lutter contre les Tutsi du Rwanda. Ne montrez donc aucune pitié ! Les Inkotanyi sont des démons ! Ce sont des sorciers! Frappez-les durement ! Choisissez une machette et tuez un Tutsi. Tuez tous les Tutsis Banyamulenge ! Utilisez des machettes et tuez-les tous, afin que nous puissions récupérer la terre de nos ancêtres ! Aucun Tutsi ne restera au Congo ! Tuez un Tutsi, tuez un Tutsi ! »

Condamner les discours de haine



En octobre 2019, Abdoul Aziz Thioye, directeur du Bureau des droits de l’homme des Nations Unies en RDC, a dénoncé « des discours incendiaires et des récits dangereux sur des questions d’identité mais aussi d’appartenance nationale », et a mis en garde les acteurs impliqués contre d’éventuelles conséquences judiciaires.

François Grignon, Représentant spécial adjoint par intérim du Secrétaire général pour la protection et les opérations à la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO), a été destinataire d’un verbatim de ces messages, car la leçon des « Médias du génocide » du Rwanda n’est pas perdue pour tout le monde. Le 13 novembre 2019, il a condamné le « discours de haine documenté dans certains médias et sur la médias sociaux contre les populations congolaises banyamulenge ». Il s’engage à travailler avec le gouvernement pour que les responsables des propos incendiaires soient traduits en justice. Ca ne semble pas impressionner ces derniers.

« Paul Kagamé, bourreau du peuple congolais. »



B. Boketshu, « le prophète de la nation » continue à publier des vidéos haineuses très suivies. Dans l’une d’entre elles datée du 26 décembre 2019, il déclare : « Le jour du jugement approche, Dieu marchera sur tous les Tutsis de la ville de Kinshasa, tous ces Tutsis occupant des positions importantes dans [notre] pays, attention, nous allons vous tuer ! »

Les propos d’un illuminé qui ne représenterait que lui-même ? Adolphe Muzito a été Premier ministre de Joseph Kabila durant trois ans, il sait le pouvoir des mots. Pour Muzito, afin de « régler la situation, il faut faire la guerre au Rwanda. Si nous voulons contrôler l’est de la République, il faut faire la guerre au Rwanda. Pour faire la guerre, il faut une armée, il faut un pouvoir fort, avec de bonnes finances [et] occuper le Rwanda. À la limite, annexer le Rwanda au Congo ».

Le 8 octobre 2019, sur son blog (Réveil FM International) du site Mediapart, le journaliste Fredy Mulongo (basé en Europe) invoque les mânes de Mobutu : « Le mépris du peuple congolais dure et va-t-il durer encore combien de temps ? 20 ans d’occupation rwandaise, 12 millions de morts, des femmes enterrées vivantes à Makobola, Mwenga, Kasika, des enfants pillés dans des mortiers par des soldats rwandais, des femmes éventrées, d’autres inoculées par le virus du VIH, des massacres des populations civiles sans défense, en Ituri, Beni, Butembo… Depuis sa nomination électorale, Tshilombo a fait d’Alias Kabila, son partenaire. Le fils de Tshisekedi est ami-ami avec Paul Kagamé, bourreau du peuple congolais. »

Retour du mythe d’un « empire Tutsi-Hima »



Adolphe Muzito a tenté d’atténuer son propos : « Quand je dis faire la guerre au Rwanda, c’est une posture qui à un moment donné peut s’avérer nécessaire si dans l’entre-temps, les choses ne se normalisent pas. Ce n’est pas un objectif en soi ». Cet ancien Premier ministre de Joseph Kabila passé au camp de l’opposition semble chercher désespérément, lui aussi, à frapper l’opinion publique congolaise. Martin Fayulu s’est gardé de désavouer son lieutenant.

En toile de fond, la rumeur complotiste diffusée par des génocidaires rwandais d’un projet de mainmise sur l’Afrique des Américains, des Anglo-Saxons ou, plus largement, des Occidentaux (mais curieusement, jamais de la France) par un « empire Tutsi-Hima » qui serait représenté par les Banyamulenge en RDC. Une théorie reprise par Adolphe Muzito pour légitimer une guerre contre le Rwanda permettant « son annexion ». Une vidéo postée sur YouTube le dit : « Les Banyamulenge ne sont pas intéressés par la cohabitation pacifique, les Banyamulenge veulent prendre le contrôle de nos terres et utiliser le coltan du Kivu pour construire des voitures dans l’usine Volkswagen que leur partenaire allemand a construit au Rwanda ».

Une autre théorie du « Grand Remplacement » ?



