Fiche du document numéro 25439

Num
25439
Date
Jeudi 14 novembre 2019
Amj
Fichier
Taille
90721
Pages
2
Urlorg
Titre
Assises Bruxelles – « Le génocide, c’est uniquement un projet politique » (témoin)
Nom cité
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Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Jean-François Dupaquier, journaliste et auteur français, a livré sa vision du génocide rwandais, mercredi soir devant la cour d’assises de Bruxelles. « Le génocide, c’est uniquement un projet politique. Au Rwanda, ce projet politique remonte à longtemps. Au début, c’était un fantasme, une prophétie de Grégoire Kayibanda (président du Rwanda entre 1962 et 1973) », a-t-il notamment déclaré, parlant également d’une « forme de folie politique ». Fabien Neretsé, un rwandais de 71 ans vivant en France, est accusé devant la cour d’assises de Bruxelles de crime de génocide et de crime de guerre commis en 1994 au Rwanda. Il est entre autres suspecté d’être impliqué dans les meurtres d’une Belge, de son mari et de leur fille, à Kigali, le 9 avril 1994. Jean-François Dupaquier a été entendu comme témoin « de contexte » pour sa connaissance du Rwanda depuis les années 1970. Il a expliqué à la cour qu’il avait tout d’abord vécu à Bujumbura au Burundi, où il était enseignant. Il y a été témoin de l’extermination d’une élite hutue par l’armée, a-t-il dit. Peu de temps après, il a été témoin d’une chasse aux Tutsis qui fuyaient du Rwanda vers le Burundi.

Devenu ensuite journaliste en France, il a écrit plusieurs articles sur ce qu’il a vécu et entendu, « à une époque où le Burundi et le Rwanda n’intéressaient ni les éditeurs de presse ni le public », a-t-il dit. « Or, on voyait déjà les nuages à l’horizon de ces deux pays ».

A la question de la présidente de savoir si le génocide au Rwanda était prévisible, le témoin a répondu par l’affirmative. « Quand j’étais au Burundi en 1972-1973, des étudiants rwandais tutsis (exilés au Burundi) m’ont parlé du fait que les Tutsis restés au Rwanda étaient devenus des otages dans leur pays. Le président Grégoire Kayibanda prophétisait déjà la disparition de l’ethnie tutsie. Il avait déclaré que s’il y avait une incursion du FPR au Rwanda, tous les complices paieraient », a-t-il dit.

« Ça se passe de la même façon que la Shoah, par des discours de haine. On est coupable de naître Tutsi. Etre Tutsi, c’est mériter la mort », a poursuivi le témoin. « Le génocide, c’est uniquement un projet politique. Au Rwanda, ce projet politique remonte à longtemps. Au début, c’était un fantasme, une prophétie de Grégoire Kayibanda ».

Le journaliste, parlant de propagande, a également affirmé qu’un journal rwandais avait publié, en 1991, « les dix commandements du Hutu ». « Cet écrit disait notamment qu’il ne fallait pas épouser des femmes tutsies, que c’était introduire la traîtresse dans sa maison, qu’elles étaient des prostituées. Il ne fallait pas faire confiance aux Tutsis, il ne fallait pas les embaucher, il ne fallait pas les épouser… J’ai montré cet article au président Juvénal Habyarimana (président du Rwanda de 1973 au 6 avril 1994) alors qu’il était en France. Il m’a répondu: ‘monsieur, au Rwanda, ça s’appelle la liberté d’expression' », a relaté Jean-François Dupaquier.

Dans ce procès, Fabien Neretsé, un Rwandais de 71 ans résidant en France, est accusé de crime de génocide et de crime de guerre pour avoir, en tant que co-auteur, tué un nombre indéterminé de personnes, dont treize ont été identifiées et dont certaines étaient d’origine tutsie. Les faits s’étaient produits au Rwanda en 1994, durant le génocide des Tutsis et le conflit armé qui a opposé les Forces Armées Rwandaises (FAR) et le Front Patriotique Rwandais (FPR).

Fabien Neretsé est en particulier accusé d’avoir dénoncé, le 9 avril 1994 à Kigali, plusieurs personnes d’origine tutsie dans son voisinage du quartier Nyamirambo. Elles avaient été interceptées par des militaires alors qu’elles s’apprêtaient à quitter leurs maisons pour se réfugier dans un camp de la Mission des Nations Unies pour l’assistance au Rwanda (Minuar). Ceux-ci les avaient abattues. Parmi les victimes figuraient une Belge, Claire Beckers, son mari, Isaïe Bucyana, et leur fille Katia.

L’accusé est aussi suspecté d’avoir commandité des meurtres dans le Nord-Ouest du Rwanda, entre mai et juillet 1994. Selon l’accusation, Fabien Neretsé, en tant que personnalité influente à Mataba, son village natal dans la préfecture de Ruhengeri, avait créé, entretenu et financé une milice d’Interahamwe qui avait commis de nombreux massacres.
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