Les appels à la guerre d’ Adolphe Muzito se greffent sur un fond de nouvelles flambées de violence dans la région de Beni. Les massacres qui s’y poursuivent depuis cinq ans (bien après les « incidents » inventoriés par le rapport « Mapping ») sont attribués aux rebelles des ADF. Personne ne peut sérieusement prétendre que ces Ougandais sanguinaires aient des visées territoriales. Mais les postures martiales de Fayulu et Muzito donnent le ton. Fin décembre, en visite à Beni le cardinal Fridolin Ambongo, archevêque de Kinshasa, décidait d’alerter les Congolais sur un risque de « balkanisation » : « Ce sont des actes réfléchis, planifiés… Le constat montre clairement que l’objectif de tous ces comportements c’est la balkanisation de notre pays Cela se vérifie à travers le remplacement de la population déplacée par des populations généralement rwandophones ou ougandophones et cela se complique ». Fayulu emploie souvent ce même terme de balkanisation pour se poser en héraut de l’unité nationale. Le prélat partisan de Fayulu mesurait-il bien ses propos en dénonçant une sorte de « théorie du grand remplacement » appliquée à l’est de la RDC ? « Il appartient à notre gouvernement de déployer son arsenal diplomatique pour convaincre les pays voisins, particulièrement l’Ouganda, le Rwanda et le Burundi, d’arrêter de déverser ces populations au Congo », n’hésite pas à avancer le prélat.

Menace de nouvelle guerre depuis Munembwe assiégé



Fridolin Ambongo n’exprime pas, semble-t-il, l’opinion des habitants. Leur porte-parole le président de la société civile de Beni-ville, Kizito Bin Hangi accuse, lui, la communauté internationale et le gouvernement congolais de les avoir « abandonnés » à leur triste sort, et l’armée congolaise d’inefficacité. En janvier dernier, plusieurs massacres en pleine journée attribués aux ADF ont encore fait une centaine de morts dans le territoire de Beni. En février, ce sont des assaillants Maï-Maï qui attaquent avec des armes automatiques le poste de police de la localité de Mamové, toujours dans le territoire de Beni, causant une dizaine de morts et de nombreux blessés.

Les trompettes annonciatrices de guerre



Sur les hauts-plateaux du Sud-Kivu d’autres violences s’amplifient contre la communauté des Banyamulenge « ce qui laisse craindre un embrasement général », dénonce l’avocat de cette communauté, Me Bernard Maingain qui envisage de saisir la Cour pénale internationale. Une opération d’épuration ethnique qui ne dit pas encore son nom et dont les agitateurs tentent de faire diversion en agitant le spectre du « grand Satan » – le chef de l’Etat du Rwanda.

Une « action appropriée » contre les Banyamulenge



Des extrémistes installés en Europe soufflent sur les mêmes trompettes annonciatrices de guerres. Ainsi l’abbé Thomas Nahimana, installé dans la région du Havre (France), président de l’improbable « Gouvernement du peuple rwandais en exil », dont les brûlots visent tout particulièrement la communauté des Banyamulenge : « Il convient de bien noter que les appétits inassouvis de conquête de Monsieur Paul Kagame ne peuvent se réaliser qu’en manipulant et en s’aliénant une partie des ressortissants de son groupe ethnique pour en faire son cheval de guerre. Voilà pourquoi «la cause de la minorité Banyamulenge », version congolaise de « la cause de la minorité Tutsi » du Rwanda et du Burundi est à prendre au sérieux pour mieux en comprendre les tenants et les aboutissants. » Cet étrange abbé a troqué son missel pour un bréviaire de la haine aux formules racistes rôdées depuis longtemps : « Il est certainement temps que les Bantous se réveillent et comprennent dans quels sales draps ils se retrouvent en face d’un Paul Kagame organisé, bien armé, prêt à détruire encore des millions de vies humaines pour sa propre convenance ! Une situation inédite impose une action appropriée, coordonnée et proportionnée. »

Les répercussions des discours de haine



Dans un message aux Congolais le président autoproclamé du « Gouvernement du peuple rwandais en exil » ajoute : « Le prix Nobel de la Paix dernièrement décerné à votre compatriote Denis Mukwege est sans aucune ombre de doute le signe prophétique des temps nouveaux, le temps de grâce accordé aux vrais bâtisseurs de paix. »

En 1994 au Rwanda, les exterminateurs de Tutsi invoquaient l’assentiment de la Vierge de Kibeho. Avec malheureusement un certain succès de propagande.
« Près de 60 personnes sont déjà tuées et beaucoup de disparus et des blessés, près de 300 têtes des vaches volées ou en débandade dans la forêt, plus de vingt-trois villages et plusieurs champs brûlés », a écrit début mars Henock Ruberangabo, président national de la communauté Nyamulenge, dans une lettre ouverte au chef de l’Etat.

Dans cette région des hauts plateaux du Sud-Kivu, tout comme dans le Nord-Kivu, l’armée congolaise et la Monusco ne parviennent pas à contrôler la situation. Des milliers de familles fuient. « Les habitants de nombreux villages dont Kisombe, Bigalagala, Kabingo, Kinyokwe, Irumba ont abandonné leur domicile et convergent vers Minembwe-centre » relatent les journalistes Lubunga Lavoix et Justin Mwamba.

Selon Congomikili qui dénonce un vaste complot international contre les Congolais, les morts, les villages incendiés, les foules de déplacés, c’est la faute des Banyamulenge et non l’inverse : « Les experts sur place nous apprennent que un accord récent entre Kagame, Ruberwa, et Félix Tshisekedi a conclu que toute la commune de Minembwe soit une fois pour toute donner (sic) seulement aux Banyamulenge protéger (sic) par l’armée Rwandaise. Donc en quelques sortes soit annexés (sic) au Rwanda. En échange Paul Kagame s’engage à aider Félix Tshisekedi à pacifier le reste de l’est du Congo. () Bientôt nous risquons d’être des colonisés dans notre propre pays. Non pas par les Belges cette fois-ci, mais par le Rwanda. »

Sous la plume de « Okinawa, Bouliste Politique », revoici la thèse du Grand remplacement, cette fois-ci appliquée à l’intérieur de la RDV par un « Grand Satan » : « Kagame est très malin, il sait bien que les Congolais sont depuis 1960 restés au stade tribale (sic), et ne pensent pas nation. Nous risquons de disparaitre, et devenir la honte africaine. 2 millions de Rwandais qui domine (sic) sur 80 millions de congolais ! Seul Kagame et tous ces complices Congolais ou Rwandais qui veulent asseoir pendant le mandat de Félix Tshisekedi leur domination sur 80 millions de congolais sont nos ennemis. Et nous n’allons pas baisser les bras, peut importe les moyens, c’est une légitime défense ! » Qui peut croire en ce slogan : « Rapport Mapping RDC : un instrument pour la fin de l’impunité » ? Et qui peut croire que l’expérience de la République Centrafricaine soit applicable à la situation en RDC ?

La légitime défense, c’était déjà l’argument des exterminateurs de Tutsi en 1994 au Rwanda, mais aussi celui des « Jeunes Turcs » pour faire disparaître les Arméniens de Turquie, et celui de Hitler vis-à-vis des Juifs. Il s’agit d’éléments de langage dont personne ne peut aujourd’hui ignorer les conséquences, mais dont les extrémistes congolais semblent avoir oublié la genèse : en 1994, le transfert au Zaïre, dans les bagages des fugitifs rwandais, d’une arme qui a échappé à la vigilance des douaniers : l’idéologie du génocide.

Notes



i Faustin Kayumba Nyamwasa se défend d’animer un groupe armé en RDC. Voir
http://www.rfi.fr/fr/afrique/20190222-rwanda-general-kayumba-nyamwasa-dement-groupe-arme-est-rdc

ii Le film Hôtel Rwanda réalisé en 2004 par Terry George relate l’histoire de Paul Rusesabagina de façon enjolivée, sur le modèle des épopées hollywoodiennes du Far West. Le rôle de « sauveur » de Rusesabagina a été ensuite fortement contesté. Cf. Alfred Ndahiro, Privat Rutazibwa, Hotel Rwanda ou le génocide des tutsis vu par Hollywood, Ed. de l’Harmattan, Paris, 2008.

iii Le Rwanda a réussi à capturer Callixte Nsabimana, dit «Sankara», le porte-parole du Front de libération nationale (FLN). Il a ensuite plaidé coupable de « formation d’un groupe armé irrégulier, complicité d’actes terroristes (…), prise d’otages, meurtre et pillage ».

iv « Neutralisation de Paul Kagame : condition sine qua non pour avoir la paix en RD- Congo et dans la Région des Grands Lacs »
http://www.france-rwanda.info/2019/11/neutralisation-de-paul-kagame-condition-sine-qua-non-pour-avoir-la-paix-en-rd-congo-et-dans-la-region-des-grands-lacs.html
Source : leprophete.fr

v Joan Tilouine « Ils ont assassiné l’Etat de droit » : en RDC, les illusions perdues de Martin Fayulu », Le Monde, 13/6/2019

vi https://www.opinion-internationale.com/2019/12/17/de-retour-a-kinshasa-entretien-et-reportage-exclusifs-avec-martin-fayulu-president-elu-de-rdc-republique-democratique-du-congo_69083.html

vii https://easterncongotribune.com/2019/12/07/bulakali-au-service-de-lunc/

viii Mais Moïse Katumbi et Jean-Pierre Bemba ont presque aussitôt diffusé un communiqué conjoint pour se désolidariser de cette proposition qu’ils qualifient de « thèse perfide » contenant des allégations « on ne peut plus gravissimes ».

ix Cf. http://afrikarabia.com/wordpress/rdc-une-mission-judiciaire-pour-faire-la-lumiere-sur-les-violences-a-minembwe/

x https://actualite.cd/2019/03/08/rdc-une-vingtaine-de-morts-dans-les-violences-communautaires-minembwe-sud-kivu

xi Sepela/Yeba « Urgent, Minembwe: Les banyamulenge et l’armée rwandaise massacrent les congolais, plusieurs morts et 140.000 déplacés. By congomikili July 9, 2019. (nous avons respecté l’orthographe du signataire, « Okinawa, Bouliste Politique, Ezui Ezui, la patrie ou la mort ! » Trouvé sur
https://congomikili.com/urgent-minembwe-les-banyamulenge-et-larmee-rwandaise-massacrent-les-congolais-plusieurs-morts-et-140-000-deplaces/
